L’industrie nucléaire depuis Fukushima

La catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi est la conséquence de deux évènements naturels survenus le 11 mars 2011.  Un puissant séisme d’une magnitude de 9 sur l’échelle de Richter tout d’abord, suivi d’un tsunami dont les vagues ont culminé à quatorze mètres de hauteur. Le séisme a occasionné diverses coupures d’électricité au sein des trois réacteurs à eau bouillante alors en fonctionnement sur le site de Fukushima Daiichi, provoquant un arrêt des systèmes de refroidissement des cœurs des réacteurs. Le tsunami a entraîné une inondation des locaux de la centrale, rendant impossible la mise en place de groupes électrogènes de secours, censés alimenter les systèmes de refroidissement. Bien que de possibles erreurs humaines aient été évoquées, notamment dans une publication du groupe TEPCO datant du 16 mai 2011, ces deux évènements naturels restent les causes principales de la catastrophe.

Leur conséquence principale est la fusion des cœurs des réacteurs alors en fonctionnement, qui aurait occasionné le percement de leurs cuves. « Aurait », car le phénomène n’a pas pu être vérifié. Des rejets radioactifs ont été constatés dans l’atmosphère, ainsi que dans l’océan Pacifique. Les premiers ont d’ailleurs occasionné une pollution de l’air et des sols environnant le site de Fukushima Daiichi, entraînant la nécessaire évacuation des populations locales. Cette catastrophe a été classée au niveau 7 de l’échelle INES (International Nuclear Event Scale), soit le niveau le plus élevé, et l’équivalent de celle de Tchernobyl, survenue en 1986.

Mais quelles ont été ses conséquences au niveau mondial ?

 

Europe, stop ou encore ?

Les dirigeants européens ont adopté deux postures opposées en réaction à cette catastrophe, ce qui a eu pour effet de provoquer une réelle scission en Europe dans les choix de politique énergétique des Etats membres. Mais une amorce de politique européenne de sûreté nucléaire a par ailleurs vu le jour.

L’Allemagne par exemple, a fait le choix de revenir sur sa décision de prolonger la durée de vie de ses plus anciens réacteurs de 12 ans, prise à l’automne 2010, pour finalement en finir avec l’atome à l’horizon 2022. Ce choix, annoncé par le ministre de l’environnement le 30 mai 2011, a été approuvé un mois plus tard à une large majorité de 513 voix contre 79 par le Bundestag, fédérant alors les membres de la coalition au pouvoir et les membres de l’opposition. Il reprend l’idée initiée en 2000 par le Chancelier Gerhard Schröder, qui avait alors fait voter une loi visant l’abandon de l’atome. Alors que certains, parmi lesquels Anne Lauvergeon, alors PDG d’Areva, ont décrié cette mesure qu’ils percevaient comme purement électoraliste et destinée à endiguer la montée des partis écologistes à la suite des élections régionales, force est de constater que ce choix vient avant tout répondre à une forte attente de la population outre-Rhin, sans cesse exprimée à la suite de l’accident de Fukushima lors de manifestations, qui ont réuni jusqu’à 250.000 personnes dans les rues de Berlin, Cologne, Hambourg et Munich le 26 mars. Répondre à cette volonté constituait dès lors plutôt un simple moyen d’éviter le suicide politique pour la chancelière en place. Et de cette menace d’une montée des idéaux antinucléaires, en mesure de faire déchanter ses rêves de réélection, elle a tiré une opportunité de s’ériger comme la chancelière qui aura enclenché le virage vert allemand. Mais l’enclencher n’est pas tout, encore faudra-t-il transformer l’essai, et le défi s’annonce de taille. Il représente en effet un investissement colossal en vue de mettre en place les sources d’énergie de demain, dont la principale pour l’Allemagne sera l’éolien offshore, et de déployer de nouveaux réseaux de transport d’électricité. Le développement de ces derniers sera essentiel afin d’éviter que le Sud du pays, où l’industrie qui requiert de l’énergie est très présente, ne se retrouve pas en situation de pénurie.

Comme l’Allemagne, l’Italie a renoncé au nucléaire, mais par le biais d’un référendum, qui s’est tenu les 12 et 13 juin 2011. A cette occasion, 95% des votants se sont prononcé contre tout programme de relance de l’atome. Ce choix n’a pas eu le même impact qu’outre Rhin, puisque les Italiens avaient déjà, à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, exprimé leur rejet de l’atome. Chez nos voisins transalpins, ce « non » a connu deux causes majeures. La première est un rejet de la politique du gouvernement de Silvio Berlusconi, et donc une volonté de sanctionner les multiples frasques d’un Premier ministre fantasque. La deuxième, et non des moindres, tient en la crainte du risque sismique important auquel est confrontée l’Italie.

La France et la Grande-Bretagne ont pris un chemin tout autre. Bien que la France ait choisi de rationnaliser, d’ici à 2050, son choix du nucléaire et sa place dans son mix énergétique, en se lançant dans un exercice de prospective, annoncé par Eric Besson au début du mois de juillet, elle ne l’a pas moins confirmé, comme en atteste les propos du Premier ministre François Fillon qui n’a pas manqué de réaffirmer le 12 juillet « la nécessité pour la France de poursuivre ses investissements dans le nucléaire civil ». Ce qui reste tout à fait compréhensible compte tenu des choix historiques fait depuis les années 1960 et de la place que ce secteur y occupe, celui d’un symbole de l’indépendance énergétique, qui couvre aujourd’hui 75% de nos besoins en électricité. La pression populaire en France dirigée contre le nucléaire, n’aura pas eu raison de lui. Plus diffus, bien que fédérateurs, les mouvements anti-nucléaires français n’ont ainsi pas réussi à placer la question nucléaire au sommet du débat politique, contrairement à leurs homologues allemands. Au Royaume-Uni comme en France, la réponse à la crise née des évènements de Fukushima a elle aussi été pragmatique. Les Britanniques ont jugé un nouveau développement du secteur nucléaire sur leur territoire utile et efficace afin de remplir leurs ambitieux objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. Ils ont ainsi confirmé l’implantation future de huit nouvelles centrales nucléaires sur des sites côtiers, après avoir intégré les nouvelles exigences de sûreté liées à la crise japonaise, élaborées par Mike Weightman, inspecteur en chef des installations nucléaires.

Au milieu de cette cacophonie, l’Union européenne a su jouer son rôle. Ne disposant pas de pouvoirs coercitifs dans le domaine des politiques énergétiques des Etats membres, elle a tout de même réussi à placer la sûreté nucléaire comme enjeu majeur et à susciter la mise en œuvre de critères communs pour l’évaluer. Elle a également réussi à inciter les Etats membres à une coopération en la matière, formalisant un principe dit d’ « examen par les pairs ». Celui-ci entraine un droit de regard des autorités des Etats frontaliers des centrales sur la sécurité de leurs installations. Enfin, l’UE assimile de fait l’idée qu’un incident nucléaire ne connait pas de frontières.

 

Asie du Sud-est, entre traumatisme, réserve et action

Le traumatisme est logiquement venu du Japon, frappé de plein fouet par cette catastrophe. Au sein de ce pays dans lequel les mouvements contestataires sont peu fréquents, celle-ci a pourtant occasionné une vague de mobilisations sans précédent. Aujourd’hui, on s’interroge. Comment ce pays qui a connu les événements d’Hiroshima et Nagasaki a-t-il pu se lancer dans l’aventure du nucléaire civil sans avoir jamais suscité la moindre opposition significative ? Cela semble principalement dû à un manque d’indépendance offert à la NISA (Agence de Sureté Nucléaire japonaise), qui outre ses missions de contrôle du parc nucléaire, doit aussi promouvoir cette source d’énergie. Cela s’explique aussi par un manque de transparence de la bureaucratie japonaise. Mais les autorités semblent avoir compris le risque issu de la sismicité, et paraissent désormais enclines à développer de nouvelles sources de production d’énergie, sous l’impulsion donnée par leur Premier ministre, toujours impopulaire, Naoto Kan, qui souhaite réduire la dépendance de l’archipel à l’atome.

La Chine, pour sa part, a fait preuve de réserve en instituant un moratoire sur ses projets de construction de nouvelles centrales. Bien qu’il soit évident qu’elle les mènera à leur terme, une telle démarche est un signe fort, car il émane d’un pays bien souvent pointé du doigt pour ses technologies « low cost », dont la fiabilité est régulièrement mise en cause. Elle a ainsi démontré que la sécurité était pour elle aussi un impératif. Contrairement à l’Inde, qui semble foncer tête baissée en vue de combler les besoins énergétiques de sa population, et reste sourde aux mises en gardes lancées par les organisations écologistes sur ses projets. Elle recherche en effet actuellement un financement pour agrandir le complexe nucléaire de Jaitapur, situé dans une zone à forte sismicité, et donc soumises aux mêmes risques que le Japon.

 

Russie, une volonté de promouvoir la sureté mais certains progrès à faire

A la suite de la catastrophe de Fukushima, les autorités russes se sont érigées comme les défenseurs d’un secteur nucléaire sûr. Le Président Dmitri Medvedev et son Premier ministre Vladimir Poutine ont ainsi multiplié les déclarations, notamment dans le cadre du G8, prônant un durcissement des normes internationales de sécurité et des standards de l’Agence internationale de l’énergie atomique, allant jusqu’à proposer de les rendre obligatoires. Mais en parallèle de ces déclarations d’intention, on a pu constater que la Russie n’était en réalité pas maitresse chez elle. C’est un rapport de l’ONG norvégienne Bellona publié à la fin du mois de juin qui a révélé alors de nombreux cas de manquements aux règles de sécurité au sein des centrales nucléaires russes. L’ONG déplore une absence de prise en compte des risques sismiques dans les procédures de sécurité.

 

Etats-Unis, un soutien au nucléaire

Les Etats-Unis enfin ont maintenu leur soutien au secteur nucléaire. Confrontés à un vieillissement de leurs infrastructures, ils devront cependant réaliser d’importants investissements pour leur permettre de continuer à fonctionner. Le Président Barack Obama souhaite ainsi poursuivre le politique de relance de constructions de centrales nucléaires, annoncée en février 2010, qui était à l’arrêt depuis l’accident de la centrale de Three Mile Island en 1979, bien qu’il ait ordonné, à la suite de la catastrophe de Fukushima, un réexamen complet de la sûreté nucléaire dans le pays. Les autorités diplomatiques américaines ont par ailleurs cherché à diversifier les débouchés de leurs industriels dans ce secteur, multipliant les rencontres, avec l’Inde notamment, mais aussi et ce plus discrètement, avec l’Arabie Saoudite.

 

 

 

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L’automobile durable, une utopie ? (2/2)

La première partie de cet article a montré que la conception « technologique » d’une voiture propre est certes nécessaire mais insuffisante. Laisser autant de voitures en circulation, fussent-elles propres, ne permet pas de réduire de manière significative les externalités négatives environnementales de l’automobile.

Il est donc nécessaire de modifier la façon de concevoir les déplacements à l’aide de l’automobile,  de redéfinir ses usages et sa place dans le système de mobilité. C’est ce qui est tenté à travers les expériences relevant des modèles économiques « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité ». Si ces modèles semblent les plus efficaces pour répondre aux enjeux de développement durable, car ils sont fondés sur la dématérialisation de l’activité, les initiatives sont encore récentes et rarement à l’origine des constructeurs.

Les modèles « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité » : repenser l’usage de l’automobile et le besoin de mobilité

Les solutions relevant du modèle « serviciel » remettent en cause l’usage actuel de l’automobile, excessif et prédominant, pour un usage optimisé et limité de celle-ci, grâce aux solutions de partage de la voiture (autopartage, covoiturage, location), et complété voir remplacé par d’autres modes de transports doux (vélo, marche) et collectifs (métro, tramway, etc.).

Le partage du véhicule participe à une plus grande durabilité de nos modes de déplacement, puisque les utilisateurs de ce système ont tendance à réduire et rationaliser l’usage de la voiture, à en restreindre l’utilisation systématique et à utiliser d’autres modes en complément. Il permet ainsi de réduire la production de masse, de limiter la circulation automobile, d’éliminer la congestion et donc de réduire les émissions polluantes.

Il existe plusieurs services d’usages partagés de la voiture : la location de courte durée, le covoiturage, l’autopartage privé, public et entre particuliers et la location entre particuliers ( l’autopartage désigne le partage d’une flotte de voitures, sur le modèle de la location de courte durée tandis que le covoiturage est une utilisation commune d’un véhicule dans le but d’effectuer un trajet en commun).

Il s’agit d’un marché en plein essor comme en attestent la croissance rapide du nombre d’utilisateurs et les nombreuses startups qui fleurissent  (Cityzencar, Buzzcar, Livop, Voiturlib’, Mobizen, Deways, Covoiturage.fr…). Ces services de partage proviennent essentiellement d’entreprises privées pour l’autopartage et d’associations pour le covoiturage. Depuis quelques années, les collectivités territoriales contribuent à favoriser le développement de ces services, en apportant un soutien financier et en réalisant des campagnes générales d’information et de sensibilisation. Certaines lancent même leur propre service, à l’instar de Paris avec Autolib’. Les constructeurs automobiles restent absents de ces initiatives, de peur surement de cannibaliser la vente de leurs propres voitures par la création de ces services. A l’exception, depuis peu, des constructeurs allemands (Daimler, Volkswagen et BMW) qui se lancent dans l’autopartage, en créant leur propre service sur le marché allemand. Peugeot a également lancé, en France, un service de location (voiture, vélo, scooter), Mu by Peugeot.

Les autres expériences « servicielles » visent à favoriser la substitution modale de la voiture par le développement de la multimodalité (présence de plusieurs modes de transports entre deux lieux). Cela se traduit par le développement et l’amélioration des transports moins polluants (doux et collectifs), de manière à les rendre attractifs et compétitifs par rapport à la voiture. Il s’agit notamment du renouvellement du parc ferroviaire, du développement des systèmes de transports en commun en site propre (voies réservées et prioritaires pour le métro, le tramway et le bus) et des solutions de transport à la demande ou encore de la mise en libre service de vélos (Vélib’). En mars 2011, Citroën a lancé son service de mobilité multimodale (Multicity), une première chez un constructeur. Cette offre se présente sous la forme d’un portail internet capable de calculer plusieurs offres de transport de porte à porte, et de comparer leurs prix, leurs rejets en CO2 et leur durée, puis de réserver par exemple train ou/et une voiture Citroën, une fois le choix des transports effectué.

Mais la substitution de l’automobile est surtout tributaire du développement de l’intermodalité (utilisation successive de plusieurs modes de transports au cours d’un même déplacement), les modes de transports alternatifs, pris de manière indépendante, étant souvent insuffisants. Mais par définition, l’intermodalité est contraignante puisqu’elle suppose de devoir changer de modes de transports au cours d’un même trajet. Pour qu’elle soit mise en œuvre, de manière importante par les usagers, il faut que cet inconvénient soit réduit et contrebalancé par une valeur d’usage supplémentaire portée par la coordination des composantes unitaires de l’offre. C’est d’ailleurs au moment où ces services de transports vont chercher à améliorer la continuité des modes de transports sur la trajectoire de porte à porte, qu’ils vont alors passer du modèle serviciel au modèle de l’économie de la fonctionnalité. Les opérateurs de transports apportent une réponse qui ne se situe plus au seul niveau du transport mais dans la combinaison des différents modes. Ils deviennent alors des opérateurs de mobilité et le voyageur prévaut sur l’automobiliste, le cycliste ou l’usager de transport en commun.

Les initiatives visant à faciliter l’intermodalité correspondent par exemples à la mise en place de titre de transport unique pour tous les modes de transports (comme le pass Navigo qui permet de voyager en métros, RER, trains et en Vélib en Ile-de-France) ou de système d’information intermodale permettant aux voyageurs de concevoir leurs déplacements en articulant au mieux les différents modes de transports (le site internet lyonnais www.multitud.org propose des cartes superposant les différents réseaux de transports avec les points de correspondances, donnant les stations de vélos et parcs relais à proximité, les horaires, les itinéraires, etc.). La création  de stationnements de vélos et de parcs relais à proximité des lieux de connexion favorise également l’intermodalité, de même que les hubs de mobilité (lieux où toutes les formes de mobilité se croisent et s’articulent).   En 2009, Vinci Park a lancé, à la Défense, Mobiway, le premier centre de mobilité en France, qui facilite l’accès aux informations et aux services de tout un ensemble de transports (autopartage, covoiturage, transports collectifs).

 

Le modèle de « l’économie de la fonctionnalité » appliqué à une mobilité durable amène à déplacer la réflexion également au-delà du champ des transports, c’est-à-dire agir au niveau de l’organisation du territoire, des rythmes, de l’information et la communication et de la dématérialisation des activités et échanges, en vu de mieux se déplacer, voire ne pas avoir à se déplacer. Pour Bruno Marzloff et Daniel Kaplan (Pour une mobilité plus libre et plus durable), deux leviers peuvent être activés en faveur d’une mobilité durable : d’une part, la réduction des volumes (nombre de déplacements, de véhicules, de passagers), qui peut s’obtenir notamment en évitant les parcours (en supprimant les motifs des déplacements), et d’autre part, la réduction des distances et de la durée des déplacements, qui peut être contrôlée par l’optimisation (la réduction des kilomètres supplémentaires et des pertes de temps) et l’articulation des modes de transports, des temps et des espaces. Les auteurs proposent quatre pistes d’innovation allant dans ce sens : l’e-substitution (usage du numérique et des réseaux pour « substituer un non déplacement à un déplacement ou un déplacement court à un déplacement long » : télétravail, téléconférence, e-commerce, e-services…), l’articulation des déplacements avec les espaces, les temps et les services (adaptation ou rapprochement des activités des individus « là où ils sont, et quand ils y sont » et création d’espaces multifonctionnels), le développement et l’exploitation de l’intelligence collective des déplacements (libération des données urbaines – captées par la ville, les transports, les voyageurs – permettant une meilleure gestion des flux) et l’invention des transports collectifs à base d’information (autopartage, covoiturage, pédibus).

Les limites et conditions des modèles relevant de la logique servicielle et de « l’économie de la fonctionnalité »

La remise en cause de l’usage actuel de la voiture proposée par le modèle « serviciel » est loin d’être une évidence au regard des valeurs et des performances techniques associées à l’automobile.

 

En effet, la considération de la voiture comme une continuité de l’espace personnel et le besoin de propriété peuvent être des freins aux usages partagés de la voiture, même si l’essor des services de voiture partagé et plus généralement de la consommation collaborative témoigne du changement des mentalités, de plus en plus habituées à la culture de partage (entre autres avec l’avènement du web 2.0) et prêtes à réaliser un découplage entre la possession d’une voiture et son utilisation. Un travail de sensibilisation reste nécessaire pour faire connaître ces services et accélérer leur adoption massive, notamment en mettant en avant les considérations écologiques qui sont parfois plus incitatives que celles écologiques (hyperlien article conso verte). Mais avant tout les contraintes inhérentes à ces services (entre particuliers, plus particulièrement)  doivent être résolues : mode de transmission du véhicule (échange de clé ou boitier automatique), assurance, confiance, masse critique de demandeurs et d’offreurs, modèle économique viable, structuration de l’offre (logistique, agrégation de l’information, fiabilité).

Par ailleurs, la voiture est dotée d’une forte dimension symbolique (sentiment de liberté et d’indépendance) et sociale (symbole de réussite et de classement social), qui contribue à l’attachement qu’elle suscite. Toutefois elle perd progressivement de sa fonction ostentatoire, pour devenir une commodité (selon une enquête de l’Ifop en 2010, c’était le cas pour 47% des Français). Ce nouveau rapport à l’automobile s’installe alors que celle-ci devient de plus en plus une contrainte (temps perdu dans les embouteillage, difficulté de stationnement, budget croissant, effets néfastes sur l’environnement), que les villes sont de mieux en mieux desservies et que les réseaux sociaux et les smartphones s’imposent comme de nouveaux moyens d’expression, de communication et de mobilité (virtuelle) faisant perdre à la voiture de sa superbe. Ce nouveau rapport à l’automobile est surtout impulsé par le bas de la pyramide des âges, mais pour les autres générations, le passage du statutaire à l’utilitaire ne se traduit pas encore forcément par un délaissement de la voiture.

Cela parce que l’automobile procure encore des avantages – vitesse, desserte au porte à porte, disponibilité, liberté dans les horaires, silence, sentiment de sécurité, confort, etc. –, qui même s’ils sont amoindris en centre-ville, restent supérieurs aux autres modes de transports, dans des villes organisées pour et par la voiture. Celle-ci reste et restera encore indispensable pour une large fraction de la population.

 

On voit donc bien qu’une réflexion sur l’intermodalité et plus largement sur l’organisation de notre vie quotidienne dans l’espace et dans le temps à l’origine du besoin de mobilité est nécessaire, en somme passer au modèle de « l’économie de la fonctionnalité ».

Le passage à ce modèle reste conditionné par l’adaptation et la coordination de tous les acteurs impliqués dans la question de la mobilité. Les autorités doivent soulager les flux, en prenant des mesures dépassant le simple cadre des politiques de transports pour s’étendre à l’ensemble des politiques concernées par les enjeux de mobilité (urbanisme, habitat, etc.). Les entreprises, qui sont également concernées puisque ce sont elles qui génèrent ces flux et ces temps perdus, doivent repenser leur implantation en s’appuyant sur les pratiques spatio-temporelles des individu et réfléchir à de nouvelles formes de travail et de commerce. Les transporteurs ont bien évidemment un rôle important à jouer puisque ce sont eux qui supportent la charge de ces parcours. Cependant, le passage à un modèle de l’économie de la fonctionnalité implique une nouvelle approche de leur métier. Ces derniers ne doivent plus se considérer comme des opérateurs de transports mais comme des « opérateurs de mobilité », en s’adaptant aux nouveaux paradigmes de la mobilité durable. Or, les faits montrent que ce n’est pas encore le cas. Les constructeurs automobiles restent en majorité absents de cette réflexion. Il existe quelques initiatives en matière de service de partage de voiture et de multimodalité, mais elles restent isolées et surtout cantonnées à des tests du marché n’engageant pas profonds changements stratégiques puisque ces offres sont proposées en parallèle de la vente de véhicules. Enfin, les nouveaux opérateurs de mobilité ont également un rôle très important à jouer en apportant des solutions inédites (informationnelles, transactionnelles, servicielles) dans la perspective de se déplacer.

A la question « l’automobile durable est-elle une utopie ? », nous répondrons par la négative, mais pour autant elle n’est pas non plus encore une réalité

Les améliorations techniques apportées au véhicule conventionnel ont permis de réduire l’impact environnemental de l’automobile, mais pas encore suffisamment au regard des objectifs de la Commission Européenne. Quant aux motorisations alternatives, elles sont loin d’être démocratisées et leur efficacité environnementale n’est pas garantie.

La redéfinition des usages de la voiture et plus largement de la mobilité (urbaine), telle qu’elle est proposée à travers les modèles « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité », semble plus appropriée pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux. Cependant, la mise en œuvre de ces modèles, de sorte à obtenir des résultats significatifs, ne pourra se faire  qu’à moyen-long terme, car  plusieurs conditions sont à réunir, entre autres : mener un travail de sensibilisation pour faire changer les mentalités, identifier les besoins qui sous-tendent les usages de mobilité, repenser l’urbanisme de l’espace et du temps ou passer de transporteur à créateur de mobilité. Ce passage est loin d’être évident car il implique d’importantes transformations que ce soit au niveau de la configuration du système productif, de l’organisation du travail, de la création de nouvelles valeurs d’usage qui puissent se transformer en valeur d’échange ou encore de la coopération intersectorielle (entre les différents partenaires de la production de l’offre).

Cependant, si l’automobile arrive à surmonter ces défis, « elle pourrait alors devenir le laboratoire de nouveaux modèles de consommation, non plus fondés sur la propriété, mais directement sur l’usage » et ouvrir la voie d’une conciliation entre croissance de l’activité et développement durable », comme l’ambitionne Philippe Moati (professeur d’économie et ancien directeur de recherche du Crédoc).

 

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L’automobile durable, une utopie ? (1/2)

By Gabrielle de La Forest

Dans un mois, aura lieu la Semaine européenne de la mobilité. La mobilité durable étant un des principaux enjeux des politiques de mobilité et plus largement de notre société, la question de l’automobile durable fera partie des débats.

Si la mobilité automobile a cessé de croître depuis le début des années 2000, il n’en reste pas moins que l’automobile représente encore 80% des transports. A l’heure où la préoccupation environnementale est une sensibilité montante chez les citoyens et une priorité politique pour les collectivités territoriales et les instances gouvernementales, cette hégémonie est contestée car elle est à l’origine d’impacts écologiques importants : pollution atmosphérique, émission de gaz à effet de serre (avec pour corollaire le réchauffement climatique), épuisement des ressources énergétiques ou encore production de déchets liés notamment au traitement des véhicules en fin de vie.

Face aux pressions citoyennes et réglementaires mais aussi parfois dans le cadre d’une démarche volontaire de RSE, les constructeurs automobiles sont amenés à repenser leur produit afin de le rendre plus durable. Cependant, leur réflexion reste le plus souvent cantonnée aux seuls aspects technologiques, de crainte surement de remettre en cause le modèle industriel néofordien qui a fait leur succès (la détermination du chiffre d’affaires se fait par le volume des ventes, qui repose lui-même sur une production et une consommation de masse). En revanche, d’autres acteurs – citoyens, collectivités, entreprises – apportent d’autres réponses plus ambitieuses à cette question, en s’intéressant plus globalement à l’écosystème de la mobilité (urbaine) et en remettant en cause le fonctionnement du modèle industriel. Des propositions qui semblent plus efficaces pour réduire l’impact environnemental de la voiture.

Nous présenterons, dans cet article en deux parties, les différentes voies proposées pour tendre vers un modèle d’automobile durable, leur efficacité mais aussi leurs limites et conditions de mise en œuvre, en se donnant pour objectif de répondre à la question suivante : l’automobile durable, une réalité prochaine ou une utopie désenchantée ?


L’apport de l’analyse économique à la problématique du développement durable

Afin de constituer une grille d’analyse des différentes initiatives de stratégies de développement durable appliquées dans le secteur automobile, nous avons utilisé le concept de « modèles économiques d’entreprise compatibles avec le développement durable ». Christian Du Tertre (professeur de sciences économiques), à qui nous avons emprunté cette notion, distingue quatre modèles que nous pouvons résumer comme suit :

–   Le modèle « industriel propre » à Réflexion sur l’activité productive, afin de réduire les émissions de gaz à effets de serre et la consommation d’énergie, et conception et vente de « produits propres » (produits recyclables, tenant compte de l’épuisement des ressources et dont l’usage est moins polluant).

–   Le modèle de l’ « écologie industrielle » à Conception des produits et de leur production mettant l’accent sur la maitrise des flux et la diminution du gaspillage des matières.

–   Le modèle « serviciel » à Remplacement de la vente d’un bien d’équipement par son droit d’usage dans le cadre d’un service (de location). L’entreprise est garante de la durée de vie des biens proposés, de leur possible recyclage et maintenance et des effets de leurs usages.

–   Le modèle de « l’économie de la fonctionnalité » à Conception et réalisation de solutions répondant à une fonction (un besoin), faisant l’objet initialement de prestations séparées.  La croissance de la valeur ajoutée est découplée du volume produit et donc déconnectée des flux de matières.

 

L’approche technologique privilégiée par les constructeurs automobiles

Les solutions déployées par les constructeurs automobiles visent surtout à modifier la face technique de leur produit par des innovations technologiques. Elles relèvent des modèles économiques « industriel propre » et de « l’écologie industrielle ».

Leur démarche s’articule autour de deux axes : concevoir une « voiture propre », dont les composants sont recyclés et recyclables et dont l’usage est moins polluant.

La réflexion autour du cycle de vie de l’automobile et plus particulièrement sur le recyclage du véhicule en fin de vie (réutilisation, valorisation matière et énergétique), initiée au début des années 90, permet aujourd’hui aux constructeurs français de répondre en grande partie aux normes de la directive européenne du 18 septembre 2000 (un taux de recyclage de 95% et une valorisation énergétique de 85%). Techniquement, cela a été possible par le marquage des matériaux constitutifs des pièces, la réduction des familles des matériaux ou encore l’utilisation de matières recyclées voire naturelles.

La réflexion sur la réduction des effets négatifs de l’usage de l’automobile (consommation d’énergie et émissions de polluants) se caractérise elle-même par deux approches technologiques.

La première, qui s’est amorcée depuis une vingtaine d’années, consiste à améliorer le véhicule « conventionnel » (moteur thermique/carburants traditionnels). Pour cela, les progrès technologiques ont porté sur l’optimisation du rendement des moteurs (par la réduction de la masse du véhicule, l’amélioration du système de combustion ou les systèmes de Stop & start), la mise sur le marché de véhicules performants d’un point de vue énergétique (petites urbaines, véhicules diesel très économes) et l’apport de progrès au post-traitement des émissions  (pot catalytique, filtre à particule). Ces différentes mesures ont permis, en 2009, d’atteindre une moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs vendus dans l’UE de 145,7g de CO2/km, soit une diminution de 5,1% par rapport à l’année 2008 (source : Commission Européenne).

La seconde approche technologique correspond à la recherche de technologies alternatives au système de motorisation conventionnel. On peut recenser quatre nouveaux types de motorisation : le tout électrique, l’hybride, le moteur à hydrogène et les moteurs dédiés aux carburants gazeux ou biocarburants.

 

Les obstacles et limites de ces modèles industriels

Le développement de motorisations alternatives est encore récent et se heurte à toute une série d’obstacles technologiques et économiques.

Parmi ces obstacles, notons tout d’abord la difficulté de passage d’un prototype à une production en petite série puis le développement rapide de celle-ci, du fait des coûts qu’il suppose. Or, c’est la production en grande série qui permettra de réduire les coûts de production et de parvenir à un prix du véhicule qui soit économiquement supportable par le client et compatible avec le marché de masse automobile. Une production de masse d’autant plus nécessaire que l’efficacité des voitures propres dépend certes de la faiblesse de leurs émissions unitaires de CO2 mais surtout du nombre de véhicules introduits dans le parc.

A cet obstacle du coût qui est commun à l’ensemble des technologies, s’ajoutent des maillons faibles propres à chacune d’elle.

Ceux de la voiture électrique concernent principalement la faible autonomie des batteries (même si des progrès sont en cours) et la durée de rechargement (de plusieurs heures). Pour pallier à ce problème, plusieurs solutions sont prévues : des bornes de recharge rapide, des stations de fourniture de batteries pleines prêtes à l’emploi ou encore des logiciels de prévision de la consommation. Au-delà du rechargement rapide, des structures pour le réapprovisionnement doivent être proposées à travers l’implantation d’un réseau d’alimentation dense. Toutefois, les premiers retours d’expérience indiquent que le développement d’infrastructure de recharge publique n’apparait pas indispensable au regard des usages, mais répond surtout à la volonté des entreprises et pouvoirs publics de construire un environnement rassurant levant l’ « angoisse de la panne ». Enfin, la voiture électrique bouleverse l’usage de la voiture, en lui ajoutant les contraintes citées précédemment, mais aussi car le modèle économique qui se prépare repose sur une offre locative de la batterie (souscription d’un abonnement pour l’alimentation électrique incluant l’utilisation de la batterie et la facturation au kilomètre).

Le principal frein à une diffusion rapide du modèle hybride est son prix trop élevé, à cause de la double motorisation. Ce qui le cantonne à un marché de niche.

Les principaux inconvénients du moteur à hydrogène sont le problème du stockage de l’hydrogène à bord du véhicule et la mise en place d’une infrastructure de production, de transport et de distribution d’hydrogène qui suppose des coûts très élevés, ne permettant pas de perspectives de production massive et accessible avant plusieurs décennies.

Enfin, les principaux maillons faibles des motorisations dédiées aux biocarburants sont d’une part, la production limitée de biocarburant qui se heurte rapidement au manque de surfaces cultivables, et d’autre part, la faiblesse du réseau de distribution des biocarburants. En ce qui concerne les carburants gazeux, l’utilisation de GNV se heurte à la difficulté de stockage (caractère gazeux) et à la faiblesse des infrastructures de distribution. Quant au GPL, il n’est plus intéressant en termes de pollution locale à cause des normes Euro.

Quand bien même ces technologies parviendraient à se développer massivement, elles restent limitées pour répondre aux enjeux de développement durable.

En effet, l’électricité, l’hydrogène et les biocarburants peuvent paradoxalement contribuer à augmenter les émissions de CO2  du « puit à la roue ». Quant au modèle hybride, au-dessus de 50 km/h, ses avantages environnementaux sont beaucoup moindres puisque c’est le moteur thermique qui prend le relais.

Par ailleurs, ces alternatives présentent des effets pervers. En effet, en déculpabilisant les automobilistes et constructeurs, ces technologies propres risquent de pérenniser le recours à la voiture individuelle et d’augmenter le nombre de voitures et de déplacements sur les routes et donc les flux de matières et les émissions. De même, Christian du Tertre reprend le concept d’ « effet rebond » (Greening et alii, 2000) pour expliquer le phénomène où « la  réduction de l’usage de la matière rapportée au produit unitaire provoque une baisse du prix relatif qui peut induire une croissance de la demande et de la production conduisant à une croissance du flux global de matière ». On a donc une contradiction avec les enjeux de développement durable qui tient aux structures de causalité qui fondent la dynamique macroéconomique dans un régime d’accumulation industrielle. Chaque constructeur d’automobiles s’efforce de produire davantage de voitures certes « plus propres », mais en agissant ainsi, ils peuvent paradoxalement contribuer à une consommation globale accrue de voitures, de carburants, à une multiplication des déplacements et donc à une augmentation de la pollution et des déchets.

 

Ainsi, les modèles relevant de la logique industrielle ne permettent pas d’envisager une réduction notable des impacts environnementaux de la voiture. Focaliser le discours sur les technologies masque le vrai problème qui est de modifier la façon actuelle de concevoir les déplacements à l’aide de l’automobile. Nous verrons dans la deuxième partie de cet article les expériences relevant des modèles « serviciels » et de l’ « économie de la fonctionnalité » qui semblent plus efficaces mais pas moins difficiles à mettre en œuvre.

 

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La consommation verte dépasse-t-elle les discours ?

La majorité des Français est consciente de l’impact de la consommation sur l’environnement. C’est ce qu’a révélé le baromètre annuel d’Ethicity et de l’ADEME « Les Français et la consommation durable », présenté à l’occasion de la semaine du développement durable 2011. Sept Français sur dix jugent que la consommation de produits respectueux de l’environnement est devenue une « nécessité » (contre deux sur dix en 2009). 60% des personnes interrogées se disent mêmes prêtes à payer un peu plus cher pour des produits respectueux de l’environnement. Mais les comportements des Français reflètent-ils les discours ?

 

Un passage à l’acte encore limité

La préoccupation à l’égard de l’environnement est une sensibilité montante chez les citoyens, qui sont désormais conscients de leur responsabilité mais aussi de leur marge d’action. Dans un contexte de défiance vis-à-vis des politiques et des grandes entreprises, l’individu s’en remet à lui-même pour agir concrètement en faveur de l’environnement. Selon l’édition 2011 de l’Observatoire Ifop du Développement Durable, 77% pensent que les actes individuels peuvent contribuer à protéger l’environnement. Une opinion mise en œuvre au quotidien à travers les éco-gestes – tels que trier ses déchets, ne pas laisser couler l’eau ou éteindre les appareils électriques au lieu de les laisser en veille -, répandus chez plus de ¾ des Français. En revanche, la consommation verte (aussi appelée consommation durable ou responsable) est loin d’être autant intégrée dans nos habitudes de consommation.

Selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), la ‘consommation durable’ est “l’utilisation de biens et de services qui répondent aux besoins essentiels et améliorent la qualité de vie, tout en minimisant l’utilisation des ressources naturelles, les matières toxiques et les déchets et émissions de polluants, de manière à ne pas compromettre les besoins des générations futures”.

Le baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France de l’Agence Bio révèle qu’en 2010, seuls 43 % des Français ont consommé des produits biologiques au moins une fois par mois (contre 46 % en 2009). Selon Jean-Marie Boucher, fondateur du site ConsoGlobe (le premier portail Internet français dédié au développement durable et à la consommation responsable sous toutes ses formes), l’achat de ce type de produits ne pèse que 4% de la consommation de détail.

Si le marché du commerce équitable a progressé de 15% en 2009, il reste un marché de niche, avec un chiffre d’affaires environ dix fois inférieur à celui des produits «bio» (2,6 milliards d’euros en 2008) (source : étude «Marché du commerce équitable en France à l’horizon 2015», publiée en 2010 par le cabinet d’études sectorielles Xerfi). Une enquête réalisée par l’Observatoire Cetelem en décembre 2009 montre que seulement 10% des ménages français disent acheter «fréquemment» des produits équitables.

Malgré la forte médiatisation du succès des AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne), ce système ne représente 50 000 familles et près de 200 000 consommateurs (soit un chiffre d’affaire annuel estimé à 36 millions d’euros) (source : MIRAMAP, janvier 2011).

Ces quelques résultats d’études nuancent l’idée selon laquelle les consommateurs adopteraient des comportements d’achats de plus en plus responsables et que le nombre de ces consommateurs « verts » augmenteraient. Des affirmations qui ne se reflètent pas dans les achats au détail. Mais ces décalages entre les discours et la réalité mettent surtout en lumière les contradictions des consommateurs, pris entre leurs préoccupations individuelles et les considérations du collectif social et environnemental parfois difficilement conciliables.

 

Consommer mieux… avant tout pour soi

La protection de l’environnement n’est pas la seule motivation ni même la priorité du consommateur responsable. L’individu est préoccupé avant tout par sa santé et le bien-être de ses proches.

« Consommer mieux » signifie pour lui d’abord d’augmenter sa qualité de vie, notamment en s’orientant vers une consommation plus qualitative. Cela se traduit par l’achat de produits plus durables et plus bénéfiques pour la santé. La santé devient ainsi le principal levier d’achat de produits « verts » pour 36% des Français, avant même le critère de préservation de l’environnement (27%) (source : Baromètre Ethicity).

Ce résultat est encore plus élevé pour les produits biologiques, puisque les effets positifs sur la santé sont la principale raison d’acheter bio pour 91% des Français, suivis de la qualité et du goût des produits (source : baromètre de l’Agence Bio).

La pollution, qui impacte la santé, est d’ailleurs la première inquiétude des Français, devant la pénurie d’eau dans le monde ou le réchauffement climatique.

Le local et la proximité sont les autres motivations d’achat de produits respectueux de l’environnement. Pour 52% des Français, un produit permettant de consommer responsable doit être fabriqué localement, afin de favoriser l’emploi pour 55% d’entre eux. L’origine des matières premières est ainsi la première information attendue sur l’étiquette.

On peut donc dire que l’écologie qui concerne le plus le consommateur est celle dont les problématiques le touchent directement au quotidien, avant même les grands enjeux planétaires. Mais c’est aussi celle dont la mise en œuvre cohabite le mieux avec ses préoccupations quotidiennes, comme la santé, son bien-être mais aussi son pouvoir d’achat. Le consommateur n’a pas nécessairement la volonté d’en payer le prix au quotidien.

 

Le vert toujours trop cher

En effet, le prix jugé plus élevé de ces produits « verts » est considéré comme le principal frein à l’achat pour 78% des Français. Ils sont encore nombreux (36 %) à se raviser pour l’achat de certains produits responsables pour cause de prix excessif, selon l’édition 2011 de l’étude Image Power Global Green Brands réalisée par l’institut PSB pour Cohn & Wolfe et Landor associates.

Dans un contexte de crise (perçue ou réelle) du pouvoir d’achat, tous les Français ne sont pas prêts à mettre  30 990 euros pour une voiture électrique (Nissan Leaf), 3,17 euros pour un café issu de l’agriculture biologique et du commerce équitable (Alter Eco 250g) ou 2,99 euros pour 500g de tomates bio.

Les pratiques qui n’ont pas d’incidences financières et qui plus est, permettent de faire des économies trouvent au contraire l’adhésion des consommateurs. C’est le cas des éco-gestes pour faire des économies d’eau ou d’énergie qui sont de plus en plus ancrés dans les habitudes. Mais c’est ce qui explique aussi le succès de l’autopartage, de la vente ou de la location entre particuliers, mais nous y reviendrons plus tard. Ces activités à la fois rentables économiquement et soucieuses de l’environnement sont regroupées sous l’appellation d’ « éconologie » (économie écologique).

 

Une communication nuisible

Le prix n’est pas le seul frein à l’achat des produits « verts ». La communication verte est également préjudiciable à la promotion de ces modes de vie responsables.

Tout d’abord, la communication des marques sème le doute chez le consommateur. L’excès de communication verte génère une confusion dans l’esprit du consommateur, qui se retrouve noyé face à une multitude de « démarches engagées » (développement durable, agriculture bio, responsabilité sociale des marques, commerce éthique), une surenchère de labels entre ceux officiels et les propres programmes crées par les marques et grands distributeurs.

Une confusion renforcée par le manque de précision et de preuves souvent volontaires des marques, à travers des pratiques de greenwashing (utilisation abusive d’un argument écologique dans une publicité sans engagement derrière). Selon la 3ème édition du baromètre sur le Développement Durable réalisé par Mondadori Publicité, les français attendent plus de preuves dans la publicité car 47% d’entre eux estiment qu’il y a trop de slogans “verts” sans preuves ou informations précises. Toutefois si les consommateurs restent méfiants et exigeants, pour la première fois depuis 2004 leur vision de l’engagement DD des entreprises s’améliore (Observatoire Ifop 2011).

Mais plus généralement, c’est l’ensemble des discours émis sur le sujet du développement durable, par les grandes entreprises mais aussi par les politiques, les ONG, les écologistes ou les médias, qui en entrainant une certaine banalisation des messages et une saturation, a eu un effet de rejet.

Cela a été très visible en 2009, qui a été une année marquée par une sur-médiatisation du sujet avec la multiplication des alertes sur le préjudice écologique et le changement climatique (les films Home d’Arths Bertrand et Le syndrome du Titanic de Nicolas Hulot, le mouvement Tcktcktck pour le sommet de Copenhague, les élections européennes, le débat autour de la taxe carbone…), créant un sentiment de sur-information qui s’est traduit par une baisse significative de la crédibilité à l’égard des publicités vertes et de l’intérêt sur le développement durable.

 

La montée du scepticisme

Un certain scepticisme s’installe même. En réponse à des discours parfois culpabilisant sur la responsabilité humaine dans les préjudices environnementaux, des interrogations et contestations émergent. Certains scientifiques, appelés ‘climato-sceptiques’ contestent la thèse d’un réchauffement climatique dû à l’homme. Une thèse qui rencontre un écho grandissant. Ces mêmes experts mettent en gardent sur les solutions du  ‘Business Vert’ comme seule réponse pour remédier au réchauffement planétaire, qui serait une illusion et aurait même des effets pervers pour l’environnement. Parmi les fausses bonnes idées de croissance verte, sont pointés du doigt, entre autres : les agro-carburants qui s’avéraient plus néfastes pour l’environnement en se substituant aux cultures vivrières, la voiture électrique pas forcément écologique avec ses émissions de CO2 lors du chargement de la batterie, les lampes basse consommation qui seraient dangereuses pour la santé ou encore les importations de produits alimentaires bio qui détruiraient l’emploi dans les productions françaises et augmenteraient l’empreinte carbone.

 

Une consommation durable … mais avant tout économique

Pour autant, un mouvement durable et assez générale pour une nouvelle consommation  est en train de se mettre en œuvre. Un mouvement que la récente crise économique a révélé et amplifié et qui prend pour nom la consommation collaborative. Il s’agit également d’un mode de consommation alternatif à celui actuellement à l’œuvre dans nos sociétés (quête de possessions individuelles et matérielles, renouvellement rapide des biens), qui à la différence de la consommation verte, va vraiment se développer car non seulement il permet d’entrer dans un mode de consommation plus durable, grâce à l’optimisation des ressources, mais surtout il permet aussi de répondre à la recherche de prix bas, qui reste une des préoccupations principales des consommateurs.

La consommation collaborative fait prévaloir l’usage sur la propriété, en s’appuyant sur l’optimisation des ressources grâce au partage, à l’échange de biens et ressources entre particuliers. Elle s’étend à de nombreux biens : de la voiture (autopartage, covoiturage, location de voitures entre particuliers) à l’habitat (colocation, location de logement entre particulier, partage temporaire et gratuit de logement), en passant par l’espace de travail (coworking), les objets dont on se sert ponctuellement ou dont on ne se sert plus, les productions individuelles jusqu’aux compétences.

La crise économique, en entrainant une dégradation (réelle ou perçue) du pouvoir d’achat, suscite une recherche d’optimisation des budgets et une vigilance quant au prix. Cela favorise (et valorise) le développement d’une culture de l’achat malin et de la bonne affaire, ainsi que la mise en place de système d’entraide, de solidarité. Ces pratiques sont également l’occasion de générer un revenu supplémentaire, en transformant une possession ou une compétence en cash.

« Tout ce qui touche au troc, à l’échange, au don, à l’entraide, à l’occasion… connaît une croissance importante » explique Jean-Marie Boucher. Il s’agit « de solutions qui touchent à la proximité, au commerce alternatif, à une consommation douce non marchande, aux bonnes affaires… qui parlent très fortement aux individus à la recherche de sens plus que d’acte politique. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

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Les éco-quartiers : mode de vie ou idéologie ?

Le classement récent des villes les plus vertes de France publié par Zegreenweb a mis en valeur Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Grenoble …et Paris car ces métropoles françaises font de la préservation de l’environnement l’un de « leurs chevaux de bataille ». Les éco-quartiers fleurissent petit à petit dans tout l’hexagone mais aussi en Europe et dans le reste du monde.

Le terme « éco-quartier » est un néologisme associant le substantif « quartier » au préfixe « éco », en tant qu’abréviation de l’adjectif « écologique », décrit l’article toponyme de Wikipédia. Le ministère français de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer a promu ce néologisme pour désigner un projet d’aménagement urbain visant à intégrer des objectifs dits « de développement durable » et à réduire l’empreinte écologique du projet.

Ces projets sont essentiels dans un contexte où le logement est devenu une question sociétale clé. Dans son rapport, « L’accès au logement : une exigence citoyenne, un choix politique » du 6 juillet 2011, le club de réflexion Terra Nova dresse un portrait très négatif de l’accession au logement au début du XXIème siècle. A la fois, enjeux d’intégration, enjeux environnementaux et économiques, les autorités s’interrogent sur la possibilité d’obtenir un cadre d’urbanisme véritablement écologique. Si le Grenelle de l’environnement se contente d’intervenir sur la qualité thermique des logements, notamment des logements existants, il existe d’autres solutions plus complètes mêlant politiques d’aménagement territorial et planification urbaine, qui organisent la qualité urbaine et l’extension des villes sous forme d’« éco-quartiers » ou de « villes neuves ». De l’idéologie à l’idéolog-isme, peut-on vivre au vert en société ?

Eco-quartier : une réponse au développement durable

L’éco-quartier est une opération d’aménagement durable exemplaire. Il répond à la question du développement durable et aux problématiques sociales et économiques par la réduction maximale de l’impact sur l’environnement tout en favorisant le développement économique, la qualité de vie, la mixité et l’intégration sociale.

C’est de prime abord l’architecture qui manifeste le développement durable. Christian Plisson, président de la Maison européenne de l’architecture, explique que « le durable est maintenant une mode, cela n’empêche pas qu’il y ait des architectes vraiment engagés » en étant « plus vigilants dans le choix du matériel ». Le professionnel de l’habitat durable prend la ville de Strasbourg comme exemple modèle de l’architecture soucieuse de l’environnement. Afin de vérifier le principe d’efficacité énergétique, un éco-quartier se doit de proposer des solutions économes et une diversification des modes de production (bois, éolien, géothermie, solaire, biomasse…).

L’idéal pour l’éco-quartier est de produire une partie de ses besoins en énergie, notamment grâce à la construction des bâtiments à énergie positive, pour atteindre un bilan énergétique nul. La tour Elithis, à Dijon, qui présente un bilan énergétique « exceptionnellement neutre » en témoigne.  L’immeuble de 5 000m2 fêtait ses deux ans en juin dernier. La tour est un centre d’expérimentation renouvelable qui invite savants, étudiants et financeurs à initier de nouveaux projets. Dans le cadre d’une recherche sur les éco-comportements proposés au sein du bâtiment, le groupe Elithis constate que l’efficacité énergétique et environnementale d’un bâtiment ne dépend pas uniquement de solutions technologiques mais pour beaucoup du comportement des usagers.

Les éco-quartiers ne sont pas seulement une réponse architecturale. C’est un mode de vie. Le poète et philosophe des sciences et de la technique, Gaston Bachelard conceptualise dans ses derniers écrits, en 1958, « la poétique de l’espace » : il ne regarde pas l’architecture en tant que telle mais comme la manifestation humaine qui affecte et façonne les espaces.

Ecologie ou écologisme ?

Les éco-quartiers sont souvent des prolongations à la ville et à son architecture existante car les équipements publics et infrastructures des transports s’y étendent. Ils sont souvent considérés comme des « villages dans la ville » car leur fonctionnement y est identique mais à échelle réduite, à l’image de l’éco-quartier Vauban de Frisbourg-en-Brisgau, en Allemagne.

Le qualificatif écologique peut s’appliquer à l’écologie – une science – ou  à l’écologisme qui est une idéologie. Pour autant, les gadgets verts – gazon sur le toit, convoyeurs souterrains à déchets, supports à vélo – ne donnent pas sens à l’éco-quartier en tant que tel et témoignent plutôt d’une façade verte pour les maisons de « bobo ».

Aussi le récent épinglage de Volkswagen par Greenpeace témoigne de l’usage excessif par les constructeurs – ici automobile – de l’image verte pour obtenir le financement et l’acceptation des consommateurs. De même, le « greenwashing » qui prévaut à la construction de certains quartiers ne doit omettre que l’écologisme suppose qu’il y ait un ensemble complexe de relations – économiques, sociales, culturelles, physiques, etc entre un quartier et le milieu urbain dans lequel il est plongé.

L’éco-quartier facilite le geste vert. Tout y est fait pour inciter, si l’usager ne pratique pas le vivre-ensemble, l’usage modéré de l’eau, le tri des déchets … L’esprit de l’éco-quartier réside chez ceux qui habitent.

Quand l’idéologie pousse au ghetto

L’éco-quartier est une variante à l’éco-village qui se définit comme une « agglomération (rurale ou urbaine) ayant une perspective d’autosuffisance variable d’un projet à l’autre et où la priorité est de redonner une place plus équilibrée à l’Homme en harmonie avec son environnement dans le respect des écosystèmes présents. » Ceux sont des alternatives au chemin tracé par les urbanistes classiques. Une possibilité pour certains hommes de refuser la disposition des trottoirs et du bitume sur lesquels on veut les faire marcher, et d’adapter leur chemin ainsi à leur propre mode de vie. Le mouvement « desire paths » symbolise ce désir en photographiant les chemins verts qui rompent avec les routes bétonnées.

L’éco-quartier développe les mêmes idées tout en respectant les idéologies et l’intimité de chacun. La bonne gouvernance et le bon pilotage du projet sont primordiaux pour réussir la mise en œuvre des principes du développement durable. L’idéologie passe par la démarche participative impliquant l’ensemble des acteurs concernés – services municipaux, habitants, promoteurs, maîtres d’œuvre – et la mise en place au travers d’ateliers d’urbanisme, de réunions publiques ou de conférences citoyennes. La pratique d’échange des compétences y est courante.

Nombre de structures se ferment cependant sur elles-mêmes. Le vivre-ensemble exige aussi une adéquation des modes vie, peut-on tous être « green » ?

Avons-nous pour autant affaire à un renouveau des communautés hippies ?

La construction d’un éco-quartier implique de revoir l’organisation traditionnelle de la construction des bâtiments en amont, afin de développer des partenariats financiers et de pouvoir proposer des prix de vente des logements accessibles à tous. Les politiques d’aménagement du territoire proposées par le Grenelle tendent à diffuser ce mode de logements verts dans toutes les classes sociales. Les « bobo » n’ont pas le monopole du « green » et toute personne est poussée à adapter son mode de vie à la gestion responsable de son environnement.

A long terme, il est envisageable de poursuivre le projet vers « la ville durable ». Le terme est difficile à définir car c’est davantage un projet qu’une théorie. Cyria Emelianoff, maître de conférences en géographie, aménagement et urbanisme à l’Université du Maine, en définissait les principes dès 2005 : une « ville capable de se maintenir dans le temps », une ville qui offre une qualité de vie en tous lieux, une ville qui se réapproprie un projet politique collectif…

Utopie ou réalité, il faut souligner l’existence du mouvement des « villes en transition », issu de l’enseignement de Rob Hopkins, en Irlande. La Transition en question est le passage « de la dépendance au pétrole à la résilience locale ». L’action est locale afin de s’adapter aux ressources et aux enjeux de la ville. Cette optique s’appuie sur le présupposé qu’un objectif est atteignable seulement s’il est visible ; elle défend donc une vision positive. Peu de critiques sont parvenues à se lever face aux idées d’Hopkins, mais les villes en transition restent difficilement à concrétiser.

L’important réside peut-être dans la prise de conscience du geste. L’urbanisation devrait ainsi minimiser son impact sur l’environnement tout en offrant la possibilité au plus grand nombre d’accéder à un logement. Garder les projets visibles et adaptables aux logements déjà existants permet de sensibiliser une population toujours plus importante. Modèle de vie ou bulle d’expérimentation, la multiplication des éco-quartiers illustre les possibles d’une vie urbaine éco-responsable.

 

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La micro-algue, une arme importante dans la lutte contre le réchauffement climatique

La micro-algue est un « type d’organisme aquatique unicellulaire possédant des chloroplastes et donc capable de transformer l’énergie lumineuse en énergie chimique pour son développement ». Les micro-algues doivent être distinguées des macro-algues, que nous avons l’habitude de rencontrer sur les plages, qui sont des organismes pluricellulaires.

 

L’exploitation des molécules produites par les micro-algues :

 

Alors que nos ressources en énergie fossile se raréfient, le potentiel énergétique des micro-algues pourrait bien s’avérer salutaire dans les années à venir. La plus ancienne forme de vie présente sur Terre est d’ores-et-déjà exploitée avec succès par le secteur alimentaire. L’une de ses nombreuses variétés – la Spiruline – qui tire son énergie de la photosynthèse, est en effet consommée sous forme de compléments alimentaires dont les qualités nutritionnelles intéressantes pour la santé humaine sont reconnues.

 

Actuellement, le coût de leur culture reste relativement important. Mais certains projets en développement pourraient changer la donne. Ainsi, au début du mois de juillet, l’entreprise Fermentalg a réussi à obtenir une aide importante grâce au soutien d’Oséo, organisme de financement des PME innovantes. Son objectif est de lancer la production industrielle de molécules, issues de certaines souches de micro-algues. Ces molécules seraient alors utilisées dans des secteurs très divers, comme la santé, la nutrition, la cosmétologie, la chimie et l’énergie.

 

Pour réduire ses coûts, Fermentalg s’est livrée à une étude des différents types de micro-algues connus, afin de sélectionner les plus prometteuses, ou plutôt les moins gourmandes. Celles-ci réclament en effet pour leur développement une dose de lumièreplus ou moins importante, qu’il faut dès lors générer. Les heureuses micro-algues élues sont des souches dites « hétérotrophes » et d’autres dites « mixotrophes ». Elles permettront à l’entreprise de gagner en compétitivité, et surtout de ne pas consommer plus d’énergie qu’elle n’en générera.

 

Des micro-organismes en mesure de capter le CO2 :

 

D’autres projets sont à l’étude, parmi lesquels un jumelage des sites de production de micro-algues avec d’autres sites générateurs de chaleur notamment. La chaleur, habituellement perdue, serait alors utilisée pour favoriser le développement des micro-organismes. L’exemple type est celui de l’utilisation de la chaleur dégagée lors de l’incinération de déchets par une usine de cogénération productrice d’énergie. Mais d’autres jumelages sont possibles. En effet, on constate que le CO2 alimente également la photosynthèse naturelle des algues. Elles peuvent dès lors servir à nettoyer les fumées d’usine, qui favoriseront leur croissance. Elles constitueraient ainsi une sorte de filtre naturel, captant les émissions de gaz à effet de serre néfastes pour l’environnement, et contribueraient de fait à la lutte contre le réchauffement climatique.

 

Ces projets font suite à la construction d’une usine pilote révolutionnaire en Espagne, plus précisément à Alicante. Celle-ci, réalisée par la société BFS, convertit le CO2 généré par une cimenterie en bio pétrole ou en électricité. L’entreprise BFS indique ainsi que son « usine pilote est capable […] par an, d’absorber 12.000 tonnes de CO2 et de produire 5.500 barils de pétrole voire, selon l’option retenue, 0.45 Mégawatts d’électricité par heure ».

 

Les micro-algues, sources de bioénergies :

 

Outre cette méthode, bien d’autres permettent aux micro-algues de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Elles sont en effet à la base d’une chaine permettant de générer des biocarburants dits de troisième génération, grâce aux sucres qu’elles libèrent, convertibles en éthanol après avoir suivi un processus de fermentation. Alors que les cultures dédiées aux agro carburants sont régulièrement décriéesen raison de leur inconvénient majeur, qui est de monopoliser les terres cultivables et donc de restreindre la part des cultures alimentaires, elles se présentent donc comme l’une des solutions possibles à ces maux. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, il s’avère que leur rendement serait bien plus important que celui d’autres cultures, comme celle du colza ou du tournesol. Il leur serait même trente fois supérieur. Certains défis restent cependant à relever pour créer une filière de production fiable et durable. Les scientifiques se penchent actuellement sur l’identification des souches d’algues les plus riches en lipides. Lorsque l’on sait qu’il en existe plusieurs millions, il apparait évident que la tâche sera rude. Elle a été confiée en France à des chercheurs issus du CNRS, du CIRAD (Centre de coopération international de recherche agronomique pour le développement), du CEA et de l’IFREMER, sous la direction de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique).

 

C’est actuellement la production de biogaz qui s’avère être la plus développée. Les procédés utilisés datent des années 1940. Ils avaient été développés par le professeur William J. Oswald, au sein de l’Université de Californie, avant d’être abandonnés dans les années 1980 au profit de recherches sur les biocarburants. Prometteurs, ils sont réétudiés depuis la fin des années 1990, et permettent de générer principalement du méthane.

 

Elles sont par ailleurs en mesure de produire de l’hydrogène. Mais cette filière reste pour l’heure très peu développée. Le commissariat à l’énergie atomique, par le biais de son laboratoire de bioénergétique et biotechnologie des bactéries et micro-algues, travaille par exemple en vue de créer des organismes efficaces pour la production de ce gaz, par des mutations génétiques.

 

Concrètement, ces micro-organismes permettent donc de créer de véritables circuits fermés pour de nombreux secteurs industriels. Par exemple, coupler une unité de production de micro-algues à une centrale thermique implique que : les micro-algues séquestrent le CO2 émis par la centrale thermique et utilisent la chaleur qu’elle génère pour favoriser leur croissance ; en parallèle, la centrale thermique est alimentée par le biogaz produit par les micro-algues.

 

Enfin, car ce n’est pas tout, des membres de l’Université de Stanford ont réussi à exploiter directement les courants d’électrons générés par la conversion des photons solaires à l’intérieur même de cellules vivantes de micro-algues, de la variété dite Chlamydomonas. Ceux-ci, bien que très faibles, et ne permettant actuellement que de fournir l’équivalent énergétique d’une pile alcaline, restent dignes d’intérêt pour la recherche dans les années à venir.

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