Open Food Facts: de l’open data dans nos assiettes

Avant, aucune base de données sur les ingrédients et additifs des produits industriels n’était disponible ou exploitable pour les citoyens. Stéphane Gigandet, initiateur du groupe Manger Bloguer et du site Informations Nutritionnelles, a donc créé en mai 2012 Open Food Facts, pour lutter contre le manque de transparence des industries agro-alimentaires. L’idée, c’est de faire de l’open data dans nos assiettes, avec des infos brutes et disponibles pour tous, pour toutes les utilisations.

Chaque consommateur-citoyen peut prendre en photo les étiquettes des produits qu’il achète, puis renseigner la base de données sur les ingrédients, les additifs, la composition nutritionnelle et le lieu d’achat… Aujourd’hui, cette intelligente co-production de données alimentaires a déjà recensé 1700 produits, grâce à 135 contributeurs.

Données libres
Ces informations sont ensuite réutilisables et redistribuables comme bon nous semble, gratuitement. Des données qu’il est bon de pouvoir lire librement, parce que ce sont des informations d’intérêt général touchant à la santé publique, et parce que les choix alimentaires doivent être faits de manière éclairée…

Stéphane Gigandet, initiateur du projet, explique que l’objectif est de permettre aux consommateurs de «mieux décrypter les étiquettes», mais aussi de «faire réagir les industriels pour les encourager à faire mieux». Stéphane Gigandet aimerait aussi «comparer les compositions d’une région à une autre. On dit souvent que les yaourts sont plus sucrés dans les DOM-TOM, mais est-ce que c’est vrai?»

Open Food Facts permet donc de comparer les produits, de trouver les plus sains, ou ceux qui contiennent le moins de graisses, sels, additifs ou allergènes. Mais aussi de vérifier les allégations du genre «contient 25% de sucre/sel/gras en moins par rapport aux autres produits de la catégorie», pas toujours fondées…

Le site pourrait aussi «aider la recherche», en croisant ces données avec d’autres études. Mais Stéphane Gigandet précise que les usages de cette base de données sont à inventer, «les gens vont l’imaginer…». Une application I-phone et Androïd est en cours de construction…

Opération sodas
Associé à Owni et à Terra Eco, Open Food Facts a réalisé sa première grande opération de récolte participative de données du 18 au 24 juin: l’opération sodas. Stéphane Gigandet souligne qu’il était intéressant d’ «obtenir toutes les données dans une catégorie de produits. Et les sodas semblaient pertinents, avec leurs nombreux colorants et édulcorants…».

Le but était d’agréger le maximum d’informations sur les dizaines de sodas présents sur le marché, pour dresser un panorama de ces boissons et observer les différences éventuelles entre les grandes marques et les marques distributeurs, les ingrédients des boissons énergisantes, les quantités de sucre…

Quelques jours après la fin de l’opération soda, 60 millions de consommateurs dévoilait une inquiétante enquête sur les ingrédients cachés des sodas: des résultats sans doutes complémentaires de ceux d’Open Food Facts, puisqu’il s’agit d’analyses en laboratoire, pour une cinquantaine de sodas.

Pour Open Food Facts, le bilan est bon à la fin de l’opération: 160 sodas recensés, et 50 nouveaux contributeurs. Les informations recueillies sont désormais en train d’être exploitées et analysées par les rédactions d’Owni et de Terra eco, des diéteticiens et des nutritionnistes. Les résultats seront publiés prochainement, affaire à suivre!

Lucie de la Héronnière

Photo: Soda Pop Confusion/ Vox Efx via FlickCC License by

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Vers une alimentation multi-facettes?

Le Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture a publié la semaine dernière un document de travail sur l’évolution de l’alimentation en France, qui tente de faire la synthèse des principales sources disponibles.

Portrait de consommateur
Tout d’abord, l’auteure, Céline Laisney, dresse un panorama des tendances lourdes actuelles… La part du budget alimentaire baisse (même si la dépense absolue augmente). Ce poste de dépense est défavorisé par rapport aux loisirs ou aux nouvelles technologies. Mais c’est aussi parce que les besoins physiques en nourriture sont limités… En même temps, la composition du caddie change. On mange beaucoup moins de pain et de pommes de terre qu’un 1970, et beaucoup plus de légumes. On boit moins de lait frais, mais on engloutit beaucoup plus de yaourts… Mais les inégalités alimentaires subsistent. La part du budget consacrée à l’alimentation reste plus importante chez les ménages les plus pauvres.

Les plats préparés, aliments tout prêts ou surgelés représentent 45% des dépenses alimentaires en 2006. En parallèle, les Français mangent de plus en plus à l’extérieur. Enfin, les lieux d’achat se diversifient, entre supermarchés, hypermarchés, épiceries, supérettes, hard discount, marché…

Malgré tout, le «modèle français résiste», notamment au niveau des horaires (57% des Français sont occupés à manger à 12h30!) et de la convivialité: pour 67% des ménages, le fait de se retrouver ensemble est l’élément le plus important lors du dîner à domicile.

Tendances émergentes
Pour les années à venir, l’auteure prévoit une prolongation de l’«essor des labels». Le bio devrait se démocratiser, «du marché de niche au marché de masse». Cette consommation se fait déjà moins exceptionnelle, puisque 23% des français mangent bio au moins une fois par semaine. En même temps, l’attrait pour le local va se poursuivre.

On pense de plus en plus au bien-être animal. 75% des français sont prêts à payer un peu plus chers leurs œufs s’ils savent que les poules n’ont pas été élevées en cage. Cependant, il y a un «risque de crise de confiance devant la multiplication des labels». Deux tiers des Français pensent qu’il y a trop de labels pour les produits durables… Cela créé des risque de confusion, ou de rejet.

L’alimentation est aussi, selon Céline Laisney, écartelée entre le retour du plaisir de cuisiner et la médicalisation de la nourriture. 94% des français considèrent que se mettre aux fourneaux est une “source de plaisir et d’épanouissement”. Et en parallèle, «l’industrie agroalimentaire multiplie les promesses santé, par le biais notamment des alicaments».

En outre, Céline Laisney souligne une «déstructuration de l’alimentation» chez les jeunes, qui achètent beaucoup plus d’aliments transformés que leurs aînés. Déstructuration accompagnée par les «nouveaux concepts repas», comme les pasta box et Cie…

Cela pourrait amener à une rébellion contre les impératifs écologiques et nutritionnels, voire à une montée de mouvements  «contre-tendance», profastfood ou antibio… L’anti-politiquement correct de la bouffe, en quelque sorte. Autre conséquence envisageable, diamétralement opposée, un essor du végétarianisme.

Multi-facettes
Au final, on voit apparaître «un consommateur à plusieurs facettes, moins prévisible et moins cohérent que par le passé». Nous allons donc vers un «éclatement des modèles» et une sorte de polyalimentation. Car la consommation alimentaire «comme la consommation dans son ensemble, est le résultat de tiraillements entre les aspirations (éthiques, écologiques, etc.) et les contraintes (budgétaires, de temps) des individus. Ceux-ci sont soumis aux injonctions contradictoires de l’industrie agroalimentaire à travers la publicité et le marketing, de l’État à travers les recommandations nutritionnelles, et des professionnels de santé».

Les profils alimentaires se multiplient et ne sont pas figés, car «l’alimentation est au croisement d’aspirations contradictoires». Ces consommateurs plus mystérieux et changeants sont donc qui des «nouveaux défis pour les politiques nutritionnelles et alimentaires qui se mettent en place»…

Photo: knives forks and spoons/ lizjones112 via FlickCC License by

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Bien manger en Amazonie: des insectes et des plantes, ça vous tente?

Rien de tel qu’une petite pincée de termites vivants pour faire le plein de protéines… C’est ce qu’assure Milton Yumani, indien Tacana et spécialiste de la forêt amazonienne bolivienne.

C’est à plus de 240 kilomètres au nord-est de la Paz, sur les berges du fleuve Beni, dans la forêt amazonienne bolivienne, que Milton Yumani partage quelques uns de ses secrets. Des connaissances transmises de génération en génération par son grand-père botaniste, puis par son père. Des secrets révélés avec parcimonie afin de préserver ce joyau de verdure, qui ont permis aux indiens Tacana de survivre dans ce milieu aussi dangereux qu’étourdissant de beauté.

Quand la forêt me soigne, ou m’anesthésie

La balade gustative débute par une introduction aux plantes qui nous entourent: arbres géants, lianes meurtrières, arbres qui marchent… Milton tend la main et me donne un petit bourgeon vert. «Mâche-le mais surtout ne l’avales pas», me prévient-il. En quelques secondes, ma langue et mes joues sont anesthésiées. «Nous l’utilisons souvent contre les maux de dents. Nous plaçons ce bourgeon contre notre gencive et nous sommes apaisés», explique Milton.

Le bourgeon anesthésiant

Un peu plus loin, c’est une drôle d’excroissance que Milton ôte d’un tronc d’arbre avec sa machette. «Ca, c’est l’arbre de l’homme… On l’appelle comme ça à cause de sa forme», confie-t-il avec un petit sourire en coin. Milton en découpe l’extrémité à la forme phallique et patiente quelques minutes. Une crème blanchâtre finit par remonter et sortir de la tige. Une crème «magique» qui soigne les allergies, les piqûres d’insectes, et éloigne les moustiques.

L'arbre de l'homme

Quand la forêt me donne des forces… ou l’entomophagie

Puis vient le moment de goûter à la nourriture de la forêt. Outre les nombreux fruits comme l’açaï –un palmier dont les baies extrêmement nutritives font partie de l’alimentation de base des indiens– la forêt s’avère également être une précieuse source de protéines. Il suffit, pour les trouver, de débusquer un tronc d’arbre mort… l’un des mets favoris des termites.

Milton en saisit une pincée et dépose les minuscules insectes sur sa langue. «C’est très bon pour la vue», détaille-t-il en continuant à mâcher. J’en attrape une pincée à mon tour et la plonge dans ma bouche. Légèrement croustillants, les insectes présentent peu d’intérêt gustatif.

Milton et une colonie de termites

Il faut attendre le retour au camp pour éveiller nos papilles avec quelques curiosités locales, comme le vers de noix de coco. L’insecte s’insère dans de minuscules noix de coco en perçant un trou à travers la coquille, puis y reste plusieurs semaines, le temps de se nourrir de la chair de la noix de coco. Les Indiens récoltent alors les noix, les brisent et en extraient les vers de deux bons centimètres.

Des vers sautés à la poêle

Ils peuvent ensuite être cuisinés à la poêle avec des herbes ou simplement mangés vivants, et donc crus. Dans ce dernier cas, si la texture n’est pas très appétissante, le goût quant à lui rappelle celui du lait concentré avec une pointe de noix de coco. Pour les Indiens, ce sont d’agréables petites friandises.

Texte et photos par Maud Descamps

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Pourquoi les burgers sont-ils toujours plus beaux en photos que dans la réalité?

Photo: Capture d’écran de la vidéo McDonald’s

Vous ne vous êtes jamais demandés pourquoi le hamburger que vous commandiez au McDo ne ressemblait jamais à celui affiché au dessus des caisses du fast-food? C’est également la question qu’a posée Isabel M. à Hope Bagozzi, la directrice marketing de McDonald’s Canada, dans le cadre de la campagne marketing «Your Questions», rapporte le Telegraph.

Pour cela, elle va comparer deux cheeseburgers. L’un acheté dans le fast-food et celui qui est préparé dans le studio photos. Ou quand la transparence devient une opération marketing.

Dans le studio photo, on découvre un nouveau métier, celui de styliste culinaire, ce qui consiste, comme l’explique Street Press «à mettre en place les aliments avant qu’ils ne soient photographiés». On assiste à une véritable intervention chirurgicale. Dans le cas de notre cheeseburger, c’est-à-dire disposés les cornichons et les oignons à l’avant du burger, à l’aide d’une pince à épiler, instillé le ketchup et la moutarde à la seringue. Quant au fromage, ses coins sont fondus à l’aide d’un fer et le steak est à peine cuit pour paraître plus épais.

Mais même avec un styliste culinaire une personne lambda ne saurait pas prendre une photo aussi appétissante que celle que l’on voit dans les publicités de burgers. C’est là qu’entre en scène le photographe culinaire, celui qui saura trouver le meilleur angle et la luminosité qui mettra le plus en valeur le hamburger. Et si cela ne suffit pas il y a toujours Photoshop pour les retouches.

La directrice marketing ne peut s’empêcher de préciser que les ingrédients utilisés dans la séance photo sont les mêmes qu’au Mc Do. Pourtant comme le souligne Blisstree, elle ne fait que parler de produit quand elle parle du burger préparé par le styliste, ce qui est étrange quand on parle d’un plat, il aurait donc été intéressant de savoir si ce hamburger était mangeable.

Street Press, qui de son côté compare deux Big Mac (le classique et celui de la publicité) s’attarde un peu plus sur le déroulement du shooting:

«Une salade qui a été changée toutes les 5 minutes pour éviter qu’elle ne défraîchisse […] le beau pain rond parfait avec des grains de sésame également répartis, choisi parmi une centaine d’autres pains qui finiront à la poubelle.»

Pourquoi tant d’effort pour un pauvre hamburger qui sera avalé en trois bouchés? Comme l’explique Stéphanie Côté, d’Extenso, le centre de référence en nutrition de l’Université de Montréal : «On mange avec tous les sens, mais les yeux demeurent notre premier contact avec un aliment».

Si vous voulez d’autres comparaisons entre la publicité et la réalité nous vous conseillons le blog Alphaia, qui s’amusent à comparer la taille de différents burgers, tacos et qui constate également que les burgers des publicités McDo ne rentreraient pas dans leurs boîtes si on essayait.

D.D.

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La cuisine chinoise s’expose au Quai Branly

Lazy Susan, Installation vidéo, réalisation du collectif d’art numérique PLEIX, 2012

“Avez-vous mangé!” est le premier mot qui vient à la bouche d’un Chinois croisant un ami. Mieux qu’un banal “ça va?”, c’est peut-être une des preuves du “processus civilisateur en marche depuis plus de 7000 ans” en Chine, celui de cuisiner et savourer avec intérêt et raffinement. Depuis hier et jusqu’au 30 septembre, le Musée du Quai Branly à Paris présente l’exposition “Les Séductions du palais, cuisiner et manger en Chine”. Vaste pays, vaste programme. La nourriture est bien un des piliers de cette culture ancestrale.

En collaboration avec le Musée National de Chine, l’expo présente différentes vaisselles utilisées au cours des siècles, des services à thé, ustensiles, bols, coupes, vases, marmites, flasques… Pour parler de l’évolution des techniques employées, des traditions culinaires et des préparations typiques des régions chinoises. La citation de Claude Lévi-Strauss qui introduit l’expo, “toute nourriture est bonne à penser”, donne le ton. On va voir comment les comportements quotidiens expliquent des découvertes, des évolutions sociales, des charnières historiques.

On commence un parcours historique autour du foyer néolithique, entre 7000 et 2000 av. J-C. Les Chinois passent du cru au cuit, voire au mijoté, et introduisent de nombreux légumes dans leur alimentation. A l’Âge de bronze, l’alimentation s’enrichit avec un apport important de viande, tandis que la boisson (alcoolisée) est essentielle pendant une période. Plus tard, les découvertes archéologiques de la Chine classique montrent des banquets assez réjouissants, avec de la vaisselle en laque par exemple.

A l’époque médiévale, la vaisselle se fait précieuse et exotique, et des produits nouveaux débarquent en Chine (concombres, noix, sésame…). Avec l’introduction de la technique de la mouture, les Chinois commencent à fabriquer des petits pains, des gâteaux, des raviolis, plongés dans l’eau bouillante, très populaires et vendus dans la rue par des marchands ambulants. La street food du Moyen-Âge chinois!

Pendant l’âge d’or de la dynastie Tang, les excès ne sont pas rares et l’obésité est fréquente chez les aristocrates. Plus tard, pendant la dynastie des Song (960-1279), les auberges et la restauration se développent, la gastronomie devient un thème littéraire. La boisson évolue, le vin de céréale est très prisé tandis que le thé devient une boisson quotidienne. Enfin, au temps des derniers empereurs, le service de bouche est somptueux, des banquets gigantesques sont organisés.

Au fil de l’expo, on découvre des recettes mythiques appréciées par les différents empereurs, comme la “Fondue de faisan”, “l’oie farcie, rôtie dans l’agneau”, “le bouillon de poisson Song Sao”. Ou encore l’incroyable “Chien braisé dans un bouillon de tortue”, concocté avec 750 g de chien, 350 g de tortue, de l’anis, de la ciboule et du gingembre…

L’expo se termine par une hypnotisante installation vidéo, une dînette tourbillonnante, inspirée des tables tournantes des restaurants chinois. A voir, donc, jusqu’au 30 septembre au Quai Branly.

Lucie de la Héronnière

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Never Seconds: Martha réautorisée à photographier et bloguer ses repas à la cantine

Un repas de Martha, posté sur son blog Never Seconds

Il aura fallu moins de 24 heures! Moins de 24 heures pour que le conseil régional d’Argyll and Bute, en Ecosse, ré-autorise Martha Payne, une écolière de 9 ans, à prendre en photo ses repas à la cantine scolaire, qu’elle postait ensuite sur son blog.

Depuis début mai, Martha mettait en ligne chaque jour sur Never Seconds («jamais de rab») des photographies de ce qu’elle mange à l’école, avec le contenu de son plateau détaillé et noté: les aliments présents, le nombre de bouchées qu’elle a prises (pour mesurer les portions), si le repas était sain, s’il était bon, son prix, et même le nombre de cheveux retrouvés dedans (heureusement, 0).

Le blog est rapidement devenu viral, a été repris dans de nombreux médias nationaux et internationaux, a encouragé des enfants du monde entier à lui envoyer des photos de leur propre déjeuner scolaire, et a permis de récolter des dons pour Mary’s Meals, une association qui nourrit des enfants africains à l’école.

Mais ce jeudi 14 juin, elle avait posté un billet expliquant qu’elle arrêterait parce qu’elle n’avait plus le droit de prendre des photographies, «à cause d’un gros titre de la presse aujourd’hui». Son père avait rajouté quelques mots, précisant que l’école de Martha avait été super et les avait soutenus, et que c’était le Argyll and Bute Council, le conseil régional, qui avait décidé d’interdire ces photographies.

S’est alors mise en marche une armée d’internautes, notamment après l’article de Wired sur ce sujet, qui ont contacté le conseil régional via son site web pour se plaindre et ont tweeté sans relâche @argyllandbute leur mécontentement (Martha a également pu bénéficier du soutien du chef anglais Jamie Oliver, et de ses 2 millions de followers). Ils ont aussi fait grimper les dons pour Mary’s Meals, qui sont passés de 2.500£ à 11h ce vendredi 15 juin à plus de 16.000£ à 14h15, soit le double de ce que Martha tentait de récolter, et de quoi construire au moins deux cuisines d’après ses calculs.

Résultat, le conseil a d’abord mis en ligne un communiqué sur le sujet, expliquant:

«Le conseil régional réfute les attaques non méritées contre son service de restauration scolaire, qui ont culminé avec des gros titres dans la presse nationale qui ont fait craindre aux employés la perte de leur emploi. Le conseil a évité de critiquer directement qui que ce soit impliqué dans le blog “never seconds” pour des raisons évidentes, bien qu’il estime que l’information qui y est présentée ne montre pas correctement les options et les choix qu’ont les élèves. Mais cette escalade veut dire que nous devons protéger nos employés contre la détresse et le tort que ce blog leur causait.

En particulier, les photographies sur le blog semblent ne représenter qu’une fraction des choix offerts aux élèves, une décision a donc été prise pour arrêter que des photos soient prises dans la cantine scolaire.»

Le communiqué a fait plus de mal que de bien au conseil. Des internautes ont ainsi calculé que Martha avait, par ses notes, donné une moyenne de 7,59/10 à sa cantine (en se baladant sur les billets de la blogueuse, on voit des repas qu’elle apprécie d’ailleurs particulièrement). D’autres ont noté que Martha n’avait jamais dit qu’elle publiait la totalité des options disponibles, mais simplement son plateau, et que le conseil aurait eu tout intérêt à demander à la famille Payne de rajouter un lien vers le menu complet de la journée, ou à encourager d’autres élèves à publier des photos de leur plateau pour une plus grande diversité, ou encore à prendre lui-même des photos et à les publier ailleurs.

Très rapidement, le directeur du Conseil Roddy McCuish, interviewé par la BBC, a déclaré avoir demandé à ce que l’interdiction de prendre des photographies soit immédiatement levée, affirmant qu’il n’y avait «aucune place pour la censure» dans le conseil et qu’il n’y en aurait jamais.

Toute l’histoire est un bel exemple d’Effet Streisand: quand vous essayez de censurer quelque chose sur Internet, vous risquez fort de vous retrouver avec le résultat inverse, la cause en question –et votre tentative de censure– étant relayée partout.

C. D.

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Neverseconds: Martha blogue sur sa cantine scolaire, on lui interdit de prendre des photos

Un repas de Martha, posté sur son blog Never Seconds

On vous a beaucoup parlé des cantines scolaires françaises sur Quand l’appétit va. On ne pouvait que vous relater une jolie initiative ailleurs dans le monde qui –pour l’instant– se termine mal. Depuis début mai, l’Ecossaise Martha Payne, 9 ans, a ouvert un blog où elle poste tous les jours des photographies de ce qu’elle mange à l’école, avec le contenu de son plateau détaillé et noté: les aliments présents, le nombre de bouchées qu’elle a prises (pour mesurer les portions), si le repas était sain, s’il était bon, son prix, et même le nombre de cheveux retrouvés dedans (heureusement, 0).

>> Mise à jour: Martha a été réautorisée à photographier ses repas et à bloguer!

Never Seconds («jamais de rab») est devenu viral très rapidement, et des médias comme le Time Magazine, le Telegraph ou le Daily Mail ainsi que de nombreux blogs consacrés à la nourriture en ont parlé. Des enfants, ou des adultes déjeunant dans des cantines scolaires, se sont mis à lui envoyer des photos de leur repas, notés, depuis Israël, la Californie, l’Espagne ou le Japon. Martha a même eu l’idée d’encourager les gens à faire des dons à Mary’s Meals, une organisation caritative qui permet de payer des repas scolaires à des enfants en Afrique.

[Mise à jour: avec la polémique autour de l’arrêt forcé du blog de Martha, sa page de dons pour Mary’s Meal a explosé les compteurs. Elle voulait lever 7.000£. Ce vendredi 15 juin, les dons sont passés de 2.500£ à 11h à plus de 16.000£ à 14h15! Soit l’équivalent d’au moins deux cuisines, d’après ses calculs.]

Martha, qui signe ses posts «Veg», a même eu droit à l’attention de Jamie Oliver, le chef anglais qui a fait évoluer la nourriture scolaire en Angleterre grâce à une série d’émissions télévisées. Il lui a envoyé une copie dédicacée d’un de ses livres en l’encourageant à continuer.

Sauf que Martha risque de ne pas continuer, comme le rapporte Wired. Ce mercredi 14 juin, elle a posté un billet expliquant:

«Ce matin en cours de maths on m’a fait sortir de la classe pour m’emmener dans le bureau de ma prof principale. On m’a dit que je ne pourrai plus prendre de photos de mes repas à la cantine à cause d’un gros titre de la presse aujourd’hui.

J’écris seulement mon blog, pas des journaux, et je suis triste de ne plus avoir le droit de prendre de photos. Ça va me manquer de partager et noter mes repas, et de voir les photos des vôtres également.»

Son père –qui l’a aidée à créer le blog mais ne gère pas son contenu, précise Wired– a rajouté quelques mots, précisant que l’école de Martha avait été super et les avait soutenus, et que c’était le Argyll and Bute Council, le conseil régional, qui avait décidé d’interdire ces photographies. Plusieurs médias britanniques tentent de contacter ce conseil.

Dans ses premiers billets, les repas de Martha n’étaient pas fameux: une croquette de pomme de terre et une part de pizza, peu de légumes, de quoi inquiéter son père (et ses lecteurs). Elle a rapidement été interviewée par la BBC locale, en même temps qu’une représentante de la région affirmant que Martha faisait de «mauvais choix» à la cantine et qu’il y avait bien sûr toujours des tomates cerises et autres salades disponibles, ce à quoi Martha a répondu qu’elle n’en avait jamais vu. Les tomates cerises sont apparues avec l’attention médiatique, et grâce au blog les enfants ont appris qu’ils avaient le droit à autant de pain, de fruits et de salades qu’ils le voulaient (apparemment ça avait toujours été le cas mais ils n’étaient pas au courant, et pensaient notamment qu’ils devaient finir leur assiette s’ils voulaient avoir droit à un fruit).

Comme le note Wired, «on s’angoisse pour réussir à rendre les enfants enthousiastes à propos de la nourriture saine, à faire qu’ils ne préfèrent pas ce qui est mauvais pour eux, qu’ils ne gâchent pas ce qui est bon pour eux […] et voilà qu’une enfant, par sa propre créativité et curiosité, fait tout ça, et enthousiasme des enfants dans le reste du monde. Et voilà qu’on la réprimande. Insupportable».

Wired encourage les internautes à écrire au Argyll and Bute Council sur leur page de contact, ou à leur parler sur Twitter. Sur le réseau social, des dizaines de messages sont envoyés à @argyllandbute par minute, par des gens énervés de leur décision. Des centaines de commentaires encouragent Martha à continuer sans photographie (mais, comme elle l’expliquait un jour où elle avait oublié son appareil, elle ne trouve pas juste de noter un repas que ses lecteurs ne peuvent pas voir), en dessinant par exemple.

C. D.

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Trompez votre boucher, devenez “carnivore infidèle”

Si vous vous nourrissez essentiellement de légumes, de fruits, de céréales et de légumineuses, mais que vous ne vous faites pas prier pour un bon barbecue ou quelques tranches de saucissons à l’apéro, vous êtes sans doute un peu flexitarien. Un mot qui vient de l’anglais flexitarian, «végétarien qui mange occasionnellement de la viande», néologisme approuvé en 2003 par l’American Dialect Society.

L’idée du flexitarisme est donc de réduire la consommation de viande, sans la faire disparaître tout à fait, en prenant en compte les bénéfices pour la santé et la planète. Un beau livre de cuisine est sorti cette année à ce sujet: Les Carnivores Infidèles, 60 recettes végés pour tromper votre boucher, publié aux Editions Cardinal. L’auteure canadienne, Catherine Lefebvre, n’est pas végétarienne, elle prône plutôt la modération et l’équilibre et explique dans l’introduction que «le but de ce livre est de mettre fin aux fausses idées à l’égard du végétarisme, d’arrêter d’avoir peur du tofu et de ses acolytes et d’essayer de manger un peu moins de viande, moins souvent».

Catherine Lefebvre est nutritionniste, auteure, conférencière et blogueuse. Grande voyageuse, elle sait que la viande n’est pas toujours la base de la cuisine du monde… Elle sait aussi expliquer les bénéfices de la diminution de la quantité de viande. En rappelant notamment que la production de viande engendre 18% des gaz à effet de serre. Et en montrant, exemples à l’appui, qu’on trouve aussi du fer et des protéines dans une alimentation sans viande…

De bien belles recettes donnent envie de tromper son boucher plus souvent. Il s’agit de créations, concoctées spécialement pour ce projet par des collaborateurs, amis, blogueurs ou journalistes: «humus des bois», «conte de féta», «risotto saignant», «guacamole nippon et pitas piquants»… Le chapitre «ils n’y verront que du feu» est particulièrement intéressant à cuisiner, avec par exemple des «faux fish n’chips et véganaise», la «côte de tofu grillée au whisky». Ou encore un «chili sin carne pour machos»… J’ai testé le «burger avec pas d’viande». Bien sûr, on ne retrouve pas le goût d’un steak saignant, même si de loin l’apparence est presque la même. La garniture est une sorte de galette aux haricots rouges, avec des champignons, du parmesan et du piment. Figurez-vous que c’était très bon (surtout avec un gros morceau de Morbier pour remplacer le fromage à burger).

Une cuisine végétarienne goûteuse et pas fade est donc un bon moyen de réduire doucement la consommation de viande, sans renoncer à vie à la côte de boeuf… Les Québécois ont plein d’autres idées pour développer le flexitarisme, comme par exemple le Lundi sans viande

Lucie de la Héronnière

Photo: Une gentille viande saignante/ Олександр via FlickCC License by

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Le sucre nous rend-il accros?

 

Plus on mange sucré, plus on en veut et plus on a faim, selon le Guardian. Par sucre, il faut entendre le «fructose» industriel, présent dans la plupart des aliments industriels, notamment les aliments et les boissons sucrés. Ceci pourrait également expliquer les pics d’obésité dans l’ensemble des pays.

Rien qu’en France, «près de 15% de la population adulte est obèse. La prévalence était de l’ordre de 8,5% il y a douze ans», selon le plan obésité 2010-2013 du ministère de la Santé. Selon l’article du quotidien britannique, ce n’est pas parce que nous mangeons plus ou parce que nous faisons moins d’exercices, mais parce que nous sommes devenus accros au sucre.

C’est ce qu’a constaté le nutritionniste Anthony Sclafani, de l’université de New York, sur ses rats de laboratoire: lorsque ces derniers mangent des aliments industriels, leur appétit pour les aliments sucrés devient insatiable. Or selon la revue scientifique Nature [article payant] le sucre est «l’un des principaux coupables de cette crise sanitaire mondiale» car il est lié à l’augmentation des maladies non transmissibles (diabète, obésité, maladies cardiovasculaires, cancers).

Selon David Kessler, l’ancien directeur de l’agence alimentaire gouvernementale des Etats-Unis, la FDA, la métabolisation du sucre par l’intestin et par conséquent par le cerveau, le rend très addictif, comme le tabac ou l’alcool. A Londres, le docteur Tony Goldstone essaie d’identifier quelles parties du cerveau sont stimulées pendant ce processus. Et selon lui, les obèses ont une hormone (la leptine ou «hormone de la faim») qui cesse de fonctionner et la consommation de sucre à haute dose est l’une des raisons principales de ce dysfonctionnement. Cette hormone, quand elle fonctionne, est celle qui vous dit d’arrêter de manger. Quand elle ne fonctionne pas, votre corps ne se rend pas compte que vous devez cesser de manger.

Cette découverte soulève une grande question: l’industrie alimentaire était-elle au courant que ses produits étaient addictifs? Et que vous alliez toujours en vouloir plus? Kessler donne une réponse prudente: 

«Comprenaient-ils la neuroscience? Non. Mais ils ont appris au travers de la pratique ce qui marchait.»

L’industrie alimentaire s’est toujours défendue en expliquant que la science ne prouvait pas sa culpabilité. Comme Susan Neelu, présidente de l’American Beverage Association (un lobby des boissons sucrées):

«Il y beaucoup d’efforts afin d’établir une causalité, et je ne crois pas avoir vu une étude qui l’établissait.»

Selon Kelly Brownell, professeur à l’université de Yale, la science le prouvera bientôt et nous sommes à quelques années des premiers procès qui ne verront pas l’’industrie alimentaire l’emporter.

D. D.

Photo: Sugar/ Uwe Hermann via FlickCC License by

A lire aussi sur Slate.fr:

» Les bactéries de l’obésité

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L’homme qui vivait sans huile de palme

Adrien Gontier, 26 ans, est chimiste. Depuis juillet 2011, il traque l’huile de palme partout, pour vivre sans ce gras contesté pour ses dommages sur la santé et l’environnement. Considérée comme moins chère par les industriels, elle est très utilisé dans l’alimentation (biscottes, biscuits, pâte à tartiner…). Adrien Gontier raconte ses tribulations sur son blog, Vivre sans huile de palme, avec des chroniques rigoureuses, scientifiques, et très drôles.

Pourquoi vous-êtes vous lancé ce défi ?

A la base, j’étais déjà assez sensibilisé à ce que je consommais, citoyen attentif sans être vraiment militant. Un jour, j’ai eu une discussion avec des amis, ils ne connaissaient pas l’huile de palme. Le lendemain, j’ai lu un article dans Courrier International sur une journaliste qui avait vécu un an sans Made in China. Et j’ai eu un déclic… J’ai donc commencé mon année sans huile de palme et ses dérivés en juillet 2011, pour faire un bilan à ce sujet, dénicher l’huile de palme où elle se cache et réfléchir à la manière dont on peut s’en passer.

Pourquoi avez-vous choisi l’huile de palme comme élément à éliminer ?

L’huile de palme a des conséquences sur la santé qui dépendent des antécédents de chacun, et aussi provoque des problèmes sociaux et environnementaux. Mais cette démarche est surtout un bon moyen de se poser des questions pour mieux consommer de manière générale. Les industriels ne vont pas arrêter l’huile de palme du jour au lendemain. C’est la même chose pour beaucoup d’autres problèmes, la déforestation, la surconsommation. Je me demande par exemple aussi s’il est normal de jeter un tiers des aliments produits…

Comment ça se passe dans la vie courante pour éviter l’huile de palme ?

En fait, c’est un processus, je dois chercher beaucoup d’infos, je suis plutôt en année de transition car l’huile de palme se cache partout. Je l’élimine au fur et à mesure. Au quotidien, ça ne change pas trop car je faisais déjà beaucoup la cuisine et n’achetais pas trop de préparations industrielles, mais il faut juste faire plus attention. Des dérivés de l’huile de palme et palmiste sont aussi souvent présents dans les savons, shampooings, déodorants, et même les produits ménagers… Alors je cherche des alternatives. Il faut remettre en question toute sa consommation. Par exemple, dans une purée en sachet, je voyais qu’il n’y avait pas explicitement d’huile de palme dans les ingrédients. Mais des mono et diglycérides d’acides gras, qui peuvent peut-être provenir de l’huile de palme… On ne peut le savoir qu’en contactant les industriels! J’ai découvert comme ça 140 dérivés de l’huile de palme et palmiste, et ce nombre peut encore grandir. C’est une vraie boîte de Pandore!

Avez-vous des astuces spéciales ?

Je suis chimiste alors j’ai des idées et j’adore tester… Je cuisine depuis longtemps et je cherche donc des alternatives. Par exemple je fais du Nutella maison, qui n’a pas le même goût que le vrai bien sûr. Mais c’est génial, car il n’est pas standardisé… Et contrairement à ce qu’on peut penser, ça ne coûte pas plus cher de manger sans huile de palme. J’ai fait un calcul sur une semaine, et j’ai obtenu une moyenne de 2,60 euros par repas, ce qui est assez raisonnable…

Comment réagissent les industriels quand vous leur écrivez pour avoir plus d’informations ?

Les grandes marques répondent souvent, mais pas forcément de manière claire. Il ne faut pas trop leur en demander! Je dois vraiment insister pour avoir des précisions sur le terme «matière grasse végétale»…

Et vous partagez toutes les informations que vous récoltez…

Oui, une connaissance non partagée ne vaut rien! Alors j’ai décidé d’écrire ce blog pour raconter cette expérience. J’ai aussi écrit un Petit Guide vert pour aider les gens qui se posent des questions sur leur consommation d’huile de palme. En fait, c’est assez simple, il suffit de connaître 4 mots clés pour retrouver tous les dérivés «palmés». Quand on commence à lire les étiquettes, c’est un engrenage…

Propos recueillis par Lucie de la Héronnière
Photo: Jukwa Village Palm Oil Production, Ghana/ oneVillage Initiative via FlickCC License by

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