La Rhétorique de la transition énergétique

voiture_electrique_nucleaire_grandSégolène Royal l’a annoncé, le gouvernement s’apprête à lancer en « procédure accélérée » le projet de loi dit de « la transition énergétique pour la croissance verte » qui passera le 1er octobre à l’Assemblée nationale. La première mesure d’avenir de la France pour ce millénaire aurait pu se faire sous nos yeux en  réduisant – pour de vrai – la part du nucléaire dans le mix électrique national  de 75% à 50%  d’ici 2025. Et ce gouvernement aurait pu au fond avoir une once de vision d’avenir ou même une once de scrupule pour ses électeurs écologistes. Mais inutile de se réjouir : pas une seule centrale nucléaire ne sera fermée.

Pour atteindre les objectifs des promesses de campagnes (réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire), des dizaines de milliers d’éoliennes subventionnées seront construites et fonctionneront à plein régime aux côtés des centrales nucléaires. Mais en construisant 100 à 150% de moyens de production énergétique supplémentaires dans un pays où la population augmente assez peu, ne risquons-nous pas d’augmenter la surproduction d’une énergie non stockable? Les industriels de l’énergie ont bien sûr réfléchi à cette question avant nous. Ils ont même proposé un accord astucieux au gouvernement : un accord gagnant-gagnant … pour le gouvernement et les industries, qui consistera à augmenter de 100 à 150% la consommation électrique en France.

La clé de cet accord : la voiture électrique, cet engin qui ne pollue pas, en tout cas de façon visible. Car si le gouvernement développe la voiture électrique pour donner un nouveau sens au secteur nucléaire, cela veut dire que celle-ci produit directement des déchets nucléaires indestructibles et nocifs pour des millions d’années en plus de contribuer au pillage des mines d’uranium du Niger et d’émettre des gaz à effet de serre au cours du transport de ce minerai.

Par le biais de la loi dite “de transition énergétique”, le gouvernement s’apprête non seulement à offrir des dizaines de milliards aux industriels de l’automobile électrique mais également des privilèges uniques aux seuls CSP+ utilisant le système de véhicule électrique. En effet, les utilisateurs du réseau électrique bénéficient déjà à Paris de places de parking gratuites et réservées ainsi que de pleins de leur batteries aux frais de la collectivité. Si vous soutenez malgré tout la voiture électrique (dans son état d’avancement actuel), une étude de l’Ademe montre que celle-ci n’est pour le moment pas plus vertueuse que la voiture thermique et cela même concernant les émissions de CO2. On attendra donc que l’État regarde vers de vrais projets d’avenir comme peut être les moteurs à air comprimé.

Faire croire à un geste environnemental en maintenant le nucléaire et en subventionnant l’augmentation de la consommation d’énergie, c’est le tour de force unique qu’aura réussi à réaliser le gouvernement socialiste. « De toutes façons sur le papier nous aurons atteint la part de 75% à 50%  de nucléaire dans le mix électrique national » pensent-ils bien trop fort.

Hormis le nucléaire on remarque également que la réforme du code minier et le projet de loi sur la biodiversité semblent passer à la trappe. Mais enfin, tout n’est pas à jeter dans ce projet de loi : si l’essentiel de celui-ci a un gout amer de trahison, on salue tout de même le projet de normes pour la construction d’édifices publics à « énergie positive » et les quelques points concernant la préservation des terres agricoles et les ressources en eau. Quelle drôle de chose que ce mot « transition énergétique » qui sonne comme le mot « révolution » et qui comme en 1789 ne changera au fond que les apparences. Comme le disait le comte de Lampedusa dans le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

Sources :

http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/geopolitique-de-l-energie-thematique_89429/nucleaire-solaire-le-gouvernement-francais-sait-il-vraiment-ce-qu-il-veut-article_287937/

http://blogs.mediapart.fr/edition/nucleaire-lenjeu-en-vaut-il-la-chandelle-pour-lhumanite/article/100914/voiture-electrique-nucleaire-bluecub-retire

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20131204trib000799310/le-vehicule-electrique-pas-si-ecologique-que-ca-.html

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Royaume Uni et Allemagne, précurseurs de l’exploitation du gaz de schiste en Europe ?

Profitant de la crise en Ukraine pour remettre la question de la sécurité énergétique sur la table, l’Allemagne a annoncé qu’elle allait autoriser l’exploitation du gaz de schiste d’ici 2015. De son côté, David Cameron, le premier ministre britannique a annoncé un projet de loi qui permettra aux compagnies pétrolières et gazières de forer sans permission préalable tandis qu’une étude des Services géologiques britanniques estime qu’il y a 4 milliards de barils de gaz de schiste dans le sud de la Grande Bretagne. Quels sont les enjeux de l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne et au Royaume Uni ?

Vers une exploitation du gaz de schiste en Allemagne dès 2015 ?

Contrairement à la France qui a fait passer une loi en 2011 interdisant la fracturation hydraulique et qui est opposée à la recherche, l’Allemagne essaie d’encadrer la fracturation hydraulique. Les débats y sont tout aussi intenses qu’en France avec un parti écologiste, « die Grünen », qui souhaiterait que soit interdit la fracturation hydraulique en Allemagne et des Landers qui ne veulent pas entendre parler de fracturation hydraulique sur leurs terres. Le gouvernement allemand a fait passer un moratoire sur le gaz de schiste en 2013. Ce moratoire a permis au gouvernement de déterminer que 14% du territoire allemand ne serait pas concerné par l’exploitation de gaz de schiste. Désormais l’Allemagne envisage de légiférer afin d’encadrer la fracturation hydraulique sur le plan environnemental, ce qui ne signifie pas une autorisation de l’exploitation du gaz de schiste stricto sensu même si c’est un grand pas dans cette direction.

L’exploration et l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne permettra de faire face à deux défis : la dépendance énergétique et la compétitivité. En effet, les deux principaux fournisseurs d’énergie de l’Allemagne sont la Norvège et la Russie. Celle-ci fournit 43% de la consommation allemande. Les réserves sont estimées à 2300 milliards de mètres cubes de gaz, l’équivalent de trois décennies de consommation nationale. Les experts allemands attendent de savoir quel pourcentage pourra être exploité et si cela sera rentable.  On pourrait ainsi penser que l’exploration et l’exploitation de gaz de schiste réduirait la dépendance énergétique de l’Allemagne sans pour autant qu’elle atteigne le mythe de l’indépendance énergétique. Enfin, l’Allemagne veut retrouver de la compétitivité pour son industrie et elle compte sur le développement de cette activité qui devrait entrainer une relocalisation industrielle importante. De plus, les Etats-Unis bénéficient pour l’instant d’un avantage comparatif qui fait que le prix du gaz sur le marché européen est de deux à trois fois supérieur à celui du marché américain.

Le Royaume-Uni sur le modèle de la  « révolution du gaz de schiste » américain?

Une étude des Services géologiques britanniques estime qu’il y a aurait 4,4 milliards de barils  de réserves de gaz de schiste dans le sud et notamment dans  le Sussex, Hampshire, Surrey et Kent. Certains spécialistes britanniques en ont déduit en s’appuyant sur l’expérience américaine qu’il ne sera possible d’extraire que 4% des réserves en  gaz de schiste c’est-à-dire l’équivalent de 4 mois de consommation au Royaume-Uni. Cette étude vient renforcer le rapport du Comité des Affaires économiques de la Chambre des Lords affirmant que « l’exploitation du gaz de schiste permettrait de booster l’économie britannique ». Cependant la résistance de la société civile et des ONG grandit pour que soit instauré un moratoire voir une interdiction totale d’exploiter le gaz de schiste. D’après un sondage commandé par Greenpeace 66% des habitants du Sussex  seraient en faveur d’un moratoire sur le gaz de schiste et dans d’autres régions comme le Lancashire c’est par le biais de manifestation comme la campagne “Frack Free Lancashire” que la société civile se prononce contre l’exploitation du gaz de schiste.

 On observe que la France, si elle refuse toute perspective d’exploitation de gaz de schiste ou de recherche dur ce sujet, se montre favorable à l’idée d’importer du gaz de schiste venant de l’étranger, des Etats-Unis par exemple. Plus pragmatique, les Allemands ont décidé de mettre en place un moratoire qui leur a permis de définir quelles zones du territoire devaient être préservées de toute fracturation et va leur permettre de légiférer pour encadrer la fracturation hydraulique. Plus que jamais, la politique gazière européenne se décide à l’échelle nationale ce qui est défavorable à une politique gazière commune et cohérente européenne qui permettrait de faire face aux défis de la dépendance énergétique et de la transition énergétique.

Mickael Mehou-Loko

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Transition énergétique : le rôle clef des territoires

fne1Le gouvernement français a engagé la France dans un débat national sur la transition énergétique, il y a plus d’un an déjà. En effet, entre janvier et février, a été présentée la situation énergétique de la France. Dans une deuxième étape, s’est déroulée une concertation des acteurs du secteur énergétique français et du grand public, avant un travail de synthèse dans un troisième temps. Mais où en est on finalement ? Les territoires, pleinement investis dans le débat, ont un rôle majeur à jouer. Si le gouvernement manque de clarté à ce sujet, certains acteurs du secteur énergétique français ont anticipé cet aspect clef de la transition énergétique dans notre pays.

La loi de programmation sur la transition énergétique prévue avec un an de retard

Le projet de loi sur la transition énergétique devait être voté au Parlement à l’automne 2013. Or la 1ère réunion de la commission spécialisée du Conseil national de la transition énergétique (CNTE) présidée par Laurence Tubiana, n’a eu lieu que le 10 décembre 2013. Cette commission a pour mission de formuler un avis sur le projet de loi.

Ce fameux projet de loi devrait être basé sur « six titres ». D’après le gouvernement, il permettra d’atteindre les objectifs fixés par le président de la République en matière de :

– réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

– amélioration de l’efficacité énergétique, avec une réduction de 50% de la consommation d’énergie à l’horizon 2050,

– réduction de 30% de la combustion d’énergie fossile à l’horizon 2030 ;

– diversification du mix électrique avec le développement des énergies renouvelables et la réduction de la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025.

Il est également précisé que le projet de loi dotera l’Etat des outils de pilotage indispensables à la transition énergétique. Rien de plus précis. Quels sont ces outils de pilotage ? A quel échelon administratif seront-ils déployés ? La question de l’échelon de la mise en œuvre de la transition énergétique reste posée. L’Europe donne des directives. A un niveau plus local, les territoires se positionnent : des plans énergétiques sont déjà en place en Bretagne, en PACA, dans le Nord-Pas-de-Calais.

Les industriels ont anticipé cette territorialisation de la politique énergétique

La politique énergétique est codéfinie à plusieurs niveaux : européen, national, régional, départemental, voire même au niveau des communautés de communes et au niveau municipal, lorsque certaines communes font le choix, de quitter un fournisseur d’électricité pour un autre par exemple. C’est le cas dans certaines communes du Grand Ouest où des communes ont fait le choix de se séparer de leur fournisseur historique d’électricité au profit de fournisseurs alternatifs, proposant une électricité 100% verte par exemple.

Les industriels ont bien compris ce rôle clef des territoires et une gouvernance à cet échelon se déploie. Autre exemple, l’année dernière, la ville de Nice a noué un partenariat avec EDF, conclu entre Christian Estrosi, maire de la commune, et Jean-Pierre Frémont, Directeur EDF Collectivités, en faveur d’un stade à énergie positive : une première ! Le stade en question, qui porte le nom d’Allianz Riviera, est le premier éco-stade au monde au sein d’un écoquartier. Cet éco-stade est une vitrine de la production énergétique locale à l’échelon de l’agglomération Nice-Côte d’Azur. Cette infrastructure contient une centrale photovoltaïque de 6000m2 sur sa toiture ainsi qu’un système de chauffage et de climatisation géothermique pour le bien être de tous, quelle que soit la saison…

Le rôle des territoires dans la transition énergétique s’exprime donc déjà. Quels outils politiques, administratifs, quels budgets leur conférer pour accroître leur responsabilité et leur permettre de mettre en œuvre la transition le plus efficacement possible ? Espérons que le projet de loi soit clair au sujet de la répartition des rôles au sein de notre « mille feuille administratif » quant à la mise en œuvre d’une politique énergétique cohérente, meilleure pour l’environnement et créatrice d’emplois.

Cette loi devrait être présentée au printemps et discutée durant l’été pour une conclusion d’ici fin 2014. Qui vivra verra.

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Doit-on tirer des leçons du modèle énergétique américain ?

 

 

 

http://www.whitehouse.gov

La production mondiale d’hydrocarbures de plus en plus de mal à suivre la demande et les prix du baril atteignent des niveaux record avec en prime de graves problèmes en termes de politique énergétique qui se posent pour les Etats. La crise de 2009 entre la Russie et l’Ukraine, qui avait mené à une coupure des approvisionnements en gaz en Europe a été un retentissement mondial et un vrai traumatisme pour des Européens qui se sentaient jusque là hors d’atteinte. Ainsi, la sécurisation des approvisionnements en énergie est arrivée au cœur des débats.

A cette problématique, les Etats-Unis ont choisi une réponse claire qui s’organise sur plusieurs fronts. La mesure la plus visible ces derniers temps et la plus fondamentale est l’augmentation de la production nationale d’hydrocarbures. Au-delà des simples revenus tirés de l’exploitation de la ressource, l’enjeu est de réduire les importations et donc la dépendance aux marchés étrangers. En effet, les Etats-Unis ont augmenté leur production de pétrole jusqu’à atteindre le niveau le plus élevé depuis deux décennies à près de 7,5 millions de barils par jours[1]. Grace à cette augmentation, « pour la première fois depuis plus d’une décennie, le pétrole (que les Américains) ont importé représentait moins de la moitié du combustible qu’ils ont consommé. »[2] Si on parle énormément de cette politique, c’est aussi pour le boom gazier qu’elle a produit avec l’explosion de la production de gaz de schiste qui, aussi polémique soit elle, a permis aux Etats-Unis de devenir le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie. L’augmentation de la production a atteint les 5 millions de m3 en 5 ans pour une extraction annuelle de 30 millions m3 aujourd’hui[3].

Cela dit, les Etats-Unis restent largement dépendants des productions étrangères. C’est pourquoi, pour se prévenir des fluctuations des cours dues à des environnements de production instables, le gouvernement américain a agi sur deux plans. Le premier et le plus impactant est le choix des pays importateurs : les Etats-Unis ont tendance à choisir des pays qui non seulement sont proches, mais qui en plus sont stables. Ainsi, les importations depuis le Venezuela ont chuté depuis l’année 2005[4] tandis que celles en provenance du Canada, politiquement solide, ont nettement augmenté[5]. Le président Obama, dans son discours du 30 mai 2011 à l’université de Georgetown à Washington D.C. a également évoqué le Mexique comme exportateur privilégié, même si cela ne se reflète pas dans les chiffres. Le Brésil est, lui, désigné comme un exportateur en devenir. Le gouvernement américain, au-delà de la réduction de la dépendance à l’étranger, essaie donc de sécuriser ses approvisionnements par la proximité géographique et politique.

La réduction des importations passe également par une augmentation des sources d’énergie alternatives (notamment le biocarburant sur lequel l’armée américaine mise de plus en plus) et un développement de l’efficience énergétique. Cela dit, le gouvernement américain se désengage progressivement de ce secteur et tend à prendre des mesures qui se limitent à l’adaptation des cadres légal et financier pour une meilleure intégration de l’économie verte à l’économie de marché et donc pour une compétitivité accrue comme le note Richard Kauffman, conseiller au Secrétaire de l’énergie. Les mesures d’aide financières, qui ont poussé la recherche et développement, arrivent en fin de vie et ne seront, en grande partie, pas renouvelées.

 

L’administration Obama a-t-elle les moyens de se battre sur tous les fronts ? Cela paraît difficile. Malgré les efforts de communication du Président, de grandes tendances et priorités apparaissent à travers le discours officiel. Et celles-ci ne correspondent qu’à des visions à court terme (qui correspond également au temps politique).

En effet, l’augmentation de la production nationale de pétrole et de gaz naturel apparaît aujourd’hui comme le point qui concentre tous les efforts via la recherche de nouvelles sources d’hydrocarbures (voir par exemple les sables bitumineux), la recherche de nouvelles techniques comme la fracturation hydraulique et la vente de concessions en grand nombre dont le Président Obama se vante très largement. Or, les importations ne diminuent pas proportionnellement. On a donc une augmentation de la consommation d’hydrocarbures aux Etats-Unis[6] après une baisse due à la crise économique, qui va à contre-courant du discours officiel qui veut que le pays se détache des énergies carbonées.

Considérant cela, la disparition des crédits et des aides au développement des sources d’énergie renouvelables – 75% des programmes de soutien fédéraux,  dont 1705 programmes de garanties de prêts et 1603 programmes de subventions, ont expiré ou vont expirer prochainement[7] – rentre dans un cadre plus vaste de dépendance accrue aux hydrocarbures. Loin de prévenir la fin de la ressource avec un peak oil qui approche à grands pas en modifiant le paradigme énergétique tout entier, les Etats-Unis s’enfoncent dans une impasse dont il sera de plus en plus difficile de sortir. Surtout, les investissements massifs qui sont faits dans l’extraction de gaz naturel sont des investissements à très court terme et les Etats-Unis ne pourront maintenir une production élevée sur une longue période. S’ils sont devenus le premier producteur de gaz naturel, ils ne possèdent pas les ressources les plus importantes et vont donc vers une exploitation débridée et irraisonnée de leur capital énergétique.

Cette politique a des retombées également très importantes en termes sociaux et environnementaux. S’enfoncer dans les hydrocarbures est également synonyme de pérennisation d’un régime d’émission de gaz à effet de serre (GES) scandaleux et de création d’un modèle économique qui produit une croissance économique très importante certes, mais virtuelle car basée sur le court terme.

 

En dépit de ce qui a été dit précédemment, certaines retombées positives de la politique énergétique américaine peuvent être isolées. Tout d’abord, dans un contexte économique maussade, le faible coût de l’énergie aux Etats-Unis dû à la diminution des importations d’hydrocarbures a donné un avantage compétitif à l’Amérique ce qui a aidé à faire repartir la croissance alors que l’Europe reste aux abois. Dans une économie globale s’internationalisant et s’uniformisant de plus en plus, cette singularité aide les Etats-Unis à maintenir sa domination autrement que par le développement des emplois cognitifs non-répétitifs pour lesquels la concurrence s’accentue.

Sur le plan de la politique étrangère, comme le souligne d’ailleurs le Président Obama lors de son discours de Georgetown, cette politique a également permis aux Etats-Unis de s’affranchir (relativement) du contexte international ; et cela est déterminant. Alors que Francis Fukuyama, célèbre chercheur en sciences politiques, annonçait la « fin de l’histoire » après la chute du mur Berlin[8], le climat international s’est tendu et les foyers d’instabilité se sont multipliés, touchant très fortement les principaux producteurs d’hydrocarbures. Le Moyen-Orient est plus agité que jamais depuis 2011 et les facteurs crisogènes demeurent. La Russie, qui abrite la première ressource en gaz naturel au monde, craint des déstabilisations sur son flan ouest mais également dans son cœur productif : le Tatarstan. Elle redoute d’ailleurs plus que tout la montée des intégrismes islamistes qui pourraient atteindre la région, qui représente un véritable hub en matière de production et de transport d’hydrocarbures. Le décès d’Hugo Chavez, qui portait à lui seul la sphère politique vénézuélienne, montre que la problématique de la volatilité des marchés due à l’instabilité politique peut se manifester sur le continent américain même. L’indépendance énergétique devient alors un facteur de stabilité politique et de croissance économique en plus d’une arme de plus pour la politique étrangère de Washington.

 

L’Union européenne est très critiquée pour sa politique énergétique, notamment par les syndicats patronaux. Allant de la dénonciation d’un manque d’ambition au constat d’un échec complet, les analyses pleuvent et élèvent en contre-exemple une politique américaine, symbole d’une réussite sur laquelle l’Union européenne semble incapable de prendre exemple.

Or, il semble difficile pour l’Union européenne de tirer des leçons de la politique énergétique américaine dans la mesure où les contextes et donc les possibilités sont différents. L’ère du charbon n’est plus et l’Union européenne est une zone pauvre en sources d’énergies fondamentales[9] : le pétrole et le gaz naturel.

A partir de ce constat, il est clair que l’argument principal de la politique énergétique américaine, à savoir l’indépendance énergétique pour les hydrocarbures, ne concerne pas l’Europe. Même Laurence Parisot reconnaissait lors d’un débat télévisé récent avec Mme. la ministre Delphine Batho sur BFMTV que les ressources en gaz de schiste en France ne pourraient, selon les estimations, que subvenir à 10% voire 20% des besoins nationaux en gaz naturel. Dés lors, ce n’est pas là-dessus que l’Europe peut agir ; d’autant plus que les extractions en mer du Nord diminuent faute de rentabilité.

C’est sur le choix des énergies renouvelables et de l’économie verte que s’est tournée le Vieux continent. L’Allemagne a d’ailleurs enregistré des premiers succès probants. Mais contrairement aux Etats-Unis, cette politique n’est pas sacrifiée au détriment d’une autre beaucoup plus profitable mais qui se limite au court terme[10]. Les coûts de sortie du gaz de schiste, dont les forages perdent très rapidement en rentabilité, est énorme et n’ont jamais été pris en compte. De plus, le marché des énergies vertes représente 550 milliards USD. L’Allemagne est pionnière dans le domaine et la France est 4è mondial du secteur.

Tandis que les Etats-Unis s’enfoncent dans un après-pétrole qui sera extrêmement difficile à gérer, une partie de l’Union européenne a fait le pari d’un changement complet de paradigme énergétique. Si ce pari paraît handicapant aujourd’hui, c’est parce qu’il vise le long terme. Les investissements en énergies vertes en Europe ne cessent de croître et ne subissent pas l’arrivée de sources émergentes comme le gaz de schiste[11] dont le boom a fait diminuer les investissements en énergies renouvelables et en efficience énergétique de 37% aux Etats-Unis selon Mme Batho, ministre de l’Economie, du développement durable et de l’énergie (11% au niveau mondial). Le pari n’est donc pas fait dans la demi-mesure et l’Europe ne se bat pas sur plusieurs fronts, ce qui pourrait lui procurer une énorme avance dans un secteur qui s’annonce très lucratif à l’avenir.

Quant à la question de la sécurisation des approvisionnements, là encore l’Europe est dépendante de sa condition géographique. Entourée de pays producteurs frappés d’instabilité politique, elle diversifie au maximum ses exportateurs dans le but de minimiser l’impact d’une éventuelle crise, mais elle ne peut recourir à des voisins stables comme le font les Etats-Unis. Et n’étant pas, ou très peu, productrice de pétrole, la création d’une réserve comparable au Strategic Petroleum Reserve est inenvisageable et trop coûteux.

Ainsi, l’Union européenne a fait le constat que, selon la norme énergétique mondiale actuelle, elle était en détresse. Alors, au lieu de renforcer sa position dans le système actuel en développant sa production d’hydrocarbures à outrance (ce qu’elle peut difficilement faire au vu de ses ressources), elle a préféré changer de système et se baser sur le long terme, tout en engrangeant les dividendes de la transition énergétique sous la forme d’un soft power énergétique toujours grandissant.

 

Florian Tetu


[6] Si la consommation de pétrole a faiblement diminué ces 5 dernières années, la consommation de gaz a nettement augmenté.

[8]Un des deux pôles de pouvoir dans le monde s’étant effondré, ne devait alors plus rester qu’un pôle américain hégémonique, ce qui préviendrait les conflits.

[9] Ces sources d’énergies, en particulier le pétrole, sont considérées comme fondamentales car elles nourrissent des secteurs dans  les sources alternatives n’interviennent pas, ou très marginalement. Il s’agit surtout du secteur du transport.

[10] Une récente étude estime que les ressources mondiales de gaz de schiste ne pourraient être exploitées que pour 10 ans. Voire http://www.ft.com/cms/s/0/4b831ffc-d1e1-11e2-9336-00144feab7de.html#axzz2VuEQvhY5 , consulté le 11 juin 2013.

[11] De nombreux pays européens ont autorisé le gaz de schiste mais aucun ne connait de ruée vers l’or comme c’est le cas aux Etats-Unis.

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Le mobile et l’évolution des usages du transport

 

Shanghai - Globallogisticsmedia.com

Avec la démocratisation de l’internet et l’utilisation accrue des smartphones et autres supports technologiques, les utilisateurs sont à la recherche de services qui se centralisent sur leurs smartphones. Baskets aux pieds et smartphones en poches, ils conçoivent une nouvelle définition de la liberté. Le support mobile est devenu le nouveau « wallet ». L’homme moderne est devenu un « homo mobilis » qui s’adapte aux avancées technologiques qui lui facilitent sa vie quotidienne et sa mobilité physique.

Le NFC dans les transports

Après le paiement sans contact, le titre de transport dématérialisé est une tendance à suivre dans les mois à venir. Le secteur des transports est l’un des premiers à avoir adopté le sans contact avec les titre de transport dotés de puces. En juin 2013, le système de transport nous montrera que nous pouvons aller plus loin. Un échantillon d’usagers du transport en commun de la ville de Strasbourg pourra tester le nouveau mode de paiement et de validation de leur titre de transport par la technologie sans contact. Ce système de « billetterie » sur mobile fonctionne par une application téléchargeable sur smartphone Android compatible NFC. Ce service sera ouvert sur le réseau de tram et de bus fin juin 2013 à Strasbourg. L’utilisateur devra effleurer son mobile à l’entrée dans le bus ou le tram, sur des vignettes compatibles NFC pour valider son titre de transport dématérialisé et embarqué dans son smartphone. Depuis le début de cette année, l’application de cette technologie dans les transports en commun a fait ses preuves dans plusieurs pays dont le Singapour, la Russie, le Japon, le Costa Rica, le Kuwait, la Chine et la Turquie. L’industrie aérienne serait également sur cette piste avec Easyjet qui teste la carte d’embarquement sur mobile à Nice.

L’auto-mobilité

A l’avenir, de plus en plus d’usagers feront usage de leur téléphone mobile pour gérer leurs trajets et anticiper de façon plus efficace leurs déplacements. Deux grandes tendances de fond dessineront le comportement des usagers : l’auto-partage et le co-voiturage. Il n’y a pas de doute que l’état économique et la progression inéluctable du prix du pétrole incitent les usagers à utiliser des moyens de transports alternatifs, notamment dans les grandes villes. La tendance semble indiquer que l’usage de la voiture sans en avoir la propriété surpasse le besoin d’avoir une voiture à titre individuel. L’auto-mobilité s’inscrit dans une logique de « liberté de choisir » son mode de déplacement. La voiture devient un produit de consommation ponctuel quand le besoin se présente et non comme un bien permanent qui engendre des coûts pour le propriétaire. Cette tendance est également le résultat de la prise de conscience des consommateurs des enjeux environnementaux. Prioriser l’auto-mobilité serait une très bonne chose pour la France qui a déjà été sanctionnée par les institutions européennes vu le seuil élevé de l’indice CO2 dans les agglomérations françaises. Dans ce cadre les sites et applications mobiles poussent comme des champignons sur internet pour faciliter l’auto-mobilité. Exemple avec : TwoGo, 123envoiture.

L’inter-modalité

Le paradoxe entre la demande et l’offre sans cesse croissante des outils compatibles et dynamiques sur mobiles, s’explique par un système trop cloisonné. Chaque opérateur de transport propose son application mobile, fournissant une information partielle ne répondant pas au besoin de voyageurs pratiquant désormais l’inter-modalité. L’utilisateur a le besoin d’assurer une continuité dans son trajet  « sans coupure », c’est-à-dire le besoin pour les usagers de pouvoir anticiper leurs trajets en fonction des contraintes des différents réseaux. Le décloisonnement du système permettrait non seulement de répondre à une demande croissante mais optimiserait également la fluidité des transports les plus efficaces. La SNCF a déployé un site de covoiturage à destination des gares, afin de fluidifier au maximum les trajets et d’éviter « la déstructuration des parcours ».

En partenariat avec les opérateurs de télécommunication, le système des transports pourra s’assurer un avenir basé sur l’immédiateté de ses services si les acteurs concernés arrivent à décloisonner leurs systèmes et surpasser les défis de l’open data dans les transports.

 

Sources : lenouveleconomiste.fr, intermodes.com, lecercle.lesechos.fr

 

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Pour la promotion de l’économie circulaire

Le 6 février, dans la salle Victoire Hugo de l’Assemblée Nationale, à 10 heures GMT+1, l’Institut de l’économie circulaire a été officiellement lancé. Cet Institut composé de responsables politiques nationaux et locaux, d’entrepreneurs, d’universitaires issus de différents horizons et de responsables associatifs ambitionne de promouvoir une vision alternative de l’économie.

« Faire des déchets des uns les ressources des autres »

François Michel Lambert, Président de l’Institut de l’économie circulaire et Député des Bouches du Rhône, part du constat quasi-unanime que le système économique linéaire consistant à « extraire, fabriquer, consommer puis jeter est à bout de souffle ». Notre modèle économique basé sur la dépendance accrue à des matières première se raréfiant et caractérisé par le développement d’une consommation de biens non durables souvent gâchés impacte fortement l’environnement et la société dans son ensemble.

L’économie circulaire se veut une manière pragmatique et fédératrice permettant un déplacement vers un nouveau modèle de développement économique, social et écologique. Faisant écho à la célèbre formule de Lavoisier, « rien ne se crée, tout se transforme », l’économie circulaire voit dans les déchets une matière première réutilisable pour la conception de produits ou d’autres utilisations. Ainsi, pour « boucler la boucle », l’économie circulaire soutient une vision des activités où aucun résidu ne peut être créé sans qu’il puisse être intégralement absorbé par le système industriel ou la nature. Il s’agit dès lors d’une révolution concernant les modes de production, de consommation ainsi que de décision qui ne répond pas uniquement aux défis du développement durable mais permet également de porter une réponse à la question de la ré-industrialisation de la France en développant des emplois non dé-localisables.

Fédérer et éduquer autour de l’économie circulaire

C’est à partir de ces visions des activités économiques que l’Institut de l’économie circulaire a été lancé fin 2012. L’institut de l’économie circulaire ambitionne de créer une impulsion pour « fédérer et impliquer tous les acteurs et experts concernés dans une démarche collaborative en mutualisant les ressources de manière à mener des réflexions collectives ». L’Institut insiste fortement sur l’impératif de mettre en place des actions concrètes, pragmatiques.

Pour que « l’économie tourne enfin rond », l’Institut s’engage à promouvoir l’économie circulaire afin d’améliorer sa compréhension à destination des décideurs et du public. Cela passe par la création de synergies entre les divers acteurs concernés, le développement de projets multipartistes, la mise en place de plans de communications et une action spécifique permettant de faire évoluer la législation et la réglementation y inférant.

L’ « économie circulaire » est un concept large qui, comme son nom ne l’indique pas, ne se limite pas uniquement à repenser les idées et pratiques économiques. La dynamique de l’économie circulaire répond à l’impérieuse nécessité écologique, sociale et économique (notamment au regard des évolutions sectorielles au premier plan desquelles la situation de l’industrie) de transformation du système actuel vers un système vertueux marqué par la transversalité des enjeux et des solutions.

L’économie circulaire copie le principe de fonctionnement du cycle naturel dont le système économique actuel semble faire fi : les déchets de l’un font les ressources de l’autre. Actuellement, notre système économique est linéaire, en opposition à circulaire. Les déchets des uns se cumulent à ceux des autres et les ressources sont exploitées sans vision stratégique sur le long terme tenant compte des externalités (positives ou négatives) et de leur raréfaction alors que les demandes mondiales augmentent constamment.

Une alter-économie pragmatique

Les concepts de recyclage (le terme de « régénération » y étant préféré) et d’alter-croissance sont au fondement de l’économie circulaire. L’alter-croissance se distingue de la décroissance en ce sens qu’elle ne prône pas une abolition de la notion de « croissance économique » ou « d’accroissement de production de richesses » mais plutôt une autre croissance, mesurée différemment et disposant d’un cadre idéologique rénové.

Au centre du renouveau du cadre idéologique, l’économie circulaire insiste pour la définition des besoins et de la satisfaction. La consommation extensive, la réduction des cycles de vie des produits et la relocalisation de la production sont au centre de ce débat intellectuel.

Il s’agit également de repenser les usages et les consommations. Cet élément est central dans l’économie circulaire, notamment en ce qui concerne la propriété. Il ne s’agit pas de mutualiser ou de collectiviser les propriétés mais de réfléchir en termes d’usages différenciés d’un bien. À titre indicatif, l’intérêt d’être propriétaire d’une machine à laver est nul ; a contrario son utilité est élevée. Une fois dépassée, l’utilité de la machine décroit alors que ses composantd et sa composition en minerais représentent une utilité forte.

Identifier les freins et proposer des moyens d’action

Pour créer un réel mouvement en faveur de l’économie circulaire, l’Institut doit agir sur les freins qui limitent son développement, notamment les freins réglementaires, fiscaux, culturels et comportementaux. Il s’agit de les identifier précisément et de proposer des leviers pour une application concrète. Cela passe par une démarche collaborative de mutualisation des connaissances et compétences, un échange de savoir et d’expérience, la dynamisation de la recherche et de la réalisation concrète, la création de synergies entre les acteurs parties d’un projet, une action pour impacter les législations et, in fine, une communication éducative à destination du grand public.

L’économie circulaire répond à des défis impérieux. L’accroissement mondial de la population, souvent occulté des pensées macro-économiques, est central dans l’économie circulaire car, d’ici 2020 la population mondiale devrait avoisiner les 9 milliards d’individus. La consommation des ressources, le gaspillage des ressources (estimée à 90 millions de tonnes par an et projetée à 126 millions en 2020), l’évolution des demandes, l’accroissement de l’exploitation des ressources (estimé à 400% d’ici 2050) et le coût des matières premières nécessitent d’adopter une vision socio-économico-environnementale cohérente et optimale pour le plus grand nombre qui puisse trouver un ancrage et un développement territoriale.

Face à ces défis existent de réelles opportunités dont la réduction de types de consommation, la réutilisation, le recyclage, la substitution, la valorisation adéquate des ressources dans la décision d’action en prenant en compte les aspects économiques et environnementaux, et la sauvegarde des ressources, des écosystèmes et de la biodiversité.

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Voiture 100% électrique et Origine France garantie

La question du parc automobile électrique français nous intéresse. Un article sur le dernier rapport du Centre d’Analyse Economique qui redoutait pour l’avenir de la voiture électrique vous donnera un aperçu des enjeux. Aujourd’hui, nous réagissons à une information parue sur auto-actu.org selon laquelle une voiture à 100% électrique labellisée « origine France garantie » devrait voir le jour au printemps 2013. Bonne nouvelle pour le patriotisme économique à la mode mais mauvaise nouvelle pour l’environnement ?

Un secteur automobile à réinventer

Le secteur automobile français est en difficulté depuis un bon moment. Les constructeurs français perdent en parts de marchés sur leurs concurrents étrangers. Cela se traduit par des plans sociaux dans un contexte marqué par une hausse du prix de l’essence. Le secteur automobile est donc à réinventer, pour favoriser l’émergence de nouveaux emplois et pour cela, la seule perspective identifiée est celle du développement du marché de la voiture électrique.

Le cas C-ZEN

Dans la région lyonnaise, « après presque 10 ans de recherches et de tests, COURB livrera ses premières voiture électriques fabriquées en France au printemps 2013 ». Il s’agit de la C-ZEN, qui « fonctionne uniquement à l’électricité » : « elle propose 2 places et surtout un énorme coffre de 400 litres qui lui permettent de se démarquer de ses concurrentes directes » d’après auto-actu.org. Informations incontournables lorsque l’on parle « véhicule électrique », la C-ZEN « dispose d’une autonomie de 120 km et peut rouler jusqu’à 110 km/h ».

L’Etat français soutient le marché du véhicule électrique puisqu’il accorde, par exemple, aux acheteurs de C-ZEN, « une aide de 7000€ ». Il s’agit du « bonus écologique maximal ». Le comparatif est éloquent : « rouler 100km revient à 1,50€ contre en moyenne 9,10€ pour un véhicule à essence et 17,17€ pour un diesel ».

Qu’est-ce que le « Origine France Garantie » ?

Auto-actu.org explique que « derrière cette expression se cache en fait un label certifiant la fabrication en France d’un produit. Pour qu’une voiture obtienne ce label, il faut impérativement respecter 2 critères cumulatifs » :

  • « La voiture prend ses caractéristiques essentielles et/ou sa forme distinctive en France » ;
  • « Au moins 50% du prix de revient unitaire (PRU) de la voiture est acquis en France ».

Pour le cas de COURB il est donc mis en avant qu’ « avec son usine à Saint Priest », dans le Rhône, « c’est même 80% du prix de revient unitaire de la C-ZEN est acquis en France ». A ce jour, COURB est donc présenté comme « le seul constructeur automobile français à pouvoir se prévaloir de cette certification ».

Patriotisme économique mais polluant tout de même

Le développement du marché du véhicule électrique en France peut en effet être efficace en matière d’emplois. Mais quid de la pollution ? La pollution liée à la production d’électricité, même s’il elle diffère de la pollution engendrée par l’extraction pétrolière, n’est pas moindre. Cela mérite d’être rappelé ! S’il est envisagé de développer un parc automobile électrique d’envergure dans notre pays fortement nucléarisé, d’où proviendra l’électricité utilisée pour recharger les batteries ?

Le patriotisme économique peut être encouragé mais à quel prix pour l’environnement ? Est-ce une solution de remplacer une pollution carbonique par une pollution radioactive ?  La seule solution pour pallier l’alternative serait une Europe de l’énergie durable avec les investissements nécessaires à l’essor d’énergies renouvelables mutualisées au sein de la zone européenne voire méditerranéenne.

 

 

 

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SLN et Eramet inventent le premier bateau anti-carène liquide au monde pour transporter du nickel

Le groupe minier et métallurgique Eramet a contribué, avec sa filiale calédonienne SLN, à développer un projet depuis 2009 visant à créer un bateau de transport de nickel spécifiquement conçu pour lutter contre l’effet carène liquide. Certifié par la NK Class [le bureau de certification maritime internationale] fin octobre 2011, le nouveau bateau devrait être opérationnel courant 2012.

La carène liquide est un phénomène potentiellement dangereux bien connu des transporteurs maritimes pouvant conduire, dans les cas les plus extrêmes, au naufrage des navires et à la perte de vies humaines.

 

Le phénomène de carène liquide

 

 

 

 

 

 

 

L’effet carène liquide est un phénomène physique touchant les navires transportant une cargaison liquéfiable. Lorsque les cales ne sont ni vides, ni entièrement remplies, le chargement se déplace suivant les oscillations du bateau. Il suffit de se figurer une bouteille d’eau à moitié remplie que l’on fait bouger horizontalement : l’eau se déplace horizontalement en suivant les mouvements de la bouteille. C’est ce que l’on appelle le parallélisme des liquides. Dans un bateau, les volumes transportés étant important, le déplacement latéral du centre de gravité de la cargaison liquide peut déstabiliser le navire, entrainant une perte de flottabilité et pouvant engendrer son chavirement.

Le transport du nickel, métal non ferreux solide, ne déroge pas à ce phénomène. Lors de son transport maritime, le nickel peut se liquéfier par l’action des intempéries et des vagues déferlant dans les soutes, augmentant ainsi le taux d’humidité de la cargaison. Cinq grands naufrages ont ainsi été causés par ce phénomène depuis 2009 : le Hong Wei (3 décembre 2010), le Nasco Diamond (4 novembre 2010), le Julian Fu Star (24 octobre 2010), le Black Rose (9 septembre 2009) et le Asian Forest (18 juillet 2009). Ces accidents rapprochés ont soulevé des préoccupations sur la fiabilité de ce type de transport et ont engendré des évolutions normatives.

La conception d’un bateau anti-carène liquide par Eramet et sa filiale SLN permet donc de lutter contre ce phénomène et de sécuriser le transport du nickel par voie maritime. Cette innovation fait écho aux nouvelles dispositions édictées par l’Organisation Maritime Internationale qui, pour lutter contre le renversement des supertankers, a imposé deux mesures préventives. Les industriels concernés par le transport maritime doivent, soit, garantir des chargements en minerais à faible risque de liquéfaction, soit, utiliser un bateau conçu spécialement pour le transport des minerais de nickel. Ce code, d’application facultative en 2009 et 2010, est devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2011. C’est la 2ème alternative, exposée au paragraphe 7.3.2.2 du Code de l’International maritime Solid Buck Cargo Code), qu’Eramet et la SLN ont choisie.

 

Le bateau anti-carène : une révolution dans l’acheminement maritime du nickel

 

 

 

 

 

 

 

Conçu par la chantier naval Naikai pour le compte de l’armateur Nissho Shipping, le nouveau bateau d’Eramet-SLN, qui viendra remplacer le navire le Jules Garnier fin 2012, a reçu, en première mondiale, la certification de navire construit spécialement pour le chargement et le transport sécurisé des cargaison pouvant se liquéfier, dont le nickel, même si la cargaison excède le taux limite d’humidité transportable.

Unique navire ayant ces capacités, le bateau anti-carène est un atout central dans la production de nickel. La réalisation technique est gardée secrète car Eramet et SLN seront, une fois le bateau affrété, les seuls à pouvoir transporter du nickel en conformité avec les normes internationales.

Cette innovation est une révolution dans le domaine du transport du nickel car elle sécurise l’acheminement de la ressource en garantissant son approvisionnement quelques soient les conditions maritimes, météorologiques et le volume de nickel transporté. En outre, les équipages des bateaux bénéficient d’une meilleure protection contre d’éventuels chavirements.

Dans un contexte international où le cours des ressources minières est soumis à de nombreux aléas, la collaboration entre Eramet, la SLN et Nissho Shipping, permet à ces derniers de se démarquer des concurrents. La sécurisation du transport du nickel, et par extension des autres ressources soumises au phénomène de carène liquide, est appelé à se développer pour des considérations économiques, législatives et environnementales.

 

 

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Bâtir la ville de demain ? Les doigts dans le nez !

Face au phénomène de l’urbanisation galopante, confirmé en France par une récente étude de l’INSEE – Institut national de la statistique et des études économiques – publiée au mois d’août 2011, la nécessaire transition de nos villes vers un modèle de développement plus durable et respectueux de toutes les composantes de l’environnement est plus que jamais à l’ordre du jour.

Ainsi, à la lumière des données du recensement effectué en 2007, près de quarante-huit millions de métropolitains vivent dans l’espace urbain, soit 77,5 % de la population. Alors que la croissance de leur part était constante entre les années 1975 et 1990, elle s’est accélérée depuis le début des années 2000, bien qu’elle reste sans commune mesure avec la période de forte croissance économique des trente glorieuses :

–          1954 : la part de la population urbaine représente 57,3 % de la population métropolitaine.

–          1962 : … 63,2 % …

–          1968 : … 70,1 % …

–          1975 : … 72,9 % …

–          1982 : … 73,5 % …

–          1990 : … 74,0 % …

–          1999 : … 75,5 % …

–          2007 : … 77,5 % …

Que représente concrètement la notion d’espace urbain ? Deux critères permettent de le distinguer de l’espace rural, celui de la « continuité du bâti » et celui du nombre d’habitants. L’espace urbain est alors « un espace au sein duquel il n’y a pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions et dans lequel résident au moins 2 000 habitants ».

Paradoxalement, la densité de ces espaces urbains diminue, et ce depuis les années 1960. La croissance démographique de nos villes s’est donc réalisée au détriment des espaces périphériques naturels et agricoles. C’est le phénomène de l’étalement urbain : cumulée, la superficie des villes françaises représente près de 119.000 km2 en 2007, contre 100.000 en 1999 et 49.000 en 1962, sur une superficie métropolitaine totale de près de 550.000 km2.

La maitrise de cet étalement urbain constitue l’une des clefs de la réussite du développement durable de la ville. « L’objectif de développement durable » défini par l’article L 110-1 du Code de l’Environnement modifié par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, vise en effet à répondre « de façon concomitante et cohérente, à cinq finalités » :

–          « La lutte contre le réchauffement climatique ».

–          « La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ».

–          « La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ».

–          « L’épanouissement de tous les êtres humains ».

–          « Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables ».

ecoconception.blogspot.com

La détérioration de la biodiversité et des milieux naturels et agricoles est l’une des conséquences directes et visible de l’urbanisation galopante, qui conduit dans le meilleur des cas à la fragmentation de ces milieux, et dans le pire à leur disparition. Pour lutter contre cette dégradation, la loi SRU – solidarité et renouvellement urbains – adoptée le 13 décembre 2000, a institué le principe du développement durable dans les documents d’urbanisme. Le dispositif, modifié en 2011 et codifié à l’article L 121-1 du Code de l’Urbanisme impose la recherche d’un équilibre entre « le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux » et « l’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ». Parmi les solutions permettant de tendre vers cet équilibre figure celle du recyclage des structures urbaines existantes, au sein desquelles vont venir s’intégrer de nouveaux ensembles de logements. Mais à terme, seule une densification des agglomérations est en mesure de permettre la sauvegarde des espaces naturels et agricoles périphériques. Nos villes seraient alors amenées à croitre de manière non plus horizontale, mais verticale.

Quels avantages les villes trouveraient-elles à préserver voire à reconstituer la biodiversité et les milieux naturels et agricoles alentours ? Cette préservation permettrait notamment de réintroduire le concept historique de circuit court au profit des citadins. Il recouvre aujourd’hui l’idée d’une vente directe du producteur au consommateur, ou du moins celle d’une réduction du nombre d’intermédiaires. Mais à l’origine, et ce jusqu’au début du XXème siècle, il était matérialisé par l’agriculture périurbaine, qui approvisionnait les villes. Outre un gain financier pour le citadin, le circuit court permet de retisser le lien entre le producteur et le consommateur. Il entraine également une réduction de l’impact du transport des marchandises produites presque directement sur le lieu de consommation. En somme, il s’agit d’un mode de production et de consommation responsable.

La biodiversité ne serait pas la seule bénéficiaire d’une densification de nos agglomérations. Cette dernière permettrait ainsi de favoriser l’essor des transports en commun, dont l’efficacité serait décuplée par le jumelage des stations de métro, tramways et autres moyens de transport, aux îlots mixtes de logements et de commerces créés. La densité permet en effet de rapprocher l’habitant de ses moyens de transport en commun, et l’incite dès lors à les employer régulièrement. Elle favoriserait ensuite une mise en réseau efficiente des bâtiments tant dans les domaines de l’eau, des déchets que de l’énergie. Une partie de cette dernière pourrait dès lors être produite directement sur place, faisant fi des problèmes de stockage inhérents à l’électricité, puisque le surplus produit pourrait être consommé par d’autres citadins. Les eaux usées pourrait de leur côté être directement réutilisées à des fins industrielles. Alors que la collecte des déchets serait mieux localisée, et moins dispersée.

greenbelt.posterous.com

Le modèle danois est l’un des exemples de réussite d’une politique de maitrise de l’étalement urbain et de développement durable de la ville. Avec une superficie de 43.000 m2 seulement, préserver ses espaces naturels était pourtant une tâche difficile. Mais le pays a choisi de se doter d’une « culture planificatrice très forte » en termes d’urbanisme, au travers du « Finger Plan ». Ce plan d’urbanisme vise ainsi « à concentrer l’urbanisation autour des corridors ferrés pour former des doigts d’urbanisation dans le but de conserver entre chacun de ces doigts des intervalles verts », où tout développement urbain est prohibé, favorisant le maintien de la biodiversité et de terres agricoles. Ce plan régit notamment l’implantation des logements, bureaux et locaux commerciaux. Ainsi, les habitations ne peuvent être implantées au-delà d’une limite fixée à 1 kilomètre de part et d’autre des voies ferrées. Les bureaux quant à eux, se doivent d’être situés à moins de 600 mètres d’une gare. Enfin, les centres commerciaux sont invités à s’implanter dans les centres villes, et non en périphérie.

Qu’en sera-t-il demain du Grand Paris ? La municipalité a récemment adopté « un plan biodiversité » prometteur qui doit notamment entrainer d’ici 2020 « la création de 7 hectares de toitures végétalisées ». Elle sera l’une des pionnières des grandes métropoles mondiales dans ce domaine.

Pour vous informer, Tendances Institut organise un débat sur le thème du Grand Paris le 22 novembre,  gratuit et ouvert au public ! Plus d’info ici

 

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L’automobile durable, une utopie ? (2/2)

La première partie de cet article a montré que la conception « technologique » d’une voiture propre est certes nécessaire mais insuffisante. Laisser autant de voitures en circulation, fussent-elles propres, ne permet pas de réduire de manière significative les externalités négatives environnementales de l’automobile.

Il est donc nécessaire de modifier la façon de concevoir les déplacements à l’aide de l’automobile,  de redéfinir ses usages et sa place dans le système de mobilité. C’est ce qui est tenté à travers les expériences relevant des modèles économiques « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité ». Si ces modèles semblent les plus efficaces pour répondre aux enjeux de développement durable, car ils sont fondés sur la dématérialisation de l’activité, les initiatives sont encore récentes et rarement à l’origine des constructeurs.

Les modèles « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité » : repenser l’usage de l’automobile et le besoin de mobilité

Les solutions relevant du modèle « serviciel » remettent en cause l’usage actuel de l’automobile, excessif et prédominant, pour un usage optimisé et limité de celle-ci, grâce aux solutions de partage de la voiture (autopartage, covoiturage, location), et complété voir remplacé par d’autres modes de transports doux (vélo, marche) et collectifs (métro, tramway, etc.).

Le partage du véhicule participe à une plus grande durabilité de nos modes de déplacement, puisque les utilisateurs de ce système ont tendance à réduire et rationaliser l’usage de la voiture, à en restreindre l’utilisation systématique et à utiliser d’autres modes en complément. Il permet ainsi de réduire la production de masse, de limiter la circulation automobile, d’éliminer la congestion et donc de réduire les émissions polluantes.

Il existe plusieurs services d’usages partagés de la voiture : la location de courte durée, le covoiturage, l’autopartage privé, public et entre particuliers et la location entre particuliers ( l’autopartage désigne le partage d’une flotte de voitures, sur le modèle de la location de courte durée tandis que le covoiturage est une utilisation commune d’un véhicule dans le but d’effectuer un trajet en commun).

Il s’agit d’un marché en plein essor comme en attestent la croissance rapide du nombre d’utilisateurs et les nombreuses startups qui fleurissent  (Cityzencar, Buzzcar, Livop, Voiturlib’, Mobizen, Deways, Covoiturage.fr…). Ces services de partage proviennent essentiellement d’entreprises privées pour l’autopartage et d’associations pour le covoiturage. Depuis quelques années, les collectivités territoriales contribuent à favoriser le développement de ces services, en apportant un soutien financier et en réalisant des campagnes générales d’information et de sensibilisation. Certaines lancent même leur propre service, à l’instar de Paris avec Autolib’. Les constructeurs automobiles restent absents de ces initiatives, de peur surement de cannibaliser la vente de leurs propres voitures par la création de ces services. A l’exception, depuis peu, des constructeurs allemands (Daimler, Volkswagen et BMW) qui se lancent dans l’autopartage, en créant leur propre service sur le marché allemand. Peugeot a également lancé, en France, un service de location (voiture, vélo, scooter), Mu by Peugeot.

Les autres expériences « servicielles » visent à favoriser la substitution modale de la voiture par le développement de la multimodalité (présence de plusieurs modes de transports entre deux lieux). Cela se traduit par le développement et l’amélioration des transports moins polluants (doux et collectifs), de manière à les rendre attractifs et compétitifs par rapport à la voiture. Il s’agit notamment du renouvellement du parc ferroviaire, du développement des systèmes de transports en commun en site propre (voies réservées et prioritaires pour le métro, le tramway et le bus) et des solutions de transport à la demande ou encore de la mise en libre service de vélos (Vélib’). En mars 2011, Citroën a lancé son service de mobilité multimodale (Multicity), une première chez un constructeur. Cette offre se présente sous la forme d’un portail internet capable de calculer plusieurs offres de transport de porte à porte, et de comparer leurs prix, leurs rejets en CO2 et leur durée, puis de réserver par exemple train ou/et une voiture Citroën, une fois le choix des transports effectué.

Mais la substitution de l’automobile est surtout tributaire du développement de l’intermodalité (utilisation successive de plusieurs modes de transports au cours d’un même déplacement), les modes de transports alternatifs, pris de manière indépendante, étant souvent insuffisants. Mais par définition, l’intermodalité est contraignante puisqu’elle suppose de devoir changer de modes de transports au cours d’un même trajet. Pour qu’elle soit mise en œuvre, de manière importante par les usagers, il faut que cet inconvénient soit réduit et contrebalancé par une valeur d’usage supplémentaire portée par la coordination des composantes unitaires de l’offre. C’est d’ailleurs au moment où ces services de transports vont chercher à améliorer la continuité des modes de transports sur la trajectoire de porte à porte, qu’ils vont alors passer du modèle serviciel au modèle de l’économie de la fonctionnalité. Les opérateurs de transports apportent une réponse qui ne se situe plus au seul niveau du transport mais dans la combinaison des différents modes. Ils deviennent alors des opérateurs de mobilité et le voyageur prévaut sur l’automobiliste, le cycliste ou l’usager de transport en commun.

Les initiatives visant à faciliter l’intermodalité correspondent par exemples à la mise en place de titre de transport unique pour tous les modes de transports (comme le pass Navigo qui permet de voyager en métros, RER, trains et en Vélib en Ile-de-France) ou de système d’information intermodale permettant aux voyageurs de concevoir leurs déplacements en articulant au mieux les différents modes de transports (le site internet lyonnais www.multitud.org propose des cartes superposant les différents réseaux de transports avec les points de correspondances, donnant les stations de vélos et parcs relais à proximité, les horaires, les itinéraires, etc.). La création  de stationnements de vélos et de parcs relais à proximité des lieux de connexion favorise également l’intermodalité, de même que les hubs de mobilité (lieux où toutes les formes de mobilité se croisent et s’articulent).   En 2009, Vinci Park a lancé, à la Défense, Mobiway, le premier centre de mobilité en France, qui facilite l’accès aux informations et aux services de tout un ensemble de transports (autopartage, covoiturage, transports collectifs).

 

Le modèle de « l’économie de la fonctionnalité » appliqué à une mobilité durable amène à déplacer la réflexion également au-delà du champ des transports, c’est-à-dire agir au niveau de l’organisation du territoire, des rythmes, de l’information et la communication et de la dématérialisation des activités et échanges, en vu de mieux se déplacer, voire ne pas avoir à se déplacer. Pour Bruno Marzloff et Daniel Kaplan (Pour une mobilité plus libre et plus durable), deux leviers peuvent être activés en faveur d’une mobilité durable : d’une part, la réduction des volumes (nombre de déplacements, de véhicules, de passagers), qui peut s’obtenir notamment en évitant les parcours (en supprimant les motifs des déplacements), et d’autre part, la réduction des distances et de la durée des déplacements, qui peut être contrôlée par l’optimisation (la réduction des kilomètres supplémentaires et des pertes de temps) et l’articulation des modes de transports, des temps et des espaces. Les auteurs proposent quatre pistes d’innovation allant dans ce sens : l’e-substitution (usage du numérique et des réseaux pour « substituer un non déplacement à un déplacement ou un déplacement court à un déplacement long » : télétravail, téléconférence, e-commerce, e-services…), l’articulation des déplacements avec les espaces, les temps et les services (adaptation ou rapprochement des activités des individus « là où ils sont, et quand ils y sont » et création d’espaces multifonctionnels), le développement et l’exploitation de l’intelligence collective des déplacements (libération des données urbaines – captées par la ville, les transports, les voyageurs – permettant une meilleure gestion des flux) et l’invention des transports collectifs à base d’information (autopartage, covoiturage, pédibus).

Les limites et conditions des modèles relevant de la logique servicielle et de « l’économie de la fonctionnalité »

La remise en cause de l’usage actuel de la voiture proposée par le modèle « serviciel » est loin d’être une évidence au regard des valeurs et des performances techniques associées à l’automobile.

 

En effet, la considération de la voiture comme une continuité de l’espace personnel et le besoin de propriété peuvent être des freins aux usages partagés de la voiture, même si l’essor des services de voiture partagé et plus généralement de la consommation collaborative témoigne du changement des mentalités, de plus en plus habituées à la culture de partage (entre autres avec l’avènement du web 2.0) et prêtes à réaliser un découplage entre la possession d’une voiture et son utilisation. Un travail de sensibilisation reste nécessaire pour faire connaître ces services et accélérer leur adoption massive, notamment en mettant en avant les considérations écologiques qui sont parfois plus incitatives que celles écologiques (hyperlien article conso verte). Mais avant tout les contraintes inhérentes à ces services (entre particuliers, plus particulièrement)  doivent être résolues : mode de transmission du véhicule (échange de clé ou boitier automatique), assurance, confiance, masse critique de demandeurs et d’offreurs, modèle économique viable, structuration de l’offre (logistique, agrégation de l’information, fiabilité).

Par ailleurs, la voiture est dotée d’une forte dimension symbolique (sentiment de liberté et d’indépendance) et sociale (symbole de réussite et de classement social), qui contribue à l’attachement qu’elle suscite. Toutefois elle perd progressivement de sa fonction ostentatoire, pour devenir une commodité (selon une enquête de l’Ifop en 2010, c’était le cas pour 47% des Français). Ce nouveau rapport à l’automobile s’installe alors que celle-ci devient de plus en plus une contrainte (temps perdu dans les embouteillage, difficulté de stationnement, budget croissant, effets néfastes sur l’environnement), que les villes sont de mieux en mieux desservies et que les réseaux sociaux et les smartphones s’imposent comme de nouveaux moyens d’expression, de communication et de mobilité (virtuelle) faisant perdre à la voiture de sa superbe. Ce nouveau rapport à l’automobile est surtout impulsé par le bas de la pyramide des âges, mais pour les autres générations, le passage du statutaire à l’utilitaire ne se traduit pas encore forcément par un délaissement de la voiture.

Cela parce que l’automobile procure encore des avantages – vitesse, desserte au porte à porte, disponibilité, liberté dans les horaires, silence, sentiment de sécurité, confort, etc. –, qui même s’ils sont amoindris en centre-ville, restent supérieurs aux autres modes de transports, dans des villes organisées pour et par la voiture. Celle-ci reste et restera encore indispensable pour une large fraction de la population.

 

On voit donc bien qu’une réflexion sur l’intermodalité et plus largement sur l’organisation de notre vie quotidienne dans l’espace et dans le temps à l’origine du besoin de mobilité est nécessaire, en somme passer au modèle de « l’économie de la fonctionnalité ».

Le passage à ce modèle reste conditionné par l’adaptation et la coordination de tous les acteurs impliqués dans la question de la mobilité. Les autorités doivent soulager les flux, en prenant des mesures dépassant le simple cadre des politiques de transports pour s’étendre à l’ensemble des politiques concernées par les enjeux de mobilité (urbanisme, habitat, etc.). Les entreprises, qui sont également concernées puisque ce sont elles qui génèrent ces flux et ces temps perdus, doivent repenser leur implantation en s’appuyant sur les pratiques spatio-temporelles des individu et réfléchir à de nouvelles formes de travail et de commerce. Les transporteurs ont bien évidemment un rôle important à jouer puisque ce sont eux qui supportent la charge de ces parcours. Cependant, le passage à un modèle de l’économie de la fonctionnalité implique une nouvelle approche de leur métier. Ces derniers ne doivent plus se considérer comme des opérateurs de transports mais comme des « opérateurs de mobilité », en s’adaptant aux nouveaux paradigmes de la mobilité durable. Or, les faits montrent que ce n’est pas encore le cas. Les constructeurs automobiles restent en majorité absents de cette réflexion. Il existe quelques initiatives en matière de service de partage de voiture et de multimodalité, mais elles restent isolées et surtout cantonnées à des tests du marché n’engageant pas profonds changements stratégiques puisque ces offres sont proposées en parallèle de la vente de véhicules. Enfin, les nouveaux opérateurs de mobilité ont également un rôle très important à jouer en apportant des solutions inédites (informationnelles, transactionnelles, servicielles) dans la perspective de se déplacer.

A la question « l’automobile durable est-elle une utopie ? », nous répondrons par la négative, mais pour autant elle n’est pas non plus encore une réalité

Les améliorations techniques apportées au véhicule conventionnel ont permis de réduire l’impact environnemental de l’automobile, mais pas encore suffisamment au regard des objectifs de la Commission Européenne. Quant aux motorisations alternatives, elles sont loin d’être démocratisées et leur efficacité environnementale n’est pas garantie.

La redéfinition des usages de la voiture et plus largement de la mobilité (urbaine), telle qu’elle est proposée à travers les modèles « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité », semble plus appropriée pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux. Cependant, la mise en œuvre de ces modèles, de sorte à obtenir des résultats significatifs, ne pourra se faire  qu’à moyen-long terme, car  plusieurs conditions sont à réunir, entre autres : mener un travail de sensibilisation pour faire changer les mentalités, identifier les besoins qui sous-tendent les usages de mobilité, repenser l’urbanisme de l’espace et du temps ou passer de transporteur à créateur de mobilité. Ce passage est loin d’être évident car il implique d’importantes transformations que ce soit au niveau de la configuration du système productif, de l’organisation du travail, de la création de nouvelles valeurs d’usage qui puissent se transformer en valeur d’échange ou encore de la coopération intersectorielle (entre les différents partenaires de la production de l’offre).

Cependant, si l’automobile arrive à surmonter ces défis, « elle pourrait alors devenir le laboratoire de nouveaux modèles de consommation, non plus fondés sur la propriété, mais directement sur l’usage » et ouvrir la voie d’une conciliation entre croissance de l’activité et développement durable », comme l’ambitionne Philippe Moati (professeur d’économie et ancien directeur de recherche du Crédoc).

 

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