Le cercle vicieux du gaspillage alimentaire

Chaque année vous jetez 20 kilos d’aliments par an, soit entre 500 et 1500€ de nourriture encore consommable. Moi aussi. C’est en tout cas ce que révèlent les chiffres 2012 de France Nature Environnement. Impossible ? Non, mais un gaspillage inconscient, plus probablement.

http://www.rue89.com/rue89-planete/2011/12/30/en-suisse-les-freegans-se-nourrissent-de-nos-gaspillages-227935

De prime abord, lorsque l’on parle de gaspillage alimentaire, on pense rapidement à ces poubelles proches des supermarchés qui débordent de nourriture. On pense aussi à cet employé de Monoprix à Marseille qui s’était fait licencier en 2011 alors qu’il récupérait les aliments jetés par la grande surface pour laquelle il travaillait. On pense à ce geste devenu instinctif des employés de la restauration scolaire, qui vident les assiettes des collégiens et lycéens alors que celles-ci sont parfois à peine touchées.

Et on a raison de le penser.

Pourtant le gaspillage, ce n’est pas que « les autres », c’est aussi nous, chaque jour, à la maison comme au supermarché en faisant nos courses.

Comment ? Essayons d’y réfléchir un peu.

Je pousse mon lourd caddy dans le rayon bien rempli de mon supermarché habituel, bien décidée à aller acheter de quoi préparer ma moussaka, considérant que j’ai déjà de la viande hachée dans mon congélateur.

Commençons par les légumes. Quatre aubergines mûres à point, une belle grappe de tomates, quatre oignons. Me voilà devant les étals.

http://www.gpspassion.com

Je choisis avec soin mes aubergines, il faut qu’elles soient longues pour faire de belles tranches. Ca y est je les ai choisies. En fait non, celle-ci est tachetée, elle doit être abîmée, je la repose.

Bien, passons aux tomates maintenant. Cette grappe est parfaite, les tomates sont bien rondes, bien rouges. Je vais prendre deux grappes en fait, les tomates, ça se mange toujours.

Les oignons maintenant, tiens c’est moins cher si je prends un filet de 1kg, parfait, l’affaire est faite.

Arrêtons-nous là tout d’abord.

  • Oui, cette aubergine est tachetée, alors je ne l’achète pas. Et le consommateur derrière moi la poussera sur le côté également. Et les employés la jetteront le soir même parce qu’ils savent que personne n’en voudra.

Cette aubergine pourtant est tachetée, juste tachetée. Ca ne présage pas nécessairement de son mauvais goût. De plus, on mange rarement les aubergines crues, alors une fois bien cuite dans une moussaka, qu’elle soit un peu molle ou tachetée au départ, ça ne changera pas grand-chose à la qualité de notre plat.

  • De la même manière, j’ai pris soin de prendre les plus « belles » grappes de tomates. Parce que quoi qu’on en dise, on le fait tous, naturellement. Nous avons en quelque sorte intériorisé, que beau légume = bon légume. Pourtant, les tomates du potager de votre vieil oncle qui habite à la campagne ne sont pas aussi rouges, pas aussi rondes. D’ailleurs, pas sûr que vous les auriez choisies parmi les autres tomates du supermarché. Pourtant elles, elles ne sont pas traitées.Je prends deux grappes, parce que c’est vrai que des tomates ça se mange facilement : dans un gratin, sur une tarte, une quiche, en salade, farcies. Mais en fait, je n’ai prévu que de faire une moussaka ce soir. Et demain je mange au restaurant, et après-demain j’aurai envie de commander chinois, et après-après-demain j’aurai oublié ces tomates qui « se mangent toujours », et dans une semaine je les retrouverai au fond de mon bac à légumes, immangeables.
  • En tant que consommatrice rationnelle j’ai choisi de prendre un filet de 1 kg d’oignons. Au kilo ça me revenait moins cher, alors suite à un petit calcul « coût-avantage » que j’ai aussi bien intériorisé que « beau = bon », je prends le filet. Mais les oignons, ça reste un condiment, qui se cuisine, qui demande du temps. Du temps, je n’en ai pas toujours, ou je ne le prends pas toujours. Alors ces oignons, je finirai sans doute par les jeter d’ici trois semaines, parce que j’estimerai qu’ils ne sont plus comestibles.

RIP aubergines, tomates, et oignons.

 

 

http://www.georgesbuisset.fr

Reprenons nos courses. Il me faut également de quoi faire une béchamel. Du beurre, du lait … Mince, il me semble bien qu’il reste du beurre dans le frigo, mais en aurais-je assez ? Mieux vaut en prendre dans le doute, ce serait trop bête de devoir aller chez l’épicier du coin s’il m’en manque au dernier moment, surtout que je le paierais au prix fort. Un peu de fromage aussi, du gruyère pour faire gratiner tout ça, et de la mozarella pour donner de l’onctuosité, juste un petit peu, je finirai ce qu’il reste en salade avec les tomates.

Tiens, pendant que je suis dans le rayon des produits frais je vais prendre aussi des yaourts, je n’en ai plus beaucoup. Je commence à pousser tous les paquets afin d’arriver tout au bout de l’étagère, car je ne veux pas gâcher, je n’en mange qu’un par jour donc autant prendre le paquet dont la date de péremption est la plus éloignée. Oh et je vais prendre ces mousses au chocolat, pour le dessert.

Faisons une petite pause.

  • En rentrant chez moi je vais m’apercevoir que j’avais déjà du beurre entamé, et même une plaquette au fond du frigo que j’avais oubliée. Elle doit dater de plusieurs semaines, et mon frigo est petit, alors tant pis, je la jette.
  • En faisant ma moussaka je vais me rendre compte que c’est déjà un plat fort gras, alors je vais y aller doucement sur la mozarella, et n’utiliser qu’une demi-boule de fromage. Ces paquets plein de jus ne sont guère pratiques, d’ici trois jours je le renverserai sans faire exprès, en voulant attraper mon yaourt. Je râlerai, épongerai, et finirai par jeter cette mozarella restante et parfaitement comestible.
  • En rangeant mes yaourts dans mon frigo, je vérifierai la date de péremption de ceux qu’ils me restent. Je les jetterai car celle-ci est dépassée. Je ne vais pas risquer de m’empoisonner alors même que j’en ai des frais, non ? Pourtant, j’avais fait la même chose en les achetant, j’avais prix le paquet de 12 yaourts dont la date de péremption était la plus éloignée.
  • Nous ne sommes que deux à manger ce soir. Mais ma recette de moussaka est pour quatre personnes. Alors je mettrai les restes dans un Tupperware, que je placerai dans le frigo et que je finirai… Pas demain car je vais restaurant, ni après-demain car je mangerai chinois… Et dans trois jours je considérerai sans doute que sa fraîcheur est douteuse, surtout qu’il y a de la viande dedans.

RIP moussaka restante, yaourts, beurre, et mozarrella qui a eu le culot de se renverser dans mon frigo.

 

http://www.gouvernement.fr/

J’ai tout ce qui me faut pour ma moussaka et mon repas de ce soir, mais je vais tout de même faire un tour pour voir si je tombe sur quelque chose qui pourrait m’être utile. Après tout, je ne viens dans cette grande surface à six arrêts de métro de chez moi qu’une fois par semaine, alors autant en profiter.

Je vais acheter beaucoup de choses, qui me font envie sur le moment, parce que je suis dans cette grande surface et que c’est donc une occasion que je n’ai pas le temps de reproduire tous les deux jours, parce que j’ai peur de manquer, parce que je veux faire plaisir à mes proches.

Et chaque année, je jette entre 500 et 1500€ de nourriture, alors même que j’ai horreur de jeter de la nourriture. Et chaque année, vous jetez entre 500 et 1500€ de nourriture, alors même que vous avez horreur de jeter de la nourriture.

Mais nous autres consommateurs ne sommes pas les seuls acteurs de ce gaspillage.

Évidemment, les distributeurs ont bien compris que les consommateurs sont rationnels et exigeants.

Tous les matins les employés jetteront immédiatement tous les produits dont la date de péremption se rapproche dangereusement. Enfin, dangereusement, question de point de vue. Dans beaucoup de grandes surfaces, les employés font un tri drastique tous les matins avant l’ouverture :

– les produits traiteur sont enlevés deux jours avant la date de péremption ;

– la charcuterie est enlevée cinq jours avant la date de péremption ;

– les yaourts sont enlevés six jours avant la date de péremption.

Pourquoi ? Parce que les distributeurs connaissent la technique des consommateurs qui consiste à sélectionner les produits qui se périment dans un long laps de temps, alors ils savent qu’ils ne pourront pas vendre ceux qui se périment dans un ou deux jours. De plus, la plupart des supermarchés font cela, or la concurrence est grande sur le marché de l’agroalimentaire, alors il faut s’aligner.

Par ailleurs, ils n’agréeront que les fruits et légumes aux lignes lisses, à la couleur éclatante, à la « normalité » incontestable. Les fruits et légumes qui ne passent pas le concours d’entrée seront renvoyés à l’envoyeur et devenus invendables après deux trajets en camion.

Par crainte de voir le fruit de leur production leur revenir, les producteurs mettront tout en œuvre pour que leurs légumes soient parfaits : ils seront retouchés pour être d’une taille égale, pas trop gros, beaucoup seront directement écartés car leur forme ne rentre pas dans la norme.

Le diktat de la norme, voire de la beauté, il semblerait que même les légumes n’y échappent pas. Un diktat imposé par les consommateurs, encouragé par les distributeurs, suivi par les producteurs, avec comme résultat principal un gaspillage alimentaire irréaliste et pourtant bien réel.

 

http://nacreates.blogspot.fr/2011/07/un-lapin-dans-le-jardin.html

Mais ne vous sentez pas pour autant affreusement coupable, car en premier lieu les choix que nous effectuons au moment de nos courses en supermarché sont inconscients, ou somme toute rationnels. De plus, il y a également derrière ce gaspillage, une logique économique à laquelle nous n’échappons plus guère aujourd’hui.

Intéressons-nous à ces fameuses dates de péremption. Elles sont anxiogènes pour un bon nombre de consommateurs et certains industriels ne se privent pas d’exploiter cette crainte.

Il faut tout d’abord faire la distinction entre la DLC et la DLUO :

– La DLC correspond à la date limite de consommation. Elle s’applique à tous les produits frais. Une fois cette date dépassée (et elle est généralement courte) on considère que ces produits représentent un risque réel pour la santé humaine.

– La DLUO correspond quant à elle à la date limite d’utilisation optimale, celle que nous apparentons souvent à « consommer de préférence avant le » et que l’on retrouve sur les produits dits plutôt d’épicerie comme les pâtes, le riz, des boîtes de conserve ou encore des céréales.

 

http://vivresimplement.webou.net

Deux problèmes sont liés à ces dates de consommation.

Tout d’abord, la DLUO ne correspond en fait … pas à grand-chose. Un paquet de pâtes aura une date de DLUO portant son existence à environ cinq ans. Alors qu’en réalité, on pourrait encore les cuisiner d’ici 25 ans et peut-être plus. Les produits secs ne se « périment » pas. Replantez un grain de blé qui a été conservé à l’abri de la lumière pendant des centaines d’années, et il re-germera, l’expérience a déjà été faite. D’ailleurs la loi française permet de commercialiser les produits à DLUO dépassée, seulement la grande distribution ne le fait pas, pour des questions d’image.

Venons-en maintenant à la DLC. Puisqu’elle concerne les produits frais on pourrait penser qu’elle demande à être suivie scrupuleusement. Pour la viande ou le poisson, rien à redire, mieux vaut être tatillon. Pour les yaourts par contre, les industriels ont pris l’habitude de se protéger, un peu trop.

En France aucune règle ne fixe la DLC, c’est l’industriel qui a ce seul pouvoir décisionnaire, et qui est de ce fait responsable en cas de problème, voilà pourquoi il se protège. Mais en réalité, au-delà de la date on consomme le yaourt dans les mêmes qualités et ce pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Comment font les industriels pour fixer la DLC ? Ils réalisent des tests sur certains yaourts, et vérifient l’aspect, l’odeur, il faut qu’il ait conservé son goût initial et qu’il soit visuellement conforme. Mais lorsqu’ils calculent la date de péremption, ils prennent en compte le temps nécessaire pour vendre le plus de yaourts possibles et celui nécessaire pour re-remplir leurs stocks. D’ailleurs, lorsque les industriels doivent exporter des produits frais comme des yaourts, ils comptabilisent le temps de transport lorsqu’ils calculent la date de péremption, si bien que cette dernière est bien souvent doublée, pour des nécessités économiques.

 

Si le problème est maintenant posé, n’en restons pas à ce constat assez défaitiste et voyons plutôt les solutions envisageables.

Tout d’abord, des actions sont déjà menées pour tenter de rompre le cercle vicieux du gaspillage alimentaire.

  • Sur le plan national, la France s’est fixé l’objectif de réduire le gaspillage de 50% d’ici 2025. Une large campagne de sensibilisation a été lancée. De la même façon que les campagnes de santé publique centrées sur le tabac ont cherché à faire prendre conscience aux fumeurs des conséquences de leur pratique sur leur propre santé et sur celles de leur proche, le gouvernement cherche aujourd’hui à conscientiser les Français : non, beau ne veut pas nécessairement dire bon, et pourtant nous sommes les premiers à repousser un fruit ou légume à l’apparence imparfaite.

 

 

Campagne nationale de sensibilisation au gaspillage alimentaire

 

  • Plusieurs associations sont également très actives et récoltent les denrées alimentaires jetées par les distributeurs ou lors des marchés.
  • Certaines enseignes de la grande distribution s’engagent également dans la lutte contre le gaspillage.Monoprix par exemple a mis au point une stratégie anti-gaspillage axée sur plusieurs grandes mesures :

– limiter les volumes dans les promotions ;

– améliorer la gestion du magasin ;

– développer les dons aux associations ;

– sensibiliser le client ;

– conditionner les produits de manière à se rapprocher le plus possible des besoins du consommateur.

 

C’est un premier pas important, mais d’autres voies pourraient être possibles.

  • Nous l’avons vu, la date de péremption est l’un des éléments déclencheurs du gaspillage alimentaire.

– Il serait tout d’abord possible d’agir sur la différenciation entre DLUO et DLC puisque beaucoup de consommateurs les confondent. Certaines enseignes du Royaume Uni s’efforcent alors de rendre moins visible la DLUO, alors que l’association CCLV préconise de faciliter la distinction entre les deux en mettant par exemple au point des étiquettes de couleurs différentes. Le tout demandant évidemment un effort pédagogique et informatif qui pourrait faire l’objet d’une campagne de communication.

– Du côté des producteurs et industriels, une réglementation pourrait permettre de limiter des dates de péremption exagérément courtes, surtout lorsque l’on sait qu’il est possible d’ « allonger » – et ce sans aucun risque pour la santé – certaines dates de péremption pour des nécessités économiques d’exportation.

– Enfin, les distributeurs pourraient également se soumettre à une réglementation limitant le tri exagéré des produits ayant eu lieu tous les matins, ou au moins les mettre de côté pour que certains consommateurs puissent les acheter à prix réduits. Car si la « charte fraîcheur » oblige les distributeurs qui y adhèrent à jeter par exemple la charcuterie six jours avant la date de péremption, il n’est pas certain que tous les consommateurs adhèrent eux-mêmes à ces pratiques.

 

  • Les emballages pourraient également être repensés afin de limiter le gaspillage.

– En Angleterre par exemple, la chaîne Marks and Spencer ne vend plus ses fraises dans de simples barquettes, mais dans un conditionnement particulier fait d’une bande d’argile et de minéraux venant absorber l’éthylène, permettant ainsi d’augmenter le temps de conservation des fruits de deux jours.

– Toujours en Grande Bretagne, c’est cette fois l’université de Dublin qui a présenté un emballage capable de repérer l’état de décomposition du poisson et de fruits de mer. Cet emballage change alors de couleur en fonction de cet état, ce qui donne une parfait visibilité de la fraîcheur du produit aux consommateurs.

– Enfin, il serait probablement souhaitable d’encourager la vente de produits à l’unité ou dans des conditionnements moins grands.

Ainsi, si les produits laitiers sont parmi les produits les plus jetés à cause d’un dépassement de la date de péremption, cela s’explique probablement en partie car les yaourts sont vendus par huit ou plus, ou parce que les bouteilles de lait sont vendues dans des formats de 1L alors même que le lait peut rapidement tourner. En optant donc pour de la vente au détail pour les yaourts, et pour des formats plus petits pour le lait, les produits laitiers seraient sans doute moins massivement gaspillés.

 

 

Yaourts à l'unité vendus en Allemagne

 

Ce sont enfin des habitudes de la vie de tous les jours qui sont à revoir.

– Très simplement, beaucoup de consommateurs ne pensent pas à la congélation. Or, plutôt que de garder votre reste de moussaka pendant des jours alors même qu’il n’est pas particulièrement agréable de manger la même chose pendant une semaine, pensez à faire une barquette de votre reste de moussaka et à le congeler. Vous éviterez ainsi du gaspillage, et serez sans doute particulièrement content de trouver votre barquette prête à être dégustée deux semaines plus tard en rentrant tard du travail.

– Les supermarchés sont de toute évidence un appel à l’achat inutile : les promotions vous incitant à acheter plus pour payer moins sont bien souvent à l’origine de votre poubelle débordant de denrées alimentaires abîmées. De plus, la multiplicité des produits, des marques, ou même du packaging ne font que vous tenter davantage. Pour éviter cela, pensez simplement à faire une liste précise des produits dont vous avez besoin, et à faire un état des lieux de vos placards et réfrigérateur avant d’établir cette liste : oui, il y a suffisamment de beurre pour faire une béchamel et pour vos petits déjeuners de la semaine, il n’est donc pas nécessaire d’en racheter.

Pour vous en tenir à votre liste, favorisez également les magasins que vous connaissez bien afin d’aller directement à l’essentiel plutôt que de risquer de vous perdre dans des rayons divers et variés qui finiraient par remplir votre caddy bien plus que ce qui était prévu.

– Enfin, surveillez votre frigo puisque c’est bien souvent là que les tomates finissent par pourrir et vos yaourts par périmer :

  • Pensez tout d’abord à sortir les fruits et légumes de leurs sacs plastiques avant de les mettre dans le bac à légumes.
  • Mettez sur le devant de l’étagère les produits qui vont se périmer rapidement.
  • Ne couvrez pas vos restes d’un papier aluminium ou d’un couvercle de tupperware : le papier film vous permettra de voir à travers votre récipient, et ainsi de vous souvenir du reste de moussaka.
  • Cherchez à utiliser vos produits plutôt qu’à en utiliser de nouveaux. Il existe par exemple des sites internet qui vous permettent de trouver des recettes de cuisine adaptées aux restes de votre frigo.

 

Le gaspillage est un cercle vicieux dont les acteurs sont nombreux. Le côté positif de cela ? Des progrès sont possibles à tous les niveaux, et nous autres consommateurs en sommes un essentiel. Alors pensez y lors de vos prochaines courses, avant de repousser cette tomate à deux têtes, ou avant de vous ruer sur le filet de 1,5 kg de tomates en promotion. Parce que non, les tomates, « ça [ne] se mange [pas] toujours ».

 

Eve-Anaelle Blandin

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Pour la promotion de l’économie circulaire

Le 6 février, dans la salle Victoire Hugo de l’Assemblée Nationale, à 10 heures GMT+1, l’Institut de l’économie circulaire a été officiellement lancé. Cet Institut composé de responsables politiques nationaux et locaux, d’entrepreneurs, d’universitaires issus de différents horizons et de responsables associatifs ambitionne de promouvoir une vision alternative de l’économie.

« Faire des déchets des uns les ressources des autres »

François Michel Lambert, Président de l’Institut de l’économie circulaire et Député des Bouches du Rhône, part du constat quasi-unanime que le système économique linéaire consistant à « extraire, fabriquer, consommer puis jeter est à bout de souffle ». Notre modèle économique basé sur la dépendance accrue à des matières première se raréfiant et caractérisé par le développement d’une consommation de biens non durables souvent gâchés impacte fortement l’environnement et la société dans son ensemble.

L’économie circulaire se veut une manière pragmatique et fédératrice permettant un déplacement vers un nouveau modèle de développement économique, social et écologique. Faisant écho à la célèbre formule de Lavoisier, « rien ne se crée, tout se transforme », l’économie circulaire voit dans les déchets une matière première réutilisable pour la conception de produits ou d’autres utilisations. Ainsi, pour « boucler la boucle », l’économie circulaire soutient une vision des activités où aucun résidu ne peut être créé sans qu’il puisse être intégralement absorbé par le système industriel ou la nature. Il s’agit dès lors d’une révolution concernant les modes de production, de consommation ainsi que de décision qui ne répond pas uniquement aux défis du développement durable mais permet également de porter une réponse à la question de la ré-industrialisation de la France en développant des emplois non dé-localisables.

Fédérer et éduquer autour de l’économie circulaire

C’est à partir de ces visions des activités économiques que l’Institut de l’économie circulaire a été lancé fin 2012. L’institut de l’économie circulaire ambitionne de créer une impulsion pour « fédérer et impliquer tous les acteurs et experts concernés dans une démarche collaborative en mutualisant les ressources de manière à mener des réflexions collectives ». L’Institut insiste fortement sur l’impératif de mettre en place des actions concrètes, pragmatiques.

Pour que « l’économie tourne enfin rond », l’Institut s’engage à promouvoir l’économie circulaire afin d’améliorer sa compréhension à destination des décideurs et du public. Cela passe par la création de synergies entre les divers acteurs concernés, le développement de projets multipartistes, la mise en place de plans de communications et une action spécifique permettant de faire évoluer la législation et la réglementation y inférant.

L’ « économie circulaire » est un concept large qui, comme son nom ne l’indique pas, ne se limite pas uniquement à repenser les idées et pratiques économiques. La dynamique de l’économie circulaire répond à l’impérieuse nécessité écologique, sociale et économique (notamment au regard des évolutions sectorielles au premier plan desquelles la situation de l’industrie) de transformation du système actuel vers un système vertueux marqué par la transversalité des enjeux et des solutions.

L’économie circulaire copie le principe de fonctionnement du cycle naturel dont le système économique actuel semble faire fi : les déchets de l’un font les ressources de l’autre. Actuellement, notre système économique est linéaire, en opposition à circulaire. Les déchets des uns se cumulent à ceux des autres et les ressources sont exploitées sans vision stratégique sur le long terme tenant compte des externalités (positives ou négatives) et de leur raréfaction alors que les demandes mondiales augmentent constamment.

Une alter-économie pragmatique

Les concepts de recyclage (le terme de « régénération » y étant préféré) et d’alter-croissance sont au fondement de l’économie circulaire. L’alter-croissance se distingue de la décroissance en ce sens qu’elle ne prône pas une abolition de la notion de « croissance économique » ou « d’accroissement de production de richesses » mais plutôt une autre croissance, mesurée différemment et disposant d’un cadre idéologique rénové.

Au centre du renouveau du cadre idéologique, l’économie circulaire insiste pour la définition des besoins et de la satisfaction. La consommation extensive, la réduction des cycles de vie des produits et la relocalisation de la production sont au centre de ce débat intellectuel.

Il s’agit également de repenser les usages et les consommations. Cet élément est central dans l’économie circulaire, notamment en ce qui concerne la propriété. Il ne s’agit pas de mutualiser ou de collectiviser les propriétés mais de réfléchir en termes d’usages différenciés d’un bien. À titre indicatif, l’intérêt d’être propriétaire d’une machine à laver est nul ; a contrario son utilité est élevée. Une fois dépassée, l’utilité de la machine décroit alors que ses composantd et sa composition en minerais représentent une utilité forte.

Identifier les freins et proposer des moyens d’action

Pour créer un réel mouvement en faveur de l’économie circulaire, l’Institut doit agir sur les freins qui limitent son développement, notamment les freins réglementaires, fiscaux, culturels et comportementaux. Il s’agit de les identifier précisément et de proposer des leviers pour une application concrète. Cela passe par une démarche collaborative de mutualisation des connaissances et compétences, un échange de savoir et d’expérience, la dynamisation de la recherche et de la réalisation concrète, la création de synergies entre les acteurs parties d’un projet, une action pour impacter les législations et, in fine, une communication éducative à destination du grand public.

L’économie circulaire répond à des défis impérieux. L’accroissement mondial de la population, souvent occulté des pensées macro-économiques, est central dans l’économie circulaire car, d’ici 2020 la population mondiale devrait avoisiner les 9 milliards d’individus. La consommation des ressources, le gaspillage des ressources (estimée à 90 millions de tonnes par an et projetée à 126 millions en 2020), l’évolution des demandes, l’accroissement de l’exploitation des ressources (estimé à 400% d’ici 2050) et le coût des matières premières nécessitent d’adopter une vision socio-économico-environnementale cohérente et optimale pour le plus grand nombre qui puisse trouver un ancrage et un développement territoriale.

Face à ces défis existent de réelles opportunités dont la réduction de types de consommation, la réutilisation, le recyclage, la substitution, la valorisation adéquate des ressources dans la décision d’action en prenant en compte les aspects économiques et environnementaux, et la sauvegarde des ressources, des écosystèmes et de la biodiversité.

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