Le webdocu qui met nos frigos à nu

Nos façons de faire les courses, gérer nos frigos ou cuisiner nous disent beaucoup sur nos rapports avec l’alimentation et plus largement avec la société de consommation. Le frigo est même «un objet intime ». Voilà la grande idée de Frigos à nu, beau webdocu réalisé par Gaël David, photographe, et Antoine Veteau, journaliste et réalisateur.

Au cœur de ce projet multimédia financé par KissKissBankBank, une série de portraits, montrant l’intérieur de 7 frigos (pour le moment!) et suivant leurs propriétaires, des personnes bien différentes, pendant leurs courses et dans leurs cuisines… On saisit des personnalités touchantes, chacune avec une vision bien particulière de l’alimentation, des moyens différents, des façons de cuisiner distinctes.

Par exemple, Nadège et Bryan, artistes de spectacle vivant, gèrent leur alimentation dans l’espace d’une caravane. Christine et Patrick font leurs courses tous les week-ends au marché et dans des petits commerces de bouche. Adama met beaucoup de son pays d’origine dans sa façon de cuisiner. Papyves adore éplucher les légumes en écoutant la radio et recherche toujours le goût des tomates de son grand-père…

Quand l’idée a germé, en 2010, il s’agissait surtout de parler de pouvoir d’achat, ébranlé en période de crise. Il s’est vite avéré qu’ouvrir un frigo, c’était raconter beaucoup plus de choses: le rapport avec la société de consommation, les habitudes, la gourmandise, les manières d’accueillir, les rôles familiaux… Comme le précise Antoine Veteau, ouvrir un frigo c’est aussi deviner des choses sur «la personnalité, l’éducation, la profession, la manière de gérer son argent, l’hygiène de vie…».

L’exercice n’est pas aisé. Le journaliste-réalisateur explique qu’il y a «une certaine pudeur à ouvrir son frigo, cela dévoile énormément les personnalités. Alors on rassure les gens, on prend le temps. Nous ne voulons pas de voyeurisme ni de mise en scène. Nous voulons décomplexer les gens, casser ces barrières, se retrouver à travers l’alimentation, au-delà des clichés».

L’objectif à moyen terme c’est de «créer et concrétiser des rencontres, des échanges», précise Antoine, au-delà du virtuel, notamment à travers le site ami Beyond Croissant (autre initiative très intéressante dont on parlera ici prochainement!).

Frigos à nu est donc «une expérience frigorifique et participative». En plus des grands portraits multimédia, le site propose une carte des Frigos à nu. Chacun est donc invité à poster une photo de son frigo, depuis les 4 coins du monde. De quoi enrichir ce passionnant projet, qui montre encore que nos manières de manger et de cuisiner racontent beaucoup, beaucoup de choses sur nous et nos sociétés…

Lucie de la Héronnière

Photos: Gaël David pour Frigos à nu
Vous pouvez aussi les suivre sur Twitter et Facebook.

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Combien de minutes de marche rapide pour un cheeseburger?

Une info semble plus utile que le nombre de calories sur les étiquettes: l’exercice physique nécessaire pour brûler ces calories…

L’étiquetage nutritionnel est obligatoire sur les produits industriels, et on peut facilement savoir combien de calories représentent les 4 pépitos (ou plus) que l’on veut engloutir. Mais est-ce pour autant nous allons nous saisir d’une pomme et laisser de côté les biscuits chocolatés? Pas vraiment…

«Si je veux cette délicieuse Chunky Monkey ice cream, savoir pertinemment qu’une portion fait 300 calories et 18 grammes de gras ne vas pas m’arrêter», écrit ainsi Nancy Shute sur Npr. «Mais si je savais qu’il me faut 1h20 de marche rapide pour brûler ces calories, peut-être que j’y réfléchirai à deux fois?»

La réponse est oui pour Ashlei James, une étudiante de la Texas Christian University, rapporte cet article de Npr. Elle a mesuré ce que les gens mangeaient quand on leur proposait des menus informant sur le temps de marche rapide nécessaire pour brûler les calories de chaque plat. Elle a comparé avec un menu comprenant le nombre de calories, et un menu sans aucune information.

Alors, qu’est-ce que les gens ont commandé et mangé? Les menus avec ou sans le nombre de calories n’ont eu aucun effet sur les 300 participants, âgés de 18 à 30 ans. Mais les gens qui ont vu le temps de marche nécessaire pour brûler les calories avalées ont commandé et mangé moins que les autres.

«Les consommateurs devraient devenir plus conscients de l’exercice nécessaire pour brûler les calories provenant des aliments riches en énergie» explique Meena Shah, prof de nutrition dans la même université. Selon elle, «quand les gens apprennent qu’il faut une heure ou deux pour brûler les calories d’un plat, ils réfléchissent plus». Il faudrait 2 heures de marche à une femme pour brûler un double cheeseburger… Précisons quand même que nous ne brûlons pas tous les calories à la même vitesse, en fonction de nos métabolismes différents.

Npr précise qu’en 2011, des chercheurs de l’Université Johns Hopkins avaient fait le même genre d’expérience: ils ont mis des étiquettes sur des boissons gazeuses, précisant qu’il faudrait courir 50 minutes pour brûler tout ce sucre. Les adolescents testés ont alors été plus susceptibles d’éviter les sodas, pour acheter de l’eau à la place…

Pourquoi observe-t-on ce genre de résultats? Sarah Bleich, de la Bloomberg School of Public Health, expliquait à Npr en 2011: «Mon sentiment personnel, c’est que ces indications sur les minutes de jogging fonctionnent parce que c’est perçu comme quelque chose de négatif». Et peut-être tout simplement parce que l’on met une donnée concrète de la vie quotidienne, en l’occurrence l’activité physique, derrière un nombre de calories un peu abstrait.

Photo: Cheeseburger With Lettuce, Tomato and Onion free creative commons/ Pink Sherbet Photography via FlickCC License by

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Le retour des gadgets des années 1970 en cuisine

Retour vers les années 1970. The Guardian nous explique que les ventes de teasmades, sodastreams et autres robots électriques sont largement à la hausse. Des classiques ressortent en version moderne. Mais de quoi s’agit-il au juste ? De trucs bien bien old school et plutôt pratiques…

– le teasmade : très apprécié autrefois aux Royaume-Uni, cet ingénieux dispositif fabrique le thé automatiquement, en étant relié à un réveil-matin. Résultat, le breuvage est tout prêt, bien chaud et sur la table de nuit quand on ouvre les yeux. Ce génial engin a connu ses heures de gloire dans les années 1960 et 1970. Vous pouvez voir de splendides spécimens ci-dessus.

– le sodastream : une machine à gazéifier l’eau du robinet ou tout autre boisson sans bulle… Inventé par Guy Gilbey en 1903, le sodastream a fait fureur avant de tomber en disgrâce… « La version réincarnée est noire et lisse », explique The Guardian. Même si l’investissement est important, avec le temps la limonade maison revient moins cher… Avec un marketing visant à convaincre les gens de fabriquer eux-mêmes leurs boissons gazeuses, et d’éviter de jeter des milliers de bouteilles de soda en verre, le principe plait. La croissance du chiffre d’affaire de l’entreprise a été de 46% en 2012.

– le robot électrique : Le grand symbole de ce retour du old school en version ultra-perfectionnée, c’est le Kenwood chef, robot multi-fonctions né dans les années 1950, popularisé dans les années 1970, au top des ventes aujourd’hui, souvent à prix d’or comme tous ses cousins multicolores.

On peut trouver facilement toutes ces précieuses reliques remises au goût du jour.  Mais aussi, dans le même genre, des toasters à sandwichs, des mijoteuses, des cuit-vapeur, des «hostess trolley», espèces de placards qui gardent les plats préparés à l’avance bien au chaud…

Ils sont de retour grâce certains ambassadeurs, explique The Guardian. Comme par exemple Jamie Oliver qui a fait buller du vin blanc pendant une démonstration. Ceci provoqua d’ailleurs une augmentation de 85% des ventes de sodastream en seulement une semaine…

Le distributeur John Lewis a ainsi vu les ventes de cuit-vapeur augmenter de 136%, celles des “hostess trolleys” de 114% et celles de teasmade de 102%.

Et pourquoi donc? Nostalgie? Retour aux basiques efficaces? Un acheteur explique au Guardian: « Il y a de la nostalgie dans ces appareils. Mais ils bénéficient désormais de nouvelles technologies et d’un design contemporain, et sont ainsi plus faciles à utiliser et plus élégants dans nos cuisines ».

Merci Mamie, ebay et les brocantes, il y a plein d’autres instruments que l’on trouve dans les cuisines françaises rétro et/ou à la pointe: tout un bataillon de gadgets tupperware, ou encore le thermomix… D’autres idées de trouvailles vintages qui trônent dans votre cuisine ?

Photo: IMG_0339 / superb_ via FlickCC License by

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Le chameau, un mets de choix?

Lors de sa visite au Mali en février, François Hollande a reçu un chameau. La semaine dernière, «panique en cuisine diplomatique», les autorités maliennes expliquent que la famille chargée de garder la bête l’a cuisinée en tajine. Mais heureusement, le camélidé mijoté sera remplacé par un chameau plus beau et plus gros qui sera envoyé à Paris.

Peu après, Boris Johnson, le maire de Londres, lors d’un voyage au Emirats arabes unis, s’est vu servir un énorme plat de chameau. Qu’il s’est empressé de photographier avec son smartphone. Apparemment, il a adoré le dîner.

Tout cela pousse The Guardian à s’interroger: le chameau, ça a quel goût? Et ça se cuisine comment?

C’est une viande de choix au Moyen-Orient. The Guardian cite l’auteur et chef Anissa Helou, experte en cuisine méditerranéenne et moyen-orientale:

«C’est un met délicat, pas un plat de tous les jours. En Syrie ou au Caire, il y a des bouchers spécialisés dans la viande de chameau. Dans le Golfe, on le mange pendant les fêtes et les mariages».

On le cuisine aussi en Afrique du Nord et de l’Ouest, comme le montre le quiproquo avec la famille malienne en charge du chameau de François Hollande.

Selon Anissa Helou, le goût du jeune chameau se situe «entre le bœuf et l’agneau». La bosse serait la partie la plus appréciée de l’animal, car plus tendre et plus grasse.

Au Royaume-Uni, on peut trouver du chameau (qui vient d’Australie!) chez Exotic Meats (en France, rien à l’horizon…). Pour le porte-parole, «la saveur est légère, un peu comme du veau».

Le chef Luke Mackay a préparé du curry de chameau lors d’une démonstration à Londres: «J’ai bruni la viande avant d’ajouter des épices. C’était  sucré, relativement gras, avec un goût de gibier», explique-t-il au Guardian. Bon, on dirait que tout le monde n’interprète pas la saveur du chameau de la même façon…

Alain Ducasse aussi a cuisiné le chameau, pour le restaurant du Musée d’Art Islamique de Doha. Il l’a fait cuire doucement, pendant 5 jours, et l’a accompagné de… foie gras.

Bref, selon les différentes suggestions, il faut mieux cuire le camélidé très lentement, en tajine ou en curry. Et le manger quand même bien cuit, pas rosé comme l’agneau.

Il s’agit d’une viande plutôt bonne pour nos petits corps, car assez maigre, et source importante de protéines et de vitamine E. Le lait de chamelle contient aussi trois fois plus de vitamines C que le lait de vache. Mais aussi du fer et de la vitamine B.

Selon la FAO, “bien que le lait de chamelle soit surtout commercialisé de façon informelle, il pourrait pénétrer sur un marché mondial d’une valeur de 10 milliards de dollars si des améliorations importantes étaient apportées”.

Les chocolats au lait de chamelle sont arrivés en France il y a quelques mois, bien forts en goût! Alors peut-être que dans 10 ans, on mangera des burgers de chameau, arrosés de milk-shake au lait de chamelle?

Photo: Camel/ xikita via FlickCC License by

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Que mangeaient les hippies?

En Californie, dans les années 1960-1970, les jeunes hippies ne font pas que l’amour, de la musique et du militantisme. Ils cuisinent et mangent aussi, souvent bio, souvent végétarien.

Dans son dernier ouvrage, Peace’n’food, la cuisine des hippies en 40 recettes, la journaliste Elsa Launay nous embarque dans l’histoire de la culture hippie, côté cuisine.

Quand les jeunes américains commencent à imposer leur contre-culture et leurs idées révolutionnaires, «tout acte quotidien devient politique: on ne peut décemment pas lutter contre la guerre et donner de l’argent aux industries qui la soutiennent, en s’alimentant de sodas et de plats préparés!».

Bio et végétarisme vont avec les idées de respect de la nature. Fermes, jardins communautaires, vente directe et recherche de l’autosuffisance commencent à s’implanter quand débarque Alice Waters, «pionnière du bio» et «mère nourricière de toute une révolution».

Chez Panisse

La jeune étudiante cherche un moyen d’appliquer les idées hippies à la réalité. Fascinée par le discours du leader Mario Savio, elle s’imprègne de sa pensée:

«Dans un de ses discours mémorables, il a dit: “l’Amérique est plus que jamais l’utopie de la stérilisation, de la satisfaction automatisée” et entendre cela m’aiderait plus tard à trouver le courage de chercher une satisfaction qui ne serait pas stérile, mais fertile et faite maison, une satisfaction que je trouverais quelques années plus tard dans la cuisine, une satisfaction qui durerait toute ma vie». (extrait de 40 years of Chez Panisse, the power of gathering, Alice Waters, Clarkson Potter, 2011, cité par Elsa Launey)

Peu après un échange universitaire en France où elle découvre de nouveaux goûts et aliments, Alice Waters, de retour en Californie, commence à écrire des recettes pour le San Francisco Express Times. Et ouvre le restaurant Chez Panisse en 1971 (en hommage aux films de Pagnol!). L’endroit devient vite un lieu de rassemblement et de réflexion, entre autres sur l’alimentation et le bio.

A la maison

En même temps, dans les foyers hippies, on mange végétarien, bio, des soupes, des ragouts, de la raw food (nourriture crue). «Le blé et le riz complets, le soja (et surtout le tofu), la luzerne et le granola jouaient un rôle important dans cette cuisine». Et le partage des tâches reste très traditionnel, note l’auteur. Les femmes font la cueillette dans le jardin et cuisinent…

On lit même quelques anecdotes culinaires sur Woodstock, en août 1969… Car 400 000 bouches à nourrir, ce n’est pas rien, et le cours du hot-dog montera très vite pendant le festival. Après quelques péripéties et problèmes d’organisation, Lisa Law, la “Queen of granola”, prendra les choses en main et servira des milliers de bols de granola et de boulgour aux courgettes.

Elsa Launay nous livre aussi quelques petites citations bien trouvées sur l’alimentation hippie, issues de ses recherches. Par exemple, un extrait de Hippie of the Haight de Sherri Cavan nous apprend qu’ “une journée hippie inclut généralement ce qu’on appelle parfois le scarffing ou le eating head food ; le scarffing est connu des membres pour avoir lieu quand quelqu’un mange une certaine nourriture, considérée par la communauté hippie comme étant particulièrement délicieuse lorsqu’on est défoncé aux drogues”.

Parmi ces aliments, sachez que l’on trouve “la glace et le beurre de cacahouètes, mais la liste peut s’étendre au gré des découvertes”.

“Hippy Hours” et “Peace of Cake”

Le livre nous propose donc aussi plein de recettes des plats communautaires, tous végétariens: granola, salade de quinoa aux airelles et amandes, corn on the cob, pois chiches à la mode cajun, chili végétarien, veggie pot pie, cookies au beurre de cacahouètes, banana bread…

Mais aussi des inventions rigolotes et référencées, comme la Tarte Peace aux framboises, le Flower Power cake ou les cocktails «Imagine» ou «Purple Haze». Des recettes accompagnées d’une playlist bien choisie, à écouter en cuisinant ou en mangeant. Il est ainsi conseillé d’écouter So long Marianne avec une salade de tomates et pastèque ou Strawberry Fields avec les quesadillas aux poivrons…

De jolies recettes pour s’imaginer en Californie. Et pour appliquer chez vous le slogan du livre: “Make food, not war”. En attendant, 40 ans plus tard, le restaurant d’Alice Waters, aux plats bio er locaux, marche toujours aussi bien.

Lucie de la Héronnière

Elsa Launey, Peace’n’Food, la cuisine des hippies, Editions Alternatives, mars 2013
Photo : Elsa Launay, image issue du livre.

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Appellation saluant le “fait maison” dans les restaurants: les avis critiques

15 grands chefs ont lancé en début de semaine une nouvelle appellation, “restaurant de qualité”, saluant le “fait maison” et l’hospitalité, on en parlait ici lundi.

Mais les critiques n’ont pas tardé à arriver. Xavier Denamur, d’abord, dans une interview pour le journal Métro, a vite fustigé une «véritable supercherie».

Le restaurateur parisien, qui dénonçait les plats industriels dans le film La République de la Malbouffe, expliquait que «cette initiative est privée et va permettre à des riches de savoir ce qu’il y a dans leur assiette, mais que fait-on des autres ? Tous les citoyens ont le droit de savoir ce qu’ils ont dans leurs assiettes, cela ne doit pas être un privilège réservé à une élite».

Pour lui, ces 15 grands chefs s’accordent purement et simplement le droit de contrôler les autres restaurateurs. Alors Xavier Denamur pense que «c’est l’Etat, et seulement lui, qui doit régler ces questions», via un système d’étiquetage clair.

Un risque de confusion?

Mardi, Francis Attrazic, Président de l’Association Française des Maîtres restaurateurs (autre “label”, décerné par l’Etat depuis 2008) a publié sur la page Facebook de l’association un communiqué pour réagir.

Il rappelle qu’ «aujourd’hui, plus de 2700 Maîtres Restaurateurs ont le titre. C’est un label officiel, contrôlé et décerné par l’Etat après un audit externe, démarche volontaire qui valorise le professionnalisme et le “fait maison”». D’autres “labels” régionaux existent également, même s’ils ne sont pas forcément connus des consommateurs.

Et le président de l’asso demande: «Veillons à ce que des initiatives ayant à priori le même objectif ne provoquent pas de confusion supplémentaire chez le consommateur»

Dans une interview accordée au blog Les bonnes tables (ou pas) de Jack et Walter (à lire en entier !), Francis Attrazic précise aussi que la démarche ne semble «pas suffisamment bordée, cette idée de “grand jury”, ça fait un peu Top Chef !».

Ensuite, on a pu lire hier la position du chef Georges Blanc sur le site Cuisiner en ligne. Pour lui, «c’est comme une porte ouverte que l’on enfonce bruyamment (…). S’en remettre à un organisme certificateur s’appuyant sur une déclaration sans contrôle semble utopique voire sans fondement. Pourquoi devoir payer pour prouver que l’on fait bien les choses ???».

Quand on lit le dossier expliquant les démarches à suivre pour obtenir l’appellation, on ne trouve en effet pas vraiment de procédure de contrôle. Les dossiers de candidature sont étudiés par le comité de sélection du Colléège culinaire, et le restaurateur concerné prend un certain nombre d’engagements.

Ensuite, le maintien de l’appellation est tout de même subordonné “aux résultats de l’évaluation clients” (mais aussi “à l’appréciation des chefs fondateurs du Collège culinaire de France” et… “au règlement de la cotisation d’adhérent”).

Un “label bidon”?

Enfin, on revient à Xavier Denamur puisque Rue 89 publie ce matin sa tribune dénoncant «un label bidon qui s’offre des publi-reportages». Pour lui, c’est de l’hypocrisie complète puisque ces grands chefs sont partenaires de grandes marques de l’industrie agroalimentaire (Ducasse et Sodexo, Marx et Danone…).

Il fustige une «Haute Autorité des Gamelles, élite autoproclamée, qui indique au bon peuple argenté où aller casser la croûte en toute sécurité», car il aurait aimé que les chefs se fassent entendre pendant la crise des lasagnes pour «déclarer le droit à savoir ce qu’il y a dans les assiettes de tous les Français comme priorité nationale».

Et de rappeler sa volonté de vrai «débat de fond sur la transparence dans les assiettes». Tout le monde est d’accord? En attendant, observons la mise en place de ce label et voyons si les consommateurs s’y attachent…

Photo: Cooking at Konstam Restaurant, London/  Lplatebigcheese via FlickCC License by

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15 grands chefs lancent une appellation saluant le “fait maison” et l’hospitalité

Alain Ducasse Joël Robuchon et 13 autres grands chefs (Paul Bocuse, Michel Guérard, Yannick Alleno, Gérald Passédat, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy…) lancent aujourd’hui une appellation “restaurant de qualité”, destinée à mettre en avant les restaurateurs qui cuisinent vraiment “maison” et accordent de l’importance à l’hospitalité.

C’est une idée des “membres fondateurs” du Collège culinaire de France, une association ayant pour but de “représenter, promouvoir et transmettre l’identité de la cuisine française, ainsi que la diversité, la tradition et la capacité d’innovation qui la caractérisent” mais aussi de “faire reconnaître la réalité économique de ce secteur et de continuer activement à son dynamisme”.

Sur l’Express.fr, on lit la déclaration d’Alain Ducasse:

“Sur les 150.000 restaurants français, les trois quarts ne font que de l’industriel. Les autres se battent pour cuisiner des produits frais. C’est à eux que nous nous adressons”.

Les candidats à cette appellation devront faire la démarche volontaire d’envoyer un dossier au Collège culinaire, qui examinera la demande, avant de l’accepter ou de la refuser.

Pour recevoir ce label, il faudra être transparent sur l’origine des produits et leur préparation sur place. Rien que du fait maison donc, avec un vrai chef et pas un réchauffeur de surgelés.

En outre, ce collectif de chefs veut mettre en avant l’hospitalité, trop souvent négligée selon eux… Des sourires, un accueil sympa, cela comptera. Pour conserver le titre, il faudra également obtenir au moins 75% de satisfaction des clients (interrogés via internet).

Les restaurants, auberges et bistrots qui recevront l’appellation auront droit à une belle «plaque millésimée» installée sur leur façade.

Sur le site de Libé, on peut lire une déclaration de Ducasse à l’AFP ce matin :

«Nous (les 15 fondateurs du Collège) voulons utiliser notre notoriété et notre expérience de grands chefs pour servir toute la profession».

Pour lui, ce secteur est “vecteur d’emploi non-délocalisables” et un attrait touristique. Et selon le grand chef, “rien n’est fait” par les gouvernements successifs, peut-être à cause du “lobby agrolimentaire”…

L’idée est très intéressante, à un moment où la transparence est une grande demande des consommateurs. Le Collège culinaire veut saluer les restaurants qui résistent à l’industriel et au semi-préparé (pratiques dénoncées dans le film La République de la Malbouffe), quelque soit leur emplacement, leur genre, leurs tarifs, et c’est une bonne chose.

Cette initiative marchera si le «label» se fait connaître, pour être bien identifiable par les consommateurs. L’appellation est destinée autant aux petits restaurants de quartier qu’aux grandes tables étoilées. Espérons donc aussi qu’elle sera vraiment demandée (et acceptée) par des établissements en tous genres, pas seulement par les grands chefs!

Photo: Cooking at Konstam Restaurant, London/  Lplatebigcheese via FlickCC License by

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Les critiques de l’alimentation industrielle entraînent une “naturalisation” de l’offre

Nous sommes régulièrement touchés par des scandales alimentaires, ce qui nous pousse à vouloir du vert, du “naturel”, vaste notion aux contours flous…

“Critiques de l’alimentation industrielle et valorisations du naturel: sociologie historique d’une “digestion” difficile (1968-2010)”, c’est le titre de la thèse d’Olivier Lepiller, menée sous la direction de Jean-Pierre Poulain. Le désormais docteur en sociologie est venu présenter son travail lors d’une conférence organisée par le Fonds français Alimentation & Santé.

On parle d’un sujet d’actualité brûlante. Mais depuis déjà près de 15 ans, un contexte très critique cohabite avec “la multiplication des garanties données à la critique”.

Allez, un peu de socio et des typologies qui nous aident à comprendre… Premier constat d’Olivier Lepiller: “il y a un problème de confiance entre les mangeurs nourris et les industriels nourriciers”, autour de thématiques comme les OGM, les additifs, l’huile de palme, les publicités abusives, les tromperies sur la marchandise…

Alors les mangeurs critiquent, sous plusieurs formes selon Olivier Lepiller:

–       La critique toxicologique, avec comme argumentation: l’industrie agroalimentaire néglige la santé, intoxique…

–       La critique politique et morale: l’agroalimentaire exploite, domine injustement, dupe, trompe, dissimule… Cette critique a des sous-catégories, les critiques “consumériste”, “ruraliste”, “tiers-mondiste”, “altermondialiste”, “gastronomique et identitaire”, “animaliste”…

–       La critique écologique: les modes de production industriels polluent, détruisent l’environnement et la biodiversité…

–       La critique diététique: l’industrie appauvrit les aliments, détraque les régulations physiologiques et socioculturelles…

Ces critiques semblent avoir des effets sur la communication, le marketing, les manières de produire ou les formulations. Les acteurs de l’offre veulent démontrer leur vertu, avec du bio, des emballages verts…

Depuis les années 1990 et la crise de la vache folle, on observe ainsi clairement une certaine tendance à la “naturalité”. Une volonté de donner des gages de bonne conduite et de qualité: la lettre scientifique d’Olivier Lepiller précise que “de plus en plus souvent, la nature est convoquée comme une instance morale sanctionnant les actions humaines”.

Là aussi, petite typologie de la contre-attaque agroalilentaire,  le travail de naturalisation (attention mot hyper-polysémique!) des produits industriels:

–       Un travail de naturalisation “inspiré”, avec l’absence d’artificiel et moins d’interventions techniques: la communication sur le “sans colorant ni conservateur”, les céréales complètes, le lien avec le sauvage (“miel de montagne” par exemple), l’absence d’éléments chimiques, la production décrite comme spontanée (“la nature nous offre…”), le “100% vrai”…

–       Un travail de naturalisation domestique, qui “met en avant des modes de production inscrits dans un héritage”: avec comme argument de vente des technique de production naturalisées (“des procédés naturels”…), des méthodes “artisanales” ou “traditionnelles”, la mise en scène du passé (pubs avec la nappe à carreau de mamie)… On pourrait ajouter la proximité et le local mis en avant par les industriels, évoqués ici il y a peu.

–       Un travail de naturalisation écologique, avec la promotion des actions positives sur l’environnement (“actions en faveur de la biodiversité”…), limitation des effets nocifs (économies d’énergie dans la production…), labellisation AB…

–       Un travail de naturalisation industriel, sur des produits en accord avec les recommandations nutritionnelles, avec l’ajout d’une substance recommandée (par exemple “enrichi en Oméga 3”). Une idée appuyée par “des arguments issus de la biologie de la nutrition, qui est une science de la nature”.

Ces types de naturalisation sont chacun plus ou moins reliés avec les différents types de critiques de l’alimentation industrielle identifiées plus haut.

La critique est bien “digérée”, par “l’adoption par les acteurs industriels de qualifications marchandes précisément pensées, à l’origine, contre l’industrialisation”. Une sorte de détournement alors…

Et au fait, pourquoi on aime manger des trucs “naturels”? Une piste: ces produits, on les mange, on les incorpore dans nos corps. Et, conclut Olivier Lepiller dans sa lettre scientifique, “l’incorporation met directement en jeu la dimension naturelle des mangeurs à travers leur corps, qui les rattache au domaine du vivant et du naturel”.

Photo: Greens and vegetables at Whole Food Market, London/  ciao_yvon via FlickCC License by

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Lait, poisson, miel… Les aliments victimes de la fraude alimentaire

Tiens, tiens, on reparle d’ingrédients fraudeurs, glissés discrètement dans les produits, sans être signalés sur les étiquettes. Le site GOOD nous propose une infographie intéressante, sur les aliments “victimes répétées” des compositions frauduleuses.

“Comment réagiriez-vous si vous appreniez que votre sachet de bon café était composé de farine de pomme de terre et de glands, et non pas de votre mélange colombien préféré?” Hum, mal sans doute.

Nourriture volontairement mal étiquetée, ingrédients remplacés par d’autres ou dilués, manipulés, à des fins de gain financier… Selon GOOD, cette année, près de 800 nouveaux cas d’”aliments fraudeurs” ont été enregistrés à l’United States Pharmacopeia Convention, base de données de ces fraudes alimentaires. C’est une augmentation de 60% par rapport à l’année dernière.

Cette infographie réalisée par GOOD montre donc les aliments très vulnérables à la manipulation et aux fausses informations, selon les cas recensés aux Etats-Unis. La plupart sont des produits d’épicerie courante…

1)    Le lait par exemple dilué avec de l’huile. On y croise du sucre de canne, des protéines de lait de bufflonne…
2)    L’huile d’olive: les contrôleurs y ont trouvé tout un tas d’huiles différentes (soja, palme, tournesol, sésame…etc.)
3)    Le miel, enrichi aux huiles essentielles, au sirop de fructose…
4)    Le safran, gentiment mélangé à des fleurs de souci, des fibres de betterave, du curcuma…
5)    Le poisson, à la chair au soja ou à la mélamine, de la morue d’Atlantique qui vient en fait du Pacifique, du thon qui se révèle être du Tilapia … etc.
6)    Le café, qui peut contenir de la farine de pomme de terre, des glands, de la chicorée…
7)    Le jus d’orange, coupé au jus de citron ou de raisin, coloré au paprika…
8)    Le jus de pomme, qui peut miraculeusement contenir des jus de raisin, ananas, poire, figue, ou du sirop de maïs…
9)    Le poivre noir, coupé au sarrasin, aux baies de genièvre, à l’amidon…
10) Et enfin, le thé, contenant des feuilles déjà utilisées (hum), de la sciure colorée, des huiles de patchouli, de Vetiver et de gingembre…

Pour plus de détails sur ces charmants ingrédients surprise, regardez de plus près l’infographie (en anglais)!

En France, selon le site du Figaro, “un contrôle sur trois dévoile des fraudes alimentaires”.

Autrement dit des  tromperies sur l’origine et la qualité de la marchandise, falsifications chimiques de denrées alimentaires périmées pouvant entraîner des graves intoxications, importations clandestines de produits prohibés via de savants trafics d’étiquettes sur les emballages”…

Suite à l’affaire des lasagnes à la viande de cheval, exemple de fraude parmi d’autres, Tonio Borg, le commissaire européen en charge de la santé et de la Consommation, avait déclaré vouloir durcir les sanctions financières dissuasives en cas de fraude alimentaire, mais aussi renforcer les contrôles.

Image: Capture d’écran de l’infographie de GOOD.

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Trois repas et tout va!

Petit déjeuner, déjeuner, dîner: depuis environ deux siècles, manger trois fois par jour et à heures à peu près fixes est devenu une pratique généralisée dans notre pays. Une norme qui s’impose encore aujourd’hui, au point qu’elle devient un baromètre de la santé, sociale, économique et psychologique, des individus.

Eclatement des familles, allongement des temps de transport, travail généralisé des femmes, métissage culturel, crise économique, généralisation du grignotage et même réchauffement climatique? La norme des trois repas par jour résiste à tout, ou presque. Les chercheurs de l’Inra l’ont encore confirmé dans un récent article «Who still eats three meals a day? Findings from a quantitative survey in the Paris area» dont un résumé gratuit est disponible en ligne. Une étude limitée à l’Ile-de-France qui, selon les auteurs, est la région la plus inégalitaire de France, tant au niveau économique que social, et donc la plus susceptible de désintégrer la tradition culinaire française.

Eh bien non: 66% des ménages franciliens enquêtés font bien trois repas par jour, le repas étant considéré comme une prise alimentaire «structurée» (à l’inverse du grignotage). Plus parlant encore, ils prennent tous ces repas à peu près à la même heure: pour une grande majorité de personnes, le petit déjeuner se déguste entre 7h et 8h, le déjeuner débute vers 12h ou 13h et le dîner entre 19h et 20h.

Moins d’un quart des Franciliens interrogés ne font que deux repas, le repas sauté étant alors, généralement, le petit déjeuner. Ceux qui ne font qu’un repas par jour sont carrément marginaux (3% des personnes enquêtées), une proportion plus importante (6,7%) en revanche s’attablant devant un quatrième repas, en général le goûter. On soupçonne qu’il s’agit de sportifs qui reprennent un peu de force entre leur travail et l’entraînement.

A noter cependant: si 23,6% des Franciliens ne s’attablent que 2 fois par jour, ils ne sont en revanche que 16% à ne faire que deux prises alimentaires par jour. Autrement dit, les autres font bien une troisième prise alimentaire, mais non structurée, sous forme de grignotage.

Mais la grande majorité des personnes fait donc trois repas par jour. Ce qu’elles mangent, en revanche, diffère énormément selon le type de famille, ce qui fait l’objet d’une autre étude de l’Inra. Les femmes, les familles et les personnes âgées sont celles qui se conforment le mieux à la norme. Les exceptions sont à chercher parmi les jeunes adultes, a priori ceux qui ont quitté le foyer familial mais pas encore fondé de foyer; parmi les entrepreneurs (ils n’ont pas le temps?); mais surtout, parmi ceux qui se trouvent en dessous du seuil de pauvreté.

«La principale césure est économique», confirme Olivier Cardon, l’un des auteurs de l’étude. Et la précarité touche d’abord les femmes seules avec des enfants qui sautent ainsi plus souvent un repas que les autres.

En réalité, souligne le chercheur, manger trois fois par jour et à des heures à peu près harmonisées est devenu une telle norme qu’elle en deviendrait presque un signe d’intégration économique, sociale, culturelle.

Tant qu’on mange trois fois par jour, autrement dit, c’est que tout va à peu près bien. Et quand on arrête, c’est que l’on est trop précaire, ou que l’on tombe dans la dépendance: «Les personnes âgées sont celles qui se conforment le plus à la norme, et s’y accrochent autant qu’elles peuvent», constate Olivier Cardon. Lorsqu’elles cessent de faire leurs trois repas quotidien, c’est le signe qu’elles tombent dans la dépendance, la maladie ou la dépression.

Servir des repas appréciés –à domicile ou en institution–, ou carrément associer les personnes du quatrième âge au choix voire à la confection des mets, apparaît donc comme une bonne méthode pour retarder leur entrée en dépendance.

Plus surprenant pour les chercheurs, il semble que les trois repas aux heures «françaises» constituent également un signe d’intégration pour les populations d’origine étrangère. Et de fait, les Français naturalisés s’y conforment comme le reste de la population (70% font trois repas, contre 68,6% pour les Français d’origine), alors que les étrangers ne sont que 50% à s’attabler trois fois par jour. L’enquête n’ayant cependant pas été réalisée dans ce but, les chercheurs ne savent pour l’instant pas s’il s’agit d’habitudes alimentaires différentes, ou simplement du fait que les étrangers ne considèrent pas le petit déjeuner français comme un repas à part entière et ne le comptabilisent donc pas comme tel. A suivre donc!

Catherine Bernard

Photo: Petit déjeuner

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