Le boom du “sans gluten”: pour les intolérants… et les autres

Après l’intolérance au quotidien, second volet sur le gluten: le boom du régime «gluten free»…

Pâtisseries, restaurants, livres ou blogs, le sans gluten fait recette. Tendance de fond? Mode passagère? En tous cas, l’offre s’élargit. Cela facilite la vie des intolérants… et des autres, qui tentent le sans gluten pour se sentir mieux.

Explosion du “sans”

Le marché du sans gluten existe depuis les années 80, en pharmacie. Depuis, on est passé d’une offre médicalisée à une offre plus large, plus créative peut-être aussi.

Les lieux «gluten free» fleurissent, comme Mon histoire dans l’assiette, un restaurant sans allergènes à Lyon, la pâtisserie Helmut Newcake à Paris, ou encore le restaurant Noglu. Frédérique Jules, gérante et créatrice de ce dernier, explique sa démarche :

«Je suis moi-même intolérante. J’ai constaté que l’offre sans gluten était quasi inexistante, en pâtisserie notamment. Même avec les plats dits sans gluten au resto, je n’étais pas vraiment sereine… Alors j’ai eu l’idée d’ouvrir un lieu sain et gourmand, avec des produits frais, des plats, des pizzas, des pâtisseries, et même bientôt des burgers».

Autant de bonnes choses habituellement interdites aux intolérants. Dans les supermarchés aussi, c’est plus facile. L’agro-alimentaire a développé des produits sans gluten. En 2009, Auchan a créé sa gamme, suivi de près par Carrefour et Casino.

Natacha, intolérante depuis 1973, a clairement observé une évolution:

«Au début, il n’y avait pas de produits sans gluten. Il fallait aller à la pharmacie des Hôpitaux de Paris pour aller chercher des grosses boîtes de farine. Puis il y a eu 3 ou 4 produits, quelques biscuits, quelques biscottes… Depuis quelques années, on trouve des produits au supermarché du coin!».

En parallèle, les blogs “gluten free” se sont considérablement développés. Cette même Natacha, intolérante depuis qu’elle est bébé, a ainsi lancé son site de recettes en 2007. «Tous les jours je reçois des mails de lecteurs en galère, désespérés. J’essaye de leur redonner espoir en disant qu’on peut quand même être gourmand malgré l’intolérance au gluten!» explique-t-elle.

Après, il y a tout un business du sans gluten. Des applications smartphone aident à déceler le gluten, des restaurants haut de gamme proposent des plats «sans»… L’édition s’y met aussi et les titres de recettes sans gluten fleurissent. On est donc peu à peu passé de nourritures “sans gluten” individuelles à des choses plus conviviales, voire intéressantes pour tous.

Ailleurs

Ceci dit, la France reste un peu à la traîne, notamment dans la restauration rapide: à l’étranger, on peut trouver des sandwichs sans gluten dans les chaînes comme le Subway, des pizzas sans gluten chez Domino’s… Et même des bières sans gluten chez un producteur italien!

Virginie, intolérante qui vit à Montréal, a constaté un grande différence entre la France et le Canada:

«Beaucoup d’aliments sont étiquetés sans gluten quand c’est le cas, souvent pour le même prix. La petite épicerie à côté de chez moi vend de la bière sans gluten pour 2,30 dollars l’unité, au lieu de 2 dollars la basique. Une boulangerie sans gluten fait des cupcakes, des macarons, des baguettes fraîches chaque matin, des tartes au citron… A deux pas de chez moi, une chaîne de pizzeria propose du sans gluten. Je ne m’étais jamais fait livrer une pizza en France!! C’est toujours plus chers, mais pas bien plus que pour du local ou du bio».

Le revers de la médaille, c’est qu’en Amérique du Nord, la maladie est moins reconnue. Le sans gluten est plus perçu comme «un style de vie – de personnes riches- qui font attention à ce qu’elles mangent. Mais l’offre très large, même si les remboursements de sécu sont difficiles, permet de se sentir moins exclu et malade qu’en France».

“Sensibles” et “suiveurs”

Le régime sans gluten est aussi un régime alimentaire suivi par des gens qui ne sont pas intolérants, ce qui contribue au «boom» et à l’élargissement de l’offre.

Pendant le salon Rapid and Resto Show, Alexandra Pigoni (fondatrice de l’agence C-Alternatif, agence de conseil culinaire spécialisée dans le sans gluten et sans lactose) expliquait lors d’une conférence  qu’il existe en France plusieurs catégories de consommateurs de “sans gluten”: les intolérants diagnostiqués, les “sensibles”, les “suiveurs” (qui pensent à leurs performances sportives ou sont poussés par des leaders d’opinion comme Lady Gaga qui pense perdre du poids en éliminant le gluten!) et les “adeptes des nouvelles textures”.

On peut douter que les «adeptes des nouvelles textures» suivent un régime strict…  Parmi les «sensibles», Lola, 22 ans, pour qui manger sans gluten est plus une découverte qu’une contrainte:

«Autour de moi, beaucoup de gens mangent sans gluten. Ça me fait réfléchir. J’ai beaucoup de mal à être bien réveillée après le déjeuner, c’est peut-être à cause du pain, du gluten… Donc je tente de diminuer le gluten, mais pas de façon stricte. Comme j’aime cuisiner, cela me permet de découvrir de nouveaux ingrédients. Parfois je fais une semaine «sans», c’est moins lourd, je mange plus de légumes. C’est peut-être psychologique mais je me sens plus légère».

Carole, 28 ans, avait des problèmes de digestion et d’acné. Suite à des lectures de blogs et d’ouvrages, elle a fait un régime sans gluten et sans produits laitiers de 4 ou 5 mois: «C’était aussi dans une volonté de limiter les aliments industriels, et j’ai fait des découvertes, comme la farine de maïs ou de riz… En recherchant des recettes alternatives, je me suis plus penchée sur ma façon de manger». Finalement, Carole est devenue végétalienne, car c’est le lait qui lui posait plus de problèmes.

Autre exemple bien différent, Alexia, 33 ans, a fait un régime sans gluten d’un mois et demi prescrit par son médecin, avant de poursuivre pour son bien-être:

«Mon médecin m’a diagnostiquée une colopathie fonctionnelle, en gros des maux de ventre fréquents gênants. Après avoir une consultation avec un gastro-entérologue pour éliminer tout problème médical majeur, nous avons décidé de tenter un régime sans gluten pour voir si cela améliorait mes maux. Cela a été très appréciable: je me sentais mieux et j’avais des crises moins fréquentes. Avec mon médecin, nous avons discuté et nous avons décidé que, n’étant pas cœliaque, je pouvais revenir à un régime normal si je le souhaitais ou alors continuer le sans gluten la plupart du temps avec des exceptions à la convenance, option que j’ai choisie».

Manger sans gluten sans être intolérant peut aussi être lié une volonté de manger plus sain, moins industriel. Frédérique Jules, du restaurant Noglu, explique:

«Nous recevons à peu près 50% d’intolérants, et 50% qui ne le sont pas. Cela ne fait pas maigrir, et ce n’est ni une mode ni une lubie. Ça correspond plus à un besoin de cuisine saine, sans adjuvant, non modifiée. Car le gluten est ajouté en excès dans beaucoup de plats!»

Mais parmi les “suiveurs”, on ne peut pas nier qu’il y ait un certain effet de mode. Les magazines féminins s’emparent de la “tendance”. Glamour déclare qu’une “vague gluten free déferle sur Paris” et sélectionne “9 hot spots où trouver des gourmandises à base de riz, soja, quinoa, millet ou sarrasin”, pour manger plus sain mais gourmand…

Le Figaro Madame parle de la “no-gluten attitude”, la “dernière tendance qui bouscule la planète food“, sans mentionner la maladie cœliaque. Il s’agit de retrouver “transit, ligne et énergie”, à l’image de certaines personnalités comme Victoria Beckham ou Jennifer Aniston…

Une tendance qui laisse perplexe

Cette tendance au sans gluten laisse les intolérants – et donc malades – perplexes.Virginie, intolérante de 24 ans, donne sa position :

«S’imposer ce régime, c’est une contrainte selon le système de production et d’offre actuel. Mais c’est une façon saine de manger. On oublie souvent la quantité d’autres céréales qui existent à part le blé: le caroube, le tapioca, la farine de pois chiches, le sarrasin, le quinoa, le riz, le maïs, la farine de châtaignes… Donc je trouve ça bien que la tendance soit au sans gluten. Cela dit, cela discrédite les personnes qui réagissent physiquement et qui ont pour seule solution le suivi d’un régime strict».

Pour Aliénor, c’est même «une mode, de la même manière que les gens faisaient le régime Dukan à une époque. Je suis plutôt contre parce que faire «semblant» d’avoir une maladie, ça décrédibilise les vrais malades. Par contre, cette mode permet d’avoir de plus en plus d’offres, et c’est non négligeable. J’espère juste que ça ne fera pas un feu de paille!».

Alexandra, 25 ans, souligne elle aussi que “si on sent qu’on ne supporte pas le gluten, c’est qu’on a un souci, il faut creuser plus loin. Le sans gluten devient une mode alors que c’est une contrainte imposée par une maladie. Cela engendre des confusions, et ça peut nous faire du tort”. Corinne, intolérante de 49 ans, affirme clairement: “si je n’avais pas d’intolérance, je ne m’imposerais pas ce régime, car c’est un régime qui empêche la vie sociale».

Et la médecine ?

Voilà ce qu’en disent des malades cœliaques, mais est-ce que commencer un régime sans gluten sans intolérance diagnostiquée peut se justifier, médicalement parlant? Jean-Paul Blanc, diététicien-nutritionniste à Neuilly-sur-Seine, a une position on ne peut plus claire:

«Suivre un régime sans gluten sans être intolérant n’est pas fondé. C’est une dérive inquiétante. Il faut avoir des billes pour prescrire un régime sans gluten! C’est dommage de s’imposer les contraintes de ce régime d’exclusion, voire de se pourrir la vie, quand ce n’est pas nécessaire. Surtout pour des personnes fragiles».

Catherine Lefebvre, nutritionniste et auteure du livre Les Carnivores infidèles, précise que «puisque le régime gluten est exigeant et généralement plus cher, il est essentiel d’obtenir le bon diagnostic avant d’entreprendre de tels changements alimentaires».

En outre, un régime sans gluten sans intolérance et donc non suivi par un médecin peut engendrer «des carences nutritionnelles (si les produits ne sont pas remplacés par des céréales sans gluten), un gain de poids et de la constipation (manque de fibres, si les produits céréaliers sont pratiquement éliminés)».

L’AFDN (Association Française des Diététiciens Nutritionnistes) a également une position officielle très tranchée sur les régimes d’exclusion:

«Bannir le gluten, une alternative aux régimes dits «classiques» pour perdre du poids, un moyen d’augmenter ses défenses immunitaires, de lutter contre les allergies, d’optimiser sa digestion… Des allégations sans fondement! Le régime sans gluten s’adresse uniquement aux personnes souffrant d’une allergie ou d’une intolérance au blé et ses dérivés (maladie coeliaque)».

Et de préciser «Le personnes qui «s’auto-diagnostiquent» intolérantes et mettent en place elles-mêmes des régimes d’exclusion avec le risque de déséquilibrer leur alimentation et de créer de véritables carences, sont de plus en plus nombreuses».

Alors, la diversification serait le maître mot:

«L’AFDN recommande toujours d’avoir une alimentation diversifiée, et certainement pas de supprimer des aliments! (…) Si toutefois une personne décide d’exclure tel ou tel aliment pour des raisons autres que médicales, les diététiciens auront pour tâche d’ouvrir un dialogue pour comprendre les fondements de cette décision en essayant de faire émerger de façon pédagogique les enjeux capitaux d’une alimentation diversifiée sur la santé».

La diversité est donc peut être le mot à retenir… Le “bien manger”, c’est manger de tout en quantité raisonnable, ne pas exclure d’aliments (sauf quand on y est obligé!). Et comme le souligne Michael Pollan, être obnubilé par des principes alimentaires peut être «dommageable pour le bonheur et sans doute aussi pour la santé»: «ce qui importe, c’est d’adopter une attitude décontractée envers l’alimentation»…

Lucie de la Héronnière

Photo: Photo.JPG/ Rachel from cupcakes Take the Cake via FlickrCC License by

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Intolérance au gluten: manger “sans” au quotidien

Le «sans gluten» se développe à toute à allure… Avant d’être un régime alimentaire (à la mode?) parmi d’autres, c’est une façon de manger imposée aux cœliaques, les intolérants à cette protéine controversée. Premier volet sur ce thème: comment vit-on au quotidien cette maladie qui impacte les façons de manger? Dans quelques jours, second volet sur le «boom» du régime sans gluten et ses conséquences.

Pain, pâtes, pizzas, bière, gâteaux, viennoiseries… Pour les personnes cœliaques, autrement dit souffrant d’une intolérance au gluten, mieux vaut éviter ces aliments sous leur forme classique. Cette maladie digestive impose un régime alimentaire précis, une chasse au gluten au quotidien.

Précisons d’abord que ce fameux gluten est une protéine que l’on retrouve dans le blé, l’orge, l’avoine ou le seigle, mais aussi comme additif dans de nombreux produits industriels comme la charcuterie.

Diagnostic compliqué

Les cœliaques sont diagnostiqués à trois moments importants de la vie: pendant l’enfance, entre 20 et 40 ans, et après 65 ans. Jacques Martin, médecin en Haute-Savoie, explique:

“Il s’agit d’une maladie chronique et auto-immune qui détruit les villosités de l’intestin grêle. On la diagnostique avec des symptômes tels que des douleurs abdominales, un amaigrissement important, des diarrhées… Mais le bas de l’iceberg, c’est les patients avec des symptômes moins courants (anémie, douleurs ostéo-articulaires, manifestations neurologiques…) ou parfois pas de symptômes. Pour confirmer la suspicion cœliaque, on doit faire une prise de sang, puis une biopsie intestinale. Le diagnostic est délicat car ces examens lourds ne sont pas réalisables sur tout le monde».

Les intolérants sont-ils nombreux dans la population française? Le document de l’EASI (European Autoimmunity Standardization Initiative), groupe de travail constitué de cliniciens et biologistes européens, estime qu’en France, la prévalence (nombre de cas dans une population donnée) est la suivante:

“Chez l’enfant elle est estimée, pour les formes symptomatiques, à 40 cas pour 100 000 enfants. Celle des formes silencieuses ou asymptotiques, déterminée par des tests sérologiques, est plus élevée soit environ 330 cas pour 100 000 enfants. Chez l’adulte, la prévalence globale est estimée à 150-260 cas pour 100 000 adultes”.

L’Afdiag (Association française des intolérants au gluten), estime même qu’«une personne sur 100 peut développer cette maladie en Europe. La prévalence semble identique dans le continent nord-américain. En France, seulement 10 à 20% des cas seraient aujourd’hui diagnostiqués».

Parmi les intolérants, «cela va crescendo dans les symptômes, il y a des gens assez peu sensibles, et d’autres qui vont réagir à des «traces» de gluten», explique Jacques Martin.

Parcours du combattant

Une fois le diagnostic confirmé, il s’agit donc de mettre en place un régime sans gluten. C’est la seule manière de contrer les symptômes. En gros, les intolérants qui avalent du gluten par erreur ne sont pas envoyés à l’hôpital, mais ont très mal au ventre pendant des jours voire des mois, car le gluten détruit les villosités de leur intestin.

Plusieurs cœliaques m’ont expliqué que ce régime n’est absolument pas un long fleuve tranquille, mais un mode de vie cher (même si des produits sans gluten sont remboursés par la sécurité sociale) et souvent difficile pour mener une vie sociale normale.

Pour Aliénor, 26 ans, intolérante depuis 7 ans, c’était au début «un vrai parcours du combattant»:

«Les erreurs sont nombreuses, les rechutes aussi. On est toujours sur la brèche, à devoir se justifier et essayer de faire comprendre que c’est une vraie maladie. Et surtout, cela implique un changement radical de mode de vie. Manger, c’est social. Et quand on a un problème de ce genre, toute la vie sociale est remise en cause: plus de restaurant,  plus de bières, plus de sorties sans avoir prévu de manger. Au début c’est un casse-tête, après ça devient plus naturel».

Pour Corinne, 49 ans, c’est pareil: “à chaque soirée, j’essaye de ne pas me faire remarquer, je commande des tapas comme les autres même si je ne les mange pas…”

Après, il faut gérer les réactions des gens:  d’après ces témoignages, on prend les cœliaques  pour des fines bouches, des hippies-écolo, des gens ennuyeux avec qui on n’a pas envie d’aller au resto, des addict aux régimes… Même si bien sûr d’autres comprennent parfaitement!

Alexandra, 25 ans, s’agace un peu : «les gens me disent « oh, à ta place je ne pourrais pas, c’est trop dur!! Mais je n’ai pas le choix!»

Partout des pièges

L’acte de manger, assez simple a priori, devient un casse-tête. Par exemple, il vaut mieux éviter les biscuits fabriqués dans un atelier produisant d’autres biscuits au gluten. Virginie, 24 ans, explique que lorsque l’on est intolérant au gluten,

“Il faut constamment lire les étiquettes des composants des produits qu’on achète. C’est une habitude à prendre, et qui avec le recul est ce que chacun devrait faire. Ça apprend à savoir que le jambon n’est pas que de la viande, il y a aussi des additifs comme le gluten… Les sauces sont la plupart du temps épaissies avec du gluten. ”

Mais elle n’a jamais suivi le régime à la lettre: “Il faudrait aussi laver les ustensiles qui ont été en contact avec du blé, ce que je ne fais pas”. En outre, “suivre le régime de manière stricte est trop difficile, coûteux et désocialisant“.

Il y a des pièges, on peut trouver du gluten là on l’on ne s’y attend pas du tout, dans la sauce soja par exemple, ou dans certains bouillons cube. L’Afdiag propose un tableau complet pour se retrouver dans les produits autorisés, interdits ou à vérifier. Plusieurs intolérants expliquent que le moyen mémo-technique à garder en tête est SABO, comme Seigle, Avoine, Blé, Orge, les quatre ingrédients de base à éviter…

Un symbole peut aider à dénicher la perle: un épi de blé barré signifie que le produit est garanti sans gluten. La mention sans gluten est même encadrée par un règlement européen.

Frustration

Le régime sans gluten strict exige une attention de tous les instants, une vigilance à chaque moment d’alimentation, et même avant. Alexandra, 25 ans, explique qu’”il faut regarder partout, tout prévoir, prendre du temps pour préparer se nourriture le matin. Je suis obligée de penser à la nourriture 24 heures sur 24, ça me bloque, c’est omniprésent. Ça change la vie, c’est un boulet”.

Corinne, 49 ans, dit sans fard qu’“on se sent à part. Pour moi, ce régime c’est de la frustration. Parfois, je craque quand je suis déprimée. J’ai mangé deux cônes glacés et une chocolatine en août, j’en subis encore les conséquences. J’ai comme des parpaings dans le ventre, je le sens encore”.

Mais les degrés d’intolérance et de réactions sont différents selon les malades. Alors Bérengère, 34 ans, ne suit pas le régime strictement: “Comme ce régime est chiant à mourir (et cher!) et que le gluten est partout, je me permets des écarts, un croissant de temps en temps, une bière avec des copines… Il y a des niveaux d’intolérance différents. Quand je me sens bien, je me permets d’avaler un peu de gluten”.

Manger sain

Après, comme le gluten se cache beaucoup dans les plats industriels et qu’il vaut mieux cuisiner soi-même pour s’assurer de l’absence de gluten dans la recette, l’intolérance oblige à manger un peu moins de surgelés et de plats tout prêts, à cuisiner plus.

Emilie, 27 ans explique:

«Avant, j’étais très active, souvent en déplacement, je mangeais peu chez moi. Ce mode de vie est impossible quand on est intolérant, mais je me fais plus à manger, beaucoup de riz par exemple, c’est plus sain».

En fait, les intolérants doivent faire avec un tas de nouveau ingrédients. Virginie raconte que «ce n’est pas bien compliqué, il suffit d’acheter de la farine de riz ou de maïs pour faire une tarte, une quiche, un gâteau, un muffin, et c’est tout aussi bon». Même si le gluten apporte souvent moelleux et élasticité aux pains et gâteaux, il existe de très intéressantes trouvailles sans gluten.

Natacha, blogueuse culinaire sans gluten, souligne que «quand on n’a pas l’habitude de cuisiner, c’est difficile car il y a beaucoup de gluten dans les plats industriels. Par exemple, faire une poêlée de légumes chez soi ne pose aucun problème. Mais quand on l’achète au supermarché, il faut faire gaffe aux additifs!».

Natacha donne donc plein de «trucs» aux internautes perdus dans un nouveau régime:

«Dans un plat en sauce, la maïzena sert à lier, à la place de la farine. On peut aussi faire d’excellents fondants au chocolat à la maïzena ! La farine de riz sert à faire la pâte de la tarte aux pommes. Et il y a plein de bonnes choses naturellement sans gluten, comme les tomates mozza, le gratin de patates, le riz au lait, la panna cotta…»

Au final, les intolérants s’organisent, s’informent, apprennent, cuisinent… Et adaptent leur mode de vie à ce régime sans gluten, puisque de toutes façons ils n’ont pas le choix : il n’existe pas de médicaments, la seule manière de faire disparaître les symptômes et d’éliminer le gluten. Mais la plupart se passeraient volontiers de cette contrainte qui impacte largement leur façon de vivre.

Lucie de la Héronnière

Photo: blé causses 2004/ Anne Lazarevitch via FlickrCC License by

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Mini-aliments: “facteur mignon” ou individualisme?

Mini-lasagnes, mini-tourtes au poulet, mini-gratins de macaronis au fromage… Michaeleen Doucleff s’étonne, sur Npr, d’assister aux Etats-Unis au développement de la miniaturisation des plats. L’idée serait venue de Pinterest, où l’on peut trouver des recettes de mini-sandwichs, mini-tacos et autres mets minuscules… A cuisiner le plus souvent dans des moules à cupcakes.

Alors d’où vient cette fascination pour les plats miniaturisés? Est-ce simplement une nouvelle tendance «food», une adaptation de la mode du cupcake? Ou est-ce que cela correspond, plus profondément, à un besoin d’individualiser tout? Précisons que nous avons eu des tendances similaires en France: verrines, ou plats cuisinés dans des mini-cocottes par exemple…

Alice Julier, directrice des études sur l’alimentation à l’Université de Chatham, n’est pas d’accord avec l’argument individualiste. Pour elle, le désir de réduire les plats appréciés en portions individuelles imprègne le paysage gastronomique mondial…  A l’image des tapas ou des boîtes à bento par exemple.

Elle explique que «les Japonais font ça avec la nourriture depuis toujours. Ils font de la miniaturisation et de l’individualisation à l’extrême. Ils vendent des fraises individuellement emballées et certains ont des cuisines-jouets pour fabriquer des mini-donuts et pizzas, avec des ustensiles de lilliputiens».

Tout cela ajouterait un peu de créativité, de fun et de jeu dans la cuisine de tout les jours… «Les Américains se sentent déconnectés avec leur nourriture. Cela leur redonne un certain contrôle sur la forme des aliments» précise Alice Julier.

Mais cela n’explique pas la réponse émotionnelle que nous avons (enfin, pas tous!) en voyant une mini-pizza ou une bouchée de lasagnes: «Oh, comme c’est adorable!». Nathalie Angier, abordant le sujet dans le New York Times il y a quelques années, parlait du «facteur mignon». Les humains seraient codés pour répondre positivement aux signes qui rappellent l’état de nouveau-né. Les mini-plats, mais aussi les chatons ou les bébés pandas…

Enfin, ce mouvement de miniaturisation des plats permettrait aux consommateurs de manger des mets riches sans trop culpabiliser, puisque ce sont des parts minuscules… Sauf que bien sûr, on a tendance à se resservir plus de petites portions.

Photo: mini tacos/  ginnerobot via FlickrCC License by

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L’oeuf, grande star du Festival international de la photographie culinaire

© Mathilde de l’Ecotais – Festival International de la Photographie Culinaire 2012

Le Festival international de la photographie culinaire consacre sa 4ème édition à l’œuf, thème qui, comme l’explique le fondateur Jean-Pierre PJ Stefan au Monde, est lourd de symboles:

«Il renvoie aux concepts de cycle, de naissance, de résurrection… Pour les photographes et les plasticiens, c’est un élément qui ouvre à l’imaginaire et pour les concepteurs de recettes c’est un élément incontournable. Ils l’utilisent partout et tout le temps: environ 80 % des recettes de la gastronomie française en contiennent. C’est incontournable, on en consomme partout. D’ailleurs, il n’y a pas que des œufs de poule, prenez les œufs de poisson par exemple».

L’oeuf est la super star du festival, sous toutes ses coutures. A l’occasion du lancement de la manifestation ce jeudi soir, l’épique Claude Lebey, le Président de l’Association de Sauvegarde de l’œuf Mayo, déclarait qu’il «faut sauver l’œuf Mayo, qui est à la cuisine ce que le trombone est au bureau!». Abraham de la Rosa avait prévu de faire goûter des œufs de fourmis tout droit venus du Mexique, qui, hélas, sont restés coincés dans un bureau des douanes françaises.

© Jerôme Laurent – Festival International de la Photographie Culinaire 2012

L’œuf est donc cette année sublimé par ces photographes, qui font un travail bien particulier en ayant pour sujet la nourriture. Le chef Pierre Gagnaire, parrain du festival, expliquait d’ailleurs lors de la cérémonie d’ouverture: «Grâce à des rencontres avec des photographes, j’ai senti qu’il fallait mettre dans l’assiette du beau, de la douceur, de l’amour, de l’élégance».

Du 26 octobre au 11 novembre, une cinquantaine de photographes concourent pour la compétition officielle, en présentant trois photos chacun sur ce thème. En plus du «Grand prix du Festival», le «Prix du Public» et le «Grand Prix de la Photographie du Patrimoine Gastronomique» récompenseront les photographes culinaires.

Au programme, des photos de recettes aux œufs, mais aussi des œufs stylisés, décorés, brisés, recomposés, irréalistes. Le Rubik’s Cube d’œuf de Guillaume Barclay côtoie les Coquilles d’œufs de Mathilde de l’Ecotais et la Poule d’Hondeghem de Francesca Mantovani… C’est beau et étonnant, tant l’aliment est mis en scène. L’oeuf est ici magnifié, et c’est tout ce qui compte, loin de considérations de santé, de nutrition, de cholestérol ou de poules en batterie.

Outre la compétition officielle, un «parcours culturel et gourmand» est proposé au public au gré des expos parisiennes dans des restaurants, galeries d’art, hôtels ou boutiques. Et surtout, si vous voulez vous initier à la photo culinaire, vous pouvez tenter un atelier ou bien commencer par suivre ces conseils pour ne pas louper vos photos de plats au smartphone…

© Aline Princet – Festival International de la Photographie Culinaire 2012

© Brice Caharel – Festival International de la Photographie Culinaire 2012

Jusqu’au 11 novembre, toutes les infos ici.

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Un plan national anti-gaspillage alimentaire est lancé

Le gaspillage alimentaire est estimé à 20 kg de déchets par an et par Français. Une enquête TNS Sofres vient d’être publiée à ce sujet, chiffrant ce gaspillage insensé qui nous fait jeter des kilos d’aliments (phénomène récemment très dénoncé, notamment lors du Banquet des 5000 la semaine dernière…).

L’enquête précise que 43% des foyers de 4 personnes jettent du pain au moins une fois par mois. En outre, même si 78% des Français savent que la date de péremption est seulement informative, 55% jettent quand même des produits parce que cette date est dépassée. Tout cela est dû à nos modes de vies, à nos gestions des stocks et à nos façons de cuisiner aussi…

Alors le gouvernement a décidé de s’atteler à ce problème et entend diviser le gaspillage alimentaire par deux d’ici 2025. Le Monde rapporte que les actions du plan sont destinées à «”enclencher une dynamique” auprès de la grande distribution, des industriels, des associations et des consommateurs, car sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, ce sont 150 kilos qui sont gaspillés par an et par personne en France».

Quelles sont les actions qui vont être menées? Le gouvernement veut par exemple encourager la récupération d’invendus pour l’aide alimentaire. Cinq opérations pilotes vont en outre commencer en janvier dans des collèges de Dordogne et un restaurant d’entreprise en Mayenne, pour ajuster les repas afin d’arriver à une juste portion.

Concernant la grande distribution, Guillaume Garrot, ministre délégué chargé de l’Agroalimentaire, déclare dans une interview au JDD:

«ll faut vendre au plus juste. Les packs de produits incitent à trop acheter. Nous voulons faciliter la vente à l’unité dans les rayons. Certains industriels réfléchissent avec nous à cette réduction des volumes. Nous favoriserons aussi les promotions différées. Aujourd’hui, si vous achetez deux produits dans le cadre d’une promo, vous partez avec un troisième gratuit qui risque de se périmer. Demain, le magasin proposera  au client d’emporter son lot plus tard”.

Le Ministère lance aussi une grande opération de communication et de sensibilisation, avec des affiches (ci-contre), sur le thème «Manger c’est bien, jeter ça craint !» et la création d’un site internet, créé pour véhiculer des bonnes pratiques…

Ces actions seront mises en place progressivement, avant la signature d’un pacte national anti-gaspillage en juin prochain.

Photo: Rotting Compost Food Macro March 01, 20113/ stevendepolo via FlickrCC License by

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“Ma cantine en ville”, un voyage au coeur de la la street food mondiale

Inde, Préparation et distribution de Lassi, © Arnaud Sarteur

Brochettes de viande à Tunis, ananas en tranches en Antananarivo, riz soufflé aux épices au Bengladesh, patates douces à la vapeur au Japon, bananes séchées et grillées à Phnom Penh… La street food est déclinable à l’infini dans chaque pays, tout comme les manières de la préparer et de la vendre: foyer au sol au Mali, homme-sandwich à Berlin, baraque à frites dans le nord de la France, mobylette avec vitrine en Indonésie, et de nombreux autres dispositifs plus ou moins bricolés.

Partout dans le monde, le phénomène de cuisine de rue s’amplifie en même temps que l’urbanisation. «Ma cantine en ville», une exposition présentée dans la galerie Via, à Paris, propose un panorama très large de ce que le monde produit comme street food.

Fiona Meadow et Michel Bouisson, commissaires de l’expo, expliquent dans le livret «Ma cantine en ville» que le développement rapide de la street food témoigne «tout à la fois de l’ampleur de la précarité économique, de l’attachement à des coutumes et à des valeurs culturelles menacées, de l’aspiration à un renouveau de l’espace public, voire de l’affranchissement des individus vis à vis des normes collectives». La street food brasse donc pas mal d’enjeux importants…

Chaque pays, chaque continent, a ses spécificités. On peut donc observer des dizaines de pratiques différentes sur des photos installées sur de grandes tables, à la manière d’un carnet de voyage de la cuisine de rue. Tout cela témoigne de «la diversité des contextes et des usages liés à cette activité, ainsi que de la capacité d’adaptation des individus à leur environnement». La street food est déclinée à l’infini, et c’est cela qui est passionnant.

Des croquis expliquent simplement comment les restaurateurs de rue d’organisent, se fournissent, cuisinent, valorisent leurs plats… Faire de la street food nécessite souvent beaucoup d’imagination! Les tenanciers d’échoppes de rue doivent s’adapter au climat (et fabriquer des auvents par exemple), trouver des enseignes attractives, un véhicule qui se faufile dans les rues, des plats qui plaisent à la population locale…

Partout dans le monde, un «dispositif de cuisine de rue» doit être bien pensé pour assurer ses fonctions de déplacement, de préparation, de conservation des aliments, de cuisson, de présentation, voire de consommation (une poignée de tables et chaise en plein air). Il faut donc mêler tous ces paramètres pour réussir une bonne cuisine de rue, à Bangkok, à La Paz ou à Tunis.

La grande diversité de ces situations de street food montre aussi «l’inégalité des conditions selon les zones géographiques», liée à l’expansion des villes et des occupations différentes de l’espace social urbain. Il y a par exemple bien entendu beaucoup de différences entre le food truck californien ultra moderne et le vendeur de brochettes sur un chariot de supermarché aménagé au Pérou.

Au final, une phrase de l’expo résume bien ce beau panorama photographique: «La street food est l’équivalent du restaurant, dispersé en fragments. Ce n’est pas un restaurant dans lequel on rentre, mais un restaurant que l’on parcourt».

France – Bordeaux, Crêperie mobile, © Nous sommes

Grande-Bretagne – Londres, Vendeur de hot-dogs, © Fiona Meadows

Etats-Unis – Los Angeles, Camion de restauration indienne, © Atelier Barda

Pérou – Surquillo, Restaurant / bar mobile, © Boris Lefevre

Jusqu’au 18 novembre 2012 à la Galerie Via, 29 avenue Daumesnil 75012 Paris, Entrée libre.

Lucie de la Héronnière

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Elections américaines: qui gagne dans les sondages alimentaires?

Loin des sondages classiques réalisés par des instituts sur des échantillons représentatifs, des restaurants américains réalisent des «sondages alimentaires», comme le rapporte le Washington Post. Ils demandent aux clients de «voter» pour un candidat en commandant un plat spécifique, ou en choisissant telle ou telle couleur de gobelet.

Pour l’auteur, «c’est le genre de sondages que Vladimir Poutine pourrait adorer». Mais à Washington, nul sondage ne peut être ignoré, alors les journalistes de All we can eat sont allés enquêter.

Parmi les principaux résultats de ce «sondage alimentaire», on apprend que «chaque tasse à café compte»! Chez 7-Eleven, les clients peuvent choisir entre le gobelet bleu Obama, et le rouge Romney. Selon les derniers chiffres (classés Etat par Etat!) 59% des buveurs de ce café soutiennent Obama, contre 41% pour Romney.

Chez BGR, chaîne de burgers, le Burger du gouverneur Mitt Romney (contenant du bœuf, du hommard et de la sauce hollandaise), gagne peu à peu du terrain sur le Burger du Président Obama (une galette remplie de boeuf et poivrons).

Le fondateur de la chaîne, Mark Bucher, déclare même au Washington Post: «c’est intéressant, les ventes de burgers se sont calquées sur les sondages nationaux». Il a observé des similitudes évidentes entre les ventes de ses burgers présidentiels et les résultats des débats entre les candidats.

Chez California Tortilla, le «Obama’s chicken Teriyaki Luau Bowl» (au poulet grillé, sauce teriyaki, sauté de légumes, et, clin d’œil, ananas grillé) a plus de succès que le «Romney’s Mexican Mitt-Loaf Bowl » (composé de pain de viande et de pommes de terre, mets favoris du candidat).

Pendant ce temps-là, Bayou Bakery, demande à ses clients de choisir entre un “Potus (President of the United States, ndlr) hot-dog” (avec boeuf haché, oignons blancs, moutarde, cornichon, aneth, tranches de tomates, poivre, sauce relish sucrée et sel de celery) et un “Mitt-Chigan Dog” (viande cuite à la vapeur, piment, oignons blancs hâchés et moutarde). Là, Mitt Romney est en avance.

Au restau The Occidental, la competition concerne les cookies, sur la base des recettes d’Ann Romney et de Michelle Obama. Celui de Madame Romney est aux M&M’s, beurre de cacahuète et flocons d’avoine, tandis que celui de Madame Obama, tout en noir et blanc, cache des pépites de chocolat à la menthe (les recettes sont ici!).

55% des mangeurs préfèrent celui de Michelle, et 43% celui d’Ann. Ceux qui restent sont les indécis du cookie (et/ou candidat!), les voix précieuses qui feront peut-être basculer le vote…

Image: Capture d’écran du site de 7-eleven

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Le “banquet des 5000”: un repas géant anti-gaspillage

En ce samedi pluvieux, un grand repas gratuit était organisé sur le Parvis de l’Hôtel de ville de Paris, dans le cadre du documentaire de Tristan Stuart, Global Gâchis, diffusé le 17 octobre sur Canal+. Le film et la manifestation mettent en avant une grande absurdité: chaque année, un tiers de la production alimentaire destinée aux hommes finit à la poubelle.

Ce genre d’événement a déjà été monté à Londres, Berlin ou Bristol, par le collectif Feeding 5000, également organisateur de ce banquet parisien. L’idée de ces manifestations, c’est d’alerter les gens sur le gaspillage alimentaire insensé réalisé en France et dans le monde.

Un message simple et concret pour Tristan Stuart, qui explique au Nouvel Obs: “Je pensais qu’un grand repas pour des milliers de personnes était le meilleur moyen de montrer l’énormité du problème. La nourriture mérite d’être célébrée, il y a trop de valeurs là-dedans pour la jeter.”

Alors ce «Banquet des 5000» était réalisé exclusivement à partir de produits destinés à être jetés. Carottes biscornues, pommes de terre difformes, salades un peu cuites… Des «produits frais disqualifiés encore parfaitement consommables».

Les organisateurs ont préparé un curry de légumes (plus vendables donc) géant pour des milliers de personnes. Disco Soupe (asso qui organise des «happenings collectifs et ouverts à tous d’épluchage de fruits et légumes rebuts, invendus ou de troisième main dans une ambiance musicale et festive») fournissait les économes pour la confection de très grosses salades. On pouvait aussi apprendre des recettes «anti-gâchis» avec des restes du fin fond du frigo, du pain rassis, des légumes un peu vieux…

Le site de Global Gâchis propose d’ailleurs également des trucs anti-gaspi et des recettes pour donner une seconde vie à vos vieux restes, comme les rillettes de saumon, radis noir, pomme verte et jus de Yuzu (pour utiliser un reste de saumon cuit), un pudding aux pommes et au raisin (avec du pain rassis!), ou encore des radis au beurre de fanes (pour ne pas jeter de vieux radis défraîchis!). Pour agir contre le gaspillage alimentaire le reste de l’année aussi…

Lucie de la Héronnière
Photos: Guillaume Langlais

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Mauvaises habitudes des 15-25 ans: le décryptage d’une diététicienne

Entre 15 et 25 ans, on est entre la fin de l’adolescence et le début de la vie d’adulte: un moment critique de transition, et notamment au point de vue des habitudes alimentaires… Une enquête Ipsos, réalisée en partenariat avec Logica Business Consulting pour Doing Good Doing Well et publiée jeudi, épingle certaines mauvaises habitudes alimentaires des jeunes qui constituent clairement des facteurs d’obésité.

Isabelle Darnis, diététicienne, spécialiste de l’adolescence et membre de l’association lyonnaise ABC Diététique (qui fait notamment des actions de sensibilisation en milieu scolaire), commente les principaux résultats de cette étude réalisée en septembre sur un échantillon représentatif de 1000 jeunes de 15 à 25 ans.

Un jeune sur cinq est en situation de surpoids ou d’obésité. Ce phénomène est sous-évalué puisque parmi eux, trois sur dix estiment êtres minces ou de corpulence normale.

«Il y a en effet un souci  de diagnostic. Personne ne veut s’atteler à ce problème… On a du mal à recruter pour s’occuper de ces patients. Les pros sont mal outillés. Il y a eu plusieurs PNNS, la diffusion de réglettes, il est très facile de calculer son IMC sur internet… Mais il y a un problème d’accompagnement. Les jeunes vont chez le médecin pour un rhume, pas pour dire qu’ils ont un problème de poids. De l’autre côté, le médecin ne fait pas forcément le chemin vers eux.»

Un certain nombre de mauvaises habitudes alimentaires très diffusées sont des facteurs d’obésité. Par exemple, 54% des 15-25 ans déclarent ne pas manger au moins un repas sur deux à heure fixe.

«Pour moi, ce n’est pas très grave… Bien sûr, le corps aime la régularité. Mais généralement, quand on entre dans la vie active – ce qui arrive de plus en plus vers 25 ans! – ou que l’on s’installe en couple, la régularité revient.»

48% des jeunes sondés ne prennent pas de petit déjeuner au moins un matin sur deux.

«Si ce n’est pas plus! C’est déjà à partir de la 6ème que les chiffres chutent, les jeunes commencent à sauter le petit déj’. Au début, cela est dû à un manque d’encadrement parental, mais aussi aux rythmes scolaires. Les jeunes se couchent tard et donc se lèvent le plus tard possible. S’ils veulent éluder une étape, ce sera plus le petit déj’ que le choix des fringues! Pour eux cela n’a pas d’intérêt, surtout quand la faim n’est pas au rendez-vous. Mais le matin, il faut le temps que l’appétit s’installe! Il se peut aussi que le repas trop copieux de la veille ait une influence. Quoiqu’il en soit, les habitudes prises à l’adolescence peuvent perdurer.»

Plus d’un jeune sur trois déclare que lorsqu’il est stressé, il lui arrive de grignoter toute la journée pour se remonter le moral.

«La pub a banalisé le grignotage! Par exemple cette pub pour les Kinder Bueno, «pour les faims d’après-midi»… Mais de quelle faim parle-t-on? Parce qu’un Kinder Bueno c’est un petit plaisir, mais le plaisir ne remplit pas la faim. Aussi, quand on mange à la cantine ou à la fac, c’est souvent pas terrible… Alors les jeunes ont faim et se jettent sur des aliments très packagés, riches en graisses et en sucres. Et ce comportement n’est pas forcément transitoire! Je pense aussi qu’il faut redéfinir le grignotage. On grignote rapidement, debout. Quand on s’assoit, avec quelque chose que l’on s’est préparé, dans une assiette, c’est plus une collation. Cela se justifie. Mais souvent, les grands ados disent que ce genre de goûter est réservé aux enfants… »

Les jeunes consacrent très peu de temps aux différents repas: en moyenne, 9 minutes pour le petit déjeuner, 24 minutes pour le déjeuner, 27 minutes pour le dîner.

«C’est directement lié au  temps de repas, assis, ensemble, en famille.  Précisons que dans la restauration scolaire, il est recommandé de passer au minimum 20 minutes assis à table. En plus, les jeunes ont souvent la tête ailleurs, pour eux l’alimentation est fonctionnelle, ce n’est pas la peine d’y passer des heures…»

Seul un jeune sur trois déclare consommer quotidiennement à la fois des fruits et des légumes.

«Cela est rattaché à la question du coût, de la préparation plus contraignante. Le rôle parental dans l’apprentissage des fruits et des légumes est primordial… En outre, les jeunes connaissent par cœur le slogan «Mangez 5 fruits et légumes par jour», mais il a peu d’impacts sur eux.  Ils se heurtent aux incitations par les pubs, avec des images de jeunes cool… En plus, quand on est jeune, on est immortel! On n’ est pas très touché par les menaces de diabète ou de maladies cardio-vasculaires… La dimension santé de l’alimentation, on y pense plus tard!»

61% des jeunes disent manger au moins une fois sur deux leur repas devant leur écran.

«C’est une affaire entendue dans un certain nombre de familles… Dans le cas des ados, ils ne veulent plus manger avec les parents et donc vont derrière leurs écrans… Si les parents tiennent à un temps d’échange, tous ensemble, assis à table, je leur conseille de maintenir le cadre, tout en établissant des temps décalés, une soirée plateau repas ou chacun mange ce qu’il veut et s’amuse, ou une soirée où le jeune cuisine…»

Il existe une «fracture alimentaire»: la proportion des jeunes en état de surpoids ou d’obésité est de un sur dix dans les foyers les plus aisés, alors qu’elle est de un sur quatre dans les foyers les plus modestes.

“Il est évident que les raisons socio-économiques du surpoids sont nombreuses. Plus on a un niveau universitaire élevé, plus on a les moyens de bien se nourrir, plus on consacre du temps à l’éducation alimentaire des enfants. C’est lié aussi au nombre d’écrans dans le foyers, plus important dans les foyers défavorisés. Télé et ordinateurs entraînent de la sédentarité, une réceptivité plus grande aux pubs alimentaires… De plus, si on mange devant un écran, on ressent moins bien la sensation de satiété.”

Enfin, l’alimentation n’est pas un poste prioritaire dans les dépenses des jeunes, puisque plus d’un jeune sur quatre est prêt à sacrifier la qualité et la quantité de son alimentation au profit de son habillement (31%) ou de la téléphonie mobile (25%).

«Oui, mais si de bonnes graines ont été plantées pendant l’enfance, ce résultat, comme les précédents, est juste transitoire. Sinon, il peut se prolonger bien après 25 ans…»

Propos recueillis par Lucie de la Héronnière

Photo: 1o6 / FALHakaFalLin via FlickrCC License by

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Chaque jour, on consacre 2h22 aux repas

On passe 2h22 par jour à s’alimenter… C’est ce qu’explique l’Insee dans une étude consacrée au “temps de l’alimentation en France”.

C’est une moyenne, car le temps dédié aux repas augmente avec l’âge… Les plus de 60 ans y consacrent 2h34 en moyenne, contre 2h13 pour les moins de 40 ans. Ceci confirme les chiffres d’une étude Ipsos sur les habitudes alimentaires des 15-25 ans, publiée hier, expliquant que les jeunes de cette tranche d’âge consacrent très peu de temps aux repas: 9 minutes pour le petit déjeuner, 24 minutes pour le déjeuner, et 27 minutes pour le dîner.

Ce temps reste concentré au moment des trois repas traditionnels, malgré les facilités croissantes pour trouver à manger à toute heure. A 13 heures, la moitié des Français est en train de déjeuner! Le pic de synchronisation du petit déjeuner est vers 8 heures. Et l’heure du dîner a un peu évolué: il y a 25 ans, on dînait avant 20h, maintenant le pic est à 20h15 et les repas tardifs sont plus fréquents.

Même si ce rituel des trois repas reste le modèle dominant, il est malgré tout moins respecté par les jeunes. Ainsi, seuls 64% des moins de 25 ans ont une prise alimentaire entre 5 heures et 11 heures, contre 90% des personnes de 50 ans et plus. L’étude Ipsos sur les 15-25 ans précise que 54% des jeunes déclarent ne pas manger au moins un repas sur deux à heure fixe.

En outre, 15% des personnes interrogées déclarent grignoter très souvent entre les repas, hors goûter et apéritif. Pour les moins de 25 ans, ce chiffre est de 29%…

Autre chiffre intéressant, 19% du temps consacré à l’alimentation est passé devant la télé. C’est 3 points de plus qu’en 1986… Une personne sur quatre regarde la télé en mangeant le soir. Selon Ipsos, c’est même 61% des jeunes qui mangent au moins une fois sur deux leur repas devant un écran, ordinateur ou télé.

Mais le repas constitue quand même pour les Français un des moments les plus agréables de la journée. Moins que jouer, regarder un spectacle ou se promener, mais quasiment autant que lire ou écouter de la musique. Les personnes plus âgées les apprécient le plus et y consacrent plus de temps. Les plus jeunes apprécient moins, zappent plus le petit déjeuner, et mangent plus souvent à l’extérieur. Cependant, soulignons que les repas pris en (bonne!) compagnie sont, pour tous, tout de même les plus appréciés.

Photo: Clock / Dave Stokes via Flickr CC License by

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