On ne rigole plus à Libération. Depuis que la fin de l’été à pris ses quartiers d’hiver dans une retraite déjà pré-automnale, les couvertures du quotidien post prolétarien ne cessent de nous proposer en une des visages d’obscurs écrivains dont le commun des mortels, sauf toi cher lecteur, se fichent totalement et ignoraient jusqu’alors leur existence même. Que ce soit la tronche un tantinet agaçante de premier de la classe d’un Jonathan Franzen avec sa vague ressemblance avec le toujours propret Richard Gasquet ou celle d’un David Grossmann au sourire perpétuellement malicieux. Certes, le lecteur de Libé est supposé être moins ahuri que celui de France Soir, plus concerné par les affaires culturelles que celui du Parisien, et évidemment, intellectuellement supérieur au demeuré de service qui a besoin de sa lecture de l’Equipe et de connaître le résultat de Guingamp contre Istres pour bien commencer sa journée.
J’ai bien dit supposé. Ainsi je connais des gens qui ont accompli des études supérieures de premier plan, qui sont mêmes sortis major de l’Ena ou de Sciences Po sans jamais se douter que Victor Hugo avait écrit Crime et Châtiment, que Jim Jarmusch avait tourné Meurtre d’un Bookmaker Chinois, que Leonard Cohen avait signé l’album Highway 61 Revisited, que Marco Van Basten avait évolué à l’Inter de Milan ou que Lucien Freud était le neveu de Lacan.
Évidemment, de prime abord, l’être raffiné et cultivé que je suis depuis toute éternité, devrait s’ébaudir et applaudir des deux mains devant l’audace de ce choix rédactionnel. Même si prétendre que Jonathan Franzen possède des états de service le propulsant derechef comme le grand écrivain américain d’aujourd’hui et de demain me semble être pour le moins outrancier voire carrément mensonger, affirmation à mes yeux tout aussi suspecte que celle mettant, dans le cœur revigoré de supporters parisiens quatarisés, à niveau égal, Javier Pastore et Lionel Messi.
Sauf que je m’interroge. Est-ce vraiment la place d’un écrivain que de se retrouver en une d’un journal au prise avec l’actualité alors que la planète joue tous les jours à la roulette russe, que la bourse se suicide avant de ressusciter pour mieux s’étrangler le lendemain, que l’euro vacille sous la menace d’une faucille qui part en vrille, que Kadhafi roule en Ferrari quelque part dans le désert de Libye, que la belle Irene affole les sirènes, que Saint-Etienne a perdu contre Sochaux, qu’Arsène Wenger, vu du banc de touche, ressemble de plus en plus à Roger Gicquel annonçant la France a peur, que la Syrie rit de se voir mis au pilori des chancelleries, ou que Hollande et Royal chantonnent, comme au bon vieux temps, sous les fenêtres de Martine Aubry, la vache à mis le temps ?
Il faut se méfier des écrivains. Les meilleurs d’entre eux sont des idiots notoires. Des paysans de l’âme tout juste bon à labourer le champ désolé de leurs mélancolies inconsolables. Des égotistes patentés indifférents aux aléas du temps, imperméables aux règles qui régissent la vie en société, complètement et irrésolument absents et en dehors du champ des activités humaines. Des solitaires acariâtres et vaniteux qui ont compris depuis toujours que comme Faulkner l’écrivait dans le Bruit et la Fureur, « le champ de bataille ne fait que révéler à l’homme sa folie et son désespoir, et la victoire n’est jamais que l’illusion des philosophes et des sots. »
Ne demandez pas à un écrivain de comprendre le monde. Il a déjà du mal à comprendre comment respirer. Un écrivain intelligent, c’est à dire un écrivain capable d’appréhender dans sa globalité le monde qui l’entoure et de la mettre en équation par l’entremise de phrases plus ou moins intelligibles, cela s’appelle un philosophe. Et quand un philosophe s’essaye à la littérature, c’est un peu comme lorsqu’un arrière droit tente de partir en dribble le long de sa ligne de touche ou lorsqu’un avant centre se retrouve en position de dernier défenseur.
La plupart du temps, ça finit mal.
Bravo encore!
mais j’ai eu peur… http://www.youtube.com/watch?v=1wA3If87UhA
Votre dernier paragraphe se rapproche beaucoup de ce que dit Albert Camus sur la création littéraire dans Le Mythe de Sisyphe, en particulier lorsqu’il parle de la prétention de la “littérature d’explication” qui se donne pour tâche d’assener au lecteur une vision du monde au lieu d’en donner une image sensible.
Je sais. Camus m’a tout piqué. Il me doit tout.
Je m’en suis douté tout de suite, c’est flagrant. Sacré Albert.
Bon, demain, j’ai un dîner amical dans un bar qui diffuse ASSE- Girondins de Bordeaux. C’est la coupe de la ligue, l’équipe est décimée par l’absence des internationaux, vos avez vos chances et je ne vous en voudrais pas si ça tourne mal.
Z’êtes maso ou quoi? La coupe de la ligue m’enfin! J’aime beaucoup le terme diner amical. C’est comme cela qu’on appele qu’une interminable beuverie du côté de bordeaux? ( Des internationaux à Bordeaux??? Diantre. A part Plasil…)
m’est avis qu’il y a du beau footage de gueule ici !?
et ces allusions footbalistiques…
multiplier les crochets et autres passements de jambes pour destabiliser un pauvre défenseur, pourquoi pas, mais dès le rond central, cela risque de rendre le jeu illisible…
faites -moi plaisir, jouer plus simple.
s’il s’avérait que nous soyons d’accord quant aux qualités de Jonathan Franzen, pourriez-vous, pour parfaire ma culture littéraire, m’indiquer qui serait, selon vous, plus à même d’incarner le “grand écrivain américain d’aujourd’hui et de demain”…
D’aujourd’hui, Cormac Mac Carthy, Stephen Dixon, Richard Ford, Russel Banks, etc, etc, tricotent pas mal, ont un bon fond de jeu, une belle vision périphérique, des dribbles redoutables, des transversales toujours bien ajustées.
je ne suis pas sûre d’avoir saisi le fond/la complexité de votre pensée sur ce coup là ? il faut dire qu’avec un texte émaillé de footaises, je décroche vite… allez boudez pas, vous l’aurez aussi un jour la une de libé:)
PS : il ressemblerait plus à un Allen jeune et bien nourri qu’à Gasquet!
je trouve aussi! Je crois que j’étais parti pour écrire qu’a ce rythme là, Libe allait se suicider en beauté et puis je sais plus bien mais j’ai dérapé un moment… Enfin je voulais dire qu’à force de multiplier des unes sur des “artistes ” je suis pas bien sur que le lectorat va suivre. Une fois ca va…
Vous avez compris instantanément la philosophie de nos rencontres amicales. Celle-ci aura lieu à Paris, où je vis depuis 20 ans. C’est juste un dîner de “reprise de saison”, bien sûr, oublions le score.
@ Hannah. Félicitations pour le “footaises” que M. Laurent -macho Old School- Sagalovitsch, sûrement vexé par tant d’à propos, s’est empressé de ne pas relever.
A moins, qu’il ne soit sous le charme…
En tout cas, moi, je sens que ce jeu de mot va me faire ma journée…
Il vous en faut peu mon cher ami!
Multiplier des unes sur des “artistes ” ?
Mais Marcel Duchamp a mis un point final à l’art avec ses ready made.
Laurent, vous n’étiez pas au courant ! ?
mais qu’est ce qu’on va devenir alors? Le football est-il l’avenir de l’art?
mon cher ami s’adressait à mike!
laissez à chacun ses petits plaisirs
les jeux de mots libéllisés… a cup of tea, now… what else?
@mike;)
J’en ai une bien bien plus leste que footaises, mais à contenu très explicitement sexuel, et il n’est que 9h47 du matin (Paris Time)
LS, votre livre est arrivé, et je crois, non je suis sûr que vous avez le ticket avec la jeune assistante de mon libraire. Elle m’a confié avoir travaillé dans une librairie de Montreuil où vous fûtes invité à vous exprimer. La mignonne en garde un souvenir ému.
Dites moi vous passez beaucoup de temps chez votre libraire! Vous voulez que je vous recommande à l’assistante? Condoléances bordelaises, la saison va être longue je crains
Vu le mal de chien à se faire livrer du Sagalovitsch, j’y passe du temps ! Et ça me permet de jeter un coup d’oeil à ma petite pile, pister si ça part un peu !
C’était opération “portes ouvertes”, hier soir, je préfère encore que ce soit l’ASSE qui en profite.