Une « révolution » du gaz de schiste est- elle possible l’Europe ?

La crise entre l’Ukraine et la Russie a relancé en Europe le débat sur le gaz de schiste.  David Cameron le premier ministre britannique soutenu par la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque pense que l’exploitation du gaz de schiste serait un moyen de réduire la dépendance énergétique de l’Europe envers la Russie et faire baisser les tarifs de l’énergie en Europe en s’appuyant sur le modèle de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis. Parallèlement le président Obama milite pour pouvoir exporter son surplus de production de gaz de schiste en Europe grâce au Traité transatlantique mais se heurte à l’opposition de la France où  la fracturation hydraulique est interdite par la loi depuis 2011. Qu’en est-il réellement de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis. ? Est-ce un modèle applicable à l’Europe ?

Le mythe de la « révolution » du gaz de schiste aux Etats-Unis

Les Etats-Unis ont réduit leur dépendance énergétique envers  les pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite et le Qatar en investissant massivement dans la production d’hydrocarbures non conventionnel, le gaz de schiste par exemple. La part de gaz de schiste dans la production de gaz naturel aux Etats-Unis a progressé, passant de 5,2% en 2006 à 32% en 2012. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les Etats- Unis seront dans une situation de « quasi autosuffisance énergétique » d’ici 2017. D’après un rapport d’Exxon Mobil publié en 2013, les Etats-Unis deviendraient exportateurs nets d’hydrocarbures en 2025 grâce au gaz de schiste. Cependant l’enthousiasme de ces prévisions est à nuancer.

Or, d’après un  rapport de l’Institut du développement durable et des Relations internationales (IDDRI), publié en février 2014, le gaz de schiste n’ajouterait que 0,84 % à la croissance américaine entre 2012 et 2035 c’est-à-dire 0,04% de contribution annuelle à la croissance alors que le taux de croissance annuel  est estimé à 1,4%. La chute du prix du gaz naturel de puis 2008 n’a pas profité aux consommateurs américains qui ont vu les tarifs de l’électricité augmenté.  En outre, d’après le Département américain de l’énergie, les réserves de gaz de schistes ont été largement surestimées et revues à la baisse. L’administration Obama profite de la crise en Ukraine pour inscrire à l’ordre du jour une réduction des règles aux importations européennes lors des négociations pour le Traité transatlantique ce qui favoriserait l’exportation de gaz de schiste.

Importation de gaz de schiste ou production pour l’Europe ?

Thomas Spencer qui a rédigé le rapport de l’IDDRI se montre pessimiste sur les perspectives du gaz de schiste en Europe. Il estime que l’exploitation du gaz de schiste sur le vieux continent ne permettrait pas de répondre aux défis que sont la dépendance et la transition énergétique. Ainsi l’Europe resterait largement dépendante des importations de gaz et de pétrole, les prix seraient toujours déterminés par les marchés internationaux et le gaz de schiste ne suffirait pas à résoudre « l’équation énergie-climat-compétitivité ». De plus, le rapport indique que «  sur le long terme, le coût d’une transition basée sur l’efficacité énergétique, les renouvelables et d’autres sources d’énergie peu carbonées, est égal voire inférieur au business as usual basé sur les fossiles. »

Par ailleurs le débat sur le gaz de schiste a repris en France. En effet une technologie d’extraction propre  au fluoropropane et n’utilisant pas d’eau a été découverte et est soutenu par l’actuel ministre de l’économie français Arnaud Montebourg. Cependant la troisième partie du rapport du GIEC axée sur les émissions de gaz à effet de serre montre que le méthane qui s’échappe dans l’atmosphère suite à la fracturation hydraulique est 34 fois plus puissant que le dioxyde de carbone et a un potentiel de réchauffement global qui est de 86 à 100 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, accélérant ainsi nettement le réchauffement climatique. L’Europe serait alors très loin de ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Mickael  Mehou-Loko

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