La sortie de la rentrée littéraire (2)

 

Pour les écrivains qui n’ont pas été baptisés à l’église de Saint-Germain ou/et adoubés par le grand rabbin de Copernic, les prémices du mois de septembre coïncident avec une lente mais inexorable descente en enfer d’où ils ressortiront au milieu du mois de décembre, essorés, exsangues, amers, épuisés, désillusionnés, désabusés, éreintés, écœurés, meurtris, vexés, hagards, ahuris de découvrir que leur livre s’est vendu à 323 exemplaires dont la plupart ont été achetés en douce par belle-maman et ses amies du cercle de lecture de la paroisse municipale de Savigny sur Clairis.

Ainsi que par une tripotée d’amis fidèles et compatissants qui, vous voyant décliner jour après jour, et sombrer dans une dépression profonde, ont organisé, un dimanche de pluie, dans leur résidence secondaire, un téléthon à vocation humanitaire pour écrivain en détresse, afin de réunir assez de fonds pour acheter, d’un coup d’un seul, une trentaine d’exemplaires de votre chef d’œuvre impérissable sur www.amazon.fr, ce qui a eu pour effet immédiat, de vous placer le temps de quelques précieuses nanosecondes, à la 38 525ème place des meilleures ventes du site, toutes catégories confondues. Sans oublier de laisser, en passant, quelques commentaires pertinents et d’une justesse inouïe qui vous ont émus jusqu’aux larmes, « un véritable coup de cœur écrit dans une langue qui n’est pas sans rappeler les meilleurs romans d’Anna Galvada «  signé Jacqueline N. qui n’est autre que votre bonne vieille tante de Bourg en Bresse qui a toujours su que son neveu en avait là dedans, ou encore, « un livre d’une justesse tout simplement bouleversante que j’ai littéralement dévoré « commentaire laissé par Pierre T., plus connu sous le même patronyme que le vôtre, vu que le Pierrot en question n’est autre que votre frère ou l’ombre de votre frère.

 

Depuis que votre roman plastronne dans toutes les bonnes librairies, vos journées commencent toutes par une recherche effrénée, grâce à l’entremise toute putassiere d’un maudit moteur de recherche, d’un article consacré à votre grand roman, recherche compulsive et mille dois répétée, qui se solde invariablement par l’humiliation suprême de lire sur l’écran imbécile de votre ordinateur gâteux, “ qu’aucun document ne correspond aux termes de recherche spécifiés “ et vous invite, en toute amitié, à vérifier l’orthographe des termes de recherche, juste au cas où vous ne vous souviendrez plus comment s’épelle votre nom, soit d’essayez d’utiliser d’autres mots, comme, écrivain raté, écrivain aucun article, écrivain roman rentrée littéraire désespéré, ou encore, ultime solution, d’employer des termes plus généraux, comme, écrivain suicide mode d’emploi, coût obsèques romancier nul.

 

Finalement, à bout, un peu honteux mais qu’importe, il en va tout de même de votre honneur, vous vous résignez à appeler votre attachée de presse dont le nom et le numéro de téléphone figure dans la trousse de secours délivrée par votre éditeur, soucieux de préserver votre santé mentale. A l’énonciation de votre nom bafouillé à toute vitesse, il se peut fort bien que la dite attachée de presse qui a autre chose à foutre que de parler à d’illustres inconnus, surtout en ces temps de rentrée littéraire, vous demande de répéter votre identité, ce que vous faites, en vous éclaircissant la voix, et en prononçant distinctement chaque particule de votre nom, ainsi qu’à toute fin utile, afin il ne subsiste aucun malentendu, le titre de votre roman. Si, après quelques secondes de silence glaçant, elle vous répond qui donc?, raccrochez et allumez directement le gaz. Si elle vous demande d’une voix un peu sèche, en écornant votre nom à coucher dehors, qu’est ce que je peux faire pour vous ? prétextez que votre chatte vient de succomber à une attaque de panique en apprenant que DSK s’apprêtait à revenir en France et que vous rappellerez plus tard.

Ceci dit, la plupart du temps, l’accueil sera des plus chaleureux, toute la maison d’édition étant déjà au courant que vos ventes sont aussi atones que les chances de Jean Marie Baylet de gagner les primaires du PS, que vous êtes passés en l’espace de trois semaines d’un triple A à un quadruple E, que malgré une campagne de presse agressive, les secrétaires des journalistes des services culturels de tous les journaux de la capitale ont répondu qu’ils se trouvaient tous en arrêt maladie, suite à la lecture de votre ouvrage. Sauf un, puisque votre attachée de presse vous annonce d’une voix toute tremblante d’émotion non retenue, que selon toute vraisemblance, dans le supplément littéraire de la gazette de la République du Centre Nord qui devrait sortir la semaine prochaine, un grand article vous est consacré, et que d’ailleurs, vous faîtes bien d’appeler parce que la journaliste, qui, à ses heures perdues, aide son mari d’agriculteur, à nourrir le troupeau de vaches de leur élevage bovin, aimerait connaître quelques éléments de votre biographie pour parfaire son article.

 

 

Ô Gloire, Ô Renommée, Ô Consécration. Sitôt raccroché, vous envoyez un mail collectif à toute la famille pour les avertir, que la roue est entrain de tourner, que vous êtes au seuil d’une ère nouvelle, que le brouillard a levé l’ancre, que les lendemains s’annoncent radieux, que chantonnent les rossignols, que belle est la vie, et les admonester de se précipiter, dés dimanche prochain, auprès de leur kiosquier préféré, se procurer un exemplaire de cette gazette qui fait autorité dans le milieu, vu qu’ils ont été les tout premiers à consacrer un article à Anna Gavalda, du temps béni où elle était encore une illustre inconnue.

Parfaitement.

 

17 commentaires pour “La sortie de la rentrée littéraire (2)”

  1. je ne sais pas, LS, votre billet. Conclusion? Pourquoi ne parle-t-on que peu de la production littéraire de 95% des auteurs en activité ? Parce que le potentiel industriel des échoteurs, critiques, animateurs d’émissions littéraires et autres putes verbales (Comme les appellait Romain Gary) tournent à plein sur la cinquantaine de noms de ce réseau arachnéen, cette galaxie de journalistes, éditeurs, auteurs, acteurs du milieu culturel, passant d’une casquette à l’autre selon les saisons. On parle des Gens Connus, entre gens connus, voilà tout. Et ce n’est pas nouveau : souvenez-vous de la manière dont Rubempré fait publier ses poèmes : Refusés lorsqu’il est inconnu, l’éditeur les publie dès qu’il devient journaliste. Et Les Illusions Perdues ont été écrites en 1836 ! Rien n’a changé, c’est une constante de ce monde-là, et j’avoue que je préfère ne pas y penser, filer des coups de pompe dans la table n’est pas se mettre dans le meilleur état d’esprit pour la journée. J’ajoute que j’ai eu beaucoup de presse pour mon premier roman sans savoir pourquoi, et deux fois moins pour le second que je pensais meilleur. Pour celui en cours, j’ai blablaté une heure avec un journaliste qui a gardé 10 lignes de citations, évidemment celles où je dis le plus de conneries, et à part quelques blogs, nada…(Mais mon AP me dit que ça va venir, avec un bon sourire de médecin palliatif) Tout cela est injuste, bien sûr, mais si un auteur souhaite qu’on parle de lui, l’allégeance au réseau culturel compassionnel bien pensant qui domine la presse littéraire en France et les ventes de livres, au moins entre 9eme et 17eme arrondissement me semble un pré requis. Aller boire des canons, Libé sous le bras, avec les auteurs Verticales peut permettre avec un peu de chance (Il faut avoir la tête et l’allure de celui qui est dans le Move, un carnet d’adresses germanocatin ou CAC 40 serait un plus apprécié) de se glisser aux Inrocks, même les pages de Télérama s’ouvriront à lui comme des pédales de marguerite dans l’enivrante fragance de la notoriété naissante…

  2. il faut nationaliser l’édition. Des quotas littéraires. 30 livres par moi maximum.

  3. L’avant dernière image du bandeau de votre blog, c’est Wim Wenders, Paris Texas, non ? Vous aimez aussi la musique de Ry Cooder ? Bien, bien, je commence à vous aimer, vous.

  4. vous avez mis le temps… Oui je confirme. 1 sur 9, c’est pas mal!

  5. 1 : Bob Dylan
    2 : marco van basten, période Mian AC
    4 : Rocheteau
    10 : Jacques Brel ?

  6. pour l’instant ca va… Attention il y a deux écrivains dans le tas, faudrait pas les rater. Ca ferait mauvais genre pour un écrivain. Vous allez encore perdre des lecteurs

  7. Si je perds des lecteurs, ça veut dire que maman est morte :-))

    La, je cale un peu… le 6 : Virginia Wolff qui s’amuserait à porter un chapeau ? le 8 : Faulkner ? Excusez la vignette est petite, et Steinbeck avait aussi une moustache…

  8. ah ah!!!!!
    Ca va pas de confondre Faulkner avec Steinbeck? ( oui c’est bien william )
    Virginia, avec des lunettes fumées, une raquette de tennis, la main sur la hanche… Voyons, voyons, un peu de sérieux.
    Un indice: la di da.

  9. Je cale pour les autres photos, même si la fille me dit quelque chose. Mais je vois mal Patti Smith avec une raquette de tennis, alors je me déballonne, tel le footballeur poussé vers la sortie qui dit que Sunderland, c’est un choix sportif.

    Bien, malgré la cagnard qui règne sur Paris, j’ai rejoins ma librairie non climatisée pour réceptionner Loin de Trop. J’ai acheté aussi un sac de bonbons, et un pack de flotte, pour donner de la densité à cette après midi moitasse, mais bon.

    Portez-vous bien, je réfléchis encore à la fille mystérieuse, je sais que lorsque je connaitrai son identité, elle ne m’intéressera plus.

  10. je suis en train de lire “Loin de quoi ?”, Vous vous plaignez, mais enfin, dès le chapitre un, vous rencontrez dans le bus une hollandaise qui a les lunettes de John Lennon tatouées sur les fesses… Franchement, en prenant votre ticket de bus, vous auriez pu tomber sur pire comme compagne de hasard, un télévangéliste, François Beyrou en voyage d’étude, un représentant en aspirateurs à l’haleine fétide…

    Le rencontre avec l’attaché culturel, je ne veux pas savoir si elle est vraie, mais brillant exercice, monsieur Martirovisch !

  11. Francois Bayrou a le postérieur tatoué???

  12. Ah… La 6 : Janis Joplin ? je vous dit ça, on en parlait sur Arte hier soir.

    je ne comprends pas cotre ostracisme vis à vis des arrières gauche (page 80).

  13. oubliez les chanteuses…

  14. pour les photos du bandeau, la réponse a déjà été donnée dans un autre sujet

    aujourd’hui c’était fermé, mais demain je vais voir si le livre est dispo dans ma bibliothèque municipale^^

  15. Madame H, faites juste l’effort de l’acheter, vous savez ou pas que les auteurs sont scandaleusement peu rémunérés, 90% du prix de vente d’un livre file entre des mains aussi voraces qu’inconnues, et avec ce qu’il reste, le plumitif n’a même pas accès à quelque chose de gouleyant à boire, à peine un café, et debout au comptoir. Et je vous parle de l’édition brochée, un Poche c’est à peine une demi baguette. En outre, rien ne vaut l’odeur du livre neuf, vierge.

  16. Cher bernard, veuillez ne pas importuner pas mademoiselle H avec vos considérations bassement financieres!

  17. inutile de me flatter…:) je suis une gentille taquine, bien sûr je l’achèterai, il est sur ma liste

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