Dimanche matin, les héritiers de Dario Moreno se sont réveillés avec une méchante gueule de bois, aussi intense que les bouchons au tunnel de Fourvière, un week end de départ en vacances. Ils pensaient avoir toucher le gros lot avec l’attribution de la Coupe du Monde au Brésil, assurés de vendre comme des petits pains la ritournelle favorite de leur grand oncle, l’indémodable si tu vas à Rio/ n’oublie pas de monter la haut/ dans un petit village/ caché sous les fleurs sauvages. Ils s’étaient même dit qu’avec un peu de chance, les bleusbite de blanc la choisiraient pour leurs séances de motivation d’avant match, la murmurant en silence, dans la touffeur des couloirs menant à la pelouse, entre deux je vous salue Marie et trois quand j’aurai un marteau, j’irai voir la Mecque, et la gueuleraient à tue tête, dans les vestiaires cariocas après avoir vaincu des ritals dévitalisés, des hollandais en retrait et des allemands à l’amende.
Sauf que l’autre soir, l’autre empaffé de Gronaldo, en pleine cure de réintoxication, lors du traditionnel bidouillage trifouillage cafouillage des bouboules, a usé plutôt de la veuve poignet en obligeant nos braves petits gars de Clairefontaine à se coltiner, dans sa version originale, les aventures de Don Quichotte de la Mancha et de son fidèle valet Sancho Pancha, lequel Sancho en apprenant la bonne nouvelle, chevauchait déjà Rossinante afin de rendre visite à son commanditaire en gel auto fixant, pour une livraison de quelques containers, dans la baie de Rio.
En ayant eu vent de la nouvelle dans sa retraite cévenole, entre deux parties de pétanque et la traditionnelle séance de karaoké dédiée comme tous les samedis soirs à Francis Cabrel, Laurent Blanc, qui n’est pourtant pas, aux dernières nouvelles, le neveu apparenté de Dario, a grincé des dents en chantonnant, noir c’est noir, il n’y plus d’espoir, avant de s’en aller écrire à Don Blatter une rageuse missive, lui expliquant, d’une écriture serrée, que remiser l’équipe de France, au regard de son histoire, dans le deuxième chapeau, équivalait à un crime de lèse majesté, et qu’en conséquence de quoi, il se voyait dans l’obligation de le provoquer en duel, le 15 aout au matin, à Zurich, dans le cimetière de Fluntern, situé juste en face su siège de la Fifa, au niveau des tombes de James Joyce et d’Elias Canetti.
Don Blatter a sorti son cigare, convoqué sa secrétaire perchée jusque là sous son bureau, occupée à découvrir les villages reculés de la Suisse Romande, et tout en contemplant le toujours ravissant lac de Zurich en contrebas, a dicté mon très estimé Laurent Blanc, je comprends fort bien votre désarroi devant ce tirage qui, j’imagine sans peine, a dû vous provoquer effroi et émoi, mais de grâce, me faudra-il vraiment pour vous ramener à la raison, convoquer de bien pénibles souvenirs, en vous rappelant que lors de l’euro 2002, la France a emprunté, dés les quarts de finale, la sortie de secours, battue par des grecs mêmes pas rasés, qu’en 2008, elle a eu juste le temps de visiter le Prater de Vienne et sa Grande Roue, et qu’en 2010… disons, pour faire court, elle n’a jamais trouvé le chemin qui mène au stade, bloquée à l’arrière d’un bus tombé en panne d’essence.
Le football ne pardonne pas. La France passera donc par les barrages où, selon toute vraisemblance, elle devrait rencontrer l’Irlande. Ce sera un samedi soir au Stade de France. Il fera beau. Raymond sera dans les tribunes, Estelle sur la pelouse, Pierre Mènes dans les vestiaires. A la dernière minute du temps additionnel, Gourcuff marquera un but à la Madjer avec sa testicule gauche, Noël le Graet roulera une pelle à Carla Bruni, Thierry Rolland ira s’acheter un string pour bronzer sur la plage de Copabacabana et tout ce beau petit monde s’embarquera pour Rio, histoire de voir si vraiment dans un petit village, caché sous les fleurs sauvages…
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