2004 – 2014 : De la Révolution Orange à EuroMaïdan, 10 ans de tensions énergétiques en Europe.

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Pour une analyse exhaustive de la vocation du projet South Stream il faut revenir 10 ans plus tôt presque jour pour jour avant l’annonce de la fin du projet par Vladimir Poutine, le 1er décembre dernier. La morale, s’il y en a une, est que l’Histoire se répète inéluctablement.

En effet, en novembre 2004 à Kiev, le peuple se soulève contre ce qui apparaît comme étant un trucage un mois durant suite à l’annonce de la victoire de Viktor Ianoukovitch, résolument pro-russe, au second tour des présidentielles. Les protestations prennent une telle ampleur que la Cour Suprême ukrainienne et les partis en présence conviennent d’un « troisième tour » et décident d’un nouveau vote portant au pouvoir la coalition de Viktor Iouchtchenko et de Ioulia Timochenko, marquant la victoire des idéaux pro-occidentaux dans un pays partagé entre Ouest et Est. Les troubles demeurent dans la vie politique du pays et le président en place n’a de cesse de dénoncer les manœuvres de Moscou pour le déstabiliser. En septembre 2005, Ioulia Timochenko est limogée de son poste de premier ministre, le président Iouchtchenko met ainsi fin à la coalition au pouvoir. Quelques temps plus tard, au 1er de l’an 2006, Gazprom coupe le gaz en direction de l’Ukraine en raison de leur conflit sur le prix du gaz, l’entreprise semi-publique voulant multiplier les tarifs par 4 et se rapprocher ainsi du prix du marché. L’approvisionnement de pays européens est compromis alors que l’hiver 2005-2006 est l’un des plus froids jamais enregistré. Un accord est finalement trouvé 3 jours plus tard entre Kiev et Moscou mais le mal est fait et l’idée d’un autre tracé d’approvisionnement émerge en Europe… L’Union européenne ne veut plus souffrir à l’avenir des troubles entre la Russie et son ancienne République Soviétique.

Le projet South Stream, mesure de rétorsion du Kremlin

C’est ainsi que les travaux du pipeline, qui doit faire 2380 km à terme, commencent en décembre 2012 et continuent doucement mais surement pour être en service en 2015. Au début de l’année 2014, l’optimisme reste de mise quant au projet et ce malgré une hausse de 45% du prix du projet porté à 46 milliards d’euros. Une somme que Gazprom consent à débourser pour la poursuite des travaux et la rénovation du réseau gazier existant.

Entre temps, la situation politique toujours explosive conduit à un jeu de chaises musicales spectaculaire : en août 2006 Victor Iouchtchenko devient le Premier ministre de son ancien rival, avantage pro-russe. Cette coopération ne dure pas non plus et en septembre 2007 lors de législatives anticipées, l’égérie de la révolution Orange est de nouveau nommée Premier ministre, retour à l’Ouest. Le prochain scrutin, les présidentielles de 2010, consacre le retour au sommet de l’Etat de Iouchtchenko qui place peu de temps après l’un de ses proches à la Primature à la place de Timochenko, qui sera emprisonnée en octobre 2011 pour corruption. Une éviction de son opposante dénoncée par la communauté internationale et surtout l’Union européenne.

Le nouveau président qui a les faveurs de son grand voisin obtient une réduction de près de 30% du prix du gaz. Pendant ce temps la poursuite du gazoduc va bon train, la Bulgarie et la Serbie ayant déjà achevé la réalisation du raccordement au pipeline en 2013. Toutefois, un retournement subvient : la Commission européenne statue en décembre de la même année que les accords conclus entre les 6 pays membres de l’U.E. et la Russie seraient contraires au droit européen.

Fin 2013 : mort programmée du gazoduc

En décembre 2013, peu de temps après que l’ex-président Ianoukovitch ait refusé de signer un accord d’association avec l’UE, la Commission européenne indique que les accords passés entre 6 pays européens et la Russie étaient contraire au droit européen. Günther Oettinger, le commissaire européen en charge de l’énergie de l’époque, affirmait que Gazprom ne pouvait à la fois posséder ses propres ressources et son réseau de transmission. Moscou refuse de renégocier ces accords et le projet est gelé malgré les protestations des gouvernements italien, hongrois, serbe, croate et bulgare qui se résignent petit à petit face aux pressions de l’exécutif européen. Les autorités russes font également un recours auprès de l’OMC pour attaquer la législation européenne sur l’énergie – notamment le troisième paquet énergétique-.

La confrontation devient de plus en plus marquée à mesure que le conflit en Ukraine se propage. A partir de juin 2014 on révèle que le blocage est désormais politique dans la mesure où les entreprises russes sont sous le coup de sanctions financières de la part des Etats-Unis et de l’Union européenne. D’autre part, les européens ne veulent pas marginaliser l’Ukraine qui pourrait se retrouver totalement privée de gaz si South Stream venait à être achevé, or les Vingt-Huit ne veulent pas abandonner l’europhile Petro Porochenko nouvellement élu pour ne pas compromettre leur crédibilité diplomatique.

En réalité, l’opposition de l’U.E au projet qui était censé lui servir est indéniablement liée aux évènements en Ukraine. Tout bon observateur pourrait remarquer que la question du monopole de Gazprom sur l’oléoduc n’avait pas été évoquée auparavant. Le géant énergétique russe qui finance la majorité du projet ne veut pas se soumettre à la législation européenne et « quémander » une exception, l’heure étant aux rapports de force et à l’affirmation de la « Nouvelle Russie ».

D’autres facteurs sont également en travers de l’achèvement de South Stream : parallèlement à ce gazoduc, le projet de Corridor Sud dénommant deux tracés éventuels, gazoducs Nabucco, passant par la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche, et Trans-Adriatic Pipeline, passant par la Turquie, la Grèce, l’Albanie et l’Italie, qui achemine une moindre quantité de gaz d’Azerbaïdjan. Le dernier tracé, validé en juillet 2013, au détriment de Nabucco et la Commission européenne se félicite de l’accord du consortium pour assurer son approvisionnement énergétique.

Le 1er décembre 2014, Vladimir Poutine en visite officielle en Turquie annonce qu’il met fin au projet South Stream en raison des blocages de la Commission européenne qui « trainait les pieds ». Il annonce ainsi vouloir diversifier les débouchés du gaz russe vers la Turquie, avec laquelle il signe un nouvel accord de livraison moyennant une ristourne de 6%, et l’Asie dont la consommation est exponentielle. Le projet de South Stream qui est née d’intentions politiques, en rendant souhaitable de construire un gazoduc sous-marin au lieu de passer par l’Ukraine, s’est achevé de la même manière. Gazprom arrête les frais à 5 milliards d’euros d’investissement. Point final le 30 décembre 2014 lorsque Gazprom rachète les parts de ses anciens partenaires : EDF (15%), Eni (20%) et Wintershall (15%) pour clore le sujet. South Stream aura incarné les soubresauts politiques de la révolution orange en 2004 à la révolution d’EuroMaïdan en 2014 à travers le prisme d’une Europe en recomposition énergétique qui diversifie ses sources énergétique et consomme ainsi moins de gaz.

Moussa Koné / Crédits photo : Marc Lagneau

sources :

http://www.dw.de/south-stream-pipeline-quarrels/a-17302072

http://www.naturalgaseurope.com/gazprom-raises-full-cost-south-stream-over-56-billion

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/moscou-renonce-a-construire-le-gazoduc-south-stream-vers-le-sud-de-l-europe_1627934.html

http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/12/07/la-chantier-du-gazoduc-south-stream-qui-doit-relier-la-russie-a-l-ue-est-lance_1801750_3234.html

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La Rhétorique de la transition énergétique

voiture_electrique_nucleaire_grandSégolène Royal l’a annoncé, le gouvernement s’apprête à lancer en « procédure accélérée » le projet de loi dit de « la transition énergétique pour la croissance verte » qui passera le 1er octobre à l’Assemblée nationale. La première mesure d’avenir de la France pour ce millénaire aurait pu se faire sous nos yeux en  réduisant – pour de vrai – la part du nucléaire dans le mix électrique national  de 75% à 50%  d’ici 2025. Et ce gouvernement aurait pu au fond avoir une once de vision d’avenir ou même une once de scrupule pour ses électeurs écologistes. Mais inutile de se réjouir : pas une seule centrale nucléaire ne sera fermée.

Pour atteindre les objectifs des promesses de campagnes (réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire), des dizaines de milliers d’éoliennes subventionnées seront construites et fonctionneront à plein régime aux côtés des centrales nucléaires. Mais en construisant 100 à 150% de moyens de production énergétique supplémentaires dans un pays où la population augmente assez peu, ne risquons-nous pas d’augmenter la surproduction d’une énergie non stockable? Les industriels de l’énergie ont bien sûr réfléchi à cette question avant nous. Ils ont même proposé un accord astucieux au gouvernement : un accord gagnant-gagnant … pour le gouvernement et les industries, qui consistera à augmenter de 100 à 150% la consommation électrique en France.

La clé de cet accord : la voiture électrique, cet engin qui ne pollue pas, en tout cas de façon visible. Car si le gouvernement développe la voiture électrique pour donner un nouveau sens au secteur nucléaire, cela veut dire que celle-ci produit directement des déchets nucléaires indestructibles et nocifs pour des millions d’années en plus de contribuer au pillage des mines d’uranium du Niger et d’émettre des gaz à effet de serre au cours du transport de ce minerai.

Par le biais de la loi dite “de transition énergétique”, le gouvernement s’apprête non seulement à offrir des dizaines de milliards aux industriels de l’automobile électrique mais également des privilèges uniques aux seuls CSP+ utilisant le système de véhicule électrique. En effet, les utilisateurs du réseau électrique bénéficient déjà à Paris de places de parking gratuites et réservées ainsi que de pleins de leur batteries aux frais de la collectivité. Si vous soutenez malgré tout la voiture électrique (dans son état d’avancement actuel), une étude de l’Ademe montre que celle-ci n’est pour le moment pas plus vertueuse que la voiture thermique et cela même concernant les émissions de CO2. On attendra donc que l’État regarde vers de vrais projets d’avenir comme peut être les moteurs à air comprimé.

Faire croire à un geste environnemental en maintenant le nucléaire et en subventionnant l’augmentation de la consommation d’énergie, c’est le tour de force unique qu’aura réussi à réaliser le gouvernement socialiste. « De toutes façons sur le papier nous aurons atteint la part de 75% à 50%  de nucléaire dans le mix électrique national » pensent-ils bien trop fort.

Hormis le nucléaire on remarque également que la réforme du code minier et le projet de loi sur la biodiversité semblent passer à la trappe. Mais enfin, tout n’est pas à jeter dans ce projet de loi : si l’essentiel de celui-ci a un gout amer de trahison, on salue tout de même le projet de normes pour la construction d’édifices publics à « énergie positive » et les quelques points concernant la préservation des terres agricoles et les ressources en eau. Quelle drôle de chose que ce mot « transition énergétique » qui sonne comme le mot « révolution » et qui comme en 1789 ne changera au fond que les apparences. Comme le disait le comte de Lampedusa dans le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

Sources :

http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/geopolitique-de-l-energie-thematique_89429/nucleaire-solaire-le-gouvernement-francais-sait-il-vraiment-ce-qu-il-veut-article_287937/

http://blogs.mediapart.fr/edition/nucleaire-lenjeu-en-vaut-il-la-chandelle-pour-lhumanite/article/100914/voiture-electrique-nucleaire-bluecub-retire

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20131204trib000799310/le-vehicule-electrique-pas-si-ecologique-que-ca-.html

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Royaume Uni et Allemagne, précurseurs de l’exploitation du gaz de schiste en Europe ?

Profitant de la crise en Ukraine pour remettre la question de la sécurité énergétique sur la table, l’Allemagne a annoncé qu’elle allait autoriser l’exploitation du gaz de schiste d’ici 2015. De son côté, David Cameron, le premier ministre britannique a annoncé un projet de loi qui permettra aux compagnies pétrolières et gazières de forer sans permission préalable tandis qu’une étude des Services géologiques britanniques estime qu’il y a 4 milliards de barils de gaz de schiste dans le sud de la Grande Bretagne. Quels sont les enjeux de l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne et au Royaume Uni ?

Vers une exploitation du gaz de schiste en Allemagne dès 2015 ?

Contrairement à la France qui a fait passer une loi en 2011 interdisant la fracturation hydraulique et qui est opposée à la recherche, l’Allemagne essaie d’encadrer la fracturation hydraulique. Les débats y sont tout aussi intenses qu’en France avec un parti écologiste, « die Grünen », qui souhaiterait que soit interdit la fracturation hydraulique en Allemagne et des Landers qui ne veulent pas entendre parler de fracturation hydraulique sur leurs terres. Le gouvernement allemand a fait passer un moratoire sur le gaz de schiste en 2013. Ce moratoire a permis au gouvernement de déterminer que 14% du territoire allemand ne serait pas concerné par l’exploitation de gaz de schiste. Désormais l’Allemagne envisage de légiférer afin d’encadrer la fracturation hydraulique sur le plan environnemental, ce qui ne signifie pas une autorisation de l’exploitation du gaz de schiste stricto sensu même si c’est un grand pas dans cette direction.

L’exploration et l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne permettra de faire face à deux défis : la dépendance énergétique et la compétitivité. En effet, les deux principaux fournisseurs d’énergie de l’Allemagne sont la Norvège et la Russie. Celle-ci fournit 43% de la consommation allemande. Les réserves sont estimées à 2300 milliards de mètres cubes de gaz, l’équivalent de trois décennies de consommation nationale. Les experts allemands attendent de savoir quel pourcentage pourra être exploité et si cela sera rentable.  On pourrait ainsi penser que l’exploration et l’exploitation de gaz de schiste réduirait la dépendance énergétique de l’Allemagne sans pour autant qu’elle atteigne le mythe de l’indépendance énergétique. Enfin, l’Allemagne veut retrouver de la compétitivité pour son industrie et elle compte sur le développement de cette activité qui devrait entrainer une relocalisation industrielle importante. De plus, les Etats-Unis bénéficient pour l’instant d’un avantage comparatif qui fait que le prix du gaz sur le marché européen est de deux à trois fois supérieur à celui du marché américain.

Le Royaume-Uni sur le modèle de la  « révolution du gaz de schiste » américain?

Une étude des Services géologiques britanniques estime qu’il y a aurait 4,4 milliards de barils  de réserves de gaz de schiste dans le sud et notamment dans  le Sussex, Hampshire, Surrey et Kent. Certains spécialistes britanniques en ont déduit en s’appuyant sur l’expérience américaine qu’il ne sera possible d’extraire que 4% des réserves en  gaz de schiste c’est-à-dire l’équivalent de 4 mois de consommation au Royaume-Uni. Cette étude vient renforcer le rapport du Comité des Affaires économiques de la Chambre des Lords affirmant que « l’exploitation du gaz de schiste permettrait de booster l’économie britannique ». Cependant la résistance de la société civile et des ONG grandit pour que soit instauré un moratoire voir une interdiction totale d’exploiter le gaz de schiste. D’après un sondage commandé par Greenpeace 66% des habitants du Sussex  seraient en faveur d’un moratoire sur le gaz de schiste et dans d’autres régions comme le Lancashire c’est par le biais de manifestation comme la campagne “Frack Free Lancashire” que la société civile se prononce contre l’exploitation du gaz de schiste.

 On observe que la France, si elle refuse toute perspective d’exploitation de gaz de schiste ou de recherche dur ce sujet, se montre favorable à l’idée d’importer du gaz de schiste venant de l’étranger, des Etats-Unis par exemple. Plus pragmatique, les Allemands ont décidé de mettre en place un moratoire qui leur a permis de définir quelles zones du territoire devaient être préservées de toute fracturation et va leur permettre de légiférer pour encadrer la fracturation hydraulique. Plus que jamais, la politique gazière européenne se décide à l’échelle nationale ce qui est défavorable à une politique gazière commune et cohérente européenne qui permettrait de faire face aux défis de la dépendance énergétique et de la transition énergétique.

Mickael Mehou-Loko

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Une « révolution » du gaz de schiste est- elle possible l’Europe ?

La crise entre l’Ukraine et la Russie a relancé en Europe le débat sur le gaz de schiste.  David Cameron le premier ministre britannique soutenu par la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque pense que l’exploitation du gaz de schiste serait un moyen de réduire la dépendance énergétique de l’Europe envers la Russie et faire baisser les tarifs de l’énergie en Europe en s’appuyant sur le modèle de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis. Parallèlement le président Obama milite pour pouvoir exporter son surplus de production de gaz de schiste en Europe grâce au Traité transatlantique mais se heurte à l’opposition de la France où  la fracturation hydraulique est interdite par la loi depuis 2011. Qu’en est-il réellement de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis. ? Est-ce un modèle applicable à l’Europe ?

Le mythe de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis

Les Etats-Unis ont réduit leur dépendance énergétique envers  les pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite et le Qatar en investissant massivement dans la production d’hydrocarbures non conventionnel, le gaz de schiste par exemple. La part de gaz de schiste dans la production de gaz naturel aux Etats-Unis a progressé, passant de 5,2% en 2006 à 32% en 2012. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les Etats- Unis seront dans une situation de « quasi autosuffisance énergétique » d’ici 2017. D’après un rapport d’Exxon Mobil publié en 2013, les Etats-Unis deviendraient exportateurs nets d’hydrocarbures en 2025 grâce au gaz de schiste. Cependant l’enthousiasme de ces prévisions est à nuancer.

Or, d’après un  rapport de l’Institut du développement durable et des Relations internationales (IDDRI), publié en février 2014, le gaz de schiste n’ajouterait que 0,84 % à la croissance américaine entre 2012 et 2035 c’est-à-dire 0,04% de contribution annuelle à la croissance alors que le taux de croissance annuel  est estimé à 1,4%. La chute du prix du gaz naturel de puis 2008 n’a pas profité aux consommateurs américains qui ont vu les tarifs de l’électricité augmenté.  En outre, d’après le Département américain de l’énergie, les réserves de gaz de schistes ont été largement surestimées et revues à la baisse. L’administration Obama profite de la crise en Ukraine pour inscrire à l’ordre du jour une réduction des règles aux importations européennes lors des négociations pour le Traité transatlantique ce qui favoriserait l’exportation de gaz de schiste.

Importation de gaz de schiste ou production pour l’Europe ?

Thomas Spencer qui a rédigé le rapport de l’IDDRI se montre pessimiste sur les perspectives du gaz de schiste en Europe. Il estime que l’exploitation du gaz de schiste sur le vieux continent ne permettrait pas de répondre aux défis que sont la dépendance et la transition énergétique. Ainsi l’Europe resterait largement dépendante des importations de gaz et de pétrole, les prix seraient toujours déterminés par les marchés internationaux et le gaz de schiste ne suffirait pas à résoudre « l’équation énergie-climat-compétitivité ». De plus, le rapport indique que «  sur le long terme, le coût d’une transition basée sur l’efficacité énergétique, les renouvelables et d’autres sources d’énergie peu carbonées, est égal voire inférieur au business as usual basé sur les fossiles. »

Par ailleurs le débat sur le gaz de schiste a repris en France. En effet une technologie d’extraction propre  au fluoropropane et n’utilisant pas d’eau a été découverte et est soutenu par l’actuel ministre de l’économie français Arnaud Montebourg. Cependant la troisième partie du rapport du GIEC axée sur les émissions de gaz à effet de serre montre que le méthane qui s’échappe dans l’atmosphère suite à la fracturation hydraulique est 34 fois plus puissant que le dioxyde de carbone et a un potentiel de réchauffement global qui est de 86 à 100 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, accélérant ainsi nettement le réchauffement climatique. L’Europe serait alors très loin de ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Mickael  Mehou-Loko

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Keystone XL : pétrole visqueux, collusion d’intérêts et désobéissance civile

Retour critique sur le processus en cours au Canada et aux Etats-Unis, processus de destruction de la planète sur fond de collusions d’intérêts à haut niveau et d’un mouvement historique pour les droits environnementaux.

Le Keystone XL est le projet de pipeline de la compagnie canadienne TransCanada, destiné à acheminer les sables bitumineux exploités en Alberta jusqu’au Golfe du Mexique, en traversant de nombreux Etats canadiens et américains, avec leurs zones résidentielles, leurs milliers de cours d’eau, leurs réserves naturelles et leurs communautés autochtones.

Fort McMurray

Alberta : bienvenue dans le « Mordor »

Le pétrole de sables bitumineux, exploité dans la région d’Alberta au Canada, est considéré comme le pétrole le plus polluant au monde. James Hansen, climatologue et ancien directeur de la NASA, a déclaré que l’exploitation des sables bitumineux albertains signifiait un « Game over » pour la planète. Comprendre : pas de retour en arrière possible. L’extraction des sables bitumineux génère environ 5 fois plus de gaz à effet de serre que l’exploitation du pétrole conventionnel. La consommation d’eau et d’énergie mobilisée pour extraire le bitume est astronomique et assèche les cours d’eau, privant les communautés autochtones de leurs moyens de subsistance. Autour des zones d’exploitation, des médecins et scientifiques albertains estiment le taux de cancers à 30% au-dessus de la moyenne canadienne. Faites donc un tour sur Google Map au-dessus de Fort McMurray, afin de comprendre pourquoi certaines ONG canadiennes, comme Equiterre, utilisent la métaphore du Mordor : la forêt boréale est rasée sur environ 140.000 km2, laissant apparaître d’énormes bassins d’eau usée. Selon des chercheurs du ministère canadien de l’Environnement, les résidus toxiques présents dans ces bassins d’eau se rependent, contrairement aux dires des compagnies exploitantes, dans les nappes phréatiques et polluent actuellement la rivière Athabasca.

Des oléoducs qui fuient

Vient ensuite la question du transport par oléoduc : que ce soit le pipeline keystone 1 en 2011, le grand déversement de Kalamazoo avec le pipeline 6B d’Enbridge en 2010 ou encore le pipeline Pegasus d’Exxon le 29 mars 2013, tous ces oléoducs ont été à l’origine d’une multitude de déversements, de divers volumes, le long des tracés. Les compagnies n’investissent pas dans les technologies disponibles pour détecter les fuites et utilisent des oléoducs, à peine réhabilités, parfois vieux de 40 ans ou plus. Un déversement de pétrole issu de sables bitumineux répand des particules toxiques dans les airs (issus des mélanges toxiques utilisés pendant l’extraction). A Mayflowers, suite au déversement du 29 mars 2013, un quartier entier d’habitations a dû être évacué en raison des émanations toxiques. Par ailleurs, le pétrole de sables bitumineux, ou « bitume dilué » pénètre profondément les eaux (contrairement au pétrole conventionnel qui flotte), polluant les nappes phréatiques et rendant les opérations de nettoyage tout simplement impossibles.

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Le projet Keystone XL traverse la frontière canadienne, il nécessite donc un permis présidentiel. La décision de ce méga projet reste entre les mains de Barack Obama, après que celle-ci ait été façonnée, à coup de rapports d’impacts environnementaux du Département d’Etat, dont la transparence et l’objectivité sont actuellement mises en cause par les associations écologistes. En effet, il s’est avéré que le sous-traitant du Département d’Etat, en charge de la rédaction du rapport d’impact environnemental, Environmental Resources Management, avait TransCanada dans sa liste de clients, entre autres groupes pétroliers.

Le mouvement pour les droits environnementaux

Pour avoir une idée de ce qu’est la mobilisation anti-Keystone XL, le mieux serait probablement de se rendre sur place… Faute de le pouvoir, laissons parler les chiffres. Lorsque les ONG, en tête desquelles 350.org et son leader charismatique Bill McKibben, organisent une mobilisation à l’échelle nationale,  pour faire pression sur le président Obama, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui descendent dans la rue, prêtes à risquer l’arrestation. Lors de la manifestation du 21 septembre 2013 dans le cadre de la campagne Draw the Line, plus de 1200 personnes ont été arrêtées. Plus récemment, la mobilisation étudiante « XL Dissent » qui s’est déroulée le 2 mars dernier à Washington a vu 398 étudiants arrêtés par la police dans le cadre d’une action de désobéissance civile. Jamie Henn, directeur de la communication de 350.org et nécessairement enthousiaste étant donné sa position, a évoqué « le plus grand acte de désobéissance civile de la génération ».

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Et les compagnies pétrolières ne prennent pas ces mouvements à la légère. Loin de là. On apprenait l’année dernière que, selon des documents obtenus par le groupe Tar Sands Blockade via une requête « Freedom of Information Act », TransCanada, probablement dans un élan de patriotisme, aurait fourni des stages de formation à la police locale du Nebraska mais aussi à des agents fédéraux, pour « éliminer les activistes non violents anti-Keystone XL » en les réprimant grâces aux dispositifs anti-terroristes. Plus récemment, on apprenait également l’existence de collusions entre TransCanada et les services de renseignements canadiens. Les écologistes américains et canadiens se rendent compte peu à peu de qui ils ont affaire. Mais cela ne les ralentit pas, au contraire : à l’heure actuelle, plus de 86.000 personnes ont signé le « Pledge of resistance » (« Engagement à résister ») lancé par l’ONG Credo Action, une pétition par laquelle les citoyens s’engagent à risquer l’arrestation par des actions de désobéissance civile pour « dire non au pipeline Keystone XL ».

Bill McKibben dans le viseur de certains médias marxistes

Bill McKibbenIl est un certain nombre de médias indépendants et progressistes, en tête desquels le média américain counterpunch.org, de sensibilité marxiste, qui opposent au combat du fondateur et président de 350.org, Bill McKibben, une critique sociologique de bon calibre. MacDonald Stainsby de Counterpunch.org formule particulièrement bien ce point de vue. Ce dernier appréhende le Keystone XL comme une non-décision de la part d’Obama, ce qu’elle est en effet : depuis 2011, l’approbation ou non-approbation du pipeline a été reportée à maintes reprises, pour diverses raisons politiques et judiciaires. Ce sont trois ans de débat politique et de mobilisation qui s’animent dans l’attente de la décision présidentielle. L’auteur dénonce un accord tacite entre l’administration Obama, qui a besoin d’être perçue comme une « alliée possible » des écologistes – base électorale d’Obama – alors que le mouvement de Bill McKibben – « grassement financé par de grosses fondations » – peut continuer à « enrôler » des militants issus de la classe moyenne blanche, et protester contre le Keystone XL, sans s’opposer frontalement au pouvoir politique. Pendant ce temps-là, TransCanada peut continuer à piller la terre et à détruire le climat avec divers autres pipelines en construction, en premier lieu desquels la section Sud du Keystone XL, qui échappe au permis présidentiel. L’analyste met donc en cause la focalisation médiatique et militante sur le Keystone XL, laquelle permet au président Obama d’apparaître comme un rempart pour les écologistes, sans pour autant contrarier l’industrie pétrolière, qui avance par ailleurs sur des projets similaires moins médiatisés.

En effet, le projet Keystone XL de TransCanada et la mobilisation qu’il suscite concentrent largement l’intérêt des médias écologistes américains et des grandes associations de défense de l’environnement. De l’autre côté de la frontière, les projets de pipeline d’Enbridge et de TransCanada traversent des processus d’évaluation environnementale et d’approbation politique aussi rapides que ces projets s’annoncent dévastateurs.

La stratégie Keystone XL

Ce tour d’horizon politico-bitumineux s’ouvrira cependant avec l’analyse de l’écologiste Joe Romm, qui tente de réhabiliter la « stratégie Keystone XL ». Selon lui, les détracteurs du mouvement sont aveugles sur un certain nombre de points : parce qu’ils estiment que le mouvement environnemental ne peut faire qu’une seule chose à la fois, que le blocage de l’oléoduc Keystone XL n’a pas de valeur stratégique et surtout, que la construction d’un mouvement n’a pas de valeur intrinsèque. Car oui, les Etats-Unis sont le terrain d’un mouvement populaire d’envergure nationale, qui réhabilite les méthodes et actions de résistance pacifique et de désobéissance civile nées de la lutte pour les droits civiques des années 60-70. Ce mouvement est par ailleurs soutenu par la communauté scientifique, par une partie du personnel médiatique et politique et prône, dans ses valeurs, le respect de l’environnement, des communautés, des générations futures, et revendique une économie orientée sur les énergies renouvelables, avec des créations d’emplois pérennes. Ce mouvement a clairement la science et l’économie avec lui et l’histoire lui donnera aussi probablement raison.

Malgré les ambiguïtés du jeu des grands acteurs politiques et écologistes, qui cherchent à maintenir des positionnements stratégiques, la réalité d’une mobilisation historique parce qu’environnementale existe et est en devenir. La voie du militantisme écologiste moderne ne s’éteindra, ni avec l’approbation du Keystone XL, ni avec la fin de 350.org, ni avec la fin du mandat d’Obama.

En France et en Europe, il manque cette force écologiste capable de faire descendre des citoyens dans la rue dans toutes les grandes villes, pour s’opposer pacifiquement aux perspectives “extractivistes” portées actuellement par Arnaud Montebourg et d’autres, ou encore pour influencer d’une voie claire et propre le débat sur la transition énergétique. De ce point de vue, le mouvement anti-Keystone XL, aussi « mainstream » soit-il, n’est pas dépourvu de sens historique.

David Mawas

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Transition énergétique : le rôle clef des territoires

fne1Le gouvernement français a engagé la France dans un débat national sur la transition énergétique, il y a plus d’un an déjà. En effet, entre janvier et février, a été présentée la situation énergétique de la France. Dans une deuxième étape, s’est déroulée une concertation des acteurs du secteur énergétique français et du grand public, avant un travail de synthèse dans un troisième temps. Mais où en est on finalement ? Les territoires, pleinement investis dans le débat, ont un rôle majeur à jouer. Si le gouvernement manque de clarté à ce sujet, certains acteurs du secteur énergétique français ont anticipé cet aspect clef de la transition énergétique dans notre pays.

La loi de programmation sur la transition énergétique prévue avec un an de retard

Le projet de loi sur la transition énergétique devait être voté au Parlement à l’automne 2013. Or la 1ère réunion de la commission spécialisée du Conseil national de la transition énergétique (CNTE) présidée par Laurence Tubiana, n’a eu lieu que le 10 décembre 2013. Cette commission a pour mission de formuler un avis sur le projet de loi.

Ce fameux projet de loi devrait être basé sur « six titres ». D’après le gouvernement, il permettra d’atteindre les objectifs fixés par le président de la République en matière de :

– réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

– amélioration de l’efficacité énergétique, avec une réduction de 50% de la consommation d’énergie à l’horizon 2050,

– réduction de 30% de la combustion d’énergie fossile à l’horizon 2030 ;

– diversification du mix électrique avec le développement des énergies renouvelables et la réduction de la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025.

Il est également précisé que le projet de loi dotera l’Etat des outils de pilotage indispensables à la transition énergétique. Rien de plus précis. Quels sont ces outils de pilotage ? A quel échelon administratif seront-ils déployés ? La question de l’échelon de la mise en œuvre de la transition énergétique reste posée. L’Europe donne des directives. A un niveau plus local, les territoires se positionnent : des plans énergétiques sont déjà en place en Bretagne, en PACA, dans le Nord-Pas-de-Calais.

Les industriels ont anticipé cette territorialisation de la politique énergétique

La politique énergétique est codéfinie à plusieurs niveaux : européen, national, régional, départemental, voire même au niveau des communautés de communes et au niveau municipal, lorsque certaines communes font le choix, de quitter un fournisseur d’électricité pour un autre par exemple. C’est le cas dans certaines communes du Grand Ouest où des communes ont fait le choix de se séparer de leur fournisseur historique d’électricité au profit de fournisseurs alternatifs, proposant une électricité 100% verte par exemple.

Les industriels ont bien compris ce rôle clef des territoires et une gouvernance à cet échelon se déploie. Autre exemple, l’année dernière, la ville de Nice a noué un partenariat avec EDF, conclu entre Christian Estrosi, maire de la commune, et Jean-Pierre Frémont, Directeur EDF Collectivités, en faveur d’un stade à énergie positive : une première ! Le stade en question, qui porte le nom d’Allianz Riviera, est le premier éco-stade au monde au sein d’un écoquartier. Cet éco-stade est une vitrine de la production énergétique locale à l’échelon de l’agglomération Nice-Côte d’Azur. Cette infrastructure contient une centrale photovoltaïque de 6000m2 sur sa toiture ainsi qu’un système de chauffage et de climatisation géothermique pour le bien être de tous, quelle que soit la saison…

Le rôle des territoires dans la transition énergétique s’exprime donc déjà. Quels outils politiques, administratifs, quels budgets leur conférer pour accroître leur responsabilité et leur permettre de mettre en œuvre la transition le plus efficacement possible ? Espérons que le projet de loi soit clair au sujet de la répartition des rôles au sein de notre « mille feuille administratif » quant à la mise en œuvre d’une politique énergétique cohérente, meilleure pour l’environnement et créatrice d’emplois.

Cette loi devrait être présentée au printemps et discutée durant l’été pour une conclusion d’ici fin 2014. Qui vivra verra.

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Quelle politique européenne de l’énergie ?

L’Europe a été fondée sur l’idée d’une politique énergétique commune. Pour rappel, la première pierre de l’Union telle que tous la connaissent a été posée le 23 juillet 1951 avec la signature du Traité de Paris qui formait la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Pourtant, aujourd’hui, elle est en panne. Pour André Merlin, Président de MEDGRID[1],  et Président sortant du Conseil de Surveillance du Réseau de Transport de l’Electricité (RTE) « il y a urgence à redéfinir une politique énergétique européenne ». Lors d’un entretien, il nous livre ses explications.


http://www.earthtimes.org/

Au niveau de l’Union européenne, un premier effort de définition de cette politique a été lancé il y a quelques années et concernait principalement trois secteurs : « la création d’un marché de l’électricité et du gaz à l’échelle européenne », « le développement des énergies renouvelables et la lutte contre le réchauffement climatique » avec l’objectif d’accroître fortement « l’efficacité énergétique ». Le chantier d’un marché intérieur de l’énergie a débuté en 1996 à force de « directives successives qui ont permis d’étendre ce marché, marché « pas achevé mais qui existe et qui fonctionne ». Pour ce qui est de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, l’Europe s’est fixée des objectifs en 2008 avec ce qu’on appelle le « 3×20 en 2020 » : « 20% de réduction d’émission de CO2 par rapport à ce qu’elles étaient en 1990, 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen en 2020 et 20% d’amélioration de l’efficacité énergétique. »

 

Toutefois depuis 2008, « trois facteurs principaux ont pesé » sur la politique européenne de l’énergie : « la crise économique et financière » qui a « fait que l’énergie devient un élément déterminant de la compétitivité d’un pays », la « révolution » du gaz de schiste aux États-Unis qui a conduit à des prix du gaz 3 fois moins élevés outre-Atlantique qu’en Europe, attirant les industries énergivores, et « l’accident de Fukushima », qui a conduit à l’arrêt du nucléaire en Allemagne et à terme dans quelques autres pays d’Europe et également au renforcement des normes de sûreté des réacteurs nucléaires ».

Pendant ce temps, en Europe, des centrales à cycles combinés gaz, moins polluantes que les centrales à charbon, ferment car les prix du gaz sont trop élevés. « Et par ailleurs, comme on développe fortement les énergies renouvelables, la durée d’utilisation des centrales au gaz, qui sont le complément naturel par rapport au développement des énergies renouvelables du fait de leur intermittence, se réduit ». Du coup, les pouvoirs publics dans certains États membres tentent de développer un « marché de capacité » qui permettra de valoriser ces moyens de production (les centrales à gaz qui permettent de passer la pointe de consommation pour les rendre en quelque sorte rentables). Pour André Merlin, « il ne faut pas un marché de capacité par État membre mais un marché de capacité à l’échelle européenne ».

 

http://www.france3.fr

Le champs d’éoliennes offshore de Middelgrunden, dans l’Øresund, au large du Danemark

 

« Quant aux énergies renouvelables, l’Europe est en pointe sur leur développement par rapport aux autres régions du monde, d’où l’objectif de 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen en 2020. Aujourd’hui on est à 13%, atteindre 20% en 2020 reste un objectif ambitieux. Ce développement se fait à « prix très élevé » dans certains cas. Par exemple, « on produit de l’électricité solaire en Grèce, à partir de panneaux photovoltaïques installés sur les toits des maisons, au prix d’achat de 540€/MWh, soit 10 fois le prix du marché ». Les surcouts qui en résultent sont ensuite répercutés sur la facture d’électricité des consommateurs et tout particulièrement des consommateurs domestiques. Etant donné la crise que traverse l’Europe, ce mode de développement des énergies renouvelables « ne semble pas soutenable ». Comment donc, dans ce contexte continuer à développer ces énergies renouvelables en Europe ?

D’après André Merlin, « il faut le faire à moindres coûts » en prenant pour modèle les États-Unis où « chaque fournisseur d’électricité fait en sorte que dans son offre d’électricité il y ait une part obligatoire d’énergies renouvelables qui peut d’ailleurs augmenter progressivement dans le temps». Adopter ce modèle, c’est rendre « durable » la politique de développement des énergies vertes, car il évite des bulles spéculatives comme on l’a connu dans le photovoltaïque. Parallèlement, « les énergies renouvelables qui ont un caractère intermittent nécessitent un fort développement des réseaux électriques ; non seulement des réseaux de distribution mais également des réseaux de transport ». Or,  en Europe, ces chantiers sont freinés par « la longueur des procédures d’instruction » et le réseau d’interconnexion européen est « extrêmement en retard ». Rattraper ce retard, est la condition sine qua non de l’achèvement du marché intérieur à l’échelle européenne. Cette démarche « s’inscrit tout à fait dans le cadre du traité de Lisbonne qui prévoit une solidarité énergétique entre les États ».

 

http://www.lemoniteur.fr

« Il y a donc urgence à développer les réseaux électriques et tout particulièrement les réseaux d’interconnexion » comme l’indiquait André Merlin dans le journal La Montagne dans son édition du 30 mai 2013. Sinon, « le marché sera fragmenté avec d’importantes différences de prix et des risques de blackout. L’électricité ne se stocke que difficilement, ou bien indirectement au travers de stations de pompage hydraulique, les batteries électrochimiques ayant encore des coûts trop élevés pour l’équilibrage d’un système électrique de grande taille. « Le réseau électrique, tel qu’il est actuellement, c’est le talon d’Achille de la politique énergétique européenne » résume André Merlin. Le marché du gaz souffre à un degré moindre des mêmes maux.

L’ambition européenne de poursuivre la lutte contre le réchauffement climatique s’est traduite par la publication récente d’un ” Livre vert” par la Commission européenne » qui propose « d’aller vers une réduction encore plus forte des émissions de CO2, passer de 20% en 2020 à 40% en 2030 par rapport à 1990, mais aussi d’envisager d’atteindre 30 % d’énergie renouvelable en 2030 dans le mix énergétique européen. » Dans le contexte économique qui est celui de l’Union européenne aujourd’hui la question est par contre d’évaluer l’impact de ces objectifs sur la compétitivité de l’industrie européenne.

 

Sur le sujet très sensible politiquement des gaz et pétrole de schistes « l’attitude de l’Union européenne telle qu’elle a été adoptée au sommet des chefs d’État qui s’est tenu le 22 mai, qui est de dire que les pays qui veulent s’engager dans l’exploitation de ces ressources indigènes peuvent le faire, parait très réaliste. » La Pologne et le Royaume-Uni se sont donc lancés dans cette voie, ce qui n’empêche pas par ailleurs d’engager à l’échelle européenne des actions de recherche et de développement et réaliser quelques démonstrateurs pour mettre au point des technologies qui préservent encore davantage l’environnement».Il est sans doute possible d’« envisager technologies qui utilisent des produits biodégradables plutôt que des produits chimiques » ou des alternatives à la fracturation hydraulique. La deuxième chose à faire, c’est d’ « évaluer de manière plus précise les réserves, un rapport de parlementaires français sur ce sujet vient de sortir», signé par Christian Bataille et Jean Claude Lenoir. Il le préconise. Personnellement, André Merlin « pense qu’il faut y aller prudemment mais qu’il faut y venir parce que la France est dans une situation économique telle  qu’elle ne peut pas se passer à minima de connaitre l’état de ses réserves » ; elles sont aujourd’hui évaluées à environ 80 ans de consommation de gaz en France au niveau actuel. Mais bien évidemment cette évaluation doit être confortée par des forages conventionnels in situ.

 

Quid de l’efficacité énergétique ? Elle doit être un axe majeur de la politique énergétique européenne » et doit rester un objectif contraignant au sein de l’Union. La directive de 2012 va dans le bon sens, mais « l’efficacité énergétique est une œuvre de longue haleine ». Transports et isolation des bâtiments doivent concentrer les principaux efforts et « l’idée, par exemple, de faire, comme l’avait dit le Premier ministre [ndlr. Jean-Marc Ayrault] lorsqu’il avait pris ses fonctions, des moteurs qui consomment moins de 2l aux 100km, est une excellente idée parce que l’industrie automobile européenne en a la capacité technologique ». Néanmoins, l’efficacité énergétique ne doit se faire « à n’importe quel prix parce qu’il y a certaines mesures qui sont effectivement rentables et d’autres qui le sont beaucoup moins». Ainsi, l’isolation de certains bâtiments anciens peut être coûteuse. « Dans les années d’après-guerre, on a construit de véritables passoires thermiques » or le parc immobilier se renouvèle très lentement. La question se pose donc pour ces logements : faut-il les isoler thermiquement et jusqu’où ? Faut-il au contraire accélérer leur renouvellement ?

 

Propos recueillis par Jean Brousse et Aleksandra Fulmanski


[1] Consortium créé pour favoriser le développement des interconnexions électriques entre le Nord, le Sud et l’Est de la Méditerranée.

 

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ONG environnementales : associations de malfaiteurs ?

http://www.seashipnews.com

Entreprises et organisations environnementales se retrouvent souvent dans une opposition manichéenne. Le bras armé du marché total contre le courage d’une société civile qui agit par le nombre est une de ces fables qui agitent l’imagination. Pourtant, tout n’est pas si rose dans le monde associatif, et notamment parmi les associations écologistes. La légitimité qu’elles tirent de leur combat désintéressé n’est pas nécessairement fondée.

Le 24 juin 2013, Canal+ diffusait un numéro de Special Investigation intitulé « Charity business : les dérives de l’humanitaire » dénonçant les dérives d’associations humanitaires ayant fait de la solidarité un véritable marché à conquérir, avec les arnaques que cela comporte. Parallèlement, le gouvernement, sur la question de la transition énergétique, est complètement inaudible. La lenteur du débat inquiète alors que, pour la première fois depuis au moins 40 ans, le temps énergétique s’est accéléré avec la révolution des gaz de schiste. Les ONG le savent pourtant, mais ne dénoncent pas l’inaction et ne communiquent que peu sur le sujet. Alors que les associations humanitaires se trouvent durement critiquées, les organisations environnementales, qui se montrent incapables de peser sur le débat politique de manière positive, sont épargnées. D’où la question : les organisations environnementales sont-elles réellement les insoupçonnables porte-paroles de l’écologie ?

Recherche fausse association pour lobby effectif, l’exemple des frères Koch

Il y a tout d’abord la longue histoire des intrusions du secteur privé dans un secteur associatif de façade. Les associations n’ont alors rien d’indépendant, rien de civil, rien d’écologiste (mais agissant dans le spectre de l’associatif environnemental, elles valent le coup d’être mentionnées) et rien de vraiment convaincant à proposer. L’exemple le plus symptomatique concerne les frères Koch, milliardaires souriants et texans qui, au beau milieu de leur ranch, possèdent les fonds de Greenwashing[1] les plus importants et les moins discrets du monde. Le New Yorker exposait il y a trois ans les tromperies et le lobbying, derrière une façade civile, auxquels s’adonne la fratrie. Ainsi, le groupe Americans for Prosperity, qui lance chaque année une « croisade » contre l’Agence de protection environnementale américaine (EPA), est présidé par David Koch, lui même régulièrement poursuivi par l’EPA pour les dégâts que son entreprise inflige à la nature. Il avait notamment écopé d’une amende de 35 millions de dollars pour des rejets illégaux de déchets toxiques directement dans des sources d’eau du Minnesota.

Mais Americans for Progress n’est qu’un amuse-bouche. Voilà plus de 35 ans que les frères Koch multiplient les initiatives du genre : création de l’influent think tank[2] libertaire Cato Institute, création de Citizens for a Sound Economy, association de « citoyens » militant contre la régulation étatique (qui ferait passer les enragés du Tea Party pour des communistes et qui a, à l’occasion, été littéralement loué à d’autres lobbies comme Philip Morris[3]), financement du Mercatus Center à l’université George Mason –qui dispense à plusieurs centaines d’élèves la sagesse économique dérégulatrice des frères Koch-, lancement de Concerned Citizens for the Environment –qui, ironiquement, ne comptait aucun citoyen adhérent dans ses rangs et produisait pourtant foule d’analyses contredisant la réalité des pluies acides[4]-, création de l’American Energy Alliance pour tuer dans l’œuf la taxe sur les énergies fossiles voulue par le Président Clinton, financement du parti républicain lors des élections de 1996, démantèlement médiatique du travail du GIEC par plusieurs instituts qu’ils financent dont le Competitive Entreprise Institute, incursion de spécialistes payés par la fratrie au sommet mondial de l’environnement de Copenhague… La liste est longue, le financement cumulé des frères Koch du lobbying anti-climatique étant supérieur à celui d’ExxonMobil. Peuvent être rajoutés, entre autres, la Heritage Foundation, le Manhattan Institute, la Foundation for Research on Economics and the Environment, le Pacific Research Institute et la Tax Foundation.[5]

Des personnalités extrêmement médiatisées et des sponsorings d’entreprise empêchent de penser qu’il s’agit d’un mal purement américain.

En France, cette dérive est la plus évidente et la moins efficace car trop visible et basée sur un courant libertaire qui y a encore relativement peu d’emprise. Mais ne croyez pas que l’Hexagone soit à l’abri du greenwashing. De nombreux soupçons pèsent sur les superstars franchouillardes de l’environnement que sont Yann Arthus-Bertrand (qui dirige la fondation Good Planet) et Nicolas Hulot (de l’association éponyme), par exemple.

La campagne 10 : 10 de Good Planet a par exemple été vivement critiquée. Il s’agissait d’inviter tous les acteurs du réchauffement climatique –du citoyen à la multinationale- à réduire leurs émissions de 10% durant l’année 2010. De nombreuses entreprises ont rejoint l’action et s’en sont publiquement félicitées, afin de se donner une image « verte ». Sauf que l’initiative n’était absolument pas contraignante, qu’elle ne comportait pas de système d’évaluation et que les mesures prises tournaient parfois au ridicule. L’essentiel était ailleurs : pour les entreprises, il fallait participer à cette « campagne de communication massive ».

Il en va de même pour Nicolas Hulot dont la fondation est financée par de grands groupes : EDF, Ibis hôtel, L’Oréal, TF1 pour ne citer qu’eux. Si certains ne sont pas choqués qu’une entreprise puisse financer une association environnementale à telle hauteur, d’autres feront les gros yeux pour au moins deux raisons. D’une part, il est difficile de concevoir que les associations environnementalistes puissent se permettre d’exercer leur rôle de façon impartiale et de fustiger l’action de leurs mécènes (c’est cracher dans la main qui vous nourrit). L’attitude de la Nature Conservancy, l’une des plus grandes associations écologistes au monde, lors de la fuite de pétrole géante dans le Golfe du Mexique causée par une plateforme BP avait notamment étonné plus d’un militant. Le silence de l’association s’expliquait alors par le fait qu’elle avait reçu plus de 10 millions USD de dons de la part de BP à travers les ans. En cherchant rapidement sur internet, on s’aperçoit d’ailleurs que les intérêts personnels pèsent clairement dans la balance : la rémunération moyenne à la fondation Goodplanet est de 4024€ par mois et celle de la Fondation Nicolas Hulot est à 3931€ par mois, bien au-delà des salaires moyens à Paris qui tournent autour de 2700€ mensuels.

http://images.ted.com - Notez la moustache, apanage de José Bové, servant de caution écologique

Le deuxième problème qui se pose est sans doute plus fondamental puisqu’il tient à la base idéologique même de l’environnementalisme. Cette dernière n’est pas construite autour du « consommer mieux » que représente l’économie verte, promue par bon nombre d’acteurs économiques et qui constitue toujours une croissance continue qui ruinerait la planète. La plupart des idéologies écologistes reposent sur un changement des paradigmes économiques, sociétaux et de consommation. Le monde ne peut alors s’imaginer sans un futur où l’homme a changé son rapport même avec la nature au lieu de la commercialiser. Là où le bas blesse, c’est que les entreprises qui financent les fondations environnementalistes sont les champions du capitalisme que combat l’écologie. Accepter les financements –qui relèvent de tout sauf de l’altruisme-, devient symbole d’acceptation voire de confluence avec un système qui n’est pourtant pas viable pour la planète.

Le mal venu de l’intérieur : Greenpeance ou l’ONG qui s’était auto-corrompue.

Il ne faut néanmoins pas voir la main du big business partout dans le monde associatif. Certaines ONG n’ont rien à se reprocher, d’autres n’ont pas besoin de cela pour basculer dans les dérives. Une étude réalisée par « un anarchiste du CRAN » intitulée « Greenpeace, ou la dépossession des luttes écologistes » jette une lumière intéressante sur l’évolution d’une initiative foncièrement sincère à la base en « appareil associatif » gérant ses intérêts comme le ferait une multinationale.

Greenpeace est née en 1971, imaginez la scène : une bande de hippies sur un Zodiac interviennent sur les côtés canadiennes pour empêcher la réalisation d’essais nucléaires américains. Si l’action échoue, le groupe n’en reste pas là et allie les coups d’éclats militants à des techniques journalistiques avancées qui les font connaître du grand public et font croître leur réputation. Seulement, les années passant, l’ONG s’éloigne du vrai mouvement militant pour rentrer dans une organisation digne d’une multinationale. Avec l’explosion du Rainbow Warrior par les services secrets français, les revenus des dons augmentent et Greenpeace se professionnalise. Quand Mac Taggart, ancien entrepreneur, arrive à la présidence de l’association en 1979, c’est le début de la dérive. Greenpeace adopte des techniques managériales de plus en plus poussées : on investit dans la communication, on embauche des responsables non-militants mais au CV fourni, on vend des produits « écolos » pour faire grimper les recettes… Là encore, certains n’y trouveront rien à redire. Mais les associations militantes s’appuient généralement sur une organisation horizontale tandis que Greenpeace a délaissé ses adhérents au profit d’une organisation en pyramide qui profite à un pouvoir centralisé autour du bureau de Greenpeace International d’Amsterdam, ce dernier brassant des centaines de millions d’euros. Cette organisation a pour effet de « déposséder » les militants des luttes écologistes. La direction de l’association met en avant les groupes locaux via sa communication dans un « rite de valorisation publique de l’engagement bénévole » servant à « maintenir l’image d’une association proche des gens, ancrée sur le territoire et imbriquée dans les luttes sociales »[6].

A propos de luttes sociales, on s’amusera également de l’enrôlement de travailleurs précaires pour la récolte de dons. A ceux qui croyaient naïvement que les gens en k-way colorés qui les agressaient dans la rue, armés d’un sourire bien trop gros pour être vrai et d’un « Bonjouuuuuuuuur, vous connaissez Greenpeace ? », étaient des militants écolos purs et durs, il est impossible de se tromper plus. Ce ne sont ni plus ni moins que des étudiants sans le sous, intérimaires ou débauchés par des cabinets spécialisés dans la récolte de dons (si si, ça existe. Greenpeace n’y a pas recours car elle a internalisé cette fonction, mais le WWF par exemple n’hésite pas), payés au lance-pierre, formés aux techniques commerciales et avec des objectifs de signatures bien établis par leur hiérarchie. Pour un groupe censé contribuer à la définition du développement durable, alliance de politiques sociales et environnementales, c’est un peu limite. Pascal Husting, directeur de l’association de 2005 à 2011, se félicitait même d’avoir licencié des militants qui ne s’étaient pas adaptés à la professionnalisation et que « aucun recours devant le conseil des prud’hommes n’a été gagné ».[7]

En grattant un peu plus le vernis, on s’aperçoit donc que tout n’est pas tout rose, même pour des écologistes qui ne tirent par leurs revenus des entreprises. Dans Qui a tué l’écologie, Fabrice Nicolino délivrait sans doute la charge la plus violente contre les associations environnementales, tirant à vue sur tout ce qui bougeait. Alors que tout le monde ne voyait chez WWF que le gentil petit panda (en réalité affreusement agressif), peu se sont efforcés de remonter aux origines de l’association créée en 1961 « par des nobles britanniques dont la motivation était de pouvoir continuer à chasser le grand gibier sauvage en Afrique ». Son système de financement a été monté par Anton Rupert, multimillionnaire sud-africain membre de la Broederbond, club d’hommes riches et influents qui ont tout tenté pour laisser l’Afrique du Sud dans les méandres de l’apartheid.

Le passé est derrière nous ? Peut-être, à ceci près que « le WWF est si proche des intérêts des transnationales qu’elle a accepté de siéger dans des tables rondes avec les industries les pires de la planète pour créer des labels industriels soutenables, sur le soja, les biocarburants ou encore l’huile de palme ».[8]

De la légitimation économique à la légitimation politique. Le pas, franchi, du grenelle de l’environnement.

Au vu de tout ça, on ne s’étonnera guère de l’instrumentalisation politique des associations écologistes. Il y a bien sûr le badaud Hulot, que les hommes politiques français aiment à trimballer de photographe en photographe ; à tel point que dans la cour de l’Elysée, les gardes républicains ne s’étonneraient guère de voir atterrir un ULM ou une montgolfière made in Ushaïa nature. Mais l’œil avisé ne s’y laisse pas prendre ; alors le gouvernement Sarkozy a réuni toutes les associations « vertes » dans ce grand coup médiatique que fut le grenelle de l’environnement pour achever de convaincre les sceptiques. Les associations devenaient alors un faire-valoir écologique à des mesures pro-business. Agnès Sinaï expliquait dans le Monde diplomatique de novembre 2008 que « entre les propositions initiales et le texte final de la « loi d’accélération de la mutation environnementale » (sic) débattue au parlement, les ONG se sont vu confisquer le processus. Instrumentalisées au service d’un système de décision dans lequel elles n’auront pas le dernier mot, elles sont devenues les témoins passifs d’arbitrages technocratiques pris en réunions interministérielles par des hauts fonctionnaires et des acteurs économiques, pollueurs et bétonneurs d’hier et d’aujourd’hui ». Sauf qu’il est un peu trop facile de désigner les associations comme des victimes et non pas comme des complices avisés.

http://www.econov.eu/

Depuis le Millemium Ecosystem Assesment lancé par le Secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en 2001, la sphère écologiste sait que les initiatives gouvernementales ne se structurent qu’autour du « business vert », considéré comme un moteur de croissance. Il est compréhensible que le grenelle de l’environnement aurait pu être, pour elles, un moyen de prêcher autre chose que cette fuite en avant; mais elles auraient dû voir que « ce montage ne sert en réalité qu’à accréditer et préparer des mesures de subventionnement du business ». Surtout que le gouvernement avait invité toutes les associations, sauf celles qui abordaient des thèmes polémiques (OGM, publicité, nucléaire, décroissance, nanotechnologies, toxicité chimique…) et étaient susceptibles de râler, aux côtés de syndicats ouvertement anti-écologie. Le débat était donc clos avant même d’avoir commencé et les marges de négociation des associations étaient nulles. Aucun intérêt de participer donc à une opération de communication délibérée et sans enjeux, si ce n’est gratter quelques subventions.

Comme le montrait le « Charity business : les dérives de l’humanitaire », les associations ne sont pas toutes les avocats altruistes d’une planète victime des déprédations du capitalisme qu’elles annoncent être et beaucoup, si ce n’est presque toutes, ont cédé aux sirènes du gain financier. L’associatif est devenu un business reposant sur les dons des particuliers mais également sur la vente d’une légitimité écologique perdue par les entreprises et les politiques : elles créent des labels verts pour la commercialisation de certains produits, affichent leurs sponsors contre des mécénats juteux, certifient des entreprises et participent à des actions gouvernementales pour décrocher des subventions. Ainsi, France nature environnement fonctionne à 65% sur des financements publics tandis que « Friends of the Earth est généreusement subventionnée par la Fondation Rockefeller (1.427.500 dollars de 1994 à 2001 et plus ensuite) et la Fondation Turner (425.000 dollars de 1996 à 2002) ».[9] Comment, dans ce cas, ne pas douter de l’indépendance et de la vocation purement écologiste de ces associations ?

 

Florian Tetu


[1] Le Greenwashing consiste à donner une image « verte » à quelque chose qui ne l’est pas ou, dans le cas des frères Koch, communiquer sur un déni de réalité écologique et climatique.

[2] Un temps appelés en France « laboratoires d’idées », les think tanks sont des instituts d’analyse qui ont pour but d’offrir des pistes de réflexion alternatives et d’influencer les gouvernants ainsi que les citoyens.

[7] Le Nouvel Economiste, 8 décembre 2010.

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Economie verte : tour d’horizon d’un attrape-nigauds

Leitmotiv du Ministère de l’Environnement, du développement durable et de l’énergie, levier de croissance, source de mécontentement des payeurs d’impôts… L’économie verte fait beaucoup parler mais elle ne semble pas faire l’objet de débat ni même de réflexion. Petit tour d’horizon d’un secteur pourtant polémique.

LIFE Magazine, 1962


Précédemment, nous avons comparé les politiques énergétiques américaine et européenne en penchant vers la politique qui a cours sur le Vieux continent, à savoir la transition écologique et l’économie verte. Or, force est de constater que l’économie verte est un concept extrêmement flou. Son sens a évolué à force d’appropriation par les différents acteurs du débat climatico-environnemental jusqu’à regrouper, aujourd’hui, tout et rien à la fois. Alors, l’économie verte, qu’est ce que c’est ? Et surtout, où cela nous mène ?

L’économie verte : un secteur vaste et très rémunérateur

On peut englober dans « l’économie verte » toutes les activités, industrielles (à but lucratif donc) ou publiques, ayant pour but la réduction de l’empreinte des activités humaines sur la planète ; c’est-à-dire impliquant la mise en place d’un régime moins carboné et plus respectueux de l’environnement. Delphine Batho, ministre de l’Environnement, du développement durable et de l’énergie, expliquait en début de mois qu’il s’agissait d’un marché de 550 Mds€. Ca a sans doute fait sourire bon nombre de badauds dans leur canapé devant BFMTV. Et pourtant, il suffit de comprendre l’étendue des domaines que recouvre ce secteur pour entrapercevoir les bénéfices liés. Voici une liste loin d’être exhaustive : le retraitement des déchets (de l’uranium usagé à vos épluchures de légumes), la pollution de l’air, la protection des paysages et de la biodiversité, la réduction du bruit, la gestion de la pollution lumineuse, la réhabilitation des sols et eaux, le traitement des eaux usées, le recyclage, la valorisation énergétique des déchets, la maîtrise de l’énergie, la construction de pistes cyclables, l’isolation des bâtiments, l’efficience des réseaux thermiques, la production et l’utilisation des énergies renouvelables … Une simple vue de cette liste et le scepticisme laisse place à l’envie de se lancer dans l’économie verte. D’ailleurs, selon l’INSEE, 450 000 emplois concernaient l’économie verte en France en 2010. L’économie verte, qui s’inscrit dans le cadre du développement durable, inclut donc un volet social fort. D’ailleurs, dans l’optique d’une sauvegarde de la planète, la croissance ne s’envisage pas à deux vitesses.

La fiscalité écologique a le vent en poupe

Et l’Etat dans tout ça ? Car oui, l’Etat est un acteur économique. La France a beau avoir privatisé EDF et consorts, elle influe sur son environnement économique par de nombreuses sanctions financières. La fiscalité écologique (c’est son nom) a déjà cours dans l’Hexagone même si elle mériterait d’être développée. Les ménages portent une partie du coût de l’impact écologique de ce qu’ils consomment avec une justification simple : les ressources n’étant pas infinies, nous payons pour dédommager les prochaines générations de la rareté future que créé notre consommation ainsi que pour les effets immédiats de notre consommation. La fiscalité devient non seulement un dédommagement mais également une incitation pour les ménages à moins consommer, ou à consommer de façon plus responsable. Dans les faits, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui s’applique à l’usage d’énergies carbonées a rapporté 25,5 Mds€ à l’Etat en 2011. D’autres taxes comme la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et la redevance de prélèvement d’eau s’appliquent aux ménages et donnent un coût à l’empreinte environnementale de la consommation des ménages. Néanmoins, celles-ci ne couvrent qu’une partie des impacts et certaines pollutions, comme les rejets de nitrates dans l’eau, ne sont pas prises en compte. Les foyers français ne paient donc par exemple pas pour leur contribution à la formation des masses d’algues vertes qui couvrent les plages bretonnes. D’autres taxes existent, mais elles sont marginales en comparaison de la TICPE (vous pouvez voir une liste de l’ensemble des taxes environnementales et leurs revenus sur cette page).

Les entreprises ne sont pas en reste, et paient bien plus que les taxes des ménages. Elles sont par exemple intégrées dans le marché européen du carbone, qui n’est aujourd’hui pas encore fini. Ainsi, sont attribués à chaque Etat européen des crédits carbone qui sont ensuite distribués aux différentes entreprises. Libre à celles-ci ensuite de réduire leurs émissions pour rentrer dans leurs quotas carbone ou de continuer à polluer « comme si de rien n’était » en achetant des quotas sur le marché du carbone.

Bien sûr, ce n’est ici qu’un bref aperçu des principales mesures d’une fiscalité environnementale qui compte pas moins de 47 taxes qui ont rapporté l’année dernière 36 Mds€. Et ce chiffre devrait aller croissant car la France est en retard dans ce domaine par rapport à ses voisins européens. En effet, la fiscalité environnementale en France compte pour 4,7% des prélèvements obligatoires dans l’Hexagone alors que la moyenne européenne se situe à 6,19%. Un Comité pour la fiscalité écologique débat actuellement sur plusieurs mesures, dont la réintroduction de la taxe carbone qui s’était heurtée au Conseil constitutionnel lors de la première tentative d’introduction par le Président Sarkozy. Il est aussi question d’augmenter les taxes sur le diesel à hauteur de celles sur l’essence.

L’Europe malade, l’économie verte est-elle un remède miracle ?

Mais l’économie verte ne se limite bien sûr pas à la fiscalité verte, ce n’en est qu’une infime partie et ne représente même pas la totalité des actions de l’Etat dans l’économie verte. La grosse partie reste celle représentée par les entreprises des secteurs précédemment cités. L’économie verte est un levier de croissance assez fort, car il n’est pas saturé et se base sur des emplois qualifiés. Alors pourquoi s’y intéresse-t-on seulement maintenant ?

Tout simplement parce que l’économie verte serait, pour nombre de personnalités, un des remèdes anti-crise que le pays cherche désespérément depuis 2009. La dépendance énergétique de l’Europe aux productions étrangères atteignait les 54% en 2009 et plombait une compétitivité que l’on a dit mal en point, mettant l’Union dans une situation de « précarité énergétique ». La croissance verte fait office, elle, de voie vers l’indépendance énergétique, un moyen de sortir d’une situation de sous-emploi massif qui semble sans fin, la conquête de nouveaux marchés étrangers (notamment dans les pays du Sud qui débutent leur développement) et un régime moins carboné. Le paradoxe, c’est qu’en ces temps de crise économique, la préoccupation énergétique ne fait plus partie des priorités pour les populations et les pouvoirs publics, acteur essentiel de l’investissement dans le secteur, n’ont plus les moyens de leurs ambitions pour subventionner une transition qu’on nous annonce depuis trop longtemps.

 

« Même si les effets bénéfiques à court terme des plans de relance « verts » risquent d’être insuffisants pour compenser les pertes d’emplois et de revenus causées par la crise, les retombées positives peuvent se faire sentir assez rapidement. » L’Observateur OCDE

 

Tous les décideurs (sauf Laurence Parisot) sont d’accord pour dire que l’économie verte était une partie des solutions aux problèmes du Vieux Continent. D’une part, elle permet de moins subir les coûts et la volatilité des énergies fossiles, la crise russo-ukrainienne de 2009 qui avait privé les foyers européens de gaz pendant plusieurs semaines  ayant constitué un parfait exemple de ce qu’on faisait de pire en matière de dépendance énergétique. Marché vierge à conquérir, l’économie verte devient alors un Eldorado financier pour les investisseurs désireux de voir les fruits de leur argent mûrir très vite et LA solution à long terme.

Soutenue par les pouvoirs publics, secteur de choix pour les investissements à long terme, l’économie verte serait-elle plus largement la solution pour réconcilier l’homme et son environnement ?

De nombreux spécialistes et environnementalistes répondent par la négative. Pourquoi cela ? La réponse tient sur deux arguments : le réalisme écologique et la moralité du choix de la croissance verte. Car auréolée d’un prestige certain, décorée d’un vocabulaire flatteur (les mots « écologique », « vert » ou « croissance » aiguisent l’appétit), la croissance verte reste une idéologie capitaliste basée sur l’augmentation de nos besoins et de nos consommations. Or, verte ou non, la croissance entretient toujours une corrélation positive avec l’utilisation des ressources, même si celle-ci tend à diminuer. Nous serons bientôt 9 milliards d’humains sur la planète, et même avec des voitures électriques, l’avenir n’est pas très radieux. Certains spécialistes, comme le zégiste Paul Ariès (les zégistes sont les avocats de la décroissance, une idéologie économique qui avance que la croissance économique est incompatible avec un futur viable), ont préféré renommer la croissance verte « capitalisme vert » car il s’agit bien d’un nouveau marché qu’il faut conquérir.

Le capitalisme vert a d’ores et déjà dressé ses habits d’apparat lors de la bataille pour le gaz de schiste aux Etats-Unis : derrière les discours des industriels qui présentaient l’exploitation de la nouvelle ressource comme une avancée vers des émissions de carbone réduites (ceci sans compter les fuites de méthane ou les milliers de camions utilisés pour les forages), se cachaient des pratiques à l’aspect moral douteux : contrats abusifs, pollutions des sols, communication de guerre… Le secteur du gaz de schiste n’est qu’un exemple parmi tant d’autres activités que regroupe l’économie verte. On avait notamment vu Suez-Lyonnaise des eaux provoquer une révolte populaire en Bolivie en 2003. La gestion « propre » du réseau d’eau d’El Alto, en banlieue de La Paz, avait semblé être une justification suffisante pour augmenter le prix de l’eau potable par 6. Au final, l’économie verte représente une avancée technologique qui permet aux sociétés de continuer à produire et consommer. Consommer plus respectueusement mais consommer toujours plus.

Du côté de la morale, certaines associations comme Alternatives Eco, dénoncent une « marchandisation de la nature ». Et dans un sens, elles ont raison. Car dans les coulisses des grandes décisions économiques mondiales, plusieurs experts férus de maths s’acharnent à donner un prix à chaque chose, et notamment à la nature. C’est notamment le cas du rapport Sukhdev qui donne un prix à la biodiversité. La production environnementaliste la plus célèbre, le rapport Stern de 2006, donnait lui un coût au réchauffement climatique. Cela présuppose donc que, soit l’Homme possède l’ensemble de la planète, peut la vendre et investir dessus de façon illimitée, et que toutes les activités naturelles sont substituables par d’autres investissements (ex : je détruis une forêt, donc je rembourse la forêt à son coût environnemental, sans culpabilité ou dilemme moral), ou que l’économie (néolibérale) est une science, ce qu’elle n’est pas, qui englobe l’ensemble des activités possibles et dirigerait donc nos relations entre êtres humains mais également avec la nature. Pour exemple, le rapport Sukhdev a estimé le prix du récif corallien d’Hawaï à 360 millions USD tandis que celui de la pollinisation par les abeilles en Suisse a été estimé à 210 millions USD par an. Pour le journal Le Monde, « la recommandation du rapport Sukhdev apparaît dès lors évidente : avant de détruire la nature, réfléchissez à ce que vous allez perdre. » Mais le réel sens de cette démarche ne serait-il pas plutôt : « détruisez ce que vous voulez, l’argent est un substitut suffisant » ? Si ce n’est sans doute pas le but des deux rapports cités, qui voulaient créer une prise de conscience de la réalité écologique, c’est de cette façon que l’économie verte peut être comprise. On a renoncé à placer les logiques sociales et économiques, qui constituaient le cœur du concept de développement durable, au dessus du système et de la logique économique en donnant un prix à la nature et aux inégalités.

Ne vous en faites pas, on s’occupe de vous déculpabiliser.

On a donc inventé tout un arsenal d’outils pour « moraliser » les activités humaines très impactantes par la compensation financière : marché carbone, permis de polluer, les remplacements (ex : Vinci qui souhaite construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes remplacerait le bocage nantais détruit par un bocage artificiel reconstruit à quelques kilomètres)… Et en mettant l’accent sur les entreprises, on a retiré toute responsabilité au consommateur. Pourtant, sans demande, il n’y a pas d’offre. Plutôt que d’inciter à consommer de façon responsable pour générer la croissance d’une offre responsable, on créé une offre qui se conforme à une norme environnementale complètement erronée. C’est pratique : plus de culpabilité, c’est la faute des entreprises et pas la nôtre.

Et pour continuer à se faire de la bonne pub, les entreprises ne se sont pas seulement conformées aux standards gouvernementaux qui s’imposaient à elles, elles ont poussé le vice jusqu’à s’approprier le monopole du développement « propre ». Selon Basta !, l’agence de veille des luttes environnementales et sociales, « de nombreuses entreprises multinationales ont désormais des partenariats avec des agences onusiennes. C’est le cas par exemple de Shell et du Pnue sur la biodiversité, de Coca-Cola et du Pnud sur la protection des ressources en eau, de Nestlé et du Pnud sur l’autonomisation des communautés rurales, ou encore de BASF, Coca-Cola et ONU-Habitat sur l’urbanisation durable. » Grâce à ces partenariats, on fait croire qu’en plus de se ruiner la santé avec du coca-cola, les citoyens contribuent à la sauvegarde de l’or bleu.

 

Pas besoin donc de chercher le complot mondial, cette manœuvre se fait aux yeux de tous et sans aucune honte. Les multinationales assurent même leur publicité dessus. De la communication de génie à la marche vers un futur un peu sombre, il semble n’y avoir qu’un pas, que l’on a largement franchi. Or les citoyens n’en ont que faire ou se laissent prendre à un système de désinformation qui leur laisse croire que l’impact de leurs décisions est minimal. Cependant, chacun est responsable du paradigme de consommation dont il fait partie. La vraie alternative se situe dans un changement des systèmes de consommation, et cette modification, qui ne reçoit pas l’aval des pouvoirs publics, ne peut passer que par les populations ; c’est un mouvement qui s’organisera par le bas. L’économie verte n’est qu’un concept parmi d’autres servant à brider ces initiatives, à empêcher le mouvement de s’amorcer.

Florian Tetu

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Impact du débat national sur la transition énergétique : coût, compétitivité, emplois

lacroix.com

Le débat sur la transition énergétique, lancé en septembre 2012 par le président François Hollande par le biais de Delphine Batho, la ministre de l’Ecologie, vient de franchir une nouvelle étape, le 23 mai dernier, avec le rendu des rapports au Conseil national du débat des trois groupes de travail portant sur « le financement » de la transition, « le mix énergétique » et « la compétitivité ».

Ce débat, rappelons-le, prévoit l’élaboration, en juillet, d’une loi sur la transition énergétique, suite aux remises des conclusions régionales et nationales au gouvernement, prévues le 18 juillet. Le gouvernement présentera alors cette loi à l’automne 2013 au Parlement ; celle-ci devrait, à priori, répondre aux objectifs annoncés par le Président Hollande de réduire notre consommation d’énergie d’origine nucléaire de 75% à 50% d’ici 2025. En outre, l’objectif européen que la France s’est engagée à tenir contre le changement climatique, d’ici 2050, est le dénommé Facteur 4, la réduction par 4 de notre consommation d’énergie.

 

Les scénarios et les propositions des associations et ONG

Plusieurs scénarios dont ceux de l’association Négawatt et de l’ADEME, répondant tous deux à l’objectif européen fixé pour 2050, prévoient, grâce à la transition énergétique et notamment le développement dans les énergies renouvelables, un effet très positif sur l’emploi. En effet, une étude réalisée le 29 mars dernier par Philippe Quirion, chercheur au Cired, Centre International de Recherche sur l’Environnement et le développement, a révélé que la mise en œuvre du scénario Négawatt 2011-2050 aboutirait à un effet positif sur l’emploi, de l’ordre de +240 000 emplois équivalent temps-plein en 2020 et 630 000 en 2030. Ce scénario repose notamment sur « une forte réduction de la consommation d’énergie, un développement massif des énergies renouvelables et un abandon complet du nucléaire en 2033 ».

Toutefois, ils ont souligné que cette étude n’avait pas pour but de « répondre à la question réductrice » qu’est celle portant sur le coût de cette transition.

Car cette question du financement, particulièrement épineuse, s’est posée pour nombre de contributeurs au débat, mais aussi pour le Ministère de l’Ecologie : sur son site, ouvert à cet effet, ce dernier donne très peu d’éléments à ce sujet.

En revanche, l’association WWF France a proposé de financer la transition énergétique en créant le TESEN, « un fonds indépendant pour la Transition énergétique et une sortie équitable du nucléaire » géré par la Caisse des Dépôts et a avancé que « le démantèlement des centrales nucléaires coûterait entre 300 et 400 milliards d’euros » dans les vingt à trente prochaines années.

L’ONG Greenpeace, qui boycotte le débat en raison d’ « un manque de confiance dans la volonté du gouvernement de réussir la transition énergétique », a elle aussi proposé son scénario et anticipé que les investissements nécessaires à la transition sont ceux d’un scénario tendanciel : le scénario est estimé à 490 millions d’euros entre 2011 et 2050 et à un coût de la production d’électricité identique, avec le temps, dans la part des énergies renouvelables.

Le groupe, portant sur « le financement » réuni le 23 mai, a notamment proposé d’utiliser les fonds de la Banque Publique d’Investissement (BPI), banque créée par le gouvernement Ayrault, le 31 décembre 2012. Il a en outre proposé qu’une partie des fonds gérés par la Caisse des dépôts soit « mis à la disposition d’opérateurs décentralisés des collectivités et d’Oséo garanties (BPI) pour assurer le développement des garanties sur prêts bancaires auprès des TPE/PME consentis au profit de la transition énergétique ».

Face aux nombreuses dissensions exprimées au sein du groupe, Mathieu Orphelin, co-rapporteur de ces travaux, a assuré que « les scénarios les plus ambitieux se rentabilisent en moins de quinze ans et permettent même d’économiser jusqu’à 145 milliards d’euros par an sur la facture énergétique en 2050 ».

Autrement, selon Philippe Collet, rédacteur d’actu-environnement, « aucun des scénarios ne prévoient une réduction du PIB » et tous prévoient « une croissance relative de sa part ».

Autres rendus des rapports des groupes d’experts

developpement-durable.gouv.fr

Concernant le prochain bouquet énergétique du pays, le groupe, dédié à ce sujet, a proposé, « faute d’avoir trouvé un consensus », quatre scénarios regroupant les idées majeures de chaque partie prenante du débat. Pour chacun, le groupe a estimé le coût d’investissement qu’il représenterait pour le pays.

Le scénario, intitulé « décarboné », donne la priorité au nucléaire et au gaz de schiste  en augmentant considérablement la part du nucléaire, passant à près de 65%, contre 42% actuellement (il ne répond donc pas à l’objectif de François Hollande), il est estimé entre 49 et 57 milliards d’euros par an (contre 37 milliards en 2012) ; le scénario intitulé « sobriété », tout aussi extrême, présente une sortie du nucléaire d’ici 2050 avec une baisse de 50% de la demande d’énergie, son coût est élevé entre 62 à 69 milliards d’euros par an ; le scénario « efficacité », estimé entre 56 à 63 milliards d’euros annuels, retient « une baisse de 50% de la demande globale mais un rôle accru de l’électricité » ; enfin le scénario « diversité », estimé entre 48 et 51 milliards d’euros par an, est basé sur « une baisse de 20% de la demande, avec une taxe carbone, une hypothèse de croissance moyenne médiane (1,7%) et le remplacement partiel du parc nucléaire ».

Le groupe a également divergé de point de vue quant au coût du mégawattheure nucléaire à venir : selon les experts, celui-ci a varié de 60 à 120 euros.

De son côté, le groupe des entreprises, par la voix du Medef, défend actuellement la place du nucléaire dans le futur mix énergétique, au nom de la compétitivité, de l’emploi, et de la très bonne place du pays en matière d’émission de CO2. Ce groupe, comptant 130 entreprises, parmi lesquelles EDF, Alstom, Areva, a avancé qu’« une énergie trop chère en France pousserait à la délocalisation vers des marchés où l’énergie est meilleur marché ». Ils affirment que toutes les énergies seront nécessaires (les énergies fossiles, renouvelables et le nucléaire).

Le groupe sur les énergies renouvelables, de son côté, n’a pas réussi à trancher l’épineuse question du financement, lors de la remise de son rapport, le 25 avril dernier.

 

En conclusion

A deux mois de la remise des conclusions au gouvernement et alors que chaque partie prenante semble camper sur ses positions, et que la ministre Delphine Batho a prévenu que si les groupes n’arrivaient pas à trouver des consensus, ce serait au Président François Hollande de trancher sur ces questions, l’aboutissement du débat laisse perplexe…

Nombre de contributeurs au débat plaident « l’attente » concernant la transition énergétique du pays en arguant que la France compte parmi les pays les moins émetteurs en CO2 à hauteur de moins de 2% émis au niveau mondial. Alors que la crise économique française touche durement l’emploi et la compétitivité du pays et que notre population est appelée à croître, plusieurs questions se posent : doit-on s’engager dès-à-présent dans une transition qui suppose un abandon progressif du nucléaire au profit des énergies dites renouvelables ? La France a-t-elle les moyens de financer la transition énergétique ? Quelles sont les leçons à tirer de la transition allemande, laquelle ne semble pas si « parfaite », notamment avec l’annonce d’une facture s’élevant à 1000 milliards d’euros d’ici 2030-2040 pour la seule sortie du nucléaire ? L’Allemagne a compensé, en outre, sa sortie du nucléaire par une utilisation massive du charbon, dont l’impact environnemental est incontestable…

Certains plaident que nous n’avons pas les moyens de nos ambitions alors que d’autres arguent que la transition énergétique serait bénéfique pour la relance de l’économie du pays, l’emploi et l’environnement. Mais qu’en sera-t-il ? Les experts du débat, n’arrivant pas à se décider sur de nombreux points, notamment sur le bouquet énergétique et le financement, ce sera en dernier lieu à notre président de trancher. Peut-être a-t-il déjà les réponses aux questions depuis un moment d’ailleurs…

Tous semblent néanmoins admettre que, si la France prend la décision de s’engager sur le chemin de la transition énergétique, la facture énergétique des ménages français devrait alors en pâtir avec une hausse considérable, et ceci outre l’augmentation déjà programmée par EDF de 30% de l’électricité d’ici 2017. Car, il est bon de noter que notre facture énergétique compte aujourd’hui parmi les plus faibles en Europe. Finalement, la décision reposerait-elle sur un pacte européen en matière de transition énergétique avec une harmonisation du mix énergétique et des factures électriques ?

 

Un sujet épineux, n’est-ce pas ?

Abid Mouna

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