Les critiques de l’alimentation industrielle entraînent une “naturalisation” de l’offre

Nous sommes régulièrement touchés par des scandales alimentaires, ce qui nous pousse à vouloir du vert, du “naturel”, vaste notion aux contours flous…

“Critiques de l’alimentation industrielle et valorisations du naturel: sociologie historique d’une “digestion” difficile (1968-2010)”, c’est le titre de la thèse d’Olivier Lepiller, menée sous la direction de Jean-Pierre Poulain. Le désormais docteur en sociologie est venu présenter son travail lors d’une conférence organisée par le Fonds français Alimentation & Santé.

On parle d’un sujet d’actualité brûlante. Mais depuis déjà près de 15 ans, un contexte très critique cohabite avec “la multiplication des garanties données à la critique”.

Allez, un peu de socio et des typologies qui nous aident à comprendre… Premier constat d’Olivier Lepiller: “il y a un problème de confiance entre les mangeurs nourris et les industriels nourriciers”, autour de thématiques comme les OGM, les additifs, l’huile de palme, les publicités abusives, les tromperies sur la marchandise…

Alors les mangeurs critiquent, sous plusieurs formes selon Olivier Lepiller:

–       La critique toxicologique, avec comme argumentation: l’industrie agroalimentaire néglige la santé, intoxique…

–       La critique politique et morale: l’agroalimentaire exploite, domine injustement, dupe, trompe, dissimule… Cette critique a des sous-catégories, les critiques “consumériste”, “ruraliste”, “tiers-mondiste”, “altermondialiste”, “gastronomique et identitaire”, “animaliste”…

–       La critique écologique: les modes de production industriels polluent, détruisent l’environnement et la biodiversité…

–       La critique diététique: l’industrie appauvrit les aliments, détraque les régulations physiologiques et socioculturelles…

Ces critiques semblent avoir des effets sur la communication, le marketing, les manières de produire ou les formulations. Les acteurs de l’offre veulent démontrer leur vertu, avec du bio, des emballages verts…

Depuis les années 1990 et la crise de la vache folle, on observe ainsi clairement une certaine tendance à la “naturalité”. Une volonté de donner des gages de bonne conduite et de qualité: la lettre scientifique d’Olivier Lepiller précise que “de plus en plus souvent, la nature est convoquée comme une instance morale sanctionnant les actions humaines”.

Là aussi, petite typologie de la contre-attaque agroalilentaire,  le travail de naturalisation (attention mot hyper-polysémique!) des produits industriels:

–       Un travail de naturalisation “inspiré”, avec l’absence d’artificiel et moins d’interventions techniques: la communication sur le “sans colorant ni conservateur”, les céréales complètes, le lien avec le sauvage (“miel de montagne” par exemple), l’absence d’éléments chimiques, la production décrite comme spontanée (“la nature nous offre…”), le “100% vrai”…

–       Un travail de naturalisation domestique, qui “met en avant des modes de production inscrits dans un héritage”: avec comme argument de vente des technique de production naturalisées (“des procédés naturels”…), des méthodes “artisanales” ou “traditionnelles”, la mise en scène du passé (pubs avec la nappe à carreau de mamie)… On pourrait ajouter la proximité et le local mis en avant par les industriels, évoqués ici il y a peu.

–       Un travail de naturalisation écologique, avec la promotion des actions positives sur l’environnement (“actions en faveur de la biodiversité”…), limitation des effets nocifs (économies d’énergie dans la production…), labellisation AB…

–       Un travail de naturalisation industriel, sur des produits en accord avec les recommandations nutritionnelles, avec l’ajout d’une substance recommandée (par exemple “enrichi en Oméga 3”). Une idée appuyée par “des arguments issus de la biologie de la nutrition, qui est une science de la nature”.

Ces types de naturalisation sont chacun plus ou moins reliés avec les différents types de critiques de l’alimentation industrielle identifiées plus haut.

La critique est bien “digérée”, par “l’adoption par les acteurs industriels de qualifications marchandes précisément pensées, à l’origine, contre l’industrialisation”. Une sorte de détournement alors…

Et au fait, pourquoi on aime manger des trucs “naturels”? Une piste: ces produits, on les mange, on les incorpore dans nos corps. Et, conclut Olivier Lepiller dans sa lettre scientifique, “l’incorporation met directement en jeu la dimension naturelle des mangeurs à travers leur corps, qui les rattache au domaine du vivant et du naturel”.

Photo: Greens and vegetables at Whole Food Market, London/  ciao_yvon via FlickCC License by

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Congelé, concentré, en poudre, en bidon… Le monde de l’oeuf industriel

On parlait ici il y a quelques semaines des plats préparés par l’industrie agroalimentaire et du rôle de tout un tas d’ingrédients aux noms très mystérieux… Dont les oeufs, souvent largement transformés pour arriver dans nos biscuits.

Bien sûr, le fabricant de votre paquet ne casse pas les oeufs frais – pondus par des poules élevées en plein air -, un à un pour faire la pâte… Suite à la publication d’un dossier de l’INRA sur l’oeuf, revenons plus en détail sur cet ingrédient-là et ses utilisations industrielles…

La France est le premier producteur d’oeufs et d’ovoproduits, avec 290 000 tonnes en 2011, dont 40% destinées aux ovoproduits (c’est à dire les produits obtenus à partir de l’oeuf, de ses composants ou de leur mélange. Sans utiliser la coquille!).

L’industrie agroalimentaire est “très friande d’ovoproduits et il y en a partout dans nos cuisines”. Les oeufs et leurs dérivés sous toutes les formes entrent dans la liste d’ingrédients de nombreux produits industriels “en raison de leurs propriétés fonctionnelles (aptitude au fouettage, émulsification, moussage, stabilisation, gélification, texturation…)”.

L’INRA distingue trois catégories. D’abord les “ovoproduits intermédiaires”, destinés à être utilisés comme ingrédients par les industries agroalimentaires. Ils sont sous forme liquide, concentrée, congelée ou en poudre.

Là, le blanc sert par exemple à faire mousser (le contenu de votre pot de mousse au chocolat du supermarché) ou à gélifier (votre charcuterie…). Ce fabricant explique sur son site que les ovoproduits congelés peuvent se conserver 1 à 2 ans, et les oeufs en poudre 2 ans dans un endroit sec…

Ces ovoproduits-ingrédients industriels sont donc utilisés, selon le fabricant, pour des raisons de “sécurité bactériologique”, mais aussi de “rationnalisation, praticité et économie” (pour fonctionner en flux tendu, gagner du temps, conserver les matières premières…) et pour travailler avec du “prêt à l’emploi” (plus de rendement car “plus besoin de casser les oeufs”!…)

Ensuite, on rencontre les “ovoproduits prêts à l’emploi”, déjà transformés pour la restauration hors-domicile: “les oeufs durs écalés, les oeufs pochés, des omelettes précuites ou deshydratées, des blancs en neige…”. Vous qui avez déjà mangé dans une cantine scolaire ou d’entreprise, vous voyez de quoi on parle.

Et enfin, “les constituants du blanc ou du jaune”, pour l’industrie agroalimentaire et aussi non-alimentaire. On extrait les molécules utiles qui ont différentes propriétés: “le lysozyme, extrait du blanc d’oeuf, est par exemple utilisé dans la fabrication de fromages à pâte pressée cuite, comme conservateur naturel dans un grand nombre de préparations alimentaires ou comme principe actif de traitements contre les maux de gorge”.

Les fabricants de tous ces ovoproduits utilisent des machines de cassage “capables de les briser individuellement, avec des capacités pouvant atteindre jusqu’à 180 000 oeufs par heure”! Les coquilles sont toujours très vite évacuées, car elles peuvent être une source de contamination.

Ensuite, ils sont filtrés et transformés (pasteurisés, séchés, mis sous forme de poudre, de concentré…). Et vendus à des restaurants collectifs ou des industriels, qui les utiliseront donc dans vos plats de la cantine, pâtisseries, charcuteries, confiseries ou encore sauces…

Photo: Eggs/ George M. Groutas via FlickCC License by

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Mettre en avant les producteurs, une stratégie de l’industrie agroalimentaire?

Olivier Fourcadet est prof de management à l’ESSEC, spécialisé en stratégie des entreprises et en agroalimentaire. On a pu lire récemment sur son blog Nouvelles Perspectives en Agroalimentaires un article écrit par Clémentine Alaux, étudiante de l’école, intitulé Mettre en valeur les producteurs: une tendance forte de l’agroalimentaire? En période d’incertitude alimentaire et d’affaire de lasagnes au cheval, le marketing “local”, personnalisé avec des figures de producteurs semble faire recette… Quelques questions à Olivier Fourcadet:

Selon les tendances révélées par le Salon International de l’Alimentation 2012, les Français recherchent “simplicité et solidarité” dans leur consommation alimentaire, en privilégiant notamment les produits locaux. Comment explique-t-on cela?

En période de tensions, de doutes, on essaye de retourner à des valeurs traditionnelles. Il peut s’agir de valeurs religieuses, ou bien des racines… Les gens veulent plus s’enraciner avec le terroir, la proximité, cultiver les liens avec la terre. En période de crise, le produit devient aussi important que celui qui le fait. Alors les consommateurs ont une attention croissante pour les produits “de chez nous”. On voit que les consommateurs sont à la recherche de liens directs avec les agriculteurs, le concept de proximité parle à tout le monde. On observe par exemple le développement de “drive” fermiers, ou de distributeurs automatiques remplis par les producteurs du coin…

Les marques se saisissent donc de cette volonté de proximité, de local?

Les marques voient apparaitre ce rapprochement, elles veulent jouer un rôle, et utilisent donc cette image de proximité. En fait, cette stratégie orientée vers le local existe depuis les années 1990 et la crise de la vache folle. Des marques ont commencé à utiliser des figures d’agriculteurs, pour rassurer le consommateur sur la proximité et la traçabilité des produits.

Ce n’est pas une idée nouvelle: Carrefour par exemple utilise depuis longtemps le “made in France” avec sa marque Reflets de France. Certaines marques s’approvisionnent en local depuis longtemps – et notamment parce qu’il est plus facile d’avoir des fournisseurs juste à côté!- mais ne communiquaientnt pas forcément dessus.

En restant attentives à ce que la communication ne soit pas perçue comme négative (les costauds abusant des petits…), les marques commencent à vouloir répondre aux attentes en orientant leurs stratégies de communication vers l’offre locale, en mettant en avant directement les figures des agriculteurs.

Par exemple?

Comme le précise l’article, Danone, depuis 2010, met en avant les producteurs sur le packaging du produit et dans les publicité TV, avec une communication sur les “éleveurs laitiers français”. Autre exemple, Fleury Michon commercialise un “jambon de nos campagnes” avec la photo d’un producteur sur le packaging, avec des mentions insistant sur le made in France

Selon vous, cette tendance va se poursuivre?

Oui, je vois sur les marchés que ceux qui vendent du local ont beaucoup de succès… Même si les consommateurs ont des attentes différentes: dans une grande surface, les gens cherchent un beau produit, une tomate bien lisse. Dans les circuits courts, ils cherchent surtout le contact avec les producteurs, sans donner d’importance aux tâches sur les poires ou les pommes… Les initiatives se multiplient, comme la livraison de paniers dans les entreprises. Il est clair que les marques ne voudront pas être exclues et souhaiteront jouer un rôle.

L.D.

Photo: milk family/ tauress via FlickCC License by

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Les anciens adversaires du tabac s’attaquent à l’agro-alimentaire

Nature Valley/Theimpulsivebuy Via FlickrCC Licence By

Plus d’une dizaine d’avocats qui s’étaient attaqués aux grandes compagnies du tabac il y a une dizaine d’années s’en prennent maintenant à l’industrie agro-alimentaire aux Etats-Unis.

Le New York Times révèle que 25 plaintes ont été déposées ces quatre derniers mois contre des géants de l’industrie comme PepsiCo, Heinz ou encore General Mills (qui commercialise les produits Häagen-Dasz et Géant vert).

Ils réclament par exemple à la cour fédérale de Californie d’interdire la vente de spray de cuisson, de cacao et de tomates en boites produits par l’entreprise ConAgra.

Les entreprises sont accusées d’étiqueter  frauduleusement leurs produits en induisant en erreur les consommateurs. Le New York Times prend en exemple une marque de yaourt à la grecque qui indiquait «jus concentré de canne» sans préciser que le jus concentré en question provenait de la canne à sucre, et était donc essentiellement du sucre (sans compter que l’appellation «jus», plutôt que sirop par exemple, peut elle-même porter à confusion).

La Food and Drug Administration (FDA, l’autorité américaine de régulation des denrées alimentaires et des médicaments) avait averti à plusieurs reprises les entreprises de ne pas utiliser le terme «jus concentré de canne» le considérant comme «faux et mensonger».

«Si vous allez mettre du sucre dans votre yaourt, pourquoi ne pas dire qu’il y a du sucre?» interroge Pierce Gore, un des avocats qui poursuit les industries agro-alimentaires.

Don Barrett, un avocat du Mississipi qui, selon le New York Times, avait fait payer des centaines de millions de dollars aux géants du tabac, indique que son groupe d’avocats pourrait réclamer des dommages et intérêts pour des produits vendus avec des étiquettes mensongères pendant ces quatre dernières années, ce qui pourrait leur rapporter plusieurs milliards de dollars.

«Les entreprises agro-alimentaires vont dire que ce sont des crimes inoffensifs – les compagnies de tabac ont dit la même chose […] mais pour les diabétiques et autres, le sucre est aussi mortel que du poison

«Je pense que les tribunaux commencent à regarder l’improbabilité de certains de ces procès» a expliqué au New York Times une avocate des industries alimentaires en prenant en exemple une plainte déposée par une mère de famille contre Nutella. Ferrero avait conclu un accord avec les parties plaignantes, versant au total la coquette somme de 3,05 millions de dollars.

«C’est difficile de prendre certaines de ces plaintes au sérieux, par exemple, croire qu’un consommateur a été trompé et qu’on lui a fait croire qu’une pâte à tartiner au chocolat et à la noisette était saine pour les enfants

L’Associated Press rapporte qu’au Nebraska, ConAgra est poursuivi pour publicité mensongère pour avoir affirmé sur l’emballage d’un spray de cuisson «zéro calories» alors qu’une bouteille de 220 grammes contient plus de 800 calories.

Des procès qui ne sont pas sans précédent: de Nivea à Danone, CBC News fait une liste de huit marques attaquées pour publicité mensongère. Reebok avait promis que ses chaussures renforçaient les muscles des mollets et des cuisses, Nivea que sa crème faisait maigrir et Danone que ses yaourts au bifidus facilitaient le transit et pouvaient empêcher les rhumes. En France, les «Bio de Danone» ont dû changer de nom en 2005 (rebaptisés Activia) pour se mettre en conformité avec une directive européenne  sur l’agriculture biologique, leur nom laissait supposer à tort qu’ils étaient issus de l’agriculture biologique.

P.M

Photo: Nature Valley/Theimpulsivebuy Via FlickrCC Licence By

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Facebook, du petit lait pour les marques alimentaires

Kinder, Danette, Oasis, M&M’s… Les marques alimentaires sont bien présentes sur Facebook, via des pages récoltant un nombre de fans assez impressionnant. Hopscotch, une agence de relations publiques, vient d’annoncer les résultats du deuxième «baromètre Hopscotch-Like Me I’m Famous sur le thème de la présence des marques de food sur Facebook”. Les 40 marques alimentaires ayant les plus grandes communautés sur leurs «pages fans» en France ont été analysées. Pour chacune de ces grandes marques industrielles, le nombre moyen de fans est de 798963…

Premier constat, les marques de goûters et Cie sont mobilisatrices: le «food» est le 3ème thème le plus suivi sur le réseau social derrière les stars/people et le luxe. Les marques «plaisir» sont les plus efficaces sur Facebook, avec comme critères de forte présence la puissance communautaire, la vivacité et l’engagement conversationnel. Parmi les 10 marques au top sur Facebook, 9 sont des marques sucrées… Peut-être parce qu’on a plus de liens “affectifs” avec les marques de goûters et de desserts qui ont un aspect “régressif”?…

Alors quelles sont les stratégies des marques alimentaires pour garder leurs «fans»? Pour l’agence, il s’agit déjà d’avoir une «prise de parole décalée et originale», avec une communication ludique. Mais aussi de trouver un «équilibre entre volume et activité», car il ne suffit pas d’avoir des millions de fans, il faut aussi que ceux-ci soient impliqués… Enfin, les marques essayent de faire preuve de «vivacité et réactivité» pour répondre à toutes les demandes. Ce qui revient à avoir un bon community manager, qui entretient le lien…

Certaines marques publient du contenu «quotidien», sans rapport avec la marque, juste pour discuter avec les internautes. Les «storytelleuses» produisent “un contenu essentiellement axé autour des univers de communication de la marque: égéries, campagnes de communication….”, tandis que d’autres mettent en avant le produit, le plaisir qu’il provoque… Enfin, d’autres marques font tout cela à la fois.

Le baromètre montre que les marques sont dans une position de dialogue asumée, en acceptant les commentaires et les publications directes. Cependant, la réactivité n’est pas incroyable: 50% des interpellations ou questions des internautes restent sans réponse… Et certaines grandes marques laissent même des spams sur leurs murs.

Mais les internautes ne s’engagent tout de même pas trop et ne passent pas beaucoup de temps sur les pages des marques “food’. Il y a en moyenne 2,4 publications par jour sur le mur, et 21 commentaires. Le «partage» est beaucoup moins fréquent que le like. Et, étonnant, «la tonalité négative est faible», moins de 6%. Facebook n’est donc pas le moyen le plus utilisé pour la critique des grandes marques de l’agro-alimentaire.

Photo: facebook/ dkalo via Flickr CC License by

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Open Food Facts: de l’open data dans nos assiettes

Avant, aucune base de données sur les ingrédients et additifs des produits industriels n’était disponible ou exploitable pour les citoyens. Stéphane Gigandet, initiateur du groupe Manger Bloguer et du site Informations Nutritionnelles, a donc créé en mai 2012 Open Food Facts, pour lutter contre le manque de transparence des industries agro-alimentaires. L’idée, c’est de faire de l’open data dans nos assiettes, avec des infos brutes et disponibles pour tous, pour toutes les utilisations.

Chaque consommateur-citoyen peut prendre en photo les étiquettes des produits qu’il achète, puis renseigner la base de données sur les ingrédients, les additifs, la composition nutritionnelle et le lieu d’achat… Aujourd’hui, cette intelligente co-production de données alimentaires a déjà recensé 1700 produits, grâce à 135 contributeurs.

Données libres
Ces informations sont ensuite réutilisables et redistribuables comme bon nous semble, gratuitement. Des données qu’il est bon de pouvoir lire librement, parce que ce sont des informations d’intérêt général touchant à la santé publique, et parce que les choix alimentaires doivent être faits de manière éclairée…

Stéphane Gigandet, initiateur du projet, explique que l’objectif est de permettre aux consommateurs de «mieux décrypter les étiquettes», mais aussi de «faire réagir les industriels pour les encourager à faire mieux». Stéphane Gigandet aimerait aussi «comparer les compositions d’une région à une autre. On dit souvent que les yaourts sont plus sucrés dans les DOM-TOM, mais est-ce que c’est vrai?»

Open Food Facts permet donc de comparer les produits, de trouver les plus sains, ou ceux qui contiennent le moins de graisses, sels, additifs ou allergènes. Mais aussi de vérifier les allégations du genre «contient 25% de sucre/sel/gras en moins par rapport aux autres produits de la catégorie», pas toujours fondées…

Le site pourrait aussi «aider la recherche», en croisant ces données avec d’autres études. Mais Stéphane Gigandet précise que les usages de cette base de données sont à inventer, «les gens vont l’imaginer…». Une application I-phone et Androïd est en cours de construction…

Opération sodas
Associé à Owni et à Terra Eco, Open Food Facts a réalisé sa première grande opération de récolte participative de données du 18 au 24 juin: l’opération sodas. Stéphane Gigandet souligne qu’il était intéressant d’ «obtenir toutes les données dans une catégorie de produits. Et les sodas semblaient pertinents, avec leurs nombreux colorants et édulcorants…».

Le but était d’agréger le maximum d’informations sur les dizaines de sodas présents sur le marché, pour dresser un panorama de ces boissons et observer les différences éventuelles entre les grandes marques et les marques distributeurs, les ingrédients des boissons énergisantes, les quantités de sucre…

Quelques jours après la fin de l’opération soda, 60 millions de consommateurs dévoilait une inquiétante enquête sur les ingrédients cachés des sodas: des résultats sans doutes complémentaires de ceux d’Open Food Facts, puisqu’il s’agit d’analyses en laboratoire, pour une cinquantaine de sodas.

Pour Open Food Facts, le bilan est bon à la fin de l’opération: 160 sodas recensés, et 50 nouveaux contributeurs. Les informations recueillies sont désormais en train d’être exploitées et analysées par les rédactions d’Owni et de Terra eco, des diéteticiens et des nutritionnistes. Les résultats seront publiés prochainement, affaire à suivre!

Lucie de la Héronnière

Photo: Soda Pop Confusion/ Vox Efx via FlickCC License by

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Chez les boulangers, les pâtisseries industrielles gagnent du terrain

Le croissant moelleux, la tarte au citron ou l’éclair que vous achetez chez votre boulanger a des chances d’être un produit surgelé réchauffé. Même si ça sent bon le beurre et la pâtisserie qui sort du four à l’approche de la boutique. Le dernier numéro de Que Choisir explique que les consommateurs sont quelque peu «roulés dans la farine» à ce sujet là…

Dans les boulangeries, le pain est toujours fabriqué sur place, c’est la législation qui le veut. Pour utiliser l’appellation «Boulanger», les artisans doivent assurer eux-mêmes “à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur final”. Et ne surtout pas utiliser la congélation. Mais regardez autour de vous… Beaucoup de chaînes n’utilisent pas le terme «boulangerie» mais ont des jolies devantures qui évoquent l’univers et les senteurs de la vraie boulangerie.

Cette législation est valable pour le pain. Mais en ce qui concerne le sucré, les pâtisseries et viennoiseries peuvent tout à fait être fournies par des entreprises agro-alimentaires. Que Choisir précise qu’il est difficile d’évaluer la proportion de ces surgelés chez les boulangers, mais cite Philippe Godard, de la Fédération des entreprises de boulangeries et pâtisseries industrielles: «on peut néanmoins estimer, sans risque d’être contredit, qu’une viennoiserie sur deux n’est pas fabriquée par l’artisan. (…) Elles lui ont été livrées déjà prêtes et il n’a plus qu’à les cuire dans son four». Ou alors, il s’est fait livrer des produits qu’il n’aura plus qu’à assembler (fond de tarte et crème par exemple…).

Evidemment, bien des artisans-boulangers continuent à faire leurs propres pâtisseries ou se concentrent sur quelques spécialités et achètent le reste à l’extérieur. Philippe Maupu, secrétaire général de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française,  déclare quant à lui que le recours à la pâtisserie industrielle «reste marginal». Difficile de vérifier les dires des uns et des autres, car les industriels refusent de donner des chiffres ou d’ouvrir leurs carnets de commande…

Pour Michel Bernardin, directeur adjoint de Coup de pâtes, un des leaders du secteur, «de tous temps, le boulanger a eu besoin de produits finis ou semi-finis parce qu’il n’avait pas les compétences ou le personnel pour le confectionner lui-même».  Alors il propose des épais catalogues de pâtisseries: on dirait des vraies, mais c’est du «cru-surgelé» ou du «précuit-surgelé»

Alors, comment savoir si on achète du frais ou de l’industriel? D’abord, demander simplement au boulanger semble une bonne idée! Même si un boulanger vendant des produits industriels ne va pas trop s’en vanter… Certains artisans lèvent le doute directement avec des affichettes «tous nos produits sont fabriqués sur place». Normalement, quand ils mettent en vente un produit surgelé, les boulangers doivent mettre un logo d’igloo sur leur vitrine (ou un pingouin dans les pâtisseries «pures»). Aussi, selon Que choisir, plus la gamme est large, plus l’origine industrielle est probable. Ensuite, les gâteaux faits maison sont souvent plus irréguliers et moins calibrés que leurs cousins sortis d’une chaîne de production. Enfin, il faut surtout goûter! Car c’est sûr et certain, un éclair au chocolat congelé n’a vraiment pas le même goût qu’un autre préparé le matin même par un artisan.

Photo: religieuse/ jetheriot via Flickr CC License by

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La République de la malbouffe, un régime pas très appétissant

 

« Opacité, obésité, précarité ». Ce serait la devise peu ragoûtante de la République de la malbouffe, dépeinte dans un film plutôt explosif sorti le 1er février : un documentaire qui chronique la bataille de Xavier Denamur – restaurateur dans le Marais à Paris et personnage très cinématographique – contre la malbouffe et le mépris de la restauration traditionnelle. Ses adversaires : les géants de l’agro-alimentaires et leurs amis politiques.

Xavier Denamur a choisi un combat significatif : la baisse de la TVA dans la restauration de 19,6 à 5,5 %, décidée par Nicolas Sarkozy en avril 2009.  Le tout sous la pression d’un « Club TVA », dirigé par Jacques Borel, personnage qui fait rire jaune autant qu’il écoeure.

Le réalisateur Jacques Goldstein s’attache à montrer que cette mesure est largement plus un cadeau accordé aux syndicats patronaux et aux chaînes de restauration rapide qu’une incitation à l’emploi. Et ce grâce à la puissance du lobby agro-alimentaire.

On constate que les prix n’ont pas baissé, et que les quelques embauches et augmentations de salaires sont une miette dans les 3 milliards d’euros par an que représente la baisse de la TVA dans la restauration. D’ailleurs, après la projection de mercredi, Xavier Denamur l’explique clairement : « j’ai financé ce film avec ce que j’ai gagné grâce à la baisse de la TVA ! ». En plus, de nombreux restaurateurs ont reçu un bulletin d’adhésion à l’UMP après la mise en place de la mesure…

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Le périple des bananes, de la cueillette à l’assiette


Certains les préfèrent dorées avec des taches brunes ou noires, d’autres pencheraient plutôt pour les vertes. Cet échantillon de couleurs marque leur maturité, rappelle le site Edible Geography qui a pu faire un tour dans un entrepôt consacré au mûrissement des bananes dans le Bronx.

Le distributeur, représentant de Banana Distributors of New York, Paul Rosenblatt, explique qu’après l’arrivage des bananes — principalement d’Amérique latine — à l’entrepôt, l’idée est de relancer le processus de mûrissement, interrompu le temps du voyage. Ainsi, une charte a été conçue dans les locaux pour déterminer les 7 niveaux acceptés, du «tout vert» au «tout jaune avec des taches rouge-marron».

Placées dans des boîtes, les bananes seront ensuite conduites dans des chambres pressurisées pour mûrir artificiellement; ce sont ainsi près de 2 millions de bananes qui passent par ces 21 chambres dont Banana Distributors of New York dispose avant d’être distribués dans les supermarchés et épiciers de New York. Chaque chambre comporte un niveau différent d’éthylène, hormone naturelle produite par le fruit lorsqu’il mûrit. Bien que les bananes soient dans des boites le temps de leur maturation pour empêcher l’éthylène de s’échapper, il faut néanmoins ventiler les chambres pour éviter l’accumulation d’éthylène, explique Paul Rosenblatt. «Avec les bananes, tout est une question de ventilation». Combien de temps le processus dure-t-il? Les bananes, une fois arrachées des bananiers, seront conservées dans des conteneurs réfrigérés pendant des semaines le temps d’être exportées. Une fois arrivées à l’entrepôt, il faudra compter entre 4 et 7 jours pour qu’elles atteignent le degré de maturité souhaité.

J.C

Photo: Des bananes/timquijano via Flickr CC

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