La Rhétorique de la transition énergétique

voiture_electrique_nucleaire_grandSégolène Royal l’a annoncé, le gouvernement s’apprête à lancer en « procédure accélérée » le projet de loi dit de « la transition énergétique pour la croissance verte » qui passera le 1er octobre à l’Assemblée nationale. La première mesure d’avenir de la France pour ce millénaire aurait pu se faire sous nos yeux en  réduisant – pour de vrai – la part du nucléaire dans le mix électrique national  de 75% à 50%  d’ici 2025. Et ce gouvernement aurait pu au fond avoir une once de vision d’avenir ou même une once de scrupule pour ses électeurs écologistes. Mais inutile de se réjouir : pas une seule centrale nucléaire ne sera fermée.

Pour atteindre les objectifs des promesses de campagnes (réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire), des dizaines de milliers d’éoliennes subventionnées seront construites et fonctionneront à plein régime aux côtés des centrales nucléaires. Mais en construisant 100 à 150% de moyens de production énergétique supplémentaires dans un pays où la population augmente assez peu, ne risquons-nous pas d’augmenter la surproduction d’une énergie non stockable? Les industriels de l’énergie ont bien sûr réfléchi à cette question avant nous. Ils ont même proposé un accord astucieux au gouvernement : un accord gagnant-gagnant … pour le gouvernement et les industries, qui consistera à augmenter de 100 à 150% la consommation électrique en France.

La clé de cet accord : la voiture électrique, cet engin qui ne pollue pas, en tout cas de façon visible. Car si le gouvernement développe la voiture électrique pour donner un nouveau sens au secteur nucléaire, cela veut dire que celle-ci produit directement des déchets nucléaires indestructibles et nocifs pour des millions d’années en plus de contribuer au pillage des mines d’uranium du Niger et d’émettre des gaz à effet de serre au cours du transport de ce minerai.

Par le biais de la loi dite “de transition énergétique”, le gouvernement s’apprête non seulement à offrir des dizaines de milliards aux industriels de l’automobile électrique mais également des privilèges uniques aux seuls CSP+ utilisant le système de véhicule électrique. En effet, les utilisateurs du réseau électrique bénéficient déjà à Paris de places de parking gratuites et réservées ainsi que de pleins de leur batteries aux frais de la collectivité. Si vous soutenez malgré tout la voiture électrique (dans son état d’avancement actuel), une étude de l’Ademe montre que celle-ci n’est pour le moment pas plus vertueuse que la voiture thermique et cela même concernant les émissions de CO2. On attendra donc que l’État regarde vers de vrais projets d’avenir comme peut être les moteurs à air comprimé.

Faire croire à un geste environnemental en maintenant le nucléaire et en subventionnant l’augmentation de la consommation d’énergie, c’est le tour de force unique qu’aura réussi à réaliser le gouvernement socialiste. « De toutes façons sur le papier nous aurons atteint la part de 75% à 50%  de nucléaire dans le mix électrique national » pensent-ils bien trop fort.

Hormis le nucléaire on remarque également que la réforme du code minier et le projet de loi sur la biodiversité semblent passer à la trappe. Mais enfin, tout n’est pas à jeter dans ce projet de loi : si l’essentiel de celui-ci a un gout amer de trahison, on salue tout de même le projet de normes pour la construction d’édifices publics à « énergie positive » et les quelques points concernant la préservation des terres agricoles et les ressources en eau. Quelle drôle de chose que ce mot « transition énergétique » qui sonne comme le mot « révolution » et qui comme en 1789 ne changera au fond que les apparences. Comme le disait le comte de Lampedusa dans le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

Sources :

http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/geopolitique-de-l-energie-thematique_89429/nucleaire-solaire-le-gouvernement-francais-sait-il-vraiment-ce-qu-il-veut-article_287937/

http://blogs.mediapart.fr/edition/nucleaire-lenjeu-en-vaut-il-la-chandelle-pour-lhumanite/article/100914/voiture-electrique-nucleaire-bluecub-retire

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20131204trib000799310/le-vehicule-electrique-pas-si-ecologique-que-ca-.html

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Royaume Uni et Allemagne, précurseurs de l’exploitation du gaz de schiste en Europe ?

Profitant de la crise en Ukraine pour remettre la question de la sécurité énergétique sur la table, l’Allemagne a annoncé qu’elle allait autoriser l’exploitation du gaz de schiste d’ici 2015. De son côté, David Cameron, le premier ministre britannique a annoncé un projet de loi qui permettra aux compagnies pétrolières et gazières de forer sans permission préalable tandis qu’une étude des Services géologiques britanniques estime qu’il y a 4 milliards de barils de gaz de schiste dans le sud de la Grande Bretagne. Quels sont les enjeux de l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne et au Royaume Uni ?

Vers une exploitation du gaz de schiste en Allemagne dès 2015 ?

Contrairement à la France qui a fait passer une loi en 2011 interdisant la fracturation hydraulique et qui est opposée à la recherche, l’Allemagne essaie d’encadrer la fracturation hydraulique. Les débats y sont tout aussi intenses qu’en France avec un parti écologiste, « die Grünen », qui souhaiterait que soit interdit la fracturation hydraulique en Allemagne et des Landers qui ne veulent pas entendre parler de fracturation hydraulique sur leurs terres. Le gouvernement allemand a fait passer un moratoire sur le gaz de schiste en 2013. Ce moratoire a permis au gouvernement de déterminer que 14% du territoire allemand ne serait pas concerné par l’exploitation de gaz de schiste. Désormais l’Allemagne envisage de légiférer afin d’encadrer la fracturation hydraulique sur le plan environnemental, ce qui ne signifie pas une autorisation de l’exploitation du gaz de schiste stricto sensu même si c’est un grand pas dans cette direction.

L’exploration et l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne permettra de faire face à deux défis : la dépendance énergétique et la compétitivité. En effet, les deux principaux fournisseurs d’énergie de l’Allemagne sont la Norvège et la Russie. Celle-ci fournit 43% de la consommation allemande. Les réserves sont estimées à 2300 milliards de mètres cubes de gaz, l’équivalent de trois décennies de consommation nationale. Les experts allemands attendent de savoir quel pourcentage pourra être exploité et si cela sera rentable.  On pourrait ainsi penser que l’exploration et l’exploitation de gaz de schiste réduirait la dépendance énergétique de l’Allemagne sans pour autant qu’elle atteigne le mythe de l’indépendance énergétique. Enfin, l’Allemagne veut retrouver de la compétitivité pour son industrie et elle compte sur le développement de cette activité qui devrait entrainer une relocalisation industrielle importante. De plus, les Etats-Unis bénéficient pour l’instant d’un avantage comparatif qui fait que le prix du gaz sur le marché européen est de deux à trois fois supérieur à celui du marché américain.

Le Royaume-Uni sur le modèle de la  « révolution du gaz de schiste » américain?

Une étude des Services géologiques britanniques estime qu’il y a aurait 4,4 milliards de barils  de réserves de gaz de schiste dans le sud et notamment dans  le Sussex, Hampshire, Surrey et Kent. Certains spécialistes britanniques en ont déduit en s’appuyant sur l’expérience américaine qu’il ne sera possible d’extraire que 4% des réserves en  gaz de schiste c’est-à-dire l’équivalent de 4 mois de consommation au Royaume-Uni. Cette étude vient renforcer le rapport du Comité des Affaires économiques de la Chambre des Lords affirmant que « l’exploitation du gaz de schiste permettrait de booster l’économie britannique ». Cependant la résistance de la société civile et des ONG grandit pour que soit instauré un moratoire voir une interdiction totale d’exploiter le gaz de schiste. D’après un sondage commandé par Greenpeace 66% des habitants du Sussex  seraient en faveur d’un moratoire sur le gaz de schiste et dans d’autres régions comme le Lancashire c’est par le biais de manifestation comme la campagne “Frack Free Lancashire” que la société civile se prononce contre l’exploitation du gaz de schiste.

 On observe que la France, si elle refuse toute perspective d’exploitation de gaz de schiste ou de recherche dur ce sujet, se montre favorable à l’idée d’importer du gaz de schiste venant de l’étranger, des Etats-Unis par exemple. Plus pragmatique, les Allemands ont décidé de mettre en place un moratoire qui leur a permis de définir quelles zones du territoire devaient être préservées de toute fracturation et va leur permettre de légiférer pour encadrer la fracturation hydraulique. Plus que jamais, la politique gazière européenne se décide à l’échelle nationale ce qui est défavorable à une politique gazière commune et cohérente européenne qui permettrait de faire face aux défis de la dépendance énergétique et de la transition énergétique.

Mickael Mehou-Loko

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Une « révolution » du gaz de schiste est- elle possible l’Europe ?

La crise entre l’Ukraine et la Russie a relancé en Europe le débat sur le gaz de schiste.  David Cameron le premier ministre britannique soutenu par la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque pense que l’exploitation du gaz de schiste serait un moyen de réduire la dépendance énergétique de l’Europe envers la Russie et faire baisser les tarifs de l’énergie en Europe en s’appuyant sur le modèle de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis. Parallèlement le président Obama milite pour pouvoir exporter son surplus de production de gaz de schiste en Europe grâce au Traité transatlantique mais se heurte à l’opposition de la France où  la fracturation hydraulique est interdite par la loi depuis 2011. Qu’en est-il réellement de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis. ? Est-ce un modèle applicable à l’Europe ?

Le mythe de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis

Les Etats-Unis ont réduit leur dépendance énergétique envers  les pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite et le Qatar en investissant massivement dans la production d’hydrocarbures non conventionnel, le gaz de schiste par exemple. La part de gaz de schiste dans la production de gaz naturel aux Etats-Unis a progressé, passant de 5,2% en 2006 à 32% en 2012. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les Etats- Unis seront dans une situation de « quasi autosuffisance énergétique » d’ici 2017. D’après un rapport d’Exxon Mobil publié en 2013, les Etats-Unis deviendraient exportateurs nets d’hydrocarbures en 2025 grâce au gaz de schiste. Cependant l’enthousiasme de ces prévisions est à nuancer.

Or, d’après un  rapport de l’Institut du développement durable et des Relations internationales (IDDRI), publié en février 2014, le gaz de schiste n’ajouterait que 0,84 % à la croissance américaine entre 2012 et 2035 c’est-à-dire 0,04% de contribution annuelle à la croissance alors que le taux de croissance annuel  est estimé à 1,4%. La chute du prix du gaz naturel de puis 2008 n’a pas profité aux consommateurs américains qui ont vu les tarifs de l’électricité augmenté.  En outre, d’après le Département américain de l’énergie, les réserves de gaz de schistes ont été largement surestimées et revues à la baisse. L’administration Obama profite de la crise en Ukraine pour inscrire à l’ordre du jour une réduction des règles aux importations européennes lors des négociations pour le Traité transatlantique ce qui favoriserait l’exportation de gaz de schiste.

Importation de gaz de schiste ou production pour l’Europe ?

Thomas Spencer qui a rédigé le rapport de l’IDDRI se montre pessimiste sur les perspectives du gaz de schiste en Europe. Il estime que l’exploitation du gaz de schiste sur le vieux continent ne permettrait pas de répondre aux défis que sont la dépendance et la transition énergétique. Ainsi l’Europe resterait largement dépendante des importations de gaz et de pétrole, les prix seraient toujours déterminés par les marchés internationaux et le gaz de schiste ne suffirait pas à résoudre « l’équation énergie-climat-compétitivité ». De plus, le rapport indique que «  sur le long terme, le coût d’une transition basée sur l’efficacité énergétique, les renouvelables et d’autres sources d’énergie peu carbonées, est égal voire inférieur au business as usual basé sur les fossiles. »

Par ailleurs le débat sur le gaz de schiste a repris en France. En effet une technologie d’extraction propre  au fluoropropane et n’utilisant pas d’eau a été découverte et est soutenu par l’actuel ministre de l’économie français Arnaud Montebourg. Cependant la troisième partie du rapport du GIEC axée sur les émissions de gaz à effet de serre montre que le méthane qui s’échappe dans l’atmosphère suite à la fracturation hydraulique est 34 fois plus puissant que le dioxyde de carbone et a un potentiel de réchauffement global qui est de 86 à 100 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, accélérant ainsi nettement le réchauffement climatique. L’Europe serait alors très loin de ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Mickael  Mehou-Loko

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Transition énergétique : le rôle clef des territoires

fne1Le gouvernement français a engagé la France dans un débat national sur la transition énergétique, il y a plus d’un an déjà. En effet, entre janvier et février, a été présentée la situation énergétique de la France. Dans une deuxième étape, s’est déroulée une concertation des acteurs du secteur énergétique français et du grand public, avant un travail de synthèse dans un troisième temps. Mais où en est on finalement ? Les territoires, pleinement investis dans le débat, ont un rôle majeur à jouer. Si le gouvernement manque de clarté à ce sujet, certains acteurs du secteur énergétique français ont anticipé cet aspect clef de la transition énergétique dans notre pays.

La loi de programmation sur la transition énergétique prévue avec un an de retard

Le projet de loi sur la transition énergétique devait être voté au Parlement à l’automne 2013. Or la 1ère réunion de la commission spécialisée du Conseil national de la transition énergétique (CNTE) présidée par Laurence Tubiana, n’a eu lieu que le 10 décembre 2013. Cette commission a pour mission de formuler un avis sur le projet de loi.

Ce fameux projet de loi devrait être basé sur « six titres ». D’après le gouvernement, il permettra d’atteindre les objectifs fixés par le président de la République en matière de :

– réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

– amélioration de l’efficacité énergétique, avec une réduction de 50% de la consommation d’énergie à l’horizon 2050,

– réduction de 30% de la combustion d’énergie fossile à l’horizon 2030 ;

– diversification du mix électrique avec le développement des énergies renouvelables et la réduction de la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025.

Il est également précisé que le projet de loi dotera l’Etat des outils de pilotage indispensables à la transition énergétique. Rien de plus précis. Quels sont ces outils de pilotage ? A quel échelon administratif seront-ils déployés ? La question de l’échelon de la mise en œuvre de la transition énergétique reste posée. L’Europe donne des directives. A un niveau plus local, les territoires se positionnent : des plans énergétiques sont déjà en place en Bretagne, en PACA, dans le Nord-Pas-de-Calais.

Les industriels ont anticipé cette territorialisation de la politique énergétique

La politique énergétique est codéfinie à plusieurs niveaux : européen, national, régional, départemental, voire même au niveau des communautés de communes et au niveau municipal, lorsque certaines communes font le choix, de quitter un fournisseur d’électricité pour un autre par exemple. C’est le cas dans certaines communes du Grand Ouest où des communes ont fait le choix de se séparer de leur fournisseur historique d’électricité au profit de fournisseurs alternatifs, proposant une électricité 100% verte par exemple.

Les industriels ont bien compris ce rôle clef des territoires et une gouvernance à cet échelon se déploie. Autre exemple, l’année dernière, la ville de Nice a noué un partenariat avec EDF, conclu entre Christian Estrosi, maire de la commune, et Jean-Pierre Frémont, Directeur EDF Collectivités, en faveur d’un stade à énergie positive : une première ! Le stade en question, qui porte le nom d’Allianz Riviera, est le premier éco-stade au monde au sein d’un écoquartier. Cet éco-stade est une vitrine de la production énergétique locale à l’échelon de l’agglomération Nice-Côte d’Azur. Cette infrastructure contient une centrale photovoltaïque de 6000m2 sur sa toiture ainsi qu’un système de chauffage et de climatisation géothermique pour le bien être de tous, quelle que soit la saison…

Le rôle des territoires dans la transition énergétique s’exprime donc déjà. Quels outils politiques, administratifs, quels budgets leur conférer pour accroître leur responsabilité et leur permettre de mettre en œuvre la transition le plus efficacement possible ? Espérons que le projet de loi soit clair au sujet de la répartition des rôles au sein de notre « mille feuille administratif » quant à la mise en œuvre d’une politique énergétique cohérente, meilleure pour l’environnement et créatrice d’emplois.

Cette loi devrait être présentée au printemps et discutée durant l’été pour une conclusion d’ici fin 2014. Qui vivra verra.

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Le zéro déchet arrive en France : Zero Waste France

Après un échec du mouvement dans les années 2000, le réseau Zero Waste France a été lancé officiellement en France samedi le 1er février à l’Hôtel de ville de Bobigny. Pourquoi donc cette appellation si « british » ? Le réseau Zero Waste d’origine californienne est né en 1980. « Zero waste » car en anglais « waste » a une double signification, déchet mais aussi gaspillage.  Le projet Zero Waste France est porté par le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid). Même si « zéro déchet» semble un objectif utopique, cette initiative reste un projet porteur pour atteindre un équilibre dans l’impact de la vie humaine sur l’environnement.

Zero Waste France - www.cniid.org

Zero Waste France – www.cniid.org

Le « zéro déchet », un état d’esprit

Nous sommes entourés de trop d’artifices et de choses superflues. Les marques l’ont bien compris et elles en profitent. La société de consommation semble aimer cela, préférant des produits bien (trop) emballés, avec une couche de film en plastique et un bel emballage qui finira ensuite à la poubelle. Nous créons ainsi des déchets qui sont des emballages pas indispensables et nous gaspillons des ressources. Il faut aussi réaliser que jeter un emballage équivaut à jeter une chose pour laquelle nous avons payé. L’emballage est un des produits qui a le plus court cycle de vie s’il n’est pas réutilisé. Le mouvement « zéro déchet » est l’occasion de changer ses habitudes et de simplifier les codes de conduite dans la société.

Le « zéro déchet » n’a rien à voir avec la radinerie. C’est l’évolution d’une société de consommation qui pendant des années ne s’est pas contrôlée et qui doit aujourd’hui prendre ses responsabilités afin de limiter son empreinte sur l’environnement. Le « zéro déchet » peut être une solution à plusieurs problèmes : moins de déchets implique moins de contraintes pour ceux qui ne font pas de tri sélectif qui demeure néanmoins un devoir pour tout citoyen responsable, moins de dépenses pour les consommateurs qui paient que pour les produits consommés, un coût de revient réduit pour les industriels car moins d’emballages, moins de pollution et un impact moindre sur l’environnement.

Les produits en vrac

Quand nous achetons un produit emballé, nous payons aussi pour l’emballage. Il serait plus économique et écologique d’acheter uniquement le produit que l’on compte utiliser. Le secteur des nouvelles technologies pourrait se retrouver fortement sollicité car de nouveaux besoins se créés. Un potentiel pour les  distributeurs de produits en vrac ? (lait, yaourt, parfums, couches bébé, dentifrice, entre autres). Les entreprises expertes du packaging et de l’emballage doivent innover et s’aligner sur des tendances plus écologiques. Il ne suffit plus de dire qu’un emballage est recyclable ou en matière recyclée. La nécessité même des emballages doit être remise en question.

Béa Johnson est française, elle vit aux États-Unis. Son coup de maître : faire tenir l’équivalent d’une année de déchets pour sa famille de 4 personnes dans un bocal de 1 litre. Quand elle fait ses courses, c’est avec des bocaux vides, qu’elle remplit dans chaque rayon. Elle n’achète aucun produit emballé. Aujourd’hui les patrons des plus grosses industries agro-alimentaires la consultent. Tous les médias se l’arrachent : New York Times, CNN, Fox News… « Zéro déchet », son premier livre sorti aux États-Unis en avril dernier, est un best-seller. Retrouvez toutes ses astuces ici.

Pour le moment aucune collectivité n’adhère au réseau Zero Waste France. Les collectivités ne se sont pas encore manifestées pour conduire un projet basé sur ce concept novateur et audacieux. Pour le rejoindre, c’est ici.

Si le « zéro déchet » vous intéresse vous pouvez acheter votre shampooing bio en vrac ici. La lessive, les céréales, les fruits secs entre autres sont disponibles en vrac dans les magasins du réseau biocoop en France et dans certaines grandes surfaces. Un jour peut-être nous irons acheter notre pizza ou notre déjeuner à emporter chez le traiteur avec nos propres récipients.

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Gastronomie : des crevettes aux criquets !

Durant les fêtes, certains d’entre nous ont mangé des crustacés, des escargots ou des cuisses de grenouilles. La gastronomie européenne s’adonne à de nouvelles aventures depuis quelques années. Maintenant passons à quelque chose de plus croustillant comme des criquets ou de plus moelleux comme des larves. Après tout, les crevettes dont nous raffolons ne sont-elles pas des « insectes » d’eau salée ? 

Qu’est-ce- que l’entomophagie?

L’entomophagie est la consommation d’insectes par les hommes. Cette pratique est courante dans divers pays du monde dans les régions d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine principalement. 2 milliards de personnes complètent leurs régimes alimentaires en mangeant des insectes sur terre et l’entomophagie fait partie de l’alimentation humaine depuis des milliers d’années. Cependant, cette tendance a reçu l’attention des médias que très récemment.

La sécurité alimentaire

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en prévoyance d’une crise majeure qui toucherait le marché des produits alimentaires de base et qui pourrait durer pendant des décennies, conseille à la population mondiale de diversifier ses habitudes alimentaires pour adopter des produits différents tels que les insectes et des produits laitiers issus d’autres animaux que la vache.

repartition etres vivants

http://entomophagietpe.blogspot.fr/

Ils existent plus de 1500 espèces d’insectes comestibles sur Terre et ils sont très riches en protéines. Un tiers de la population mondiale consomme déjà des insectes. La population d’insectes sur Terre est actuellement suffisante pour pouvoir nourrir toute l’espèce humaine et sauver ainsi plusieurs pays de la famine. La barrière psychologique reste néanmoins dure à surmonter, surtout dans les pays occidentaux. L’Ined estime que nous serons entre 10 et 11 milliards d’êtres humains d’ici la fin du siècle. 11 milliards de personnes sur Terre, c’est plus de bouches à nourrir.

Les insectes et l’environnement

Avec le réchauffement climatique, les élevages d’animaux pour leur viande principalement sources de protéine, émettent de larges proportions de gaz à effet de serre. Les insectes paraissent donc une meilleure alternative car ils émettent moins de gaz à effet de serre et de déchets. Ils demandent aussi moins d’espace et une alimentation très basique composée de déchets organiques réduisant ainsi la demande en termes de culture agro-alimentaire pour les nourrir (Maïs, céréales etc.). L’entomoculture peut également être une solution pour nourrir d’autres animaux. Autant de raisons qui sont pour l’intégration des insectes dans nos assiettes.

Boom de l’entomoculture 

La Belgique a autorisé en décembre la consommation de dix insectes dont le Grillon domestique, le criquet migrateur africain, le ver de farine géant, le grillon à ailes courtes ou encore la chenille de la fausse teigne. Les insectes se fraient un chemin dans les assiettes des Européens et même si de plus en plus de pays les accueillent dans leurs gastronomies, le sujet provoque des débats sur les bienfaits des insectes sur le corps humain sur le long terme. Nous ne détenons à ce jour aucune étude mettant hors de cause l’entomophagie.

Le règlement européen Novel food, qui s’applique à l’alimentation humaine, prévoit que les nouveaux aliments doivent faire l’objet d’une évaluation par les Etats membres et l’Autorité européenne de sécurité des aliments, avant qu’une autorisation de mise sur le marché (AMM) soit délivrée par la Commission européenne. Sauf à pouvoir justifier d’une consommation significative avant 1997 en Europe, ce qui leur permettrait d’être directement introduits sur le marché. Or, à ce jour, aucune consommation significative d’un insecte en particulier n’a pu être formellement prouvée et aucune demande d’AMM n’a été reçue ni accordée. Aucune espèce n’est donc, logiquement, autorisée.

L’intérêt grandissant des entrepreneurs français pour cette filière est un catalyseur pour l’évolution des législations françaises. Les législateurs doivent donc trancher sur les questions afin que les entrepreneurs et industriels s’étant déjà lancés dans l’industrie des insectes sachent où aller et que le potentiel de cette filière soit exploité efficacement.

« L’insectivorisme » : nouvelle tendance gastronomique

http://entomophagietpe.blogspot.fr/

Certains frétilleront de plaisir face à cette nouvelle aventure gustative. En termes de valeur nutritionnelle, les termites sont riches en fer, les vers de farine remplis d’acides gras insaturés (Oméga 3 et Oméga 6), et la chitine, qui compose les carapaces des insectes ont d’excellentes propriétés antimicrobiennes. Côté papilles, le chef Danois René Redzepi, qui dirige les cuisines du restaurant Noma à Copenhague, primé meilleur restaurant du monde par la revue britannique Restaurant en 2012, n’hésite pas à glisser quelques fourmis dans ses plats pour les assaisonner (un petit goût de citronnelle), le phénomène fait mouche. En France, vu chez quelques grands noms de la gastronomie et de la pâtisserie : grillons sur un chocolat aux éclats d’amandes et de noisettes chez Sylvain Musquar, chocolatier à Nancy, criquet farci à la truffe pour David Faure, chef étoilé de Nice qui propose dans son restaurant Aphrodite un menu “Alternative Food” à 59 euros. Les insectes servis dans les restaurants agréés sont issus d’une culture saine et respectueuse des normes d’hygiène nécessaires pour produire des insectes propres à la consommation. Attention, certains restaurateurs ont des dérogations, d’autres non, soyez donc prudents.

Pour vous convaincre que ce n’est pas qu’un effet de mode, cliquez ici

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Quelle politique européenne de l’énergie ?

L’Europe a été fondée sur l’idée d’une politique énergétique commune. Pour rappel, la première pierre de l’Union telle que tous la connaissent a été posée le 23 juillet 1951 avec la signature du Traité de Paris qui formait la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Pourtant, aujourd’hui, elle est en panne. Pour André Merlin, Président de MEDGRID[1],  et Président sortant du Conseil de Surveillance du Réseau de Transport de l’Electricité (RTE) « il y a urgence à redéfinir une politique énergétique européenne ». Lors d’un entretien, il nous livre ses explications.


http://www.earthtimes.org/

Au niveau de l’Union européenne, un premier effort de définition de cette politique a été lancé il y a quelques années et concernait principalement trois secteurs : « la création d’un marché de l’électricité et du gaz à l’échelle européenne », « le développement des énergies renouvelables et la lutte contre le réchauffement climatique » avec l’objectif d’accroître fortement « l’efficacité énergétique ». Le chantier d’un marché intérieur de l’énergie a débuté en 1996 à force de « directives successives qui ont permis d’étendre ce marché, marché « pas achevé mais qui existe et qui fonctionne ». Pour ce qui est de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, l’Europe s’est fixée des objectifs en 2008 avec ce qu’on appelle le « 3×20 en 2020 » : « 20% de réduction d’émission de CO2 par rapport à ce qu’elles étaient en 1990, 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen en 2020 et 20% d’amélioration de l’efficacité énergétique. »

 

Toutefois depuis 2008, « trois facteurs principaux ont pesé » sur la politique européenne de l’énergie : « la crise économique et financière » qui a « fait que l’énergie devient un élément déterminant de la compétitivité d’un pays », la « révolution » du gaz de schiste aux États-Unis qui a conduit à des prix du gaz 3 fois moins élevés outre-Atlantique qu’en Europe, attirant les industries énergivores, et « l’accident de Fukushima », qui a conduit à l’arrêt du nucléaire en Allemagne et à terme dans quelques autres pays d’Europe et également au renforcement des normes de sûreté des réacteurs nucléaires ».

Pendant ce temps, en Europe, des centrales à cycles combinés gaz, moins polluantes que les centrales à charbon, ferment car les prix du gaz sont trop élevés. « Et par ailleurs, comme on développe fortement les énergies renouvelables, la durée d’utilisation des centrales au gaz, qui sont le complément naturel par rapport au développement des énergies renouvelables du fait de leur intermittence, se réduit ». Du coup, les pouvoirs publics dans certains États membres tentent de développer un « marché de capacité » qui permettra de valoriser ces moyens de production (les centrales à gaz qui permettent de passer la pointe de consommation pour les rendre en quelque sorte rentables). Pour André Merlin, « il ne faut pas un marché de capacité par État membre mais un marché de capacité à l’échelle européenne ».

 

http://www.france3.fr

Le champs d’éoliennes offshore de Middelgrunden, dans l’Øresund, au large du Danemark

 

« Quant aux énergies renouvelables, l’Europe est en pointe sur leur développement par rapport aux autres régions du monde, d’où l’objectif de 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen en 2020. Aujourd’hui on est à 13%, atteindre 20% en 2020 reste un objectif ambitieux. Ce développement se fait à « prix très élevé » dans certains cas. Par exemple, « on produit de l’électricité solaire en Grèce, à partir de panneaux photovoltaïques installés sur les toits des maisons, au prix d’achat de 540€/MWh, soit 10 fois le prix du marché ». Les surcouts qui en résultent sont ensuite répercutés sur la facture d’électricité des consommateurs et tout particulièrement des consommateurs domestiques. Etant donné la crise que traverse l’Europe, ce mode de développement des énergies renouvelables « ne semble pas soutenable ». Comment donc, dans ce contexte continuer à développer ces énergies renouvelables en Europe ?

D’après André Merlin, « il faut le faire à moindres coûts » en prenant pour modèle les États-Unis où « chaque fournisseur d’électricité fait en sorte que dans son offre d’électricité il y ait une part obligatoire d’énergies renouvelables qui peut d’ailleurs augmenter progressivement dans le temps». Adopter ce modèle, c’est rendre « durable » la politique de développement des énergies vertes, car il évite des bulles spéculatives comme on l’a connu dans le photovoltaïque. Parallèlement, « les énergies renouvelables qui ont un caractère intermittent nécessitent un fort développement des réseaux électriques ; non seulement des réseaux de distribution mais également des réseaux de transport ». Or,  en Europe, ces chantiers sont freinés par « la longueur des procédures d’instruction » et le réseau d’interconnexion européen est « extrêmement en retard ». Rattraper ce retard, est la condition sine qua non de l’achèvement du marché intérieur à l’échelle européenne. Cette démarche « s’inscrit tout à fait dans le cadre du traité de Lisbonne qui prévoit une solidarité énergétique entre les États ».

 

http://www.lemoniteur.fr

« Il y a donc urgence à développer les réseaux électriques et tout particulièrement les réseaux d’interconnexion » comme l’indiquait André Merlin dans le journal La Montagne dans son édition du 30 mai 2013. Sinon, « le marché sera fragmenté avec d’importantes différences de prix et des risques de blackout. L’électricité ne se stocke que difficilement, ou bien indirectement au travers de stations de pompage hydraulique, les batteries électrochimiques ayant encore des coûts trop élevés pour l’équilibrage d’un système électrique de grande taille. « Le réseau électrique, tel qu’il est actuellement, c’est le talon d’Achille de la politique énergétique européenne » résume André Merlin. Le marché du gaz souffre à un degré moindre des mêmes maux.

L’ambition européenne de poursuivre la lutte contre le réchauffement climatique s’est traduite par la publication récente d’un ” Livre vert” par la Commission européenne » qui propose « d’aller vers une réduction encore plus forte des émissions de CO2, passer de 20% en 2020 à 40% en 2030 par rapport à 1990, mais aussi d’envisager d’atteindre 30 % d’énergie renouvelable en 2030 dans le mix énergétique européen. » Dans le contexte économique qui est celui de l’Union européenne aujourd’hui la question est par contre d’évaluer l’impact de ces objectifs sur la compétitivité de l’industrie européenne.

 

Sur le sujet très sensible politiquement des gaz et pétrole de schistes « l’attitude de l’Union européenne telle qu’elle a été adoptée au sommet des chefs d’État qui s’est tenu le 22 mai, qui est de dire que les pays qui veulent s’engager dans l’exploitation de ces ressources indigènes peuvent le faire, parait très réaliste. » La Pologne et le Royaume-Uni se sont donc lancés dans cette voie, ce qui n’empêche pas par ailleurs d’engager à l’échelle européenne des actions de recherche et de développement et réaliser quelques démonstrateurs pour mettre au point des technologies qui préservent encore davantage l’environnement».Il est sans doute possible d’« envisager technologies qui utilisent des produits biodégradables plutôt que des produits chimiques » ou des alternatives à la fracturation hydraulique. La deuxième chose à faire, c’est d’ « évaluer de manière plus précise les réserves, un rapport de parlementaires français sur ce sujet vient de sortir», signé par Christian Bataille et Jean Claude Lenoir. Il le préconise. Personnellement, André Merlin « pense qu’il faut y aller prudemment mais qu’il faut y venir parce que la France est dans une situation économique telle  qu’elle ne peut pas se passer à minima de connaitre l’état de ses réserves » ; elles sont aujourd’hui évaluées à environ 80 ans de consommation de gaz en France au niveau actuel. Mais bien évidemment cette évaluation doit être confortée par des forages conventionnels in situ.

 

Quid de l’efficacité énergétique ? Elle doit être un axe majeur de la politique énergétique européenne » et doit rester un objectif contraignant au sein de l’Union. La directive de 2012 va dans le bon sens, mais « l’efficacité énergétique est une œuvre de longue haleine ». Transports et isolation des bâtiments doivent concentrer les principaux efforts et « l’idée, par exemple, de faire, comme l’avait dit le Premier ministre [ndlr. Jean-Marc Ayrault] lorsqu’il avait pris ses fonctions, des moteurs qui consomment moins de 2l aux 100km, est une excellente idée parce que l’industrie automobile européenne en a la capacité technologique ». Néanmoins, l’efficacité énergétique ne doit se faire « à n’importe quel prix parce qu’il y a certaines mesures qui sont effectivement rentables et d’autres qui le sont beaucoup moins». Ainsi, l’isolation de certains bâtiments anciens peut être coûteuse. « Dans les années d’après-guerre, on a construit de véritables passoires thermiques » or le parc immobilier se renouvèle très lentement. La question se pose donc pour ces logements : faut-il les isoler thermiquement et jusqu’où ? Faut-il au contraire accélérer leur renouvellement ?

 

Propos recueillis par Jean Brousse et Aleksandra Fulmanski


[1] Consortium créé pour favoriser le développement des interconnexions électriques entre le Nord, le Sud et l’Est de la Méditerranée.

 

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ONG environnementales : associations de malfaiteurs ?

http://www.seashipnews.com

Entreprises et organisations environnementales se retrouvent souvent dans une opposition manichéenne. Le bras armé du marché total contre le courage d’une société civile qui agit par le nombre est une de ces fables qui agitent l’imagination. Pourtant, tout n’est pas si rose dans le monde associatif, et notamment parmi les associations écologistes. La légitimité qu’elles tirent de leur combat désintéressé n’est pas nécessairement fondée.

Le 24 juin 2013, Canal+ diffusait un numéro de Special Investigation intitulé « Charity business : les dérives de l’humanitaire » dénonçant les dérives d’associations humanitaires ayant fait de la solidarité un véritable marché à conquérir, avec les arnaques que cela comporte. Parallèlement, le gouvernement, sur la question de la transition énergétique, est complètement inaudible. La lenteur du débat inquiète alors que, pour la première fois depuis au moins 40 ans, le temps énergétique s’est accéléré avec la révolution des gaz de schiste. Les ONG le savent pourtant, mais ne dénoncent pas l’inaction et ne communiquent que peu sur le sujet. Alors que les associations humanitaires se trouvent durement critiquées, les organisations environnementales, qui se montrent incapables de peser sur le débat politique de manière positive, sont épargnées. D’où la question : les organisations environnementales sont-elles réellement les insoupçonnables porte-paroles de l’écologie ?

Recherche fausse association pour lobby effectif, l’exemple des frères Koch

Il y a tout d’abord la longue histoire des intrusions du secteur privé dans un secteur associatif de façade. Les associations n’ont alors rien d’indépendant, rien de civil, rien d’écologiste (mais agissant dans le spectre de l’associatif environnemental, elles valent le coup d’être mentionnées) et rien de vraiment convaincant à proposer. L’exemple le plus symptomatique concerne les frères Koch, milliardaires souriants et texans qui, au beau milieu de leur ranch, possèdent les fonds de Greenwashing[1] les plus importants et les moins discrets du monde. Le New Yorker exposait il y a trois ans les tromperies et le lobbying, derrière une façade civile, auxquels s’adonne la fratrie. Ainsi, le groupe Americans for Prosperity, qui lance chaque année une « croisade » contre l’Agence de protection environnementale américaine (EPA), est présidé par David Koch, lui même régulièrement poursuivi par l’EPA pour les dégâts que son entreprise inflige à la nature. Il avait notamment écopé d’une amende de 35 millions de dollars pour des rejets illégaux de déchets toxiques directement dans des sources d’eau du Minnesota.

Mais Americans for Progress n’est qu’un amuse-bouche. Voilà plus de 35 ans que les frères Koch multiplient les initiatives du genre : création de l’influent think tank[2] libertaire Cato Institute, création de Citizens for a Sound Economy, association de « citoyens » militant contre la régulation étatique (qui ferait passer les enragés du Tea Party pour des communistes et qui a, à l’occasion, été littéralement loué à d’autres lobbies comme Philip Morris[3]), financement du Mercatus Center à l’université George Mason –qui dispense à plusieurs centaines d’élèves la sagesse économique dérégulatrice des frères Koch-, lancement de Concerned Citizens for the Environment –qui, ironiquement, ne comptait aucun citoyen adhérent dans ses rangs et produisait pourtant foule d’analyses contredisant la réalité des pluies acides[4]-, création de l’American Energy Alliance pour tuer dans l’œuf la taxe sur les énergies fossiles voulue par le Président Clinton, financement du parti républicain lors des élections de 1996, démantèlement médiatique du travail du GIEC par plusieurs instituts qu’ils financent dont le Competitive Entreprise Institute, incursion de spécialistes payés par la fratrie au sommet mondial de l’environnement de Copenhague… La liste est longue, le financement cumulé des frères Koch du lobbying anti-climatique étant supérieur à celui d’ExxonMobil. Peuvent être rajoutés, entre autres, la Heritage Foundation, le Manhattan Institute, la Foundation for Research on Economics and the Environment, le Pacific Research Institute et la Tax Foundation.[5]

Des personnalités extrêmement médiatisées et des sponsorings d’entreprise empêchent de penser qu’il s’agit d’un mal purement américain.

En France, cette dérive est la plus évidente et la moins efficace car trop visible et basée sur un courant libertaire qui y a encore relativement peu d’emprise. Mais ne croyez pas que l’Hexagone soit à l’abri du greenwashing. De nombreux soupçons pèsent sur les superstars franchouillardes de l’environnement que sont Yann Arthus-Bertrand (qui dirige la fondation Good Planet) et Nicolas Hulot (de l’association éponyme), par exemple.

La campagne 10 : 10 de Good Planet a par exemple été vivement critiquée. Il s’agissait d’inviter tous les acteurs du réchauffement climatique –du citoyen à la multinationale- à réduire leurs émissions de 10% durant l’année 2010. De nombreuses entreprises ont rejoint l’action et s’en sont publiquement félicitées, afin de se donner une image « verte ». Sauf que l’initiative n’était absolument pas contraignante, qu’elle ne comportait pas de système d’évaluation et que les mesures prises tournaient parfois au ridicule. L’essentiel était ailleurs : pour les entreprises, il fallait participer à cette « campagne de communication massive ».

Il en va de même pour Nicolas Hulot dont la fondation est financée par de grands groupes : EDF, Ibis hôtel, L’Oréal, TF1 pour ne citer qu’eux. Si certains ne sont pas choqués qu’une entreprise puisse financer une association environnementale à telle hauteur, d’autres feront les gros yeux pour au moins deux raisons. D’une part, il est difficile de concevoir que les associations environnementalistes puissent se permettre d’exercer leur rôle de façon impartiale et de fustiger l’action de leurs mécènes (c’est cracher dans la main qui vous nourrit). L’attitude de la Nature Conservancy, l’une des plus grandes associations écologistes au monde, lors de la fuite de pétrole géante dans le Golfe du Mexique causée par une plateforme BP avait notamment étonné plus d’un militant. Le silence de l’association s’expliquait alors par le fait qu’elle avait reçu plus de 10 millions USD de dons de la part de BP à travers les ans. En cherchant rapidement sur internet, on s’aperçoit d’ailleurs que les intérêts personnels pèsent clairement dans la balance : la rémunération moyenne à la fondation Goodplanet est de 4024€ par mois et celle de la Fondation Nicolas Hulot est à 3931€ par mois, bien au-delà des salaires moyens à Paris qui tournent autour de 2700€ mensuels.

http://images.ted.com - Notez la moustache, apanage de José Bové, servant de caution écologique

Le deuxième problème qui se pose est sans doute plus fondamental puisqu’il tient à la base idéologique même de l’environnementalisme. Cette dernière n’est pas construite autour du « consommer mieux » que représente l’économie verte, promue par bon nombre d’acteurs économiques et qui constitue toujours une croissance continue qui ruinerait la planète. La plupart des idéologies écologistes reposent sur un changement des paradigmes économiques, sociétaux et de consommation. Le monde ne peut alors s’imaginer sans un futur où l’homme a changé son rapport même avec la nature au lieu de la commercialiser. Là où le bas blesse, c’est que les entreprises qui financent les fondations environnementalistes sont les champions du capitalisme que combat l’écologie. Accepter les financements –qui relèvent de tout sauf de l’altruisme-, devient symbole d’acceptation voire de confluence avec un système qui n’est pourtant pas viable pour la planète.

Le mal venu de l’intérieur : Greenpeance ou l’ONG qui s’était auto-corrompue.

Il ne faut néanmoins pas voir la main du big business partout dans le monde associatif. Certaines ONG n’ont rien à se reprocher, d’autres n’ont pas besoin de cela pour basculer dans les dérives. Une étude réalisée par « un anarchiste du CRAN » intitulée « Greenpeace, ou la dépossession des luttes écologistes » jette une lumière intéressante sur l’évolution d’une initiative foncièrement sincère à la base en « appareil associatif » gérant ses intérêts comme le ferait une multinationale.

Greenpeace est née en 1971, imaginez la scène : une bande de hippies sur un Zodiac interviennent sur les côtés canadiennes pour empêcher la réalisation d’essais nucléaires américains. Si l’action échoue, le groupe n’en reste pas là et allie les coups d’éclats militants à des techniques journalistiques avancées qui les font connaître du grand public et font croître leur réputation. Seulement, les années passant, l’ONG s’éloigne du vrai mouvement militant pour rentrer dans une organisation digne d’une multinationale. Avec l’explosion du Rainbow Warrior par les services secrets français, les revenus des dons augmentent et Greenpeace se professionnalise. Quand Mac Taggart, ancien entrepreneur, arrive à la présidence de l’association en 1979, c’est le début de la dérive. Greenpeace adopte des techniques managériales de plus en plus poussées : on investit dans la communication, on embauche des responsables non-militants mais au CV fourni, on vend des produits « écolos » pour faire grimper les recettes… Là encore, certains n’y trouveront rien à redire. Mais les associations militantes s’appuient généralement sur une organisation horizontale tandis que Greenpeace a délaissé ses adhérents au profit d’une organisation en pyramide qui profite à un pouvoir centralisé autour du bureau de Greenpeace International d’Amsterdam, ce dernier brassant des centaines de millions d’euros. Cette organisation a pour effet de « déposséder » les militants des luttes écologistes. La direction de l’association met en avant les groupes locaux via sa communication dans un « rite de valorisation publique de l’engagement bénévole » servant à « maintenir l’image d’une association proche des gens, ancrée sur le territoire et imbriquée dans les luttes sociales »[6].

A propos de luttes sociales, on s’amusera également de l’enrôlement de travailleurs précaires pour la récolte de dons. A ceux qui croyaient naïvement que les gens en k-way colorés qui les agressaient dans la rue, armés d’un sourire bien trop gros pour être vrai et d’un « Bonjouuuuuuuuur, vous connaissez Greenpeace ? », étaient des militants écolos purs et durs, il est impossible de se tromper plus. Ce ne sont ni plus ni moins que des étudiants sans le sous, intérimaires ou débauchés par des cabinets spécialisés dans la récolte de dons (si si, ça existe. Greenpeace n’y a pas recours car elle a internalisé cette fonction, mais le WWF par exemple n’hésite pas), payés au lance-pierre, formés aux techniques commerciales et avec des objectifs de signatures bien établis par leur hiérarchie. Pour un groupe censé contribuer à la définition du développement durable, alliance de politiques sociales et environnementales, c’est un peu limite. Pascal Husting, directeur de l’association de 2005 à 2011, se félicitait même d’avoir licencié des militants qui ne s’étaient pas adaptés à la professionnalisation et que « aucun recours devant le conseil des prud’hommes n’a été gagné ».[7]

En grattant un peu plus le vernis, on s’aperçoit donc que tout n’est pas tout rose, même pour des écologistes qui ne tirent par leurs revenus des entreprises. Dans Qui a tué l’écologie, Fabrice Nicolino délivrait sans doute la charge la plus violente contre les associations environnementales, tirant à vue sur tout ce qui bougeait. Alors que tout le monde ne voyait chez WWF que le gentil petit panda (en réalité affreusement agressif), peu se sont efforcés de remonter aux origines de l’association créée en 1961 « par des nobles britanniques dont la motivation était de pouvoir continuer à chasser le grand gibier sauvage en Afrique ». Son système de financement a été monté par Anton Rupert, multimillionnaire sud-africain membre de la Broederbond, club d’hommes riches et influents qui ont tout tenté pour laisser l’Afrique du Sud dans les méandres de l’apartheid.

Le passé est derrière nous ? Peut-être, à ceci près que « le WWF est si proche des intérêts des transnationales qu’elle a accepté de siéger dans des tables rondes avec les industries les pires de la planète pour créer des labels industriels soutenables, sur le soja, les biocarburants ou encore l’huile de palme ».[8]

De la légitimation économique à la légitimation politique. Le pas, franchi, du grenelle de l’environnement.

Au vu de tout ça, on ne s’étonnera guère de l’instrumentalisation politique des associations écologistes. Il y a bien sûr le badaud Hulot, que les hommes politiques français aiment à trimballer de photographe en photographe ; à tel point que dans la cour de l’Elysée, les gardes républicains ne s’étonneraient guère de voir atterrir un ULM ou une montgolfière made in Ushaïa nature. Mais l’œil avisé ne s’y laisse pas prendre ; alors le gouvernement Sarkozy a réuni toutes les associations « vertes » dans ce grand coup médiatique que fut le grenelle de l’environnement pour achever de convaincre les sceptiques. Les associations devenaient alors un faire-valoir écologique à des mesures pro-business. Agnès Sinaï expliquait dans le Monde diplomatique de novembre 2008 que « entre les propositions initiales et le texte final de la « loi d’accélération de la mutation environnementale » (sic) débattue au parlement, les ONG se sont vu confisquer le processus. Instrumentalisées au service d’un système de décision dans lequel elles n’auront pas le dernier mot, elles sont devenues les témoins passifs d’arbitrages technocratiques pris en réunions interministérielles par des hauts fonctionnaires et des acteurs économiques, pollueurs et bétonneurs d’hier et d’aujourd’hui ». Sauf qu’il est un peu trop facile de désigner les associations comme des victimes et non pas comme des complices avisés.

http://www.econov.eu/

Depuis le Millemium Ecosystem Assesment lancé par le Secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en 2001, la sphère écologiste sait que les initiatives gouvernementales ne se structurent qu’autour du « business vert », considéré comme un moteur de croissance. Il est compréhensible que le grenelle de l’environnement aurait pu être, pour elles, un moyen de prêcher autre chose que cette fuite en avant; mais elles auraient dû voir que « ce montage ne sert en réalité qu’à accréditer et préparer des mesures de subventionnement du business ». Surtout que le gouvernement avait invité toutes les associations, sauf celles qui abordaient des thèmes polémiques (OGM, publicité, nucléaire, décroissance, nanotechnologies, toxicité chimique…) et étaient susceptibles de râler, aux côtés de syndicats ouvertement anti-écologie. Le débat était donc clos avant même d’avoir commencé et les marges de négociation des associations étaient nulles. Aucun intérêt de participer donc à une opération de communication délibérée et sans enjeux, si ce n’est gratter quelques subventions.

Comme le montrait le « Charity business : les dérives de l’humanitaire », les associations ne sont pas toutes les avocats altruistes d’une planète victime des déprédations du capitalisme qu’elles annoncent être et beaucoup, si ce n’est presque toutes, ont cédé aux sirènes du gain financier. L’associatif est devenu un business reposant sur les dons des particuliers mais également sur la vente d’une légitimité écologique perdue par les entreprises et les politiques : elles créent des labels verts pour la commercialisation de certains produits, affichent leurs sponsors contre des mécénats juteux, certifient des entreprises et participent à des actions gouvernementales pour décrocher des subventions. Ainsi, France nature environnement fonctionne à 65% sur des financements publics tandis que « Friends of the Earth est généreusement subventionnée par la Fondation Rockefeller (1.427.500 dollars de 1994 à 2001 et plus ensuite) et la Fondation Turner (425.000 dollars de 1996 à 2002) ».[9] Comment, dans ce cas, ne pas douter de l’indépendance et de la vocation purement écologiste de ces associations ?

 

Florian Tetu


[1] Le Greenwashing consiste à donner une image « verte » à quelque chose qui ne l’est pas ou, dans le cas des frères Koch, communiquer sur un déni de réalité écologique et climatique.

[2] Un temps appelés en France « laboratoires d’idées », les think tanks sont des instituts d’analyse qui ont pour but d’offrir des pistes de réflexion alternatives et d’influencer les gouvernants ainsi que les citoyens.

[7] Le Nouvel Economiste, 8 décembre 2010.

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Impact du débat national sur la transition énergétique : coût, compétitivité, emplois

lacroix.com

Le débat sur la transition énergétique, lancé en septembre 2012 par le président François Hollande par le biais de Delphine Batho, la ministre de l’Ecologie, vient de franchir une nouvelle étape, le 23 mai dernier, avec le rendu des rapports au Conseil national du débat des trois groupes de travail portant sur « le financement » de la transition, « le mix énergétique » et « la compétitivité ».

Ce débat, rappelons-le, prévoit l’élaboration, en juillet, d’une loi sur la transition énergétique, suite aux remises des conclusions régionales et nationales au gouvernement, prévues le 18 juillet. Le gouvernement présentera alors cette loi à l’automne 2013 au Parlement ; celle-ci devrait, à priori, répondre aux objectifs annoncés par le Président Hollande de réduire notre consommation d’énergie d’origine nucléaire de 75% à 50% d’ici 2025. En outre, l’objectif européen que la France s’est engagée à tenir contre le changement climatique, d’ici 2050, est le dénommé Facteur 4, la réduction par 4 de notre consommation d’énergie.

 

Les scénarios et les propositions des associations et ONG

Plusieurs scénarios dont ceux de l’association Négawatt et de l’ADEME, répondant tous deux à l’objectif européen fixé pour 2050, prévoient, grâce à la transition énergétique et notamment le développement dans les énergies renouvelables, un effet très positif sur l’emploi. En effet, une étude réalisée le 29 mars dernier par Philippe Quirion, chercheur au Cired, Centre International de Recherche sur l’Environnement et le développement, a révélé que la mise en œuvre du scénario Négawatt 2011-2050 aboutirait à un effet positif sur l’emploi, de l’ordre de +240 000 emplois équivalent temps-plein en 2020 et 630 000 en 2030. Ce scénario repose notamment sur « une forte réduction de la consommation d’énergie, un développement massif des énergies renouvelables et un abandon complet du nucléaire en 2033 ».

Toutefois, ils ont souligné que cette étude n’avait pas pour but de « répondre à la question réductrice » qu’est celle portant sur le coût de cette transition.

Car cette question du financement, particulièrement épineuse, s’est posée pour nombre de contributeurs au débat, mais aussi pour le Ministère de l’Ecologie : sur son site, ouvert à cet effet, ce dernier donne très peu d’éléments à ce sujet.

En revanche, l’association WWF France a proposé de financer la transition énergétique en créant le TESEN, « un fonds indépendant pour la Transition énergétique et une sortie équitable du nucléaire » géré par la Caisse des Dépôts et a avancé que « le démantèlement des centrales nucléaires coûterait entre 300 et 400 milliards d’euros » dans les vingt à trente prochaines années.

L’ONG Greenpeace, qui boycotte le débat en raison d’ « un manque de confiance dans la volonté du gouvernement de réussir la transition énergétique », a elle aussi proposé son scénario et anticipé que les investissements nécessaires à la transition sont ceux d’un scénario tendanciel : le scénario est estimé à 490 millions d’euros entre 2011 et 2050 et à un coût de la production d’électricité identique, avec le temps, dans la part des énergies renouvelables.

Le groupe, portant sur « le financement » réuni le 23 mai, a notamment proposé d’utiliser les fonds de la Banque Publique d’Investissement (BPI), banque créée par le gouvernement Ayrault, le 31 décembre 2012. Il a en outre proposé qu’une partie des fonds gérés par la Caisse des dépôts soit « mis à la disposition d’opérateurs décentralisés des collectivités et d’Oséo garanties (BPI) pour assurer le développement des garanties sur prêts bancaires auprès des TPE/PME consentis au profit de la transition énergétique ».

Face aux nombreuses dissensions exprimées au sein du groupe, Mathieu Orphelin, co-rapporteur de ces travaux, a assuré que « les scénarios les plus ambitieux se rentabilisent en moins de quinze ans et permettent même d’économiser jusqu’à 145 milliards d’euros par an sur la facture énergétique en 2050 ».

Autrement, selon Philippe Collet, rédacteur d’actu-environnement, « aucun des scénarios ne prévoient une réduction du PIB » et tous prévoient « une croissance relative de sa part ».

Autres rendus des rapports des groupes d’experts

developpement-durable.gouv.fr

Concernant le prochain bouquet énergétique du pays, le groupe, dédié à ce sujet, a proposé, « faute d’avoir trouvé un consensus », quatre scénarios regroupant les idées majeures de chaque partie prenante du débat. Pour chacun, le groupe a estimé le coût d’investissement qu’il représenterait pour le pays.

Le scénario, intitulé « décarboné », donne la priorité au nucléaire et au gaz de schiste  en augmentant considérablement la part du nucléaire, passant à près de 65%, contre 42% actuellement (il ne répond donc pas à l’objectif de François Hollande), il est estimé entre 49 et 57 milliards d’euros par an (contre 37 milliards en 2012) ; le scénario intitulé « sobriété », tout aussi extrême, présente une sortie du nucléaire d’ici 2050 avec une baisse de 50% de la demande d’énergie, son coût est élevé entre 62 à 69 milliards d’euros par an ; le scénario « efficacité », estimé entre 56 à 63 milliards d’euros annuels, retient « une baisse de 50% de la demande globale mais un rôle accru de l’électricité » ; enfin le scénario « diversité », estimé entre 48 et 51 milliards d’euros par an, est basé sur « une baisse de 20% de la demande, avec une taxe carbone, une hypothèse de croissance moyenne médiane (1,7%) et le remplacement partiel du parc nucléaire ».

Le groupe a également divergé de point de vue quant au coût du mégawattheure nucléaire à venir : selon les experts, celui-ci a varié de 60 à 120 euros.

De son côté, le groupe des entreprises, par la voix du Medef, défend actuellement la place du nucléaire dans le futur mix énergétique, au nom de la compétitivité, de l’emploi, et de la très bonne place du pays en matière d’émission de CO2. Ce groupe, comptant 130 entreprises, parmi lesquelles EDF, Alstom, Areva, a avancé qu’« une énergie trop chère en France pousserait à la délocalisation vers des marchés où l’énergie est meilleur marché ». Ils affirment que toutes les énergies seront nécessaires (les énergies fossiles, renouvelables et le nucléaire).

Le groupe sur les énergies renouvelables, de son côté, n’a pas réussi à trancher l’épineuse question du financement, lors de la remise de son rapport, le 25 avril dernier.

 

En conclusion

A deux mois de la remise des conclusions au gouvernement et alors que chaque partie prenante semble camper sur ses positions, et que la ministre Delphine Batho a prévenu que si les groupes n’arrivaient pas à trouver des consensus, ce serait au Président François Hollande de trancher sur ces questions, l’aboutissement du débat laisse perplexe…

Nombre de contributeurs au débat plaident « l’attente » concernant la transition énergétique du pays en arguant que la France compte parmi les pays les moins émetteurs en CO2 à hauteur de moins de 2% émis au niveau mondial. Alors que la crise économique française touche durement l’emploi et la compétitivité du pays et que notre population est appelée à croître, plusieurs questions se posent : doit-on s’engager dès-à-présent dans une transition qui suppose un abandon progressif du nucléaire au profit des énergies dites renouvelables ? La France a-t-elle les moyens de financer la transition énergétique ? Quelles sont les leçons à tirer de la transition allemande, laquelle ne semble pas si « parfaite », notamment avec l’annonce d’une facture s’élevant à 1000 milliards d’euros d’ici 2030-2040 pour la seule sortie du nucléaire ? L’Allemagne a compensé, en outre, sa sortie du nucléaire par une utilisation massive du charbon, dont l’impact environnemental est incontestable…

Certains plaident que nous n’avons pas les moyens de nos ambitions alors que d’autres arguent que la transition énergétique serait bénéfique pour la relance de l’économie du pays, l’emploi et l’environnement. Mais qu’en sera-t-il ? Les experts du débat, n’arrivant pas à se décider sur de nombreux points, notamment sur le bouquet énergétique et le financement, ce sera en dernier lieu à notre président de trancher. Peut-être a-t-il déjà les réponses aux questions depuis un moment d’ailleurs…

Tous semblent néanmoins admettre que, si la France prend la décision de s’engager sur le chemin de la transition énergétique, la facture énergétique des ménages français devrait alors en pâtir avec une hausse considérable, et ceci outre l’augmentation déjà programmée par EDF de 30% de l’électricité d’ici 2017. Car, il est bon de noter que notre facture énergétique compte aujourd’hui parmi les plus faibles en Europe. Finalement, la décision reposerait-elle sur un pacte européen en matière de transition énergétique avec une harmonisation du mix énergétique et des factures électriques ?

 

Un sujet épineux, n’est-ce pas ?

Abid Mouna

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Le cercle vicieux du gaspillage alimentaire

Chaque année vous jetez 20 kilos d’aliments par an, soit entre 500 et 1500€ de nourriture encore consommable. Moi aussi. C’est en tout cas ce que révèlent les chiffres 2012 de France Nature Environnement. Impossible ? Non, mais un gaspillage inconscient, plus probablement.

http://www.rue89.com/rue89-planete/2011/12/30/en-suisse-les-freegans-se-nourrissent-de-nos-gaspillages-227935

De prime abord, lorsque l’on parle de gaspillage alimentaire, on pense rapidement à ces poubelles proches des supermarchés qui débordent de nourriture. On pense aussi à cet employé de Monoprix à Marseille qui s’était fait licencier en 2011 alors qu’il récupérait les aliments jetés par la grande surface pour laquelle il travaillait. On pense à ce geste devenu instinctif des employés de la restauration scolaire, qui vident les assiettes des collégiens et lycéens alors que celles-ci sont parfois à peine touchées.

Et on a raison de le penser.

Pourtant le gaspillage, ce n’est pas que « les autres », c’est aussi nous, chaque jour, à la maison comme au supermarché en faisant nos courses.

Comment ? Essayons d’y réfléchir un peu.

Je pousse mon lourd caddy dans le rayon bien rempli de mon supermarché habituel, bien décidée à aller acheter de quoi préparer ma moussaka, considérant que j’ai déjà de la viande hachée dans mon congélateur.

Commençons par les légumes. Quatre aubergines mûres à point, une belle grappe de tomates, quatre oignons. Me voilà devant les étals.

http://www.gpspassion.com

Je choisis avec soin mes aubergines, il faut qu’elles soient longues pour faire de belles tranches. Ca y est je les ai choisies. En fait non, celle-ci est tachetée, elle doit être abîmée, je la repose.

Bien, passons aux tomates maintenant. Cette grappe est parfaite, les tomates sont bien rondes, bien rouges. Je vais prendre deux grappes en fait, les tomates, ça se mange toujours.

Les oignons maintenant, tiens c’est moins cher si je prends un filet de 1kg, parfait, l’affaire est faite.

Arrêtons-nous là tout d’abord.

  • Oui, cette aubergine est tachetée, alors je ne l’achète pas. Et le consommateur derrière moi la poussera sur le côté également. Et les employés la jetteront le soir même parce qu’ils savent que personne n’en voudra.

Cette aubergine pourtant est tachetée, juste tachetée. Ca ne présage pas nécessairement de son mauvais goût. De plus, on mange rarement les aubergines crues, alors une fois bien cuite dans une moussaka, qu’elle soit un peu molle ou tachetée au départ, ça ne changera pas grand-chose à la qualité de notre plat.

  • De la même manière, j’ai pris soin de prendre les plus « belles » grappes de tomates. Parce que quoi qu’on en dise, on le fait tous, naturellement. Nous avons en quelque sorte intériorisé, que beau légume = bon légume. Pourtant, les tomates du potager de votre vieil oncle qui habite à la campagne ne sont pas aussi rouges, pas aussi rondes. D’ailleurs, pas sûr que vous les auriez choisies parmi les autres tomates du supermarché. Pourtant elles, elles ne sont pas traitées.Je prends deux grappes, parce que c’est vrai que des tomates ça se mange facilement : dans un gratin, sur une tarte, une quiche, en salade, farcies. Mais en fait, je n’ai prévu que de faire une moussaka ce soir. Et demain je mange au restaurant, et après-demain j’aurai envie de commander chinois, et après-après-demain j’aurai oublié ces tomates qui « se mangent toujours », et dans une semaine je les retrouverai au fond de mon bac à légumes, immangeables.
  • En tant que consommatrice rationnelle j’ai choisi de prendre un filet de 1 kg d’oignons. Au kilo ça me revenait moins cher, alors suite à un petit calcul « coût-avantage » que j’ai aussi bien intériorisé que « beau = bon », je prends le filet. Mais les oignons, ça reste un condiment, qui se cuisine, qui demande du temps. Du temps, je n’en ai pas toujours, ou je ne le prends pas toujours. Alors ces oignons, je finirai sans doute par les jeter d’ici trois semaines, parce que j’estimerai qu’ils ne sont plus comestibles.

RIP aubergines, tomates, et oignons.

 

 

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Reprenons nos courses. Il me faut également de quoi faire une béchamel. Du beurre, du lait … Mince, il me semble bien qu’il reste du beurre dans le frigo, mais en aurais-je assez ? Mieux vaut en prendre dans le doute, ce serait trop bête de devoir aller chez l’épicier du coin s’il m’en manque au dernier moment, surtout que je le paierais au prix fort. Un peu de fromage aussi, du gruyère pour faire gratiner tout ça, et de la mozarella pour donner de l’onctuosité, juste un petit peu, je finirai ce qu’il reste en salade avec les tomates.

Tiens, pendant que je suis dans le rayon des produits frais je vais prendre aussi des yaourts, je n’en ai plus beaucoup. Je commence à pousser tous les paquets afin d’arriver tout au bout de l’étagère, car je ne veux pas gâcher, je n’en mange qu’un par jour donc autant prendre le paquet dont la date de péremption est la plus éloignée. Oh et je vais prendre ces mousses au chocolat, pour le dessert.

Faisons une petite pause.

  • En rentrant chez moi je vais m’apercevoir que j’avais déjà du beurre entamé, et même une plaquette au fond du frigo que j’avais oubliée. Elle doit dater de plusieurs semaines, et mon frigo est petit, alors tant pis, je la jette.
  • En faisant ma moussaka je vais me rendre compte que c’est déjà un plat fort gras, alors je vais y aller doucement sur la mozarella, et n’utiliser qu’une demi-boule de fromage. Ces paquets plein de jus ne sont guère pratiques, d’ici trois jours je le renverserai sans faire exprès, en voulant attraper mon yaourt. Je râlerai, épongerai, et finirai par jeter cette mozarella restante et parfaitement comestible.
  • En rangeant mes yaourts dans mon frigo, je vérifierai la date de péremption de ceux qu’ils me restent. Je les jetterai car celle-ci est dépassée. Je ne vais pas risquer de m’empoisonner alors même que j’en ai des frais, non ? Pourtant, j’avais fait la même chose en les achetant, j’avais prix le paquet de 12 yaourts dont la date de péremption était la plus éloignée.
  • Nous ne sommes que deux à manger ce soir. Mais ma recette de moussaka est pour quatre personnes. Alors je mettrai les restes dans un Tupperware, que je placerai dans le frigo et que je finirai… Pas demain car je vais restaurant, ni après-demain car je mangerai chinois… Et dans trois jours je considérerai sans doute que sa fraîcheur est douteuse, surtout qu’il y a de la viande dedans.

RIP moussaka restante, yaourts, beurre, et mozarrella qui a eu le culot de se renverser dans mon frigo.

 

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J’ai tout ce qui me faut pour ma moussaka et mon repas de ce soir, mais je vais tout de même faire un tour pour voir si je tombe sur quelque chose qui pourrait m’être utile. Après tout, je ne viens dans cette grande surface à six arrêts de métro de chez moi qu’une fois par semaine, alors autant en profiter.

Je vais acheter beaucoup de choses, qui me font envie sur le moment, parce que je suis dans cette grande surface et que c’est donc une occasion que je n’ai pas le temps de reproduire tous les deux jours, parce que j’ai peur de manquer, parce que je veux faire plaisir à mes proches.

Et chaque année, je jette entre 500 et 1500€ de nourriture, alors même que j’ai horreur de jeter de la nourriture. Et chaque année, vous jetez entre 500 et 1500€ de nourriture, alors même que vous avez horreur de jeter de la nourriture.

Mais nous autres consommateurs ne sommes pas les seuls acteurs de ce gaspillage.

Évidemment, les distributeurs ont bien compris que les consommateurs sont rationnels et exigeants.

Tous les matins les employés jetteront immédiatement tous les produits dont la date de péremption se rapproche dangereusement. Enfin, dangereusement, question de point de vue. Dans beaucoup de grandes surfaces, les employés font un tri drastique tous les matins avant l’ouverture :

– les produits traiteur sont enlevés deux jours avant la date de péremption ;

– la charcuterie est enlevée cinq jours avant la date de péremption ;

– les yaourts sont enlevés six jours avant la date de péremption.

Pourquoi ? Parce que les distributeurs connaissent la technique des consommateurs qui consiste à sélectionner les produits qui se périment dans un long laps de temps, alors ils savent qu’ils ne pourront pas vendre ceux qui se périment dans un ou deux jours. De plus, la plupart des supermarchés font cela, or la concurrence est grande sur le marché de l’agroalimentaire, alors il faut s’aligner.

Par ailleurs, ils n’agréeront que les fruits et légumes aux lignes lisses, à la couleur éclatante, à la « normalité » incontestable. Les fruits et légumes qui ne passent pas le concours d’entrée seront renvoyés à l’envoyeur et devenus invendables après deux trajets en camion.

Par crainte de voir le fruit de leur production leur revenir, les producteurs mettront tout en œuvre pour que leurs légumes soient parfaits : ils seront retouchés pour être d’une taille égale, pas trop gros, beaucoup seront directement écartés car leur forme ne rentre pas dans la norme.

Le diktat de la norme, voire de la beauté, il semblerait que même les légumes n’y échappent pas. Un diktat imposé par les consommateurs, encouragé par les distributeurs, suivi par les producteurs, avec comme résultat principal un gaspillage alimentaire irréaliste et pourtant bien réel.

 

http://nacreates.blogspot.fr/2011/07/un-lapin-dans-le-jardin.html

Mais ne vous sentez pas pour autant affreusement coupable, car en premier lieu les choix que nous effectuons au moment de nos courses en supermarché sont inconscients, ou somme toute rationnels. De plus, il y a également derrière ce gaspillage, une logique économique à laquelle nous n’échappons plus guère aujourd’hui.

Intéressons-nous à ces fameuses dates de péremption. Elles sont anxiogènes pour un bon nombre de consommateurs et certains industriels ne se privent pas d’exploiter cette crainte.

Il faut tout d’abord faire la distinction entre la DLC et la DLUO :

– La DLC correspond à la date limite de consommation. Elle s’applique à tous les produits frais. Une fois cette date dépassée (et elle est généralement courte) on considère que ces produits représentent un risque réel pour la santé humaine.

– La DLUO correspond quant à elle à la date limite d’utilisation optimale, celle que nous apparentons souvent à « consommer de préférence avant le » et que l’on retrouve sur les produits dits plutôt d’épicerie comme les pâtes, le riz, des boîtes de conserve ou encore des céréales.

 

http://vivresimplement.webou.net

Deux problèmes sont liés à ces dates de consommation.

Tout d’abord, la DLUO ne correspond en fait … pas à grand-chose. Un paquet de pâtes aura une date de DLUO portant son existence à environ cinq ans. Alors qu’en réalité, on pourrait encore les cuisiner d’ici 25 ans et peut-être plus. Les produits secs ne se « périment » pas. Replantez un grain de blé qui a été conservé à l’abri de la lumière pendant des centaines d’années, et il re-germera, l’expérience a déjà été faite. D’ailleurs la loi française permet de commercialiser les produits à DLUO dépassée, seulement la grande distribution ne le fait pas, pour des questions d’image.

Venons-en maintenant à la DLC. Puisqu’elle concerne les produits frais on pourrait penser qu’elle demande à être suivie scrupuleusement. Pour la viande ou le poisson, rien à redire, mieux vaut être tatillon. Pour les yaourts par contre, les industriels ont pris l’habitude de se protéger, un peu trop.

En France aucune règle ne fixe la DLC, c’est l’industriel qui a ce seul pouvoir décisionnaire, et qui est de ce fait responsable en cas de problème, voilà pourquoi il se protège. Mais en réalité, au-delà de la date on consomme le yaourt dans les mêmes qualités et ce pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Comment font les industriels pour fixer la DLC ? Ils réalisent des tests sur certains yaourts, et vérifient l’aspect, l’odeur, il faut qu’il ait conservé son goût initial et qu’il soit visuellement conforme. Mais lorsqu’ils calculent la date de péremption, ils prennent en compte le temps nécessaire pour vendre le plus de yaourts possibles et celui nécessaire pour re-remplir leurs stocks. D’ailleurs, lorsque les industriels doivent exporter des produits frais comme des yaourts, ils comptabilisent le temps de transport lorsqu’ils calculent la date de péremption, si bien que cette dernière est bien souvent doublée, pour des nécessités économiques.

 

Si le problème est maintenant posé, n’en restons pas à ce constat assez défaitiste et voyons plutôt les solutions envisageables.

Tout d’abord, des actions sont déjà menées pour tenter de rompre le cercle vicieux du gaspillage alimentaire.

  • Sur le plan national, la France s’est fixé l’objectif de réduire le gaspillage de 50% d’ici 2025. Une large campagne de sensibilisation a été lancée. De la même façon que les campagnes de santé publique centrées sur le tabac ont cherché à faire prendre conscience aux fumeurs des conséquences de leur pratique sur leur propre santé et sur celles de leur proche, le gouvernement cherche aujourd’hui à conscientiser les Français : non, beau ne veut pas nécessairement dire bon, et pourtant nous sommes les premiers à repousser un fruit ou légume à l’apparence imparfaite.

 

 

Campagne nationale de sensibilisation au gaspillage alimentaire

 

  • Plusieurs associations sont également très actives et récoltent les denrées alimentaires jetées par les distributeurs ou lors des marchés.
  • Certaines enseignes de la grande distribution s’engagent également dans la lutte contre le gaspillage.Monoprix par exemple a mis au point une stratégie anti-gaspillage axée sur plusieurs grandes mesures :

– limiter les volumes dans les promotions ;

– améliorer la gestion du magasin ;

– développer les dons aux associations ;

– sensibiliser le client ;

– conditionner les produits de manière à se rapprocher le plus possible des besoins du consommateur.

 

C’est un premier pas important, mais d’autres voies pourraient être possibles.

  • Nous l’avons vu, la date de péremption est l’un des éléments déclencheurs du gaspillage alimentaire.

– Il serait tout d’abord possible d’agir sur la différenciation entre DLUO et DLC puisque beaucoup de consommateurs les confondent. Certaines enseignes du Royaume Uni s’efforcent alors de rendre moins visible la DLUO, alors que l’association CCLV préconise de faciliter la distinction entre les deux en mettant par exemple au point des étiquettes de couleurs différentes. Le tout demandant évidemment un effort pédagogique et informatif qui pourrait faire l’objet d’une campagne de communication.

– Du côté des producteurs et industriels, une réglementation pourrait permettre de limiter des dates de péremption exagérément courtes, surtout lorsque l’on sait qu’il est possible d’ « allonger » – et ce sans aucun risque pour la santé – certaines dates de péremption pour des nécessités économiques d’exportation.

– Enfin, les distributeurs pourraient également se soumettre à une réglementation limitant le tri exagéré des produits ayant eu lieu tous les matins, ou au moins les mettre de côté pour que certains consommateurs puissent les acheter à prix réduits. Car si la « charte fraîcheur » oblige les distributeurs qui y adhèrent à jeter par exemple la charcuterie six jours avant la date de péremption, il n’est pas certain que tous les consommateurs adhèrent eux-mêmes à ces pratiques.

 

  • Les emballages pourraient également être repensés afin de limiter le gaspillage.

– En Angleterre par exemple, la chaîne Marks and Spencer ne vend plus ses fraises dans de simples barquettes, mais dans un conditionnement particulier fait d’une bande d’argile et de minéraux venant absorber l’éthylène, permettant ainsi d’augmenter le temps de conservation des fruits de deux jours.

– Toujours en Grande Bretagne, c’est cette fois l’université de Dublin qui a présenté un emballage capable de repérer l’état de décomposition du poisson et de fruits de mer. Cet emballage change alors de couleur en fonction de cet état, ce qui donne une parfait visibilité de la fraîcheur du produit aux consommateurs.

– Enfin, il serait probablement souhaitable d’encourager la vente de produits à l’unité ou dans des conditionnements moins grands.

Ainsi, si les produits laitiers sont parmi les produits les plus jetés à cause d’un dépassement de la date de péremption, cela s’explique probablement en partie car les yaourts sont vendus par huit ou plus, ou parce que les bouteilles de lait sont vendues dans des formats de 1L alors même que le lait peut rapidement tourner. En optant donc pour de la vente au détail pour les yaourts, et pour des formats plus petits pour le lait, les produits laitiers seraient sans doute moins massivement gaspillés.

 

 

Yaourts à l'unité vendus en Allemagne

 

Ce sont enfin des habitudes de la vie de tous les jours qui sont à revoir.

– Très simplement, beaucoup de consommateurs ne pensent pas à la congélation. Or, plutôt que de garder votre reste de moussaka pendant des jours alors même qu’il n’est pas particulièrement agréable de manger la même chose pendant une semaine, pensez à faire une barquette de votre reste de moussaka et à le congeler. Vous éviterez ainsi du gaspillage, et serez sans doute particulièrement content de trouver votre barquette prête à être dégustée deux semaines plus tard en rentrant tard du travail.

– Les supermarchés sont de toute évidence un appel à l’achat inutile : les promotions vous incitant à acheter plus pour payer moins sont bien souvent à l’origine de votre poubelle débordant de denrées alimentaires abîmées. De plus, la multiplicité des produits, des marques, ou même du packaging ne font que vous tenter davantage. Pour éviter cela, pensez simplement à faire une liste précise des produits dont vous avez besoin, et à faire un état des lieux de vos placards et réfrigérateur avant d’établir cette liste : oui, il y a suffisamment de beurre pour faire une béchamel et pour vos petits déjeuners de la semaine, il n’est donc pas nécessaire d’en racheter.

Pour vous en tenir à votre liste, favorisez également les magasins que vous connaissez bien afin d’aller directement à l’essentiel plutôt que de risquer de vous perdre dans des rayons divers et variés qui finiraient par remplir votre caddy bien plus que ce qui était prévu.

– Enfin, surveillez votre frigo puisque c’est bien souvent là que les tomates finissent par pourrir et vos yaourts par périmer :

  • Pensez tout d’abord à sortir les fruits et légumes de leurs sacs plastiques avant de les mettre dans le bac à légumes.
  • Mettez sur le devant de l’étagère les produits qui vont se périmer rapidement.
  • Ne couvrez pas vos restes d’un papier aluminium ou d’un couvercle de tupperware : le papier film vous permettra de voir à travers votre récipient, et ainsi de vous souvenir du reste de moussaka.
  • Cherchez à utiliser vos produits plutôt qu’à en utiliser de nouveaux. Il existe par exemple des sites internet qui vous permettent de trouver des recettes de cuisine adaptées aux restes de votre frigo.

 

Le gaspillage est un cercle vicieux dont les acteurs sont nombreux. Le côté positif de cela ? Des progrès sont possibles à tous les niveaux, et nous autres consommateurs en sommes un essentiel. Alors pensez y lors de vos prochaines courses, avant de repousser cette tomate à deux têtes, ou avant de vous ruer sur le filet de 1,5 kg de tomates en promotion. Parce que non, les tomates, « ça [ne] se mange [pas] toujours ».

 

Eve-Anaelle Blandin

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