Doit-on tirer des leçons du modèle énergétique américain ?

 

 

 

http://www.whitehouse.gov

La production mondiale d’hydrocarbures de plus en plus de mal à suivre la demande et les prix du baril atteignent des niveaux record avec en prime de graves problèmes en termes de politique énergétique qui se posent pour les Etats. La crise de 2009 entre la Russie et l’Ukraine, qui avait mené à une coupure des approvisionnements en gaz en Europe a été un retentissement mondial et un vrai traumatisme pour des Européens qui se sentaient jusque là hors d’atteinte. Ainsi, la sécurisation des approvisionnements en énergie est arrivée au cœur des débats.

A cette problématique, les Etats-Unis ont choisi une réponse claire qui s’organise sur plusieurs fronts. La mesure la plus visible ces derniers temps et la plus fondamentale est l’augmentation de la production nationale d’hydrocarbures. Au-delà des simples revenus tirés de l’exploitation de la ressource, l’enjeu est de réduire les importations et donc la dépendance aux marchés étrangers. En effet, les Etats-Unis ont augmenté leur production de pétrole jusqu’à atteindre le niveau le plus élevé depuis deux décennies à près de 7,5 millions de barils par jours[1]. Grace à cette augmentation, « pour la première fois depuis plus d’une décennie, le pétrole (que les Américains) ont importé représentait moins de la moitié du combustible qu’ils ont consommé. »[2] Si on parle énormément de cette politique, c’est aussi pour le boom gazier qu’elle a produit avec l’explosion de la production de gaz de schiste qui, aussi polémique soit elle, a permis aux Etats-Unis de devenir le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie. L’augmentation de la production a atteint les 5 millions de m3 en 5 ans pour une extraction annuelle de 30 millions m3 aujourd’hui[3].

Cela dit, les Etats-Unis restent largement dépendants des productions étrangères. C’est pourquoi, pour se prévenir des fluctuations des cours dues à des environnements de production instables, le gouvernement américain a agi sur deux plans. Le premier et le plus impactant est le choix des pays importateurs : les Etats-Unis ont tendance à choisir des pays qui non seulement sont proches, mais qui en plus sont stables. Ainsi, les importations depuis le Venezuela ont chuté depuis l’année 2005[4] tandis que celles en provenance du Canada, politiquement solide, ont nettement augmenté[5]. Le président Obama, dans son discours du 30 mai 2011 à l’université de Georgetown à Washington D.C. a également évoqué le Mexique comme exportateur privilégié, même si cela ne se reflète pas dans les chiffres. Le Brésil est, lui, désigné comme un exportateur en devenir. Le gouvernement américain, au-delà de la réduction de la dépendance à l’étranger, essaie donc de sécuriser ses approvisionnements par la proximité géographique et politique.

La réduction des importations passe également par une augmentation des sources d’énergie alternatives (notamment le biocarburant sur lequel l’armée américaine mise de plus en plus) et un développement de l’efficience énergétique. Cela dit, le gouvernement américain se désengage progressivement de ce secteur et tend à prendre des mesures qui se limitent à l’adaptation des cadres légal et financier pour une meilleure intégration de l’économie verte à l’économie de marché et donc pour une compétitivité accrue comme le note Richard Kauffman, conseiller au Secrétaire de l’énergie. Les mesures d’aide financières, qui ont poussé la recherche et développement, arrivent en fin de vie et ne seront, en grande partie, pas renouvelées.

 

L’administration Obama a-t-elle les moyens de se battre sur tous les fronts ? Cela paraît difficile. Malgré les efforts de communication du Président, de grandes tendances et priorités apparaissent à travers le discours officiel. Et celles-ci ne correspondent qu’à des visions à court terme (qui correspond également au temps politique).

En effet, l’augmentation de la production nationale de pétrole et de gaz naturel apparaît aujourd’hui comme le point qui concentre tous les efforts via la recherche de nouvelles sources d’hydrocarbures (voir par exemple les sables bitumineux), la recherche de nouvelles techniques comme la fracturation hydraulique et la vente de concessions en grand nombre dont le Président Obama se vante très largement. Or, les importations ne diminuent pas proportionnellement. On a donc une augmentation de la consommation d’hydrocarbures aux Etats-Unis[6] après une baisse due à la crise économique, qui va à contre-courant du discours officiel qui veut que le pays se détache des énergies carbonées.

Considérant cela, la disparition des crédits et des aides au développement des sources d’énergie renouvelables – 75% des programmes de soutien fédéraux,  dont 1705 programmes de garanties de prêts et 1603 programmes de subventions, ont expiré ou vont expirer prochainement[7] – rentre dans un cadre plus vaste de dépendance accrue aux hydrocarbures. Loin de prévenir la fin de la ressource avec un peak oil qui approche à grands pas en modifiant le paradigme énergétique tout entier, les Etats-Unis s’enfoncent dans une impasse dont il sera de plus en plus difficile de sortir. Surtout, les investissements massifs qui sont faits dans l’extraction de gaz naturel sont des investissements à très court terme et les Etats-Unis ne pourront maintenir une production élevée sur une longue période. S’ils sont devenus le premier producteur de gaz naturel, ils ne possèdent pas les ressources les plus importantes et vont donc vers une exploitation débridée et irraisonnée de leur capital énergétique.

Cette politique a des retombées également très importantes en termes sociaux et environnementaux. S’enfoncer dans les hydrocarbures est également synonyme de pérennisation d’un régime d’émission de gaz à effet de serre (GES) scandaleux et de création d’un modèle économique qui produit une croissance économique très importante certes, mais virtuelle car basée sur le court terme.

 

En dépit de ce qui a été dit précédemment, certaines retombées positives de la politique énergétique américaine peuvent être isolées. Tout d’abord, dans un contexte économique maussade, le faible coût de l’énergie aux Etats-Unis dû à la diminution des importations d’hydrocarbures a donné un avantage compétitif à l’Amérique ce qui a aidé à faire repartir la croissance alors que l’Europe reste aux abois. Dans une économie globale s’internationalisant et s’uniformisant de plus en plus, cette singularité aide les Etats-Unis à maintenir sa domination autrement que par le développement des emplois cognitifs non-répétitifs pour lesquels la concurrence s’accentue.

Sur le plan de la politique étrangère, comme le souligne d’ailleurs le Président Obama lors de son discours de Georgetown, cette politique a également permis aux Etats-Unis de s’affranchir (relativement) du contexte international ; et cela est déterminant. Alors que Francis Fukuyama, célèbre chercheur en sciences politiques, annonçait la « fin de l’histoire » après la chute du mur Berlin[8], le climat international s’est tendu et les foyers d’instabilité se sont multipliés, touchant très fortement les principaux producteurs d’hydrocarbures. Le Moyen-Orient est plus agité que jamais depuis 2011 et les facteurs crisogènes demeurent. La Russie, qui abrite la première ressource en gaz naturel au monde, craint des déstabilisations sur son flan ouest mais également dans son cœur productif : le Tatarstan. Elle redoute d’ailleurs plus que tout la montée des intégrismes islamistes qui pourraient atteindre la région, qui représente un véritable hub en matière de production et de transport d’hydrocarbures. Le décès d’Hugo Chavez, qui portait à lui seul la sphère politique vénézuélienne, montre que la problématique de la volatilité des marchés due à l’instabilité politique peut se manifester sur le continent américain même. L’indépendance énergétique devient alors un facteur de stabilité politique et de croissance économique en plus d’une arme de plus pour la politique étrangère de Washington.

 

L’Union européenne est très critiquée pour sa politique énergétique, notamment par les syndicats patronaux. Allant de la dénonciation d’un manque d’ambition au constat d’un échec complet, les analyses pleuvent et élèvent en contre-exemple une politique américaine, symbole d’une réussite sur laquelle l’Union européenne semble incapable de prendre exemple.

Or, il semble difficile pour l’Union européenne de tirer des leçons de la politique énergétique américaine dans la mesure où les contextes et donc les possibilités sont différents. L’ère du charbon n’est plus et l’Union européenne est une zone pauvre en sources d’énergies fondamentales[9] : le pétrole et le gaz naturel.

A partir de ce constat, il est clair que l’argument principal de la politique énergétique américaine, à savoir l’indépendance énergétique pour les hydrocarbures, ne concerne pas l’Europe. Même Laurence Parisot reconnaissait lors d’un débat télévisé récent avec Mme. la ministre Delphine Batho sur BFMTV que les ressources en gaz de schiste en France ne pourraient, selon les estimations, que subvenir à 10% voire 20% des besoins nationaux en gaz naturel. Dés lors, ce n’est pas là-dessus que l’Europe peut agir ; d’autant plus que les extractions en mer du Nord diminuent faute de rentabilité.

C’est sur le choix des énergies renouvelables et de l’économie verte que s’est tournée le Vieux continent. L’Allemagne a d’ailleurs enregistré des premiers succès probants. Mais contrairement aux Etats-Unis, cette politique n’est pas sacrifiée au détriment d’une autre beaucoup plus profitable mais qui se limite au court terme[10]. Les coûts de sortie du gaz de schiste, dont les forages perdent très rapidement en rentabilité, est énorme et n’ont jamais été pris en compte. De plus, le marché des énergies vertes représente 550 milliards USD. L’Allemagne est pionnière dans le domaine et la France est 4è mondial du secteur.

Tandis que les Etats-Unis s’enfoncent dans un après-pétrole qui sera extrêmement difficile à gérer, une partie de l’Union européenne a fait le pari d’un changement complet de paradigme énergétique. Si ce pari paraît handicapant aujourd’hui, c’est parce qu’il vise le long terme. Les investissements en énergies vertes en Europe ne cessent de croître et ne subissent pas l’arrivée de sources émergentes comme le gaz de schiste[11] dont le boom a fait diminuer les investissements en énergies renouvelables et en efficience énergétique de 37% aux Etats-Unis selon Mme Batho, ministre de l’Economie, du développement durable et de l’énergie (11% au niveau mondial). Le pari n’est donc pas fait dans la demi-mesure et l’Europe ne se bat pas sur plusieurs fronts, ce qui pourrait lui procurer une énorme avance dans un secteur qui s’annonce très lucratif à l’avenir.

Quant à la question de la sécurisation des approvisionnements, là encore l’Europe est dépendante de sa condition géographique. Entourée de pays producteurs frappés d’instabilité politique, elle diversifie au maximum ses exportateurs dans le but de minimiser l’impact d’une éventuelle crise, mais elle ne peut recourir à des voisins stables comme le font les Etats-Unis. Et n’étant pas, ou très peu, productrice de pétrole, la création d’une réserve comparable au Strategic Petroleum Reserve est inenvisageable et trop coûteux.

Ainsi, l’Union européenne a fait le constat que, selon la norme énergétique mondiale actuelle, elle était en détresse. Alors, au lieu de renforcer sa position dans le système actuel en développant sa production d’hydrocarbures à outrance (ce qu’elle peut difficilement faire au vu de ses ressources), elle a préféré changer de système et se baser sur le long terme, tout en engrangeant les dividendes de la transition énergétique sous la forme d’un soft power énergétique toujours grandissant.

 

Florian Tetu


[6] Si la consommation de pétrole a faiblement diminué ces 5 dernières années, la consommation de gaz a nettement augmenté.

[8]Un des deux pôles de pouvoir dans le monde s’étant effondré, ne devait alors plus rester qu’un pôle américain hégémonique, ce qui préviendrait les conflits.

[9] Ces sources d’énergies, en particulier le pétrole, sont considérées comme fondamentales car elles nourrissent des secteurs dans  les sources alternatives n’interviennent pas, ou très marginalement. Il s’agit surtout du secteur du transport.

[10] Une récente étude estime que les ressources mondiales de gaz de schiste ne pourraient être exploitées que pour 10 ans. Voire http://www.ft.com/cms/s/0/4b831ffc-d1e1-11e2-9336-00144feab7de.html#axzz2VuEQvhY5 , consulté le 11 juin 2013.

[11] De nombreux pays européens ont autorisé le gaz de schiste mais aucun ne connait de ruée vers l’or comme c’est le cas aux Etats-Unis.

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Pour la promotion de l’économie circulaire

Le 6 février, dans la salle Victoire Hugo de l’Assemblée Nationale, à 10 heures GMT+1, l’Institut de l’économie circulaire a été officiellement lancé. Cet Institut composé de responsables politiques nationaux et locaux, d’entrepreneurs, d’universitaires issus de différents horizons et de responsables associatifs ambitionne de promouvoir une vision alternative de l’économie.

« Faire des déchets des uns les ressources des autres »

François Michel Lambert, Président de l’Institut de l’économie circulaire et Député des Bouches du Rhône, part du constat quasi-unanime que le système économique linéaire consistant à « extraire, fabriquer, consommer puis jeter est à bout de souffle ». Notre modèle économique basé sur la dépendance accrue à des matières première se raréfiant et caractérisé par le développement d’une consommation de biens non durables souvent gâchés impacte fortement l’environnement et la société dans son ensemble.

L’économie circulaire se veut une manière pragmatique et fédératrice permettant un déplacement vers un nouveau modèle de développement économique, social et écologique. Faisant écho à la célèbre formule de Lavoisier, « rien ne se crée, tout se transforme », l’économie circulaire voit dans les déchets une matière première réutilisable pour la conception de produits ou d’autres utilisations. Ainsi, pour « boucler la boucle », l’économie circulaire soutient une vision des activités où aucun résidu ne peut être créé sans qu’il puisse être intégralement absorbé par le système industriel ou la nature. Il s’agit dès lors d’une révolution concernant les modes de production, de consommation ainsi que de décision qui ne répond pas uniquement aux défis du développement durable mais permet également de porter une réponse à la question de la ré-industrialisation de la France en développant des emplois non dé-localisables.

Fédérer et éduquer autour de l’économie circulaire

C’est à partir de ces visions des activités économiques que l’Institut de l’économie circulaire a été lancé fin 2012. L’institut de l’économie circulaire ambitionne de créer une impulsion pour « fédérer et impliquer tous les acteurs et experts concernés dans une démarche collaborative en mutualisant les ressources de manière à mener des réflexions collectives ». L’Institut insiste fortement sur l’impératif de mettre en place des actions concrètes, pragmatiques.

Pour que « l’économie tourne enfin rond », l’Institut s’engage à promouvoir l’économie circulaire afin d’améliorer sa compréhension à destination des décideurs et du public. Cela passe par la création de synergies entre les divers acteurs concernés, le développement de projets multipartistes, la mise en place de plans de communications et une action spécifique permettant de faire évoluer la législation et la réglementation y inférant.

L’ « économie circulaire » est un concept large qui, comme son nom ne l’indique pas, ne se limite pas uniquement à repenser les idées et pratiques économiques. La dynamique de l’économie circulaire répond à l’impérieuse nécessité écologique, sociale et économique (notamment au regard des évolutions sectorielles au premier plan desquelles la situation de l’industrie) de transformation du système actuel vers un système vertueux marqué par la transversalité des enjeux et des solutions.

L’économie circulaire copie le principe de fonctionnement du cycle naturel dont le système économique actuel semble faire fi : les déchets de l’un font les ressources de l’autre. Actuellement, notre système économique est linéaire, en opposition à circulaire. Les déchets des uns se cumulent à ceux des autres et les ressources sont exploitées sans vision stratégique sur le long terme tenant compte des externalités (positives ou négatives) et de leur raréfaction alors que les demandes mondiales augmentent constamment.

Une alter-économie pragmatique

Les concepts de recyclage (le terme de « régénération » y étant préféré) et d’alter-croissance sont au fondement de l’économie circulaire. L’alter-croissance se distingue de la décroissance en ce sens qu’elle ne prône pas une abolition de la notion de « croissance économique » ou « d’accroissement de production de richesses » mais plutôt une autre croissance, mesurée différemment et disposant d’un cadre idéologique rénové.

Au centre du renouveau du cadre idéologique, l’économie circulaire insiste pour la définition des besoins et de la satisfaction. La consommation extensive, la réduction des cycles de vie des produits et la relocalisation de la production sont au centre de ce débat intellectuel.

Il s’agit également de repenser les usages et les consommations. Cet élément est central dans l’économie circulaire, notamment en ce qui concerne la propriété. Il ne s’agit pas de mutualiser ou de collectiviser les propriétés mais de réfléchir en termes d’usages différenciés d’un bien. À titre indicatif, l’intérêt d’être propriétaire d’une machine à laver est nul ; a contrario son utilité est élevée. Une fois dépassée, l’utilité de la machine décroit alors que ses composantd et sa composition en minerais représentent une utilité forte.

Identifier les freins et proposer des moyens d’action

Pour créer un réel mouvement en faveur de l’économie circulaire, l’Institut doit agir sur les freins qui limitent son développement, notamment les freins réglementaires, fiscaux, culturels et comportementaux. Il s’agit de les identifier précisément et de proposer des leviers pour une application concrète. Cela passe par une démarche collaborative de mutualisation des connaissances et compétences, un échange de savoir et d’expérience, la dynamisation de la recherche et de la réalisation concrète, la création de synergies entre les acteurs parties d’un projet, une action pour impacter les législations et, in fine, une communication éducative à destination du grand public.

L’économie circulaire répond à des défis impérieux. L’accroissement mondial de la population, souvent occulté des pensées macro-économiques, est central dans l’économie circulaire car, d’ici 2020 la population mondiale devrait avoisiner les 9 milliards d’individus. La consommation des ressources, le gaspillage des ressources (estimée à 90 millions de tonnes par an et projetée à 126 millions en 2020), l’évolution des demandes, l’accroissement de l’exploitation des ressources (estimé à 400% d’ici 2050) et le coût des matières premières nécessitent d’adopter une vision socio-économico-environnementale cohérente et optimale pour le plus grand nombre qui puisse trouver un ancrage et un développement territoriale.

Face à ces défis existent de réelles opportunités dont la réduction de types de consommation, la réutilisation, le recyclage, la substitution, la valorisation adéquate des ressources dans la décision d’action en prenant en compte les aspects économiques et environnementaux, et la sauvegarde des ressources, des écosystèmes et de la biodiversité.

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Voiture 100% électrique et Origine France garantie

La question du parc automobile électrique français nous intéresse. Un article sur le dernier rapport du Centre d’Analyse Economique qui redoutait pour l’avenir de la voiture électrique vous donnera un aperçu des enjeux. Aujourd’hui, nous réagissons à une information parue sur auto-actu.org selon laquelle une voiture à 100% électrique labellisée « origine France garantie » devrait voir le jour au printemps 2013. Bonne nouvelle pour le patriotisme économique à la mode mais mauvaise nouvelle pour l’environnement ?

Un secteur automobile à réinventer

Le secteur automobile français est en difficulté depuis un bon moment. Les constructeurs français perdent en parts de marchés sur leurs concurrents étrangers. Cela se traduit par des plans sociaux dans un contexte marqué par une hausse du prix de l’essence. Le secteur automobile est donc à réinventer, pour favoriser l’émergence de nouveaux emplois et pour cela, la seule perspective identifiée est celle du développement du marché de la voiture électrique.

Le cas C-ZEN

Dans la région lyonnaise, « après presque 10 ans de recherches et de tests, COURB livrera ses premières voiture électriques fabriquées en France au printemps 2013 ». Il s’agit de la C-ZEN, qui « fonctionne uniquement à l’électricité » : « elle propose 2 places et surtout un énorme coffre de 400 litres qui lui permettent de se démarquer de ses concurrentes directes » d’après auto-actu.org. Informations incontournables lorsque l’on parle « véhicule électrique », la C-ZEN « dispose d’une autonomie de 120 km et peut rouler jusqu’à 110 km/h ».

L’Etat français soutient le marché du véhicule électrique puisqu’il accorde, par exemple, aux acheteurs de C-ZEN, « une aide de 7000€ ». Il s’agit du « bonus écologique maximal ». Le comparatif est éloquent : « rouler 100km revient à 1,50€ contre en moyenne 9,10€ pour un véhicule à essence et 17,17€ pour un diesel ».

Qu’est-ce que le « Origine France Garantie » ?

Auto-actu.org explique que « derrière cette expression se cache en fait un label certifiant la fabrication en France d’un produit. Pour qu’une voiture obtienne ce label, il faut impérativement respecter 2 critères cumulatifs » :

  • « La voiture prend ses caractéristiques essentielles et/ou sa forme distinctive en France » ;
  • « Au moins 50% du prix de revient unitaire (PRU) de la voiture est acquis en France ».

Pour le cas de COURB il est donc mis en avant qu’ « avec son usine à Saint Priest », dans le Rhône, « c’est même 80% du prix de revient unitaire de la C-ZEN est acquis en France ». A ce jour, COURB est donc présenté comme « le seul constructeur automobile français à pouvoir se prévaloir de cette certification ».

Patriotisme économique mais polluant tout de même

Le développement du marché du véhicule électrique en France peut en effet être efficace en matière d’emplois. Mais quid de la pollution ? La pollution liée à la production d’électricité, même s’il elle diffère de la pollution engendrée par l’extraction pétrolière, n’est pas moindre. Cela mérite d’être rappelé ! S’il est envisagé de développer un parc automobile électrique d’envergure dans notre pays fortement nucléarisé, d’où proviendra l’électricité utilisée pour recharger les batteries ?

Le patriotisme économique peut être encouragé mais à quel prix pour l’environnement ? Est-ce une solution de remplacer une pollution carbonique par une pollution radioactive ?  La seule solution pour pallier l’alternative serait une Europe de l’énergie durable avec les investissements nécessaires à l’essor d’énergies renouvelables mutualisées au sein de la zone européenne voire méditerranéenne.

 

 

 

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Au Japon les anti-nucléaires sont “in” et ils sont des millions

Les militants anti-nucléaires français ont souvent l’image de « roots », « ringards » ou autre énergumènes fan de kermesses. Au Japon, être anti-nucléaire, c’est « in ». Normal, remarquez, quand on sait ce qu’ils vivent depuis la catastrophe de Fukushima. Une catastrophe « provoquée par l’homme », selon le dernier rapport officiel, et non par le tremblement de terre à l’origine du tsunami géant survenu le 11 mars 2011. C’est d’ailleurs ce qui motive des manifestations anti-nucléaires, chaque semaine dans ce pays, mais en Inde également.

Ce week-end, « des milliers de personnes ont répondu présent à l’appel du compositeur japonais Ryuichi Sakamoto en faveur de l’abandon de l’énergie atomique » au Japon. Ils se sont mobilisés pour « soutenir et applaudir le concert de soutien « No Nukes » organisé en « proche banlieue de Tokyo ». Qu’ils soient rigoureusement militants anti-nucléaires ou simple amateurs de musique au départ, le message en faveur de la construction d’un « après-nucléaire » est passé auprès d’un large public.

Mise en ligne le 7 juillet sur Youtube, cette vidéo du concert a été vue plus de 15 000 fois déjà.

 

 

Il s’agit du Yellow Magic Orchestra, réuni à l’initiative de son ex-acolyte Sakamoto, pianiste et pionnier de la musique électro-acoustique au Japon. Ils ont manifesté en musique, donc, avec une dizaine de groupes, parmi lesquels le groupe allemand Kraftwerk (« centrale électrique », en français), également hostile à l’énergie nucléaire.

Les fonds récoltés lors de ce concert seront reversés au mouvement « Adieu l’énergie nucléaire », également soutenu par le prix Nobel de littérature Kenzaburo Oe et par le journaliste « dénonciateur de scandales » Satoshi Kamata.

Pour voir l’ensemble des concerts du week-end, c’est par : un visionnage en streaming déjà « liké » par plus de 18 000 personnes sur Facebook.

Les organisateurs de l’évènement expliquent que « plus d’un an s’est écoulé depuis l’accident de la centrale de Fukushima. La compagnie d’électricité Tokyo Electric Power (Tepco) et le Premier ministre japonais ont déclaré la crise aigüe terminée, mais la réalité est que le danger n’est pas écarté et que la vraie résolution de l’accident demeure incertaine ». Ils ajoutent que « l’avenir est une totale inconnue pour les personnes forcées d’évacuer leur région à cause du désastre atomique consécutif au séisme et au tsunami du 11 mars 2011. Et il est fort probable que les conséquences sanitaires de ce drame ne soient découvertes que plus tard. Nous avons donc organisé ces concerts pour pousser à l’abandon de l’énergie nucléaire au Japon, afin qu’une telle catastrophe ne se reproduise pas ».

On les comprend. Depuis plus d’un an, une pétition contre l’énergie atomique a recueilli « plus de 7,5 millions de signatures » dans le pays. Tous les vendredis, des manifestations sont organisées « devant la résidence tokyoïte du Premier ministre » où se rassemblent « des dizaines de milliers d’opposants à la présence de réacteurs nucléaires sur le territoire japonais ».

La catastrophe de Fukushima n’est pas une catastrophe naturelle

Rappelons que, survenue dans un contexte de catastrophe naturelle (tremblement de terre +  tsunami), la catastrophe de Fukushima n’en est finalement pas une. Il s’agit d’une catastrophe imputable à l’homme.

Jeudi dernier, une commission d’enquête mandatée par le Parlement nippon, composée de  10 membres de la société civile (sismologue, avocats, médecins, journaliste, professeurs) désignés par les parlementaires, a conclu que l’accident nucléaire de Fukushima a été «  un désastre créé par l’homme » (collégialement, non individuellement) résultant d’ « une collusion entre le gouvernement, les agences de régulation et l’opérateur Tepco, et d’un manque de gouvernance de ces mêmes instances ».

Le document, argumenté sur 641 pages, affirme qu’« ils ont trahi le droit de la nation à être protégée des accidents nucléaires ». Les auteurs pensent que « les causes fondamentales sont les systèmes d’organisation et de régulation qui se sont basés sur des logiques erronées dans leurs décisions et leurs actions ». La commission pointe que « bien qu’ayant eu de nombreuses occasions de prendre des mesures, les agences de régulation et la direction de Tepco n’ont délibérément rien fait, ont reporté leurs décisions ou ont pris des mesures qui les arrangeaient ».

Dans un article paru en France sur Atlantico, Corinne Lepage, eurodéputée et présidente de CAP21, partage les conclusions de cette commission et parle d’« accident nucléaire d’origine industrielle ». Elle met en garde la France, afin que n’y soient pas reproduites les mêmes erreurs.

En France, elle fait partie des nombreuses voix à prendre position en faveur d’une sortie claire du nucléaire. Mais dans notre pays, les voix sont trop « éparses », du centre politique aux anarchistes, les opposants à l’atome s’éparpillent et le mouvement, contrairement au Japon ou à l’Allemagne, ne prend pas.

Manque-t-il un leader au mouvement anti-nucléaire français ?

Au Japon, le mouvement antinucléaire est conduit par un leader talentueux et reconnu comme tel. Il est mené par le charismatique Ruki Sakamoto.

 

© Kazuhiro Nogi / AFP

En France, plusieurs mouvements politiques (de CAP21 au NPA en passant par les Verts), anti-nucléaires (Sortir du Nucléaire et maintenant l’Observatoire du Nucléaire) ou des fédérations anarchistes (qui militent contre l’Etat nucléaire responsable du chantier EPR de Flamanville notamment) s’époumonent, dans leur coin ou en réseau online. Mais quelle figure charismatique pourrait porter la voix du discours anti-nucléaire ? Qui pourrait rassembler et conduire un mouvement unifié en faveur de l’ « après-nucléaire » ? On se le demande encore… à l’aune du débat énergétique prévu pour la rentrée de septembre.

L’heure sera aux prises de position. Que faire de l’énergie nucléaire ? A quelle vitesse en sortir ? Comment prévoir la transition énergétique ? Comment favoriser l’accès à l’énergie à tous (la précarité énergétique augmente) ? Quelle part donner aux économies d’énergie dans le futur mixe énergétique ?

Pendant que nous débattons de concert, des réacteurs nucléaires sont en projet ailleurs dans le monde. En Inde par exemple, où les communautés locales manifestent depuis des mois à Koodankulam, contre la construction de deux réacteurs russes.

L’Inde milite contre l’énergie nucléaire également

 

 

L’opposition à l’énergie nucléaire, quelle que soit sa forme et sa portée, semble ne pas s’essouffler. Mais comment la traduire en faits réels, tant que les acteurs politiques, institutionnels et industriels ne parviennent pas à dépasser leurs intérêts particuliers au profit de l’intérêt général ?

 

Sources : Ivan Villa (blog Mediapart), Francetv.frYahoo.com

 

 

 

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Quel avenir énergétique après Fukushima ?

Photo: Flickr.com

Suite à la catastrophe de Fukushima, le Japon a fermé, depuis le 5 mai dernier, ses 54 réacteurs nucléaires. Décision que la société civile salue, ainsi que l’ONG Greenpeace, malgré son caractère provisoire. En effet, en dépit de l’hostilité de la population qui s’organise pour vivre avec la radioactivité, le gouvernement japonais envisage de rouvrir certaines centrales. Les solutions énergétiques s’offrant au pays étant fortement coûteuses, quel sera son avenir ?

Conséquences de la fermeture des centrales

Placé en troisième position des pays les plus nucléarisés, après les Etats-Unis (104 réacteurs) et la France (58 réacteurs), la décision prise par le Japon représente un véritable tournant. Cependant, les 54 réacteurs nucléaires maintenant éteints produisaient environ 30% (chiffres de 2010) de l’électricité du pays, le reste étant produit par les énergies fossiles, et l’hydroélectricité. Les conséquences de cette décision sont donc multiples : le pays prévoit une hausse sensible des tarifs, des restrictions, l’importation d’énergies fossiles doublée d’une dépendance énergétique accrue, une hausse de la production de gaz à effets de serre, entre autre. Le Japon a déjà été obligé d’augmenter ses importations en gaz (37%), pétrole (20%) et charbon (16%), le conduisant à un déficit commercial, le premier depuis les années 80.

Dans l’esprit de création d’un nouveau mix énergétique, le premier ministre japonais, Yoshihiko Noda, n’exclut pas le nucléaire de la balance et propose « une réduction de la part du nucléaire », via la fermeture et le non remplacement des réacteurs en fin de vie. La population, qui a déjà fortement diminué sa consommation d’énergie, permet au gouvernement d’investir dans les énergies renouvelables (EnR) pour atteindre les 20% d’ici 2020.

Développement des énergies renouvelables

Malgré la confusion qui règne au Japon depuis les annonces du gouvernement à propos de la possible réouverture des centrales nucléaires, le gouvernement envisage dans l’avenir de revoir son mix énergétique et de se concentrer sur le développement des énergies renouvelables. A ce propos, Greenpeace encourage le pays à saisir cette opportunité pour aller de l’avant en matière de transition énergétique.  Suite au tsunami, le Japon, qui voulait jusque là renforcer la part du nucléaire à hauteur de 50% en 2030, s’est vu contraint de revoir ses objectifs à la baisse. Atteindre les 20% d’énergies renouvelables d’ici 2020 est un véritable défi pour le pays, d’autant que 8 des 9% d’énergies renouvelables dans la production totale proviennent de l’hydroélectricité.  C’est sur le 1% restant que l’effort doit donc se porter, puisque les EnR doivent « être multiplié par 12 en 8 ans » pour atteindre les objectifs 2020. Selon le ministre de l’environnement japonais, M. G. Hosono, cette croissance portera essentiellement sur le photovoltaïque et l’éolien, la géothermie et la biomasse restant en retrait, leur développement se heurtant à la préservation des sites naturels.

Photo: Fotopedia.com

Concernant le photovoltaïque, depuis le lancement du Japon dans l’aventure du solaire dans les années 70, le pays reste à la pointe en matière de recherche et de rendement. La production japonaise est une valeur sûre, malgré le monopole du marché du solaire pris en 2007 par la Chine, date à laquelle le gouvernement japonais a décidé de ne plus subventionner la technologie jugée « mature ». Des subventions continuent, toutefois, d’être accordées aux particuliers afin d’encourager les installations, les tarifs d’achat de « surplus d’électricité » restant également  attractifs. Du côté de l’éolien, l’espace libre au Japon est assez limité, les éoliennes terrestres générant de la « pollution sonores et visuelles ». Toutefois, deux projets sont en cours de réalisation, dont une ferme d’éoliennes flottantes, arrimées aux grands fonds marins, au large de Fukushima, devant atteindre une capacité de 1000 MW en 2020.

Révolte et organisation de la société civile

La population reste, malgré tout, très mobilisée après les déclarations du gouvernement de rouvrir deux réacteurs en juillet, faisant prévaloir le risque de pénurie d’énergie. Des manifestations ont d’ailleurs eu lieu à Tokyo, le 11 mars dernier, jour anniversaire de la catastrophe de Fukushima et le 5 mai, contre la relance des réacteurs nucléaires. Kolin Kobayashi, correspondant à Paris du Days Japan, explique que « loin de prendre cette mobilisation en compte, le nouveau gouvernement a au contraire fait pression sur l’autorité japonaise de sûreté nucléaire pour procéder à un seul stress test au lieu de deux, comme elle l’avait pourtant recommandé ». Le journaliste précise que l’avenir énergétique du pays reste flou depuis Fukushima, mais que « le gouvernement persiste » à vouloir conserver une branche nucléaire, « malgré les coûts financiers démesurés qu’elle implique. La commission du nucléaire civil évalue cette politique de relance à 18 milliards d’euros, un investissement impossible dans le contexte économique actuel ».

Face à ces décisions, la société civile se mobilise et s’organise en associations de défense contre le nucléaire. Rappelons que 80% des Japonais se déclarent contre la poursuite du nucléaire dans le pays. On voit notamment que des associations de parents, avec l’aide des ONG anti-nucléaires comme « Fukurô no kai, Greenaction ou Friends of the Earth Japan et l’appui d’experts scientifiques », se sont mobilisées « pour demander la décontamination et le contrôle des aliments dans les cantines ». Dans un autre registre, la population s’est organisée pour « avoir accès aux mesures de radioactivité et obtenir des informations non manipulées ». David Boilley, physicien, membre de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest (ACRO), déclare à ce propos que «  des dosimètres ont été distribués, 1 000 laboratoires citoyens ont été créés à travers le pays en un an, et même s’ils ne peuvent pas tout mesurer, faute d’avoir les outils nécessaires trop coûteux et les connaissances scientifiques pour déchiffrer les résultats, la population a repris en main les informations ». Au niveau  local, la population peut faire des mesures concernant les taux de radioactivité, tandis que l’ACRO opère au niveau international. Avec ses outils, l’association a pu découvrir des contaminations 250 km autour de Fukushima.

Controverse autour des professionnels de la santé

Photo: Flickr.com

Tandis que la population met en place des « solutions » pour vivre avec la radioactivité, les professionnels de la santé se divisent selon plusieurs opinions différentes. Certains jugent que la radioactivité est « sans danger pour la santé », une partie du personnel médical a préféré fuir la catastrophe de Fukushima et a quitté les hôpitaux, une troisième catégorie d’entre eux tentent d’apporter leurs services aux populations, notamment avec le « National Network of Parents to Protect Children from Radiation », ou en assurant des consultations gratuites aux victimes du drame. D’autres médecins encore, se sont regroupés pour « influencer le gouvernement  en matière de dose et répondre aux sollicitations, comme  l’association Citizen’s Science Initiative Japan ». David Boilley estime que beaucoup de membres du personnel médical n’a pas joué son rôle envers la population sinistrée, « sans doute parce qu’ils étaient trop déconnectés de la population ».

Concernant la défense des victimes des radiations consécutives à la catastrophe de Fukushima, des initiatives montrent que « les populations sont en train de s’organiser pour construire une autre société, alors que les autorités continuent sur un processus décisionnel centralisé qui ne tient pas compte de l’avis des personnes concernées ». L’ACRO explique que des avocats se battent pour que les populations puissent être dédommagés, « ils sont une cinquantaine et veulent maintenant bâtir une démarche collective de négociation avec TEP Co, pour donner plus de poids aux réclamations des personnes spoliées. Plus d’une centaine de victimes se sont déjà déclarées prêtes à les suivre dans cette démarche ».

La situation reste donc très complexe concernant le nucléaire et les solutions énergétiques au Japon, le combat entre les autorités et le gouvernement s’annonce difficile. Affaire à suivre.

Source : Novethic.fr

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L’Union Européenne revoit sa stratégie sur les matières premières

drapeaux européens (préfecture de l'Aube)

Depuis le début de l’année 2011, les instances européennes travaillent à une nouvelle stratégie intégrée pour les matières premières. Les différents rapports émanant de groupes d’experts et d’élus européens mettent en avant trois axes de réflexion : sécuriser l’accès aux matières premières, déployer une stratégie soutenable d’extraction et développer le recyclage des matières premières.

Le 30 juin, la Commission Industrie, Énergie et Recherche du Parlement Européen a adopté le rapport sur l’Initiative sur les matières premières de l’Union Européenne pour formuler les nouveaux principes directeurs de la future politique européenne  relatif à l’utilisation des ressources naturelles.  Les principaux éléments figurant dans le rapport soulignent la nécessité de pallier le manque de responsabilité de certaines entreprises extractives. Le rapport vise les violations des droits de l’Homme et des droits environnementaux et sociaux.

L’Union européenne poursuit ainsi sa politique de coopération avec les pays en développement riches en ressources naturelles. Actuellement, la Banque européenne d’investissement participe au financement des infrastructures de transport, énergétiques et environnementales pour améliorer les capacités de PVD à exploiter leurs richesses naturelles. En outre, la Commission Européenne soutient l’initiative ITIE (Initiative de transparence des industries extractives) dont plusieurs géants français sont signataires, notamment Total, Areva, GDF-Suez ainsi que le groupe Eramet, l’un des leaders mondiaux de l’industrie minière.

 

Eurodéputé reinhard buetikofer

 

Le Parlement Européen s’est également saisi de cet enjeu. Le rapport Reinhard Bütikofer -du nom de l’eurodéputé Les Verts/Alliance libre Européenne et adopté le 1er juillet en Commission Industrie- a identifié 14 catégories de matières premières exploitables « critiques » -dont des terres rares- nécessitant une étude approfondie sur leur potentiel. Le rapport préconise de mener une étude approfondie sur la rentabilité des matières premières au regard de leurs débouchés dans différents secteurs dont ceux des énergies renouvelables et des nouvelles technologies.

L’objectif de cette étude serait, selon le rapport, de « donner au marché des matières premières un cadre législatif dont les contours seraient plus nets » afin de « garantir l’accès aux matières premières » et de « développer une coopération avec les pays détenteurs de ces ressources ». Un groupe d’expert devrait être nommé à cet effet d’ici à la fin de l’année 2011.

« Un signal clair en ce qui concerne la future stratégie européenne dans le domaine des matières premières »

Dans le rapport Reinhard Bütikofer, les eurodéputés se sont positionnés en faveur de l’instauration d’une expertise complète du cycle de vie des matières premières. L’objectif vise à identifier les risques et les opportunités du marché ainsi que le coût global des matières premières de leur extraction à leur consommation. Les élus européens ont mis en avant l’importance de développer des processus de recyclage des matières premières plus économiques dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles. Pour le groupe des Verts, « le recyclage et l’efficacité des ressources sont la pierre angulaire de toute stratégie globale sur les matières premières ».

Reinhard Bütikofer –dont les propos sont relayés par le site d’information européenne Euractiv et par le site des Verts– considère que le rapport est une étape importante, « un signal clair », qui montre que « l’UE doit poursuivre une politique ambitieuse dans le domaine de l’innovation basée sur le recyclage des matières premières dans le but d’encourager la durabilité et la compétitivité ». L’eurodéputé explique que dans le contexte actuel de « raréfaction des matières premières » il devient nécessaire de « prendre en compte, dans l’exploitation des matières premières, toute une série de critères environnementaux et sociaux […] respectant les objectifs et les exigences d’une vraie politique de développement ».

Ces réflexions sur l’encadrement juridique des activités extractrices et le développement du recyclage des matières premières constituent une étape préalable à la production d’une nouvelle stratégie européenne sur les matières premières. Une feuille de route sur la stratégie européenne à horizon 2050 devrait voir le jour à partir de ces travaux et permettre, pour  Reinhard Bütikofer, de bâtir « la future stratégie européenne dans le domaine des matières premières ».

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L’industrie nucléaire depuis Fukushima

La catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi est la conséquence de deux évènements naturels survenus le 11 mars 2011.  Un puissant séisme d’une magnitude de 9 sur l’échelle de Richter tout d’abord, suivi d’un tsunami dont les vagues ont culminé à quatorze mètres de hauteur. Le séisme a occasionné diverses coupures d’électricité au sein des trois réacteurs à eau bouillante alors en fonctionnement sur le site de Fukushima Daiichi, provoquant un arrêt des systèmes de refroidissement des cœurs des réacteurs. Le tsunami a entraîné une inondation des locaux de la centrale, rendant impossible la mise en place de groupes électrogènes de secours, censés alimenter les systèmes de refroidissement. Bien que de possibles erreurs humaines aient été évoquées, notamment dans une publication du groupe TEPCO datant du 16 mai 2011, ces deux évènements naturels restent les causes principales de la catastrophe.

Leur conséquence principale est la fusion des cœurs des réacteurs alors en fonctionnement, qui aurait occasionné le percement de leurs cuves. « Aurait », car le phénomène n’a pas pu être vérifié. Des rejets radioactifs ont été constatés dans l’atmosphère, ainsi que dans l’océan Pacifique. Les premiers ont d’ailleurs occasionné une pollution de l’air et des sols environnant le site de Fukushima Daiichi, entraînant la nécessaire évacuation des populations locales. Cette catastrophe a été classée au niveau 7 de l’échelle INES (International Nuclear Event Scale), soit le niveau le plus élevé, et l’équivalent de celle de Tchernobyl, survenue en 1986.

Mais quelles ont été ses conséquences au niveau mondial ?

 

Europe, stop ou encore ?

Les dirigeants européens ont adopté deux postures opposées en réaction à cette catastrophe, ce qui a eu pour effet de provoquer une réelle scission en Europe dans les choix de politique énergétique des Etats membres. Mais une amorce de politique européenne de sûreté nucléaire a par ailleurs vu le jour.

L’Allemagne par exemple, a fait le choix de revenir sur sa décision de prolonger la durée de vie de ses plus anciens réacteurs de 12 ans, prise à l’automne 2010, pour finalement en finir avec l’atome à l’horizon 2022. Ce choix, annoncé par le ministre de l’environnement le 30 mai 2011, a été approuvé un mois plus tard à une large majorité de 513 voix contre 79 par le Bundestag, fédérant alors les membres de la coalition au pouvoir et les membres de l’opposition. Il reprend l’idée initiée en 2000 par le Chancelier Gerhard Schröder, qui avait alors fait voter une loi visant l’abandon de l’atome. Alors que certains, parmi lesquels Anne Lauvergeon, alors PDG d’Areva, ont décrié cette mesure qu’ils percevaient comme purement électoraliste et destinée à endiguer la montée des partis écologistes à la suite des élections régionales, force est de constater que ce choix vient avant tout répondre à une forte attente de la population outre-Rhin, sans cesse exprimée à la suite de l’accident de Fukushima lors de manifestations, qui ont réuni jusqu’à 250.000 personnes dans les rues de Berlin, Cologne, Hambourg et Munich le 26 mars. Répondre à cette volonté constituait dès lors plutôt un simple moyen d’éviter le suicide politique pour la chancelière en place. Et de cette menace d’une montée des idéaux antinucléaires, en mesure de faire déchanter ses rêves de réélection, elle a tiré une opportunité de s’ériger comme la chancelière qui aura enclenché le virage vert allemand. Mais l’enclencher n’est pas tout, encore faudra-t-il transformer l’essai, et le défi s’annonce de taille. Il représente en effet un investissement colossal en vue de mettre en place les sources d’énergie de demain, dont la principale pour l’Allemagne sera l’éolien offshore, et de déployer de nouveaux réseaux de transport d’électricité. Le développement de ces derniers sera essentiel afin d’éviter que le Sud du pays, où l’industrie qui requiert de l’énergie est très présente, ne se retrouve pas en situation de pénurie.

Comme l’Allemagne, l’Italie a renoncé au nucléaire, mais par le biais d’un référendum, qui s’est tenu les 12 et 13 juin 2011. A cette occasion, 95% des votants se sont prononcé contre tout programme de relance de l’atome. Ce choix n’a pas eu le même impact qu’outre Rhin, puisque les Italiens avaient déjà, à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, exprimé leur rejet de l’atome. Chez nos voisins transalpins, ce « non » a connu deux causes majeures. La première est un rejet de la politique du gouvernement de Silvio Berlusconi, et donc une volonté de sanctionner les multiples frasques d’un Premier ministre fantasque. La deuxième, et non des moindres, tient en la crainte du risque sismique important auquel est confrontée l’Italie.

La France et la Grande-Bretagne ont pris un chemin tout autre. Bien que la France ait choisi de rationnaliser, d’ici à 2050, son choix du nucléaire et sa place dans son mix énergétique, en se lançant dans un exercice de prospective, annoncé par Eric Besson au début du mois de juillet, elle ne l’a pas moins confirmé, comme en atteste les propos du Premier ministre François Fillon qui n’a pas manqué de réaffirmer le 12 juillet « la nécessité pour la France de poursuivre ses investissements dans le nucléaire civil ». Ce qui reste tout à fait compréhensible compte tenu des choix historiques fait depuis les années 1960 et de la place que ce secteur y occupe, celui d’un symbole de l’indépendance énergétique, qui couvre aujourd’hui 75% de nos besoins en électricité. La pression populaire en France dirigée contre le nucléaire, n’aura pas eu raison de lui. Plus diffus, bien que fédérateurs, les mouvements anti-nucléaires français n’ont ainsi pas réussi à placer la question nucléaire au sommet du débat politique, contrairement à leurs homologues allemands. Au Royaume-Uni comme en France, la réponse à la crise née des évènements de Fukushima a elle aussi été pragmatique. Les Britanniques ont jugé un nouveau développement du secteur nucléaire sur leur territoire utile et efficace afin de remplir leurs ambitieux objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. Ils ont ainsi confirmé l’implantation future de huit nouvelles centrales nucléaires sur des sites côtiers, après avoir intégré les nouvelles exigences de sûreté liées à la crise japonaise, élaborées par Mike Weightman, inspecteur en chef des installations nucléaires.

Au milieu de cette cacophonie, l’Union européenne a su jouer son rôle. Ne disposant pas de pouvoirs coercitifs dans le domaine des politiques énergétiques des Etats membres, elle a tout de même réussi à placer la sûreté nucléaire comme enjeu majeur et à susciter la mise en œuvre de critères communs pour l’évaluer. Elle a également réussi à inciter les Etats membres à une coopération en la matière, formalisant un principe dit d’ « examen par les pairs ». Celui-ci entraine un droit de regard des autorités des Etats frontaliers des centrales sur la sécurité de leurs installations. Enfin, l’UE assimile de fait l’idée qu’un incident nucléaire ne connait pas de frontières.

 

Asie du Sud-est, entre traumatisme, réserve et action

Le traumatisme est logiquement venu du Japon, frappé de plein fouet par cette catastrophe. Au sein de ce pays dans lequel les mouvements contestataires sont peu fréquents, celle-ci a pourtant occasionné une vague de mobilisations sans précédent. Aujourd’hui, on s’interroge. Comment ce pays qui a connu les événements d’Hiroshima et Nagasaki a-t-il pu se lancer dans l’aventure du nucléaire civil sans avoir jamais suscité la moindre opposition significative ? Cela semble principalement dû à un manque d’indépendance offert à la NISA (Agence de Sureté Nucléaire japonaise), qui outre ses missions de contrôle du parc nucléaire, doit aussi promouvoir cette source d’énergie. Cela s’explique aussi par un manque de transparence de la bureaucratie japonaise. Mais les autorités semblent avoir compris le risque issu de la sismicité, et paraissent désormais enclines à développer de nouvelles sources de production d’énergie, sous l’impulsion donnée par leur Premier ministre, toujours impopulaire, Naoto Kan, qui souhaite réduire la dépendance de l’archipel à l’atome.

La Chine, pour sa part, a fait preuve de réserve en instituant un moratoire sur ses projets de construction de nouvelles centrales. Bien qu’il soit évident qu’elle les mènera à leur terme, une telle démarche est un signe fort, car il émane d’un pays bien souvent pointé du doigt pour ses technologies « low cost », dont la fiabilité est régulièrement mise en cause. Elle a ainsi démontré que la sécurité était pour elle aussi un impératif. Contrairement à l’Inde, qui semble foncer tête baissée en vue de combler les besoins énergétiques de sa population, et reste sourde aux mises en gardes lancées par les organisations écologistes sur ses projets. Elle recherche en effet actuellement un financement pour agrandir le complexe nucléaire de Jaitapur, situé dans une zone à forte sismicité, et donc soumises aux mêmes risques que le Japon.

 

Russie, une volonté de promouvoir la sureté mais certains progrès à faire

A la suite de la catastrophe de Fukushima, les autorités russes se sont érigées comme les défenseurs d’un secteur nucléaire sûr. Le Président Dmitri Medvedev et son Premier ministre Vladimir Poutine ont ainsi multiplié les déclarations, notamment dans le cadre du G8, prônant un durcissement des normes internationales de sécurité et des standards de l’Agence internationale de l’énergie atomique, allant jusqu’à proposer de les rendre obligatoires. Mais en parallèle de ces déclarations d’intention, on a pu constater que la Russie n’était en réalité pas maitresse chez elle. C’est un rapport de l’ONG norvégienne Bellona publié à la fin du mois de juin qui a révélé alors de nombreux cas de manquements aux règles de sécurité au sein des centrales nucléaires russes. L’ONG déplore une absence de prise en compte des risques sismiques dans les procédures de sécurité.

 

Etats-Unis, un soutien au nucléaire

Les Etats-Unis enfin ont maintenu leur soutien au secteur nucléaire. Confrontés à un vieillissement de leurs infrastructures, ils devront cependant réaliser d’importants investissements pour leur permettre de continuer à fonctionner. Le Président Barack Obama souhaite ainsi poursuivre le politique de relance de constructions de centrales nucléaires, annoncée en février 2010, qui était à l’arrêt depuis l’accident de la centrale de Three Mile Island en 1979, bien qu’il ait ordonné, à la suite de la catastrophe de Fukushima, un réexamen complet de la sûreté nucléaire dans le pays. Les autorités diplomatiques américaines ont par ailleurs cherché à diversifier les débouchés de leurs industriels dans ce secteur, multipliant les rencontres, avec l’Inde notamment, mais aussi et ce plus discrètement, avec l’Arabie Saoudite.

 

 

 

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