Pollution : l’appel au civisme, une nouvelle forme d’expression démocratique selon Erick Orblin

Selon Erick Orblin, fonctionnaire territorial, l’appel au civisme pour gérer au mieux les pics de pollution tels qu’en a connu Paris dernièrement, est une nouvelle forme d’expression démocratique.

C’est peut-être la troisième fois que la maire de Paris demande au gouvernement de mettre en place une circulation alternée afin de contenir et maîtriser les effets néfastes de la pollution sur la capitale.

C’est sans doute la troisième fois que le gouvernement en charge lui aussi de l’intérêt général mais avec une compétence plus étendue que le territoire parisien exprime sa réticence sinon sa réserve en raison « d’intérêts supérieurs » ou d’une certaine lenteur pour prendre sa décision.

Il est effectivement plus difficile pour l’Etat de mobiliser ses services notamment répressifs pour mettre en place une régulation et un contrôle  efficaces.

Il lui faut aussi prendre  en considération tous les aspects d’ordre public prévus de longue date comme les visites protocolaires, les défilés et les manifestations sociales, politiques ou sportives.

Or, comme l’état  psychologique des agents de la force publique n’est pas au plus haut  ces derniers jours avec une charge de travail sans doute excessive, particulièrement en raison du plan vigipirate, il est difficile, voire impossible, de mettre en place des dispositifs de régulation et de contrôle adaptés.

Appeler  l’Etat à sa responsabilité « écologique » est certes louable mais ne peut être qu’un coup d’épée dans l’eau. D’autant qu’en tergiversant et en gagnant du temps la météo d’ici là aura sans doute eu raison du nuage de pollution !

Il y a pourtant une solution plus ambitieuse et plus novatrice que celle de vouloir régler ce problème de santé publique par un appel au pouvoir régalien comme si les communes étaient encore placées sous l’autorité de l’Etat, que la décentralisation n’avait pas été engagée et que la raison publique n’avait pas évolué.

Est-ce à dire que la maire de Paris veuille transférer la responsabilité confiée par ses concitoyens au gouvernement comme s’il s’agissait de son autorité de tutelle ? Non, évidemment, mais elle est peut-être prisonnière d’un mode de décision  politico-administratif qui appartient  encore au 20ème siècle.

A l’heure où les médias sont omniprésents, que les moyens de communication sont d’une grande fluidité (internet, facebook, twitter, etc.) et que son autorité n’est pas contestée, on peut se demander pourquoi elle se contente de demander une autorisation à l’Etat quand elle peut s’adresser directement au public.

Les habitants de Paris et de la région parisienne ne sont pas idiots, ils ont conscience de la situation et leur raison peut les conduire sans doute à adopter une démarche vertueuse sans avoir besoin de les menacer d’une sanction.

C’est pourquoi, le sujet se prête particulièrement bien à l’expression d’une démocratie directe, plus efficace et plus transparente.

La maire de Paris peut appeler les Parisiens et les Franciliens à exprimer leur civisme en pratiquant eux-mêmes une circulation automobile alternée, de leur propre initiative.

Cette idée de partage de l’espace public ne devrait pas leur déplaire d’autant qu’il réduirait la pollution tout en facilitant la circulation. Peut importe que le mouvement soit généralement suivi pourvu qu’il soit enclenché.

Une interdiction régalienne pourra être demandée dans le même temps pour ensuite être mise en œuvre sous la responsabilité de l’Etat si la nécessité l’impose.

Il est quasiment certain qu’un tel appel à la raison serait entendu.

Certains diront sans doute que le besoin de se déplacer doit ouvrir la porte à un transport de substitution mais l’alternative au transport automobile avec la gratuité des transports publics est sans doute un faux problème. En, effet le coût d’un déplacement en voiture est sans nul doute plus onéreux que deux billets de transport, même au prix fort.

Il faut donc oser, préparer une intervention radio et télévision et demander aux Parisiens et aux Franciliens de prendre leur destin en main. Ils sont capables de le faire. Un contrôle social sera sans doute plus efficace que celui des forces de police. L’autorité municipale en sera grandie et il n’y pas grand risque à défendre les nobles causes.

Erick ORBLIN

Fonctionnaire territorial

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La Rhétorique de la transition énergétique

voiture_electrique_nucleaire_grandSégolène Royal l’a annoncé, le gouvernement s’apprête à lancer en « procédure accélérée » le projet de loi dit de « la transition énergétique pour la croissance verte » qui passera le 1er octobre à l’Assemblée nationale. La première mesure d’avenir de la France pour ce millénaire aurait pu se faire sous nos yeux en  réduisant – pour de vrai – la part du nucléaire dans le mix électrique national  de 75% à 50%  d’ici 2025. Et ce gouvernement aurait pu au fond avoir une once de vision d’avenir ou même une once de scrupule pour ses électeurs écologistes. Mais inutile de se réjouir : pas une seule centrale nucléaire ne sera fermée.

Pour atteindre les objectifs des promesses de campagnes (réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire), des dizaines de milliers d’éoliennes subventionnées seront construites et fonctionneront à plein régime aux côtés des centrales nucléaires. Mais en construisant 100 à 150% de moyens de production énergétique supplémentaires dans un pays où la population augmente assez peu, ne risquons-nous pas d’augmenter la surproduction d’une énergie non stockable? Les industriels de l’énergie ont bien sûr réfléchi à cette question avant nous. Ils ont même proposé un accord astucieux au gouvernement : un accord gagnant-gagnant … pour le gouvernement et les industries, qui consistera à augmenter de 100 à 150% la consommation électrique en France.

La clé de cet accord : la voiture électrique, cet engin qui ne pollue pas, en tout cas de façon visible. Car si le gouvernement développe la voiture électrique pour donner un nouveau sens au secteur nucléaire, cela veut dire que celle-ci produit directement des déchets nucléaires indestructibles et nocifs pour des millions d’années en plus de contribuer au pillage des mines d’uranium du Niger et d’émettre des gaz à effet de serre au cours du transport de ce minerai.

Par le biais de la loi dite “de transition énergétique”, le gouvernement s’apprête non seulement à offrir des dizaines de milliards aux industriels de l’automobile électrique mais également des privilèges uniques aux seuls CSP+ utilisant le système de véhicule électrique. En effet, les utilisateurs du réseau électrique bénéficient déjà à Paris de places de parking gratuites et réservées ainsi que de pleins de leur batteries aux frais de la collectivité. Si vous soutenez malgré tout la voiture électrique (dans son état d’avancement actuel), une étude de l’Ademe montre que celle-ci n’est pour le moment pas plus vertueuse que la voiture thermique et cela même concernant les émissions de CO2. On attendra donc que l’État regarde vers de vrais projets d’avenir comme peut être les moteurs à air comprimé.

Faire croire à un geste environnemental en maintenant le nucléaire et en subventionnant l’augmentation de la consommation d’énergie, c’est le tour de force unique qu’aura réussi à réaliser le gouvernement socialiste. « De toutes façons sur le papier nous aurons atteint la part de 75% à 50%  de nucléaire dans le mix électrique national » pensent-ils bien trop fort.

Hormis le nucléaire on remarque également que la réforme du code minier et le projet de loi sur la biodiversité semblent passer à la trappe. Mais enfin, tout n’est pas à jeter dans ce projet de loi : si l’essentiel de celui-ci a un gout amer de trahison, on salue tout de même le projet de normes pour la construction d’édifices publics à « énergie positive » et les quelques points concernant la préservation des terres agricoles et les ressources en eau. Quelle drôle de chose que ce mot « transition énergétique » qui sonne comme le mot « révolution » et qui comme en 1789 ne changera au fond que les apparences. Comme le disait le comte de Lampedusa dans le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

Sources :

http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/geopolitique-de-l-energie-thematique_89429/nucleaire-solaire-le-gouvernement-francais-sait-il-vraiment-ce-qu-il-veut-article_287937/

http://blogs.mediapart.fr/edition/nucleaire-lenjeu-en-vaut-il-la-chandelle-pour-lhumanite/article/100914/voiture-electrique-nucleaire-bluecub-retire

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20131204trib000799310/le-vehicule-electrique-pas-si-ecologique-que-ca-.html

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Géo-ingénierie : du mythe au Parlement

maniamedia.centerblog.net/

maniamedia.centerblog.net

Un simple mot, publié en septembre dans le « résumé à l’intention des décideurs » du Giec, a suffi pour déclencher une avalanche de réactions dans les sphères d’information écologistes : la géo-ingénierie.

Bien que le rapport ne fasse que constater le manque de connaissances actuelles sur le sujet et la possibilité d’effets secondaires sur le climat, cette mention a suscité de grandes inquiétudes et bon nombre d’articles, notamment sur le site écologiste Basta !, les blogs de Mediapart et Attac France.

Dans les années 2000, la géo-ingénierie était un sujet d’article cher aux complotistes et autres Alex Jones francophones : on y dénonçait les « chemtrails », c’est à dire l’ajout de particules soufrées dans le kérosène des avions de ligne et militaires, dans le but de les pulvériser dans l’atmosphère, arrosant au passage les populations. Loin de considérations passionnées, jetons un œil sur cette nouvelle technique qui, sortant des cercles troubles, s’avance peu à peu sur le terrain politique.

La géo-ingénierie est, selon le Giec, « l’ensemble des techniques visant à stabiliser le système climatique par une gestion directe de l’équilibre énergétique de la Terre, de façon à remédier à l’effet de serre renforcé. » De nombreuses techniques de géo-ingénierie sont à l’étude mais deux techniques attirent particulièrement l’attention des politiciens, des scientifiques… et des militaires.

Des expériences à grande échelle

La première d’entre elles est le déversement de particules de fer dans les océans : le fer ainsi répandu favorise la prolifération du phytoplancton. Or, ces algues consomment du Co2 lors de la photosynthèse et l’emprisonnent au fond des océans lorsqu’elles meurent, transformant ainsi les océans en gigantesques puits de carbone. Le but de cette technique est donc de doper artificiellement ce phénomène naturel de photosynthèse en augmentant la masse de phytoplancton. Plusieurs expérimentations ont eu lieu hors laboratoire depuis 1993 ; la dernière, illégale, a eu lieu dans le Pacifique en octobre 2012. Or, ces expérimentations se sont révélées peu concluantes. Après le déversement de centaines de tonnes de sulfate de fer dans les océans, le phytoplancton s’est effectivement développé durant plusieurs semaines, mais la quantité de Co2 absorbée apparait extrêmement faible du fait de l’artificialité du fer déversé.

La deuxième technique, imaginée en 1991 par le prix Nobel de chimie Paul Josef Crutzen, consiste à pulvériser du soufre dans la stratosphère de manière à renvoyer une partie de la lumière solaire. Une méthode similaire, basée sur la dispersion d’aluminium, permet également de provoquer des précipitations sur un territoire atteint de sécheresse ; méthode efficace utilisée par les Américains durant la guerre du Vietnam pour transformer en bourbier les lignes ennemies.

L'homme d'affaire californier Russ George est le dernier à avoir mené une opération de géo-ingénierie à grande échelle en 2012. http://commonsensecanadian.ca

L’homme d’affaire californier Russ George est le dernier à avoir mené une opération de géo-ingénierie à grande échelle en 2012.
http://commonsensecanadian.ca

 

Un long chemin dans la sphère politique

Aux Etats-Unis, la géo-ingénierie est considérée comme une option depuis plusieurs décennies déjà mais sent le soufre du fait de l’intérêt que lui porte l’armée américaine. En 1996, un rapport détaillé de l’US Air Force intitulé « Weather as a Force Multiplier: Owning the Weather in 2025 » préconise de se doter d’une capacité de géo-ingénierie militaire dès 2025.

En 1997, Edward Teller, père de la bombe H, soutient ouvertement « la mise en place d’un bouclier pour renvoyer les rayons solaires». C’est à cette époque-là que l’Union européenne s’inquiète pour la première fois des effets néfastes de la géo-ingénierie. En 2002, Colin Powell déclare aux Nations-unies : « nous sommes engagés dans un programme de plusieurs milliards de dollars pour développer et déployer des technologies de pointe afin d’atténuer les conséquences des gaz à effet de serre ». En 2009, c’est au tour de John Holdren, nouveau conseiller environnemental d’Obama, de déclarer que l’administration américaine investit dans des recherches de géo-ingénierie, ajoutant : « Nous n’avons pas le luxe d’ignorer quelque approche que ce soit ». Avec le rapport du Giec et une réunion en avril 2013 au Parlement européen, la géo-ingénierie entre aujourd’hui de plain-pied dans la sphère publique.

Un pas vers l’incertain

Mais quid des effets collatéraux ? L’observation du volcan Pinatubo en 1991, celle-là même qui avait inspiré Paul Crutzen, a certes généré une baisse de la température, mais elle a également favorisé une dramatique sécheresse au Sahel. Ce simple exemple montre la méconnaissance des effets collatéraux que pourrait provoquer une utilisation massive de la géo-ingénierie. Des opérations de géo-ingénierie pour favoriser la mousson pourraient créer une sécheresse au Brésil. De même, on est dans l’inconnu quand il s’agit d’évaluer les conséquences des retombées d’aluminium ou de souffre sur la terre et les populations.

Alors ? Devant l’incertain, la tentation pour les gouvernements, appuyés par de nombreux scientifiques et investisseurs tels que David Keith, Bill Gates ou Murray Edwards, est d’expérimenter ces techniques qui sont aujourd’hui réalisables du point de vue technologique. Une juste utilisation du principe de précaution préconiserait néanmoins d’attendre des études d’impact sérieuses et indépendantes. En attendant, il y a urgence pour qu’une politique de transparence soit établie au niveau international concernant les expériences de géo-ingénierie actuellement en cours. L’histoire nous a appris que vouloir jouer les apprentis sorciers peut s’avérer dangereux.

Raphaël B.

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Economie verte : tour d’horizon d’un attrape-nigauds

Leitmotiv du Ministère de l’Environnement, du développement durable et de l’énergie, levier de croissance, source de mécontentement des payeurs d’impôts… L’économie verte fait beaucoup parler mais elle ne semble pas faire l’objet de débat ni même de réflexion. Petit tour d’horizon d’un secteur pourtant polémique.

LIFE Magazine, 1962


Précédemment, nous avons comparé les politiques énergétiques américaine et européenne en penchant vers la politique qui a cours sur le Vieux continent, à savoir la transition écologique et l’économie verte. Or, force est de constater que l’économie verte est un concept extrêmement flou. Son sens a évolué à force d’appropriation par les différents acteurs du débat climatico-environnemental jusqu’à regrouper, aujourd’hui, tout et rien à la fois. Alors, l’économie verte, qu’est ce que c’est ? Et surtout, où cela nous mène ?

L’économie verte : un secteur vaste et très rémunérateur

On peut englober dans « l’économie verte » toutes les activités, industrielles (à but lucratif donc) ou publiques, ayant pour but la réduction de l’empreinte des activités humaines sur la planète ; c’est-à-dire impliquant la mise en place d’un régime moins carboné et plus respectueux de l’environnement. Delphine Batho, ministre de l’Environnement, du développement durable et de l’énergie, expliquait en début de mois qu’il s’agissait d’un marché de 550 Mds€. Ca a sans doute fait sourire bon nombre de badauds dans leur canapé devant BFMTV. Et pourtant, il suffit de comprendre l’étendue des domaines que recouvre ce secteur pour entrapercevoir les bénéfices liés. Voici une liste loin d’être exhaustive : le retraitement des déchets (de l’uranium usagé à vos épluchures de légumes), la pollution de l’air, la protection des paysages et de la biodiversité, la réduction du bruit, la gestion de la pollution lumineuse, la réhabilitation des sols et eaux, le traitement des eaux usées, le recyclage, la valorisation énergétique des déchets, la maîtrise de l’énergie, la construction de pistes cyclables, l’isolation des bâtiments, l’efficience des réseaux thermiques, la production et l’utilisation des énergies renouvelables … Une simple vue de cette liste et le scepticisme laisse place à l’envie de se lancer dans l’économie verte. D’ailleurs, selon l’INSEE, 450 000 emplois concernaient l’économie verte en France en 2010. L’économie verte, qui s’inscrit dans le cadre du développement durable, inclut donc un volet social fort. D’ailleurs, dans l’optique d’une sauvegarde de la planète, la croissance ne s’envisage pas à deux vitesses.

La fiscalité écologique a le vent en poupe

Et l’Etat dans tout ça ? Car oui, l’Etat est un acteur économique. La France a beau avoir privatisé EDF et consorts, elle influe sur son environnement économique par de nombreuses sanctions financières. La fiscalité écologique (c’est son nom) a déjà cours dans l’Hexagone même si elle mériterait d’être développée. Les ménages portent une partie du coût de l’impact écologique de ce qu’ils consomment avec une justification simple : les ressources n’étant pas infinies, nous payons pour dédommager les prochaines générations de la rareté future que créé notre consommation ainsi que pour les effets immédiats de notre consommation. La fiscalité devient non seulement un dédommagement mais également une incitation pour les ménages à moins consommer, ou à consommer de façon plus responsable. Dans les faits, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui s’applique à l’usage d’énergies carbonées a rapporté 25,5 Mds€ à l’Etat en 2011. D’autres taxes comme la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et la redevance de prélèvement d’eau s’appliquent aux ménages et donnent un coût à l’empreinte environnementale de la consommation des ménages. Néanmoins, celles-ci ne couvrent qu’une partie des impacts et certaines pollutions, comme les rejets de nitrates dans l’eau, ne sont pas prises en compte. Les foyers français ne paient donc par exemple pas pour leur contribution à la formation des masses d’algues vertes qui couvrent les plages bretonnes. D’autres taxes existent, mais elles sont marginales en comparaison de la TICPE (vous pouvez voir une liste de l’ensemble des taxes environnementales et leurs revenus sur cette page).

Les entreprises ne sont pas en reste, et paient bien plus que les taxes des ménages. Elles sont par exemple intégrées dans le marché européen du carbone, qui n’est aujourd’hui pas encore fini. Ainsi, sont attribués à chaque Etat européen des crédits carbone qui sont ensuite distribués aux différentes entreprises. Libre à celles-ci ensuite de réduire leurs émissions pour rentrer dans leurs quotas carbone ou de continuer à polluer « comme si de rien n’était » en achetant des quotas sur le marché du carbone.

Bien sûr, ce n’est ici qu’un bref aperçu des principales mesures d’une fiscalité environnementale qui compte pas moins de 47 taxes qui ont rapporté l’année dernière 36 Mds€. Et ce chiffre devrait aller croissant car la France est en retard dans ce domaine par rapport à ses voisins européens. En effet, la fiscalité environnementale en France compte pour 4,7% des prélèvements obligatoires dans l’Hexagone alors que la moyenne européenne se situe à 6,19%. Un Comité pour la fiscalité écologique débat actuellement sur plusieurs mesures, dont la réintroduction de la taxe carbone qui s’était heurtée au Conseil constitutionnel lors de la première tentative d’introduction par le Président Sarkozy. Il est aussi question d’augmenter les taxes sur le diesel à hauteur de celles sur l’essence.

L’Europe malade, l’économie verte est-elle un remède miracle ?

Mais l’économie verte ne se limite bien sûr pas à la fiscalité verte, ce n’en est qu’une infime partie et ne représente même pas la totalité des actions de l’Etat dans l’économie verte. La grosse partie reste celle représentée par les entreprises des secteurs précédemment cités. L’économie verte est un levier de croissance assez fort, car il n’est pas saturé et se base sur des emplois qualifiés. Alors pourquoi s’y intéresse-t-on seulement maintenant ?

Tout simplement parce que l’économie verte serait, pour nombre de personnalités, un des remèdes anti-crise que le pays cherche désespérément depuis 2009. La dépendance énergétique de l’Europe aux productions étrangères atteignait les 54% en 2009 et plombait une compétitivité que l’on a dit mal en point, mettant l’Union dans une situation de « précarité énergétique ». La croissance verte fait office, elle, de voie vers l’indépendance énergétique, un moyen de sortir d’une situation de sous-emploi massif qui semble sans fin, la conquête de nouveaux marchés étrangers (notamment dans les pays du Sud qui débutent leur développement) et un régime moins carboné. Le paradoxe, c’est qu’en ces temps de crise économique, la préoccupation énergétique ne fait plus partie des priorités pour les populations et les pouvoirs publics, acteur essentiel de l’investissement dans le secteur, n’ont plus les moyens de leurs ambitions pour subventionner une transition qu’on nous annonce depuis trop longtemps.

 

« Même si les effets bénéfiques à court terme des plans de relance « verts » risquent d’être insuffisants pour compenser les pertes d’emplois et de revenus causées par la crise, les retombées positives peuvent se faire sentir assez rapidement. » L’Observateur OCDE

 

Tous les décideurs (sauf Laurence Parisot) sont d’accord pour dire que l’économie verte était une partie des solutions aux problèmes du Vieux Continent. D’une part, elle permet de moins subir les coûts et la volatilité des énergies fossiles, la crise russo-ukrainienne de 2009 qui avait privé les foyers européens de gaz pendant plusieurs semaines  ayant constitué un parfait exemple de ce qu’on faisait de pire en matière de dépendance énergétique. Marché vierge à conquérir, l’économie verte devient alors un Eldorado financier pour les investisseurs désireux de voir les fruits de leur argent mûrir très vite et LA solution à long terme.

Soutenue par les pouvoirs publics, secteur de choix pour les investissements à long terme, l’économie verte serait-elle plus largement la solution pour réconcilier l’homme et son environnement ?

De nombreux spécialistes et environnementalistes répondent par la négative. Pourquoi cela ? La réponse tient sur deux arguments : le réalisme écologique et la moralité du choix de la croissance verte. Car auréolée d’un prestige certain, décorée d’un vocabulaire flatteur (les mots « écologique », « vert » ou « croissance » aiguisent l’appétit), la croissance verte reste une idéologie capitaliste basée sur l’augmentation de nos besoins et de nos consommations. Or, verte ou non, la croissance entretient toujours une corrélation positive avec l’utilisation des ressources, même si celle-ci tend à diminuer. Nous serons bientôt 9 milliards d’humains sur la planète, et même avec des voitures électriques, l’avenir n’est pas très radieux. Certains spécialistes, comme le zégiste Paul Ariès (les zégistes sont les avocats de la décroissance, une idéologie économique qui avance que la croissance économique est incompatible avec un futur viable), ont préféré renommer la croissance verte « capitalisme vert » car il s’agit bien d’un nouveau marché qu’il faut conquérir.

Le capitalisme vert a d’ores et déjà dressé ses habits d’apparat lors de la bataille pour le gaz de schiste aux Etats-Unis : derrière les discours des industriels qui présentaient l’exploitation de la nouvelle ressource comme une avancée vers des émissions de carbone réduites (ceci sans compter les fuites de méthane ou les milliers de camions utilisés pour les forages), se cachaient des pratiques à l’aspect moral douteux : contrats abusifs, pollutions des sols, communication de guerre… Le secteur du gaz de schiste n’est qu’un exemple parmi tant d’autres activités que regroupe l’économie verte. On avait notamment vu Suez-Lyonnaise des eaux provoquer une révolte populaire en Bolivie en 2003. La gestion « propre » du réseau d’eau d’El Alto, en banlieue de La Paz, avait semblé être une justification suffisante pour augmenter le prix de l’eau potable par 6. Au final, l’économie verte représente une avancée technologique qui permet aux sociétés de continuer à produire et consommer. Consommer plus respectueusement mais consommer toujours plus.

Du côté de la morale, certaines associations comme Alternatives Eco, dénoncent une « marchandisation de la nature ». Et dans un sens, elles ont raison. Car dans les coulisses des grandes décisions économiques mondiales, plusieurs experts férus de maths s’acharnent à donner un prix à chaque chose, et notamment à la nature. C’est notamment le cas du rapport Sukhdev qui donne un prix à la biodiversité. La production environnementaliste la plus célèbre, le rapport Stern de 2006, donnait lui un coût au réchauffement climatique. Cela présuppose donc que, soit l’Homme possède l’ensemble de la planète, peut la vendre et investir dessus de façon illimitée, et que toutes les activités naturelles sont substituables par d’autres investissements (ex : je détruis une forêt, donc je rembourse la forêt à son coût environnemental, sans culpabilité ou dilemme moral), ou que l’économie (néolibérale) est une science, ce qu’elle n’est pas, qui englobe l’ensemble des activités possibles et dirigerait donc nos relations entre êtres humains mais également avec la nature. Pour exemple, le rapport Sukhdev a estimé le prix du récif corallien d’Hawaï à 360 millions USD tandis que celui de la pollinisation par les abeilles en Suisse a été estimé à 210 millions USD par an. Pour le journal Le Monde, « la recommandation du rapport Sukhdev apparaît dès lors évidente : avant de détruire la nature, réfléchissez à ce que vous allez perdre. » Mais le réel sens de cette démarche ne serait-il pas plutôt : « détruisez ce que vous voulez, l’argent est un substitut suffisant » ? Si ce n’est sans doute pas le but des deux rapports cités, qui voulaient créer une prise de conscience de la réalité écologique, c’est de cette façon que l’économie verte peut être comprise. On a renoncé à placer les logiques sociales et économiques, qui constituaient le cœur du concept de développement durable, au dessus du système et de la logique économique en donnant un prix à la nature et aux inégalités.

Ne vous en faites pas, on s’occupe de vous déculpabiliser.

On a donc inventé tout un arsenal d’outils pour « moraliser » les activités humaines très impactantes par la compensation financière : marché carbone, permis de polluer, les remplacements (ex : Vinci qui souhaite construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes remplacerait le bocage nantais détruit par un bocage artificiel reconstruit à quelques kilomètres)… Et en mettant l’accent sur les entreprises, on a retiré toute responsabilité au consommateur. Pourtant, sans demande, il n’y a pas d’offre. Plutôt que d’inciter à consommer de façon responsable pour générer la croissance d’une offre responsable, on créé une offre qui se conforme à une norme environnementale complètement erronée. C’est pratique : plus de culpabilité, c’est la faute des entreprises et pas la nôtre.

Et pour continuer à se faire de la bonne pub, les entreprises ne se sont pas seulement conformées aux standards gouvernementaux qui s’imposaient à elles, elles ont poussé le vice jusqu’à s’approprier le monopole du développement « propre ». Selon Basta !, l’agence de veille des luttes environnementales et sociales, « de nombreuses entreprises multinationales ont désormais des partenariats avec des agences onusiennes. C’est le cas par exemple de Shell et du Pnue sur la biodiversité, de Coca-Cola et du Pnud sur la protection des ressources en eau, de Nestlé et du Pnud sur l’autonomisation des communautés rurales, ou encore de BASF, Coca-Cola et ONU-Habitat sur l’urbanisation durable. » Grâce à ces partenariats, on fait croire qu’en plus de se ruiner la santé avec du coca-cola, les citoyens contribuent à la sauvegarde de l’or bleu.

 

Pas besoin donc de chercher le complot mondial, cette manœuvre se fait aux yeux de tous et sans aucune honte. Les multinationales assurent même leur publicité dessus. De la communication de génie à la marche vers un futur un peu sombre, il semble n’y avoir qu’un pas, que l’on a largement franchi. Or les citoyens n’en ont que faire ou se laissent prendre à un système de désinformation qui leur laisse croire que l’impact de leurs décisions est minimal. Cependant, chacun est responsable du paradigme de consommation dont il fait partie. La vraie alternative se situe dans un changement des systèmes de consommation, et cette modification, qui ne reçoit pas l’aval des pouvoirs publics, ne peut passer que par les populations ; c’est un mouvement qui s’organisera par le bas. L’économie verte n’est qu’un concept parmi d’autres servant à brider ces initiatives, à empêcher le mouvement de s’amorcer.

Florian Tetu

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Doit-on tirer des leçons du modèle énergétique américain ?

 

 

 

http://www.whitehouse.gov

La production mondiale d’hydrocarbures de plus en plus de mal à suivre la demande et les prix du baril atteignent des niveaux record avec en prime de graves problèmes en termes de politique énergétique qui se posent pour les Etats. La crise de 2009 entre la Russie et l’Ukraine, qui avait mené à une coupure des approvisionnements en gaz en Europe a été un retentissement mondial et un vrai traumatisme pour des Européens qui se sentaient jusque là hors d’atteinte. Ainsi, la sécurisation des approvisionnements en énergie est arrivée au cœur des débats.

A cette problématique, les Etats-Unis ont choisi une réponse claire qui s’organise sur plusieurs fronts. La mesure la plus visible ces derniers temps et la plus fondamentale est l’augmentation de la production nationale d’hydrocarbures. Au-delà des simples revenus tirés de l’exploitation de la ressource, l’enjeu est de réduire les importations et donc la dépendance aux marchés étrangers. En effet, les Etats-Unis ont augmenté leur production de pétrole jusqu’à atteindre le niveau le plus élevé depuis deux décennies à près de 7,5 millions de barils par jours[1]. Grace à cette augmentation, « pour la première fois depuis plus d’une décennie, le pétrole (que les Américains) ont importé représentait moins de la moitié du combustible qu’ils ont consommé. »[2] Si on parle énormément de cette politique, c’est aussi pour le boom gazier qu’elle a produit avec l’explosion de la production de gaz de schiste qui, aussi polémique soit elle, a permis aux Etats-Unis de devenir le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie. L’augmentation de la production a atteint les 5 millions de m3 en 5 ans pour une extraction annuelle de 30 millions m3 aujourd’hui[3].

Cela dit, les Etats-Unis restent largement dépendants des productions étrangères. C’est pourquoi, pour se prévenir des fluctuations des cours dues à des environnements de production instables, le gouvernement américain a agi sur deux plans. Le premier et le plus impactant est le choix des pays importateurs : les Etats-Unis ont tendance à choisir des pays qui non seulement sont proches, mais qui en plus sont stables. Ainsi, les importations depuis le Venezuela ont chuté depuis l’année 2005[4] tandis que celles en provenance du Canada, politiquement solide, ont nettement augmenté[5]. Le président Obama, dans son discours du 30 mai 2011 à l’université de Georgetown à Washington D.C. a également évoqué le Mexique comme exportateur privilégié, même si cela ne se reflète pas dans les chiffres. Le Brésil est, lui, désigné comme un exportateur en devenir. Le gouvernement américain, au-delà de la réduction de la dépendance à l’étranger, essaie donc de sécuriser ses approvisionnements par la proximité géographique et politique.

La réduction des importations passe également par une augmentation des sources d’énergie alternatives (notamment le biocarburant sur lequel l’armée américaine mise de plus en plus) et un développement de l’efficience énergétique. Cela dit, le gouvernement américain se désengage progressivement de ce secteur et tend à prendre des mesures qui se limitent à l’adaptation des cadres légal et financier pour une meilleure intégration de l’économie verte à l’économie de marché et donc pour une compétitivité accrue comme le note Richard Kauffman, conseiller au Secrétaire de l’énergie. Les mesures d’aide financières, qui ont poussé la recherche et développement, arrivent en fin de vie et ne seront, en grande partie, pas renouvelées.

 

L’administration Obama a-t-elle les moyens de se battre sur tous les fronts ? Cela paraît difficile. Malgré les efforts de communication du Président, de grandes tendances et priorités apparaissent à travers le discours officiel. Et celles-ci ne correspondent qu’à des visions à court terme (qui correspond également au temps politique).

En effet, l’augmentation de la production nationale de pétrole et de gaz naturel apparaît aujourd’hui comme le point qui concentre tous les efforts via la recherche de nouvelles sources d’hydrocarbures (voir par exemple les sables bitumineux), la recherche de nouvelles techniques comme la fracturation hydraulique et la vente de concessions en grand nombre dont le Président Obama se vante très largement. Or, les importations ne diminuent pas proportionnellement. On a donc une augmentation de la consommation d’hydrocarbures aux Etats-Unis[6] après une baisse due à la crise économique, qui va à contre-courant du discours officiel qui veut que le pays se détache des énergies carbonées.

Considérant cela, la disparition des crédits et des aides au développement des sources d’énergie renouvelables – 75% des programmes de soutien fédéraux,  dont 1705 programmes de garanties de prêts et 1603 programmes de subventions, ont expiré ou vont expirer prochainement[7] – rentre dans un cadre plus vaste de dépendance accrue aux hydrocarbures. Loin de prévenir la fin de la ressource avec un peak oil qui approche à grands pas en modifiant le paradigme énergétique tout entier, les Etats-Unis s’enfoncent dans une impasse dont il sera de plus en plus difficile de sortir. Surtout, les investissements massifs qui sont faits dans l’extraction de gaz naturel sont des investissements à très court terme et les Etats-Unis ne pourront maintenir une production élevée sur une longue période. S’ils sont devenus le premier producteur de gaz naturel, ils ne possèdent pas les ressources les plus importantes et vont donc vers une exploitation débridée et irraisonnée de leur capital énergétique.

Cette politique a des retombées également très importantes en termes sociaux et environnementaux. S’enfoncer dans les hydrocarbures est également synonyme de pérennisation d’un régime d’émission de gaz à effet de serre (GES) scandaleux et de création d’un modèle économique qui produit une croissance économique très importante certes, mais virtuelle car basée sur le court terme.

 

En dépit de ce qui a été dit précédemment, certaines retombées positives de la politique énergétique américaine peuvent être isolées. Tout d’abord, dans un contexte économique maussade, le faible coût de l’énergie aux Etats-Unis dû à la diminution des importations d’hydrocarbures a donné un avantage compétitif à l’Amérique ce qui a aidé à faire repartir la croissance alors que l’Europe reste aux abois. Dans une économie globale s’internationalisant et s’uniformisant de plus en plus, cette singularité aide les Etats-Unis à maintenir sa domination autrement que par le développement des emplois cognitifs non-répétitifs pour lesquels la concurrence s’accentue.

Sur le plan de la politique étrangère, comme le souligne d’ailleurs le Président Obama lors de son discours de Georgetown, cette politique a également permis aux Etats-Unis de s’affranchir (relativement) du contexte international ; et cela est déterminant. Alors que Francis Fukuyama, célèbre chercheur en sciences politiques, annonçait la « fin de l’histoire » après la chute du mur Berlin[8], le climat international s’est tendu et les foyers d’instabilité se sont multipliés, touchant très fortement les principaux producteurs d’hydrocarbures. Le Moyen-Orient est plus agité que jamais depuis 2011 et les facteurs crisogènes demeurent. La Russie, qui abrite la première ressource en gaz naturel au monde, craint des déstabilisations sur son flan ouest mais également dans son cœur productif : le Tatarstan. Elle redoute d’ailleurs plus que tout la montée des intégrismes islamistes qui pourraient atteindre la région, qui représente un véritable hub en matière de production et de transport d’hydrocarbures. Le décès d’Hugo Chavez, qui portait à lui seul la sphère politique vénézuélienne, montre que la problématique de la volatilité des marchés due à l’instabilité politique peut se manifester sur le continent américain même. L’indépendance énergétique devient alors un facteur de stabilité politique et de croissance économique en plus d’une arme de plus pour la politique étrangère de Washington.

 

L’Union européenne est très critiquée pour sa politique énergétique, notamment par les syndicats patronaux. Allant de la dénonciation d’un manque d’ambition au constat d’un échec complet, les analyses pleuvent et élèvent en contre-exemple une politique américaine, symbole d’une réussite sur laquelle l’Union européenne semble incapable de prendre exemple.

Or, il semble difficile pour l’Union européenne de tirer des leçons de la politique énergétique américaine dans la mesure où les contextes et donc les possibilités sont différents. L’ère du charbon n’est plus et l’Union européenne est une zone pauvre en sources d’énergies fondamentales[9] : le pétrole et le gaz naturel.

A partir de ce constat, il est clair que l’argument principal de la politique énergétique américaine, à savoir l’indépendance énergétique pour les hydrocarbures, ne concerne pas l’Europe. Même Laurence Parisot reconnaissait lors d’un débat télévisé récent avec Mme. la ministre Delphine Batho sur BFMTV que les ressources en gaz de schiste en France ne pourraient, selon les estimations, que subvenir à 10% voire 20% des besoins nationaux en gaz naturel. Dés lors, ce n’est pas là-dessus que l’Europe peut agir ; d’autant plus que les extractions en mer du Nord diminuent faute de rentabilité.

C’est sur le choix des énergies renouvelables et de l’économie verte que s’est tournée le Vieux continent. L’Allemagne a d’ailleurs enregistré des premiers succès probants. Mais contrairement aux Etats-Unis, cette politique n’est pas sacrifiée au détriment d’une autre beaucoup plus profitable mais qui se limite au court terme[10]. Les coûts de sortie du gaz de schiste, dont les forages perdent très rapidement en rentabilité, est énorme et n’ont jamais été pris en compte. De plus, le marché des énergies vertes représente 550 milliards USD. L’Allemagne est pionnière dans le domaine et la France est 4è mondial du secteur.

Tandis que les Etats-Unis s’enfoncent dans un après-pétrole qui sera extrêmement difficile à gérer, une partie de l’Union européenne a fait le pari d’un changement complet de paradigme énergétique. Si ce pari paraît handicapant aujourd’hui, c’est parce qu’il vise le long terme. Les investissements en énergies vertes en Europe ne cessent de croître et ne subissent pas l’arrivée de sources émergentes comme le gaz de schiste[11] dont le boom a fait diminuer les investissements en énergies renouvelables et en efficience énergétique de 37% aux Etats-Unis selon Mme Batho, ministre de l’Economie, du développement durable et de l’énergie (11% au niveau mondial). Le pari n’est donc pas fait dans la demi-mesure et l’Europe ne se bat pas sur plusieurs fronts, ce qui pourrait lui procurer une énorme avance dans un secteur qui s’annonce très lucratif à l’avenir.

Quant à la question de la sécurisation des approvisionnements, là encore l’Europe est dépendante de sa condition géographique. Entourée de pays producteurs frappés d’instabilité politique, elle diversifie au maximum ses exportateurs dans le but de minimiser l’impact d’une éventuelle crise, mais elle ne peut recourir à des voisins stables comme le font les Etats-Unis. Et n’étant pas, ou très peu, productrice de pétrole, la création d’une réserve comparable au Strategic Petroleum Reserve est inenvisageable et trop coûteux.

Ainsi, l’Union européenne a fait le constat que, selon la norme énergétique mondiale actuelle, elle était en détresse. Alors, au lieu de renforcer sa position dans le système actuel en développant sa production d’hydrocarbures à outrance (ce qu’elle peut difficilement faire au vu de ses ressources), elle a préféré changer de système et se baser sur le long terme, tout en engrangeant les dividendes de la transition énergétique sous la forme d’un soft power énergétique toujours grandissant.

 

Florian Tetu


[6] Si la consommation de pétrole a faiblement diminué ces 5 dernières années, la consommation de gaz a nettement augmenté.

[8]Un des deux pôles de pouvoir dans le monde s’étant effondré, ne devait alors plus rester qu’un pôle américain hégémonique, ce qui préviendrait les conflits.

[9] Ces sources d’énergies, en particulier le pétrole, sont considérées comme fondamentales car elles nourrissent des secteurs dans  les sources alternatives n’interviennent pas, ou très marginalement. Il s’agit surtout du secteur du transport.

[10] Une récente étude estime que les ressources mondiales de gaz de schiste ne pourraient être exploitées que pour 10 ans. Voire http://www.ft.com/cms/s/0/4b831ffc-d1e1-11e2-9336-00144feab7de.html#axzz2VuEQvhY5 , consulté le 11 juin 2013.

[11] De nombreux pays européens ont autorisé le gaz de schiste mais aucun ne connait de ruée vers l’or comme c’est le cas aux Etats-Unis.

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La micro-algue, une arme importante dans la lutte contre le réchauffement climatique

La micro-algue est un « type d’organisme aquatique unicellulaire possédant des chloroplastes et donc capable de transformer l’énergie lumineuse en énergie chimique pour son développement ». Les micro-algues doivent être distinguées des macro-algues, que nous avons l’habitude de rencontrer sur les plages, qui sont des organismes pluricellulaires.

 

L’exploitation des molécules produites par les micro-algues :

 

Alors que nos ressources en énergie fossile se raréfient, le potentiel énergétique des micro-algues pourrait bien s’avérer salutaire dans les années à venir. La plus ancienne forme de vie présente sur Terre est d’ores-et-déjà exploitée avec succès par le secteur alimentaire. L’une de ses nombreuses variétés – la Spiruline – qui tire son énergie de la photosynthèse, est en effet consommée sous forme de compléments alimentaires dont les qualités nutritionnelles intéressantes pour la santé humaine sont reconnues.

 

Actuellement, le coût de leur culture reste relativement important. Mais certains projets en développement pourraient changer la donne. Ainsi, au début du mois de juillet, l’entreprise Fermentalg a réussi à obtenir une aide importante grâce au soutien d’Oséo, organisme de financement des PME innovantes. Son objectif est de lancer la production industrielle de molécules, issues de certaines souches de micro-algues. Ces molécules seraient alors utilisées dans des secteurs très divers, comme la santé, la nutrition, la cosmétologie, la chimie et l’énergie.

 

Pour réduire ses coûts, Fermentalg s’est livrée à une étude des différents types de micro-algues connus, afin de sélectionner les plus prometteuses, ou plutôt les moins gourmandes. Celles-ci réclament en effet pour leur développement une dose de lumièreplus ou moins importante, qu’il faut dès lors générer. Les heureuses micro-algues élues sont des souches dites « hétérotrophes » et d’autres dites « mixotrophes ». Elles permettront à l’entreprise de gagner en compétitivité, et surtout de ne pas consommer plus d’énergie qu’elle n’en générera.

 

Des micro-organismes en mesure de capter le CO2 :

 

D’autres projets sont à l’étude, parmi lesquels un jumelage des sites de production de micro-algues avec d’autres sites générateurs de chaleur notamment. La chaleur, habituellement perdue, serait alors utilisée pour favoriser le développement des micro-organismes. L’exemple type est celui de l’utilisation de la chaleur dégagée lors de l’incinération de déchets par une usine de cogénération productrice d’énergie. Mais d’autres jumelages sont possibles. En effet, on constate que le CO2 alimente également la photosynthèse naturelle des algues. Elles peuvent dès lors servir à nettoyer les fumées d’usine, qui favoriseront leur croissance. Elles constitueraient ainsi une sorte de filtre naturel, captant les émissions de gaz à effet de serre néfastes pour l’environnement, et contribueraient de fait à la lutte contre le réchauffement climatique.

 

Ces projets font suite à la construction d’une usine pilote révolutionnaire en Espagne, plus précisément à Alicante. Celle-ci, réalisée par la société BFS, convertit le CO2 généré par une cimenterie en bio pétrole ou en électricité. L’entreprise BFS indique ainsi que son « usine pilote est capable […] par an, d’absorber 12.000 tonnes de CO2 et de produire 5.500 barils de pétrole voire, selon l’option retenue, 0.45 Mégawatts d’électricité par heure ».

 

Les micro-algues, sources de bioénergies :

 

Outre cette méthode, bien d’autres permettent aux micro-algues de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Elles sont en effet à la base d’une chaine permettant de générer des biocarburants dits de troisième génération, grâce aux sucres qu’elles libèrent, convertibles en éthanol après avoir suivi un processus de fermentation. Alors que les cultures dédiées aux agro carburants sont régulièrement décriéesen raison de leur inconvénient majeur, qui est de monopoliser les terres cultivables et donc de restreindre la part des cultures alimentaires, elles se présentent donc comme l’une des solutions possibles à ces maux. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, il s’avère que leur rendement serait bien plus important que celui d’autres cultures, comme celle du colza ou du tournesol. Il leur serait même trente fois supérieur. Certains défis restent cependant à relever pour créer une filière de production fiable et durable. Les scientifiques se penchent actuellement sur l’identification des souches d’algues les plus riches en lipides. Lorsque l’on sait qu’il en existe plusieurs millions, il apparait évident que la tâche sera rude. Elle a été confiée en France à des chercheurs issus du CNRS, du CIRAD (Centre de coopération international de recherche agronomique pour le développement), du CEA et de l’IFREMER, sous la direction de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique).

 

C’est actuellement la production de biogaz qui s’avère être la plus développée. Les procédés utilisés datent des années 1940. Ils avaient été développés par le professeur William J. Oswald, au sein de l’Université de Californie, avant d’être abandonnés dans les années 1980 au profit de recherches sur les biocarburants. Prometteurs, ils sont réétudiés depuis la fin des années 1990, et permettent de générer principalement du méthane.

 

Elles sont par ailleurs en mesure de produire de l’hydrogène. Mais cette filière reste pour l’heure très peu développée. Le commissariat à l’énergie atomique, par le biais de son laboratoire de bioénergétique et biotechnologie des bactéries et micro-algues, travaille par exemple en vue de créer des organismes efficaces pour la production de ce gaz, par des mutations génétiques.

 

Concrètement, ces micro-organismes permettent donc de créer de véritables circuits fermés pour de nombreux secteurs industriels. Par exemple, coupler une unité de production de micro-algues à une centrale thermique implique que : les micro-algues séquestrent le CO2 émis par la centrale thermique et utilisent la chaleur qu’elle génère pour favoriser leur croissance ; en parallèle, la centrale thermique est alimentée par le biogaz produit par les micro-algues.

 

Enfin, car ce n’est pas tout, des membres de l’Université de Stanford ont réussi à exploiter directement les courants d’électrons générés par la conversion des photons solaires à l’intérieur même de cellules vivantes de micro-algues, de la variété dite Chlamydomonas. Ceux-ci, bien que très faibles, et ne permettant actuellement que de fournir l’équivalent énergétique d’une pile alcaline, restent dignes d’intérêt pour la recherche dans les années à venir.

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