Gastronomie : des crevettes aux criquets !

Durant les fêtes, certains d’entre nous ont mangé des crustacés, des escargots ou des cuisses de grenouilles. La gastronomie européenne s’adonne à de nouvelles aventures depuis quelques années. Maintenant passons à quelque chose de plus croustillant comme des criquets ou de plus moelleux comme des larves. Après tout, les crevettes dont nous raffolons ne sont-elles pas des « insectes » d’eau salée ? 

Qu’est-ce- que l’entomophagie?

L’entomophagie est la consommation d’insectes par les hommes. Cette pratique est courante dans divers pays du monde dans les régions d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine principalement. 2 milliards de personnes complètent leurs régimes alimentaires en mangeant des insectes sur terre et l’entomophagie fait partie de l’alimentation humaine depuis des milliers d’années. Cependant, cette tendance a reçu l’attention des médias que très récemment.

La sécurité alimentaire

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en prévoyance d’une crise majeure qui toucherait le marché des produits alimentaires de base et qui pourrait durer pendant des décennies, conseille à la population mondiale de diversifier ses habitudes alimentaires pour adopter des produits différents tels que les insectes et des produits laitiers issus d’autres animaux que la vache.

repartition etres vivants

http://entomophagietpe.blogspot.fr/

Ils existent plus de 1500 espèces d’insectes comestibles sur Terre et ils sont très riches en protéines. Un tiers de la population mondiale consomme déjà des insectes. La population d’insectes sur Terre est actuellement suffisante pour pouvoir nourrir toute l’espèce humaine et sauver ainsi plusieurs pays de la famine. La barrière psychologique reste néanmoins dure à surmonter, surtout dans les pays occidentaux. L’Ined estime que nous serons entre 10 et 11 milliards d’êtres humains d’ici la fin du siècle. 11 milliards de personnes sur Terre, c’est plus de bouches à nourrir.

Les insectes et l’environnement

Avec le réchauffement climatique, les élevages d’animaux pour leur viande principalement sources de protéine, émettent de larges proportions de gaz à effet de serre. Les insectes paraissent donc une meilleure alternative car ils émettent moins de gaz à effet de serre et de déchets. Ils demandent aussi moins d’espace et une alimentation très basique composée de déchets organiques réduisant ainsi la demande en termes de culture agro-alimentaire pour les nourrir (Maïs, céréales etc.). L’entomoculture peut également être une solution pour nourrir d’autres animaux. Autant de raisons qui sont pour l’intégration des insectes dans nos assiettes.

Boom de l’entomoculture 

La Belgique a autorisé en décembre la consommation de dix insectes dont le Grillon domestique, le criquet migrateur africain, le ver de farine géant, le grillon à ailes courtes ou encore la chenille de la fausse teigne. Les insectes se fraient un chemin dans les assiettes des Européens et même si de plus en plus de pays les accueillent dans leurs gastronomies, le sujet provoque des débats sur les bienfaits des insectes sur le corps humain sur le long terme. Nous ne détenons à ce jour aucune étude mettant hors de cause l’entomophagie.

Le règlement européen Novel food, qui s’applique à l’alimentation humaine, prévoit que les nouveaux aliments doivent faire l’objet d’une évaluation par les Etats membres et l’Autorité européenne de sécurité des aliments, avant qu’une autorisation de mise sur le marché (AMM) soit délivrée par la Commission européenne. Sauf à pouvoir justifier d’une consommation significative avant 1997 en Europe, ce qui leur permettrait d’être directement introduits sur le marché. Or, à ce jour, aucune consommation significative d’un insecte en particulier n’a pu être formellement prouvée et aucune demande d’AMM n’a été reçue ni accordée. Aucune espèce n’est donc, logiquement, autorisée.

L’intérêt grandissant des entrepreneurs français pour cette filière est un catalyseur pour l’évolution des législations françaises. Les législateurs doivent donc trancher sur les questions afin que les entrepreneurs et industriels s’étant déjà lancés dans l’industrie des insectes sachent où aller et que le potentiel de cette filière soit exploité efficacement.

« L’insectivorisme » : nouvelle tendance gastronomique

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Certains frétilleront de plaisir face à cette nouvelle aventure gustative. En termes de valeur nutritionnelle, les termites sont riches en fer, les vers de farine remplis d’acides gras insaturés (Oméga 3 et Oméga 6), et la chitine, qui compose les carapaces des insectes ont d’excellentes propriétés antimicrobiennes. Côté papilles, le chef Danois René Redzepi, qui dirige les cuisines du restaurant Noma à Copenhague, primé meilleur restaurant du monde par la revue britannique Restaurant en 2012, n’hésite pas à glisser quelques fourmis dans ses plats pour les assaisonner (un petit goût de citronnelle), le phénomène fait mouche. En France, vu chez quelques grands noms de la gastronomie et de la pâtisserie : grillons sur un chocolat aux éclats d’amandes et de noisettes chez Sylvain Musquar, chocolatier à Nancy, criquet farci à la truffe pour David Faure, chef étoilé de Nice qui propose dans son restaurant Aphrodite un menu “Alternative Food” à 59 euros. Les insectes servis dans les restaurants agréés sont issus d’une culture saine et respectueuse des normes d’hygiène nécessaires pour produire des insectes propres à la consommation. Attention, certains restaurateurs ont des dérogations, d’autres non, soyez donc prudents.

Pour vous convaincre que ce n’est pas qu’un effet de mode, cliquez ici

Grillons sautés, Criquets à la sauce piquante, Toast de larves d’abeille, Tacos de ténébrions, Cricket Pad Thai, Beignets de criquets, Cookies de grillons aux canneberges, Grillons au gingembre confit et chocolat. Vous pouvez commander vos sachets de gourmandises pour vos apéros et retrouvez des recettes ici et ici

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La révolution biotechnologique

Une cellule souche. Vue d'artiste conceptuelle. AFP

Une cellule souche. Vue d’artiste conceptuelle. AFP

Créer des cellules de cornée à partir de cellules de cheveux prélevées sur un  patient et ainsi exclure tout rejet immunitaire en pratiquant une autogreffe est devenu réalité. Après dix ans de recherche et de test, les équipes du laboratoire de recherche sur les cellules souches de l’Inserm y sont parvenues. Le traitement médiatique des innovations biotechnologiques dans les sciences du vivant oscille entre fascination face aux progrès techniques et sociaux que ces découvertes représentent et craintes éthiques concernant la manipulation du vivant. Au sein de ces enjeux, la question du processus d’innovation n’y est que rarement abordée, notamment en ce qui concerne son financement et sa mise sur le marché.

Les biotechnologies, un enjeu médical et économique prééminent

La biotechnologie serait « une des révolutions les plus fondamentales que l’être humain ait jamais connu » selon le Dr. Michel Limousin. La révolution des biotechnologies « transforme tout », de « la connaissances des mécanismes intimes de la vie, de la société, de la culture, de l’économie industrielle, de l’éthique et même de la conception de ce qu’est l’Homme lui-même ». Or, pour qu’une innovation biotechnologique puisse devenir une révolution il faut en premier lieu qu’un projet de recherche soit financé sur l’ensemble de son cycle (allant de la recherche fondamentale à la mise sur le marché). Cela nécessite une stabilité sur le moyen terme : en moyenne, il faut dix ans pour qu’une découverte scientifique amène une innovation technique industrialisable, comme l’illustre la découverte de l’Inserm qui, pour l’instant, est encore au stade expérimental.

Le développement de cette filière représente un intérêt stratégique pour la France et l’Europe : sans un soutien en faveur des sciences du vivant et des biotechnologies, la France n’aura d’autres options qu’acheter les innovations des autres à défaut de vendre les siennes. Par ailleurs, les gains en termes de création d’emplois hautement qualifiés et la reconversion du tissu industriel dans des activités à haute valeur ajoutée sont des atouts stratégiques non négligeables.

Le cas d’Innate Pharma : quels leviers pour le développement de la filière ?

Le dernier exemple en date illustrant l’intérêt croissant pour ce secteur a été révélé par le quotidien Le Monde qui, dans un article paru le 4 décembre 2013, explique comment les fonds américains ont investis dans l’une des « pépites de la biotechnologie française », Innate Pharma.

Selon le quotidien, la valeur boursière de l’entreprise marseillaise Innate Pharma aurait progressé de 75% ces dix dernières années grâce aux financements outre-Atlantique. Hervé Brailly, PDG d’Innate Pharma, explique s’être tourné vers les fonds américains pour développer ses innovations immuno-oncologiques en raison de l’accès aux sources de financement et de la compréhension des enjeux techniques et économiques des biotechnologies.

L’entrepreneur constate que « le mariage de la finance et de la science est encore à construire en Europe où les investisseurs […] paraissent frileux face à des sociétés au modèle économique complexe ». En outre, M. Brailly met en avant un autre aspect bénéfique des fonds américains : « les interlocuteurs » qui « au sein de ces fonds sont des médecins et des spécialistes de l’immunologie parfaitement capables d’évaluer notre travail ».

Parmi les freins au développement d’une filière pérenne des biotechnologies françaises et européennes, la difficulté d’accès à des sources de financement sur plusieurs années soutenant le cycle long d’innovation propre au secteur est régulièrement mise en avant par les professionnels. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologique, dans son Rapport n°2046 sur la place des biotechnologies en France et en Europe, corrobore le constat d’Hervé Brailly. Pour l’institution nationale, « le retard le plus accusé [par la France dans le secteur des biotechnologies] par rapport aux États-Unis touche au financement des biotechnologies ». L’organe parlementaire voit dans « la continuité du soutien accordé aux biotechnologies et l’importance des moyens mobilisés » la principale explication du « décalage » et du « retard » français et européen vis-à-vis des Américains. L’étude soutient par la suite que « l’une des caractéristiques du contexte dans lequel les biotechnologies se développent repose sur l’implication du secteur privé et la mobilisation de la recherche publique dans des domaines très ouverts et fortement concurrentiels ».

La constitution d’un modèle français et européen de soutien aux biotechnologies

En France, plusieurs fonds spécialisés dans le financement des sciences du vivant ont vu le jour en une décennie. Cette tendance tend à se consolider et certains de ces fonds sont prolongés d’années en années pour suivre les besoins financiers des entreprises biotechnologiques.

La Banque publique d’investissement (BpiFrance), groupe public de financement et de développement des entreprises, propose et/ou gère des fonds permettant de faciliter l’allocation des besoins en financement en « accompagnant dans la durée » les entreprises. Dans le secteur des biotechnologies, BpiFrance a noué de nombreux partenariats avec des sociétés de financement privées. Parmi ces dernières, le Groupe Edmond de Rothschild a mis sur place un fonds destiné au financement des sciences de la vie.

Dénommé « BioDiscovery », ce fond investit depuis 2000 dans les sociétés nécessitant d’importants besoins financiers et dont les projets représentent des opportunités commerciales.

Depuis sa création en 2000, le fond a collecté plus de 350 millions d’euros sous gestion dédiés au secteur des sciences de la vie. Le fonds BioDiscovery IV accompagne le développement des entreprises sur une période de deux à six ans avant de passer le relai à un industriel pour assurer la mise sur le marché des innovations. Afin de soutenir le secteur français et européen des biotechnologies, BioDiscovery est composé à 90% d’investisseurs français et contribue au financement d’entreprises majoritairement françaises et quasi-exclusivement européennes. Développé par Edmond de Rothschild Investment Partner (EdRIP, filiale du Groupe Edmond de Rothschild), ce fonds stratégique d’investissement a ciblé 15 à 20 entreprises des biotechnologies en besoin de financement et jusqu’à présent quatorze opérations ont déjà été réalisées, notamment auprès d’Oncoethix, Complix, Allecra, etc.

L’une des originalités du fonds est la collaboration avec des structures publiques de recherche, notamment avec l’incubateur créé par l’Institut Pasteur qui propose au fonds, en priorité, des projets d’investissement dans des sociétés porteuses de projets prometteurs.

En treize ans, le fonds a ainsi investi dans près d’une cinquantaine d’entreprises du secteur avec un projet porteur de sens et représentant un potentiel de croissance. Ce fond a notamment permis le financement des recherches ayant amené à la découverte de nouvelles molécules permettant de soigner des glaucomes.

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