L’extrême droite et l’environnement

Le docteur en sciences politiques et historien des idées Stéphane François, dans son livre « L’Écologie politique : une vision du monde réactionnaire ? », analyse les notions de retour à la terre, de nostalgie, de technophobie et d’antilibéralisme, comme des notions partagées par les écologistes et les « réactionnaires ».

Bien que l’extrême droite française ne se revendique que rarement « écologiste », existe-t-il une idéologie de l’environnement chez ses partisans?

Hormis la nostalgie des campagnes paysannes françaises et la détestation de l’idéologie progressiste des lumières, peu d’écrits par des auteurs engagés à droite, se penchent sur l’écologie. Il faut noter cependant le livre du politologue et journaliste Alain de Benoist publié en 2007, intitulé « Demain la décroissance ! Penser l’écologie jusqu’au bout ». Dans ce livre, l’auteur s’appuie sur un constat malthusien pour penser une décroissance non liée à un égalitarisme social.

En pratique cependant on voit un relai de plus en plus grand par l’internet d’extrême droite des réflexions environnementales de tous horizons. Le bloc identitaire et le Projet apache par exemple  se réclament sur leurs sites de « l’écologie » et de « l’anti-mondialisme ». Ils justifient leur radicalité et leur violence par l’impératif environnemental auxquels ils opposent « un idéal de ré-enracinement et de relocalisation économique, avec notamment l’objectif de réduire des importations exotiques particulièrement polluantes ». Dans le même sens, le Mouvement d’action sociale, d’inspiration fasciste, entend « préserver notre environnement, la richesse des pays et des terroirs, promouvoir une écologie organique qui rende à notre terre sa fonction sacrée et développer le micro-crédit social, les sociétés d’entraides mutuelles, les Amap, les systèmes d’échanges locaux ».

Sur une autre ligne, l’association nationaliste Égalité et réconciliation relaie des articles de l’humaniste Pierre Rabhi, des vidéos sur la permaculture ou l’agriculture bio.  L’association politique se finance même par une boutique bio en ligne – aubonsens.fr – qui vend des huiles de soins biologiques et des plats préparés bios aux cotés des bérets français 100% pure laine. Parallèlement certaines mouvances pratiquent un syncrétisme intéressant avec l’extrême gauche en adoptant certaines de leurs pratiques en même temps que leurs idées de décroissance. C’est le cas de l’AFU ou du Lys Noir qui se marginalisent et distribuent des Samizdats, journaux auto édités de style clandestin et dissident.

L’extrême droite lie de plus en plus la notion de sauvegarde de la terre à celle de l’identité ce qui ne plait pas aux tenants de l’écologie sociale. A titre d’exemple, le site Decroissance.org dénonce « une tentative de récupération tout à fait inamicale sur les milieux anti productivistes et anticonsuméristes pour passer en contrebande leurs thèses néo-malthusiennes, eugénistes, racialistes ». Le meilleur exemple illustrant ces propos est sans doute le candidat néonazi allemand Hans-Gunther Laimer. En accord avec le slogan de ses affiches : « Défendre l’environnement = Défendre la mère-patrie », il organise des journées portes ouvertes dans son  potager bio de Bavière.

L’extrême droite prend de plus en plus possession des problématiques environnementales qu’elle combine avec les questions d’identité et de frontières. Certains de ses détracteurs dénoncent une stratégie récente d’« infiltration » et de « diffusion des idées en douce » parfaitement combinée avec une stratégie de dédiabolisation. Cependant, il s’agit d’une tendance qui ne se manifeste pas ouvertement en France ou il y a peu d’actes concrets et où, au contraire de l’Allemagne, les partis politiques de l’extrême droite ne se sont pas vraiment emparés de ces problématiques. Ce n’est sans doute qu’une question de temps, à moins que l’épineuse question du nucléaire ne complique  la donne aux nationalistes français.

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