La Rhétorique de la transition énergétique

voiture_electrique_nucleaire_grandSégolène Royal l’a annoncé, le gouvernement s’apprête à lancer en « procédure accélérée » le projet de loi dit de « la transition énergétique pour la croissance verte » qui passera le 1er octobre à l’Assemblée nationale. La première mesure d’avenir de la France pour ce millénaire aurait pu se faire sous nos yeux en  réduisant – pour de vrai – la part du nucléaire dans le mix électrique national  de 75% à 50%  d’ici 2025. Et ce gouvernement aurait pu au fond avoir une once de vision d’avenir ou même une once de scrupule pour ses électeurs écologistes. Mais inutile de se réjouir : pas une seule centrale nucléaire ne sera fermée.

Pour atteindre les objectifs des promesses de campagnes (réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire), des dizaines de milliers d’éoliennes subventionnées seront construites et fonctionneront à plein régime aux côtés des centrales nucléaires. Mais en construisant 100 à 150% de moyens de production énergétique supplémentaires dans un pays où la population augmente assez peu, ne risquons-nous pas d’augmenter la surproduction d’une énergie non stockable? Les industriels de l’énergie ont bien sûr réfléchi à cette question avant nous. Ils ont même proposé un accord astucieux au gouvernement : un accord gagnant-gagnant … pour le gouvernement et les industries, qui consistera à augmenter de 100 à 150% la consommation électrique en France.

La clé de cet accord : la voiture électrique, cet engin qui ne pollue pas, en tout cas de façon visible. Car si le gouvernement développe la voiture électrique pour donner un nouveau sens au secteur nucléaire, cela veut dire que celle-ci produit directement des déchets nucléaires indestructibles et nocifs pour des millions d’années en plus de contribuer au pillage des mines d’uranium du Niger et d’émettre des gaz à effet de serre au cours du transport de ce minerai.

Par le biais de la loi dite “de transition énergétique”, le gouvernement s’apprête non seulement à offrir des dizaines de milliards aux industriels de l’automobile électrique mais également des privilèges uniques aux seuls CSP+ utilisant le système de véhicule électrique. En effet, les utilisateurs du réseau électrique bénéficient déjà à Paris de places de parking gratuites et réservées ainsi que de pleins de leur batteries aux frais de la collectivité. Si vous soutenez malgré tout la voiture électrique (dans son état d’avancement actuel), une étude de l’Ademe montre que celle-ci n’est pour le moment pas plus vertueuse que la voiture thermique et cela même concernant les émissions de CO2. On attendra donc que l’État regarde vers de vrais projets d’avenir comme peut être les moteurs à air comprimé.

Faire croire à un geste environnemental en maintenant le nucléaire et en subventionnant l’augmentation de la consommation d’énergie, c’est le tour de force unique qu’aura réussi à réaliser le gouvernement socialiste. « De toutes façons sur le papier nous aurons atteint la part de 75% à 50%  de nucléaire dans le mix électrique national » pensent-ils bien trop fort.

Hormis le nucléaire on remarque également que la réforme du code minier et le projet de loi sur la biodiversité semblent passer à la trappe. Mais enfin, tout n’est pas à jeter dans ce projet de loi : si l’essentiel de celui-ci a un gout amer de trahison, on salue tout de même le projet de normes pour la construction d’édifices publics à « énergie positive » et les quelques points concernant la préservation des terres agricoles et les ressources en eau. Quelle drôle de chose que ce mot « transition énergétique » qui sonne comme le mot « révolution » et qui comme en 1789 ne changera au fond que les apparences. Comme le disait le comte de Lampedusa dans le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

Sources :

http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/geopolitique-de-l-energie-thematique_89429/nucleaire-solaire-le-gouvernement-francais-sait-il-vraiment-ce-qu-il-veut-article_287937/

http://blogs.mediapart.fr/edition/nucleaire-lenjeu-en-vaut-il-la-chandelle-pour-lhumanite/article/100914/voiture-electrique-nucleaire-bluecub-retire

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20131204trib000799310/le-vehicule-electrique-pas-si-ecologique-que-ca-.html

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Doit-on tirer des leçons du modèle énergétique américain ?

 

 

 

http://www.whitehouse.gov

La production mondiale d’hydrocarbures de plus en plus de mal à suivre la demande et les prix du baril atteignent des niveaux record avec en prime de graves problèmes en termes de politique énergétique qui se posent pour les Etats. La crise de 2009 entre la Russie et l’Ukraine, qui avait mené à une coupure des approvisionnements en gaz en Europe a été un retentissement mondial et un vrai traumatisme pour des Européens qui se sentaient jusque là hors d’atteinte. Ainsi, la sécurisation des approvisionnements en énergie est arrivée au cœur des débats.

A cette problématique, les Etats-Unis ont choisi une réponse claire qui s’organise sur plusieurs fronts. La mesure la plus visible ces derniers temps et la plus fondamentale est l’augmentation de la production nationale d’hydrocarbures. Au-delà des simples revenus tirés de l’exploitation de la ressource, l’enjeu est de réduire les importations et donc la dépendance aux marchés étrangers. En effet, les Etats-Unis ont augmenté leur production de pétrole jusqu’à atteindre le niveau le plus élevé depuis deux décennies à près de 7,5 millions de barils par jours[1]. Grace à cette augmentation, « pour la première fois depuis plus d’une décennie, le pétrole (que les Américains) ont importé représentait moins de la moitié du combustible qu’ils ont consommé. »[2] Si on parle énormément de cette politique, c’est aussi pour le boom gazier qu’elle a produit avec l’explosion de la production de gaz de schiste qui, aussi polémique soit elle, a permis aux Etats-Unis de devenir le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie. L’augmentation de la production a atteint les 5 millions de m3 en 5 ans pour une extraction annuelle de 30 millions m3 aujourd’hui[3].

Cela dit, les Etats-Unis restent largement dépendants des productions étrangères. C’est pourquoi, pour se prévenir des fluctuations des cours dues à des environnements de production instables, le gouvernement américain a agi sur deux plans. Le premier et le plus impactant est le choix des pays importateurs : les Etats-Unis ont tendance à choisir des pays qui non seulement sont proches, mais qui en plus sont stables. Ainsi, les importations depuis le Venezuela ont chuté depuis l’année 2005[4] tandis que celles en provenance du Canada, politiquement solide, ont nettement augmenté[5]. Le président Obama, dans son discours du 30 mai 2011 à l’université de Georgetown à Washington D.C. a également évoqué le Mexique comme exportateur privilégié, même si cela ne se reflète pas dans les chiffres. Le Brésil est, lui, désigné comme un exportateur en devenir. Le gouvernement américain, au-delà de la réduction de la dépendance à l’étranger, essaie donc de sécuriser ses approvisionnements par la proximité géographique et politique.

La réduction des importations passe également par une augmentation des sources d’énergie alternatives (notamment le biocarburant sur lequel l’armée américaine mise de plus en plus) et un développement de l’efficience énergétique. Cela dit, le gouvernement américain se désengage progressivement de ce secteur et tend à prendre des mesures qui se limitent à l’adaptation des cadres légal et financier pour une meilleure intégration de l’économie verte à l’économie de marché et donc pour une compétitivité accrue comme le note Richard Kauffman, conseiller au Secrétaire de l’énergie. Les mesures d’aide financières, qui ont poussé la recherche et développement, arrivent en fin de vie et ne seront, en grande partie, pas renouvelées.

 

L’administration Obama a-t-elle les moyens de se battre sur tous les fronts ? Cela paraît difficile. Malgré les efforts de communication du Président, de grandes tendances et priorités apparaissent à travers le discours officiel. Et celles-ci ne correspondent qu’à des visions à court terme (qui correspond également au temps politique).

En effet, l’augmentation de la production nationale de pétrole et de gaz naturel apparaît aujourd’hui comme le point qui concentre tous les efforts via la recherche de nouvelles sources d’hydrocarbures (voir par exemple les sables bitumineux), la recherche de nouvelles techniques comme la fracturation hydraulique et la vente de concessions en grand nombre dont le Président Obama se vante très largement. Or, les importations ne diminuent pas proportionnellement. On a donc une augmentation de la consommation d’hydrocarbures aux Etats-Unis[6] après une baisse due à la crise économique, qui va à contre-courant du discours officiel qui veut que le pays se détache des énergies carbonées.

Considérant cela, la disparition des crédits et des aides au développement des sources d’énergie renouvelables – 75% des programmes de soutien fédéraux,  dont 1705 programmes de garanties de prêts et 1603 programmes de subventions, ont expiré ou vont expirer prochainement[7] – rentre dans un cadre plus vaste de dépendance accrue aux hydrocarbures. Loin de prévenir la fin de la ressource avec un peak oil qui approche à grands pas en modifiant le paradigme énergétique tout entier, les Etats-Unis s’enfoncent dans une impasse dont il sera de plus en plus difficile de sortir. Surtout, les investissements massifs qui sont faits dans l’extraction de gaz naturel sont des investissements à très court terme et les Etats-Unis ne pourront maintenir une production élevée sur une longue période. S’ils sont devenus le premier producteur de gaz naturel, ils ne possèdent pas les ressources les plus importantes et vont donc vers une exploitation débridée et irraisonnée de leur capital énergétique.

Cette politique a des retombées également très importantes en termes sociaux et environnementaux. S’enfoncer dans les hydrocarbures est également synonyme de pérennisation d’un régime d’émission de gaz à effet de serre (GES) scandaleux et de création d’un modèle économique qui produit une croissance économique très importante certes, mais virtuelle car basée sur le court terme.

 

En dépit de ce qui a été dit précédemment, certaines retombées positives de la politique énergétique américaine peuvent être isolées. Tout d’abord, dans un contexte économique maussade, le faible coût de l’énergie aux Etats-Unis dû à la diminution des importations d’hydrocarbures a donné un avantage compétitif à l’Amérique ce qui a aidé à faire repartir la croissance alors que l’Europe reste aux abois. Dans une économie globale s’internationalisant et s’uniformisant de plus en plus, cette singularité aide les Etats-Unis à maintenir sa domination autrement que par le développement des emplois cognitifs non-répétitifs pour lesquels la concurrence s’accentue.

Sur le plan de la politique étrangère, comme le souligne d’ailleurs le Président Obama lors de son discours de Georgetown, cette politique a également permis aux Etats-Unis de s’affranchir (relativement) du contexte international ; et cela est déterminant. Alors que Francis Fukuyama, célèbre chercheur en sciences politiques, annonçait la « fin de l’histoire » après la chute du mur Berlin[8], le climat international s’est tendu et les foyers d’instabilité se sont multipliés, touchant très fortement les principaux producteurs d’hydrocarbures. Le Moyen-Orient est plus agité que jamais depuis 2011 et les facteurs crisogènes demeurent. La Russie, qui abrite la première ressource en gaz naturel au monde, craint des déstabilisations sur son flan ouest mais également dans son cœur productif : le Tatarstan. Elle redoute d’ailleurs plus que tout la montée des intégrismes islamistes qui pourraient atteindre la région, qui représente un véritable hub en matière de production et de transport d’hydrocarbures. Le décès d’Hugo Chavez, qui portait à lui seul la sphère politique vénézuélienne, montre que la problématique de la volatilité des marchés due à l’instabilité politique peut se manifester sur le continent américain même. L’indépendance énergétique devient alors un facteur de stabilité politique et de croissance économique en plus d’une arme de plus pour la politique étrangère de Washington.

 

L’Union européenne est très critiquée pour sa politique énergétique, notamment par les syndicats patronaux. Allant de la dénonciation d’un manque d’ambition au constat d’un échec complet, les analyses pleuvent et élèvent en contre-exemple une politique américaine, symbole d’une réussite sur laquelle l’Union européenne semble incapable de prendre exemple.

Or, il semble difficile pour l’Union européenne de tirer des leçons de la politique énergétique américaine dans la mesure où les contextes et donc les possibilités sont différents. L’ère du charbon n’est plus et l’Union européenne est une zone pauvre en sources d’énergies fondamentales[9] : le pétrole et le gaz naturel.

A partir de ce constat, il est clair que l’argument principal de la politique énergétique américaine, à savoir l’indépendance énergétique pour les hydrocarbures, ne concerne pas l’Europe. Même Laurence Parisot reconnaissait lors d’un débat télévisé récent avec Mme. la ministre Delphine Batho sur BFMTV que les ressources en gaz de schiste en France ne pourraient, selon les estimations, que subvenir à 10% voire 20% des besoins nationaux en gaz naturel. Dés lors, ce n’est pas là-dessus que l’Europe peut agir ; d’autant plus que les extractions en mer du Nord diminuent faute de rentabilité.

C’est sur le choix des énergies renouvelables et de l’économie verte que s’est tournée le Vieux continent. L’Allemagne a d’ailleurs enregistré des premiers succès probants. Mais contrairement aux Etats-Unis, cette politique n’est pas sacrifiée au détriment d’une autre beaucoup plus profitable mais qui se limite au court terme[10]. Les coûts de sortie du gaz de schiste, dont les forages perdent très rapidement en rentabilité, est énorme et n’ont jamais été pris en compte. De plus, le marché des énergies vertes représente 550 milliards USD. L’Allemagne est pionnière dans le domaine et la France est 4è mondial du secteur.

Tandis que les Etats-Unis s’enfoncent dans un après-pétrole qui sera extrêmement difficile à gérer, une partie de l’Union européenne a fait le pari d’un changement complet de paradigme énergétique. Si ce pari paraît handicapant aujourd’hui, c’est parce qu’il vise le long terme. Les investissements en énergies vertes en Europe ne cessent de croître et ne subissent pas l’arrivée de sources émergentes comme le gaz de schiste[11] dont le boom a fait diminuer les investissements en énergies renouvelables et en efficience énergétique de 37% aux Etats-Unis selon Mme Batho, ministre de l’Economie, du développement durable et de l’énergie (11% au niveau mondial). Le pari n’est donc pas fait dans la demi-mesure et l’Europe ne se bat pas sur plusieurs fronts, ce qui pourrait lui procurer une énorme avance dans un secteur qui s’annonce très lucratif à l’avenir.

Quant à la question de la sécurisation des approvisionnements, là encore l’Europe est dépendante de sa condition géographique. Entourée de pays producteurs frappés d’instabilité politique, elle diversifie au maximum ses exportateurs dans le but de minimiser l’impact d’une éventuelle crise, mais elle ne peut recourir à des voisins stables comme le font les Etats-Unis. Et n’étant pas, ou très peu, productrice de pétrole, la création d’une réserve comparable au Strategic Petroleum Reserve est inenvisageable et trop coûteux.

Ainsi, l’Union européenne a fait le constat que, selon la norme énergétique mondiale actuelle, elle était en détresse. Alors, au lieu de renforcer sa position dans le système actuel en développant sa production d’hydrocarbures à outrance (ce qu’elle peut difficilement faire au vu de ses ressources), elle a préféré changer de système et se baser sur le long terme, tout en engrangeant les dividendes de la transition énergétique sous la forme d’un soft power énergétique toujours grandissant.

 

Florian Tetu


[6] Si la consommation de pétrole a faiblement diminué ces 5 dernières années, la consommation de gaz a nettement augmenté.

[8]Un des deux pôles de pouvoir dans le monde s’étant effondré, ne devait alors plus rester qu’un pôle américain hégémonique, ce qui préviendrait les conflits.

[9] Ces sources d’énergies, en particulier le pétrole, sont considérées comme fondamentales car elles nourrissent des secteurs dans  les sources alternatives n’interviennent pas, ou très marginalement. Il s’agit surtout du secteur du transport.

[10] Une récente étude estime que les ressources mondiales de gaz de schiste ne pourraient être exploitées que pour 10 ans. Voire http://www.ft.com/cms/s/0/4b831ffc-d1e1-11e2-9336-00144feab7de.html#axzz2VuEQvhY5 , consulté le 11 juin 2013.

[11] De nombreux pays européens ont autorisé le gaz de schiste mais aucun ne connait de ruée vers l’or comme c’est le cas aux Etats-Unis.

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Le mobile et l’évolution des usages du transport

 

Shanghai - Globallogisticsmedia.com

Avec la démocratisation de l’internet et l’utilisation accrue des smartphones et autres supports technologiques, les utilisateurs sont à la recherche de services qui se centralisent sur leurs smartphones. Baskets aux pieds et smartphones en poches, ils conçoivent une nouvelle définition de la liberté. Le support mobile est devenu le nouveau « wallet ». L’homme moderne est devenu un « homo mobilis » qui s’adapte aux avancées technologiques qui lui facilitent sa vie quotidienne et sa mobilité physique.

Le NFC dans les transports

Après le paiement sans contact, le titre de transport dématérialisé est une tendance à suivre dans les mois à venir. Le secteur des transports est l’un des premiers à avoir adopté le sans contact avec les titre de transport dotés de puces. En juin 2013, le système de transport nous montrera que nous pouvons aller plus loin. Un échantillon d’usagers du transport en commun de la ville de Strasbourg pourra tester le nouveau mode de paiement et de validation de leur titre de transport par la technologie sans contact. Ce système de « billetterie » sur mobile fonctionne par une application téléchargeable sur smartphone Android compatible NFC. Ce service sera ouvert sur le réseau de tram et de bus fin juin 2013 à Strasbourg. L’utilisateur devra effleurer son mobile à l’entrée dans le bus ou le tram, sur des vignettes compatibles NFC pour valider son titre de transport dématérialisé et embarqué dans son smartphone. Depuis le début de cette année, l’application de cette technologie dans les transports en commun a fait ses preuves dans plusieurs pays dont le Singapour, la Russie, le Japon, le Costa Rica, le Kuwait, la Chine et la Turquie. L’industrie aérienne serait également sur cette piste avec Easyjet qui teste la carte d’embarquement sur mobile à Nice.

L’auto-mobilité

A l’avenir, de plus en plus d’usagers feront usage de leur téléphone mobile pour gérer leurs trajets et anticiper de façon plus efficace leurs déplacements. Deux grandes tendances de fond dessineront le comportement des usagers : l’auto-partage et le co-voiturage. Il n’y a pas de doute que l’état économique et la progression inéluctable du prix du pétrole incitent les usagers à utiliser des moyens de transports alternatifs, notamment dans les grandes villes. La tendance semble indiquer que l’usage de la voiture sans en avoir la propriété surpasse le besoin d’avoir une voiture à titre individuel. L’auto-mobilité s’inscrit dans une logique de « liberté de choisir » son mode de déplacement. La voiture devient un produit de consommation ponctuel quand le besoin se présente et non comme un bien permanent qui engendre des coûts pour le propriétaire. Cette tendance est également le résultat de la prise de conscience des consommateurs des enjeux environnementaux. Prioriser l’auto-mobilité serait une très bonne chose pour la France qui a déjà été sanctionnée par les institutions européennes vu le seuil élevé de l’indice CO2 dans les agglomérations françaises. Dans ce cadre les sites et applications mobiles poussent comme des champignons sur internet pour faciliter l’auto-mobilité. Exemple avec : TwoGo, 123envoiture.

L’inter-modalité

Le paradoxe entre la demande et l’offre sans cesse croissante des outils compatibles et dynamiques sur mobiles, s’explique par un système trop cloisonné. Chaque opérateur de transport propose son application mobile, fournissant une information partielle ne répondant pas au besoin de voyageurs pratiquant désormais l’inter-modalité. L’utilisateur a le besoin d’assurer une continuité dans son trajet  « sans coupure », c’est-à-dire le besoin pour les usagers de pouvoir anticiper leurs trajets en fonction des contraintes des différents réseaux. Le décloisonnement du système permettrait non seulement de répondre à une demande croissante mais optimiserait également la fluidité des transports les plus efficaces. La SNCF a déployé un site de covoiturage à destination des gares, afin de fluidifier au maximum les trajets et d’éviter « la déstructuration des parcours ».

En partenariat avec les opérateurs de télécommunication, le système des transports pourra s’assurer un avenir basé sur l’immédiateté de ses services si les acteurs concernés arrivent à décloisonner leurs systèmes et surpasser les défis de l’open data dans les transports.

 

Sources : lenouveleconomiste.fr, intermodes.com, lecercle.lesechos.fr

 

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Voiture 100% électrique et Origine France garantie

La question du parc automobile électrique français nous intéresse. Un article sur le dernier rapport du Centre d’Analyse Economique qui redoutait pour l’avenir de la voiture électrique vous donnera un aperçu des enjeux. Aujourd’hui, nous réagissons à une information parue sur auto-actu.org selon laquelle une voiture à 100% électrique labellisée « origine France garantie » devrait voir le jour au printemps 2013. Bonne nouvelle pour le patriotisme économique à la mode mais mauvaise nouvelle pour l’environnement ?

Un secteur automobile à réinventer

Le secteur automobile français est en difficulté depuis un bon moment. Les constructeurs français perdent en parts de marchés sur leurs concurrents étrangers. Cela se traduit par des plans sociaux dans un contexte marqué par une hausse du prix de l’essence. Le secteur automobile est donc à réinventer, pour favoriser l’émergence de nouveaux emplois et pour cela, la seule perspective identifiée est celle du développement du marché de la voiture électrique.

Le cas C-ZEN

Dans la région lyonnaise, « après presque 10 ans de recherches et de tests, COURB livrera ses premières voiture électriques fabriquées en France au printemps 2013 ». Il s’agit de la C-ZEN, qui « fonctionne uniquement à l’électricité » : « elle propose 2 places et surtout un énorme coffre de 400 litres qui lui permettent de se démarquer de ses concurrentes directes » d’après auto-actu.org. Informations incontournables lorsque l’on parle « véhicule électrique », la C-ZEN « dispose d’une autonomie de 120 km et peut rouler jusqu’à 110 km/h ».

L’Etat français soutient le marché du véhicule électrique puisqu’il accorde, par exemple, aux acheteurs de C-ZEN, « une aide de 7000€ ». Il s’agit du « bonus écologique maximal ». Le comparatif est éloquent : « rouler 100km revient à 1,50€ contre en moyenne 9,10€ pour un véhicule à essence et 17,17€ pour un diesel ».

Qu’est-ce que le « Origine France Garantie » ?

Auto-actu.org explique que « derrière cette expression se cache en fait un label certifiant la fabrication en France d’un produit. Pour qu’une voiture obtienne ce label, il faut impérativement respecter 2 critères cumulatifs » :

  • « La voiture prend ses caractéristiques essentielles et/ou sa forme distinctive en France » ;
  • « Au moins 50% du prix de revient unitaire (PRU) de la voiture est acquis en France ».

Pour le cas de COURB il est donc mis en avant qu’ « avec son usine à Saint Priest », dans le Rhône, « c’est même 80% du prix de revient unitaire de la C-ZEN est acquis en France ». A ce jour, COURB est donc présenté comme « le seul constructeur automobile français à pouvoir se prévaloir de cette certification ».

Patriotisme économique mais polluant tout de même

Le développement du marché du véhicule électrique en France peut en effet être efficace en matière d’emplois. Mais quid de la pollution ? La pollution liée à la production d’électricité, même s’il elle diffère de la pollution engendrée par l’extraction pétrolière, n’est pas moindre. Cela mérite d’être rappelé ! S’il est envisagé de développer un parc automobile électrique d’envergure dans notre pays fortement nucléarisé, d’où proviendra l’électricité utilisée pour recharger les batteries ?

Le patriotisme économique peut être encouragé mais à quel prix pour l’environnement ? Est-ce une solution de remplacer une pollution carbonique par une pollution radioactive ?  La seule solution pour pallier l’alternative serait une Europe de l’énergie durable avec les investissements nécessaires à l’essor d’énergies renouvelables mutualisées au sein de la zone européenne voire méditerranéenne.

 

 

 

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SLN et Eramet inventent le premier bateau anti-carène liquide au monde pour transporter du nickel

Le groupe minier et métallurgique Eramet a contribué, avec sa filiale calédonienne SLN, à développer un projet depuis 2009 visant à créer un bateau de transport de nickel spécifiquement conçu pour lutter contre l’effet carène liquide. Certifié par la NK Class [le bureau de certification maritime internationale] fin octobre 2011, le nouveau bateau devrait être opérationnel courant 2012.

La carène liquide est un phénomène potentiellement dangereux bien connu des transporteurs maritimes pouvant conduire, dans les cas les plus extrêmes, au naufrage des navires et à la perte de vies humaines.

 

Le phénomène de carène liquide

 

 

 

 

 

 

 

L’effet carène liquide est un phénomène physique touchant les navires transportant une cargaison liquéfiable. Lorsque les cales ne sont ni vides, ni entièrement remplies, le chargement se déplace suivant les oscillations du bateau. Il suffit de se figurer une bouteille d’eau à moitié remplie que l’on fait bouger horizontalement : l’eau se déplace horizontalement en suivant les mouvements de la bouteille. C’est ce que l’on appelle le parallélisme des liquides. Dans un bateau, les volumes transportés étant important, le déplacement latéral du centre de gravité de la cargaison liquide peut déstabiliser le navire, entrainant une perte de flottabilité et pouvant engendrer son chavirement.

Le transport du nickel, métal non ferreux solide, ne déroge pas à ce phénomène. Lors de son transport maritime, le nickel peut se liquéfier par l’action des intempéries et des vagues déferlant dans les soutes, augmentant ainsi le taux d’humidité de la cargaison. Cinq grands naufrages ont ainsi été causés par ce phénomène depuis 2009 : le Hong Wei (3 décembre 2010), le Nasco Diamond (4 novembre 2010), le Julian Fu Star (24 octobre 2010), le Black Rose (9 septembre 2009) et le Asian Forest (18 juillet 2009). Ces accidents rapprochés ont soulevé des préoccupations sur la fiabilité de ce type de transport et ont engendré des évolutions normatives.

La conception d’un bateau anti-carène liquide par Eramet et sa filiale SLN permet donc de lutter contre ce phénomène et de sécuriser le transport du nickel par voie maritime. Cette innovation fait écho aux nouvelles dispositions édictées par l’Organisation Maritime Internationale qui, pour lutter contre le renversement des supertankers, a imposé deux mesures préventives. Les industriels concernés par le transport maritime doivent, soit, garantir des chargements en minerais à faible risque de liquéfaction, soit, utiliser un bateau conçu spécialement pour le transport des minerais de nickel. Ce code, d’application facultative en 2009 et 2010, est devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2011. C’est la 2ème alternative, exposée au paragraphe 7.3.2.2 du Code de l’International maritime Solid Buck Cargo Code), qu’Eramet et la SLN ont choisie.

 

Le bateau anti-carène : une révolution dans l’acheminement maritime du nickel

 

 

 

 

 

 

 

Conçu par la chantier naval Naikai pour le compte de l’armateur Nissho Shipping, le nouveau bateau d’Eramet-SLN, qui viendra remplacer le navire le Jules Garnier fin 2012, a reçu, en première mondiale, la certification de navire construit spécialement pour le chargement et le transport sécurisé des cargaison pouvant se liquéfier, dont le nickel, même si la cargaison excède le taux limite d’humidité transportable.

Unique navire ayant ces capacités, le bateau anti-carène est un atout central dans la production de nickel. La réalisation technique est gardée secrète car Eramet et SLN seront, une fois le bateau affrété, les seuls à pouvoir transporter du nickel en conformité avec les normes internationales.

Cette innovation est une révolution dans le domaine du transport du nickel car elle sécurise l’acheminement de la ressource en garantissant son approvisionnement quelques soient les conditions maritimes, météorologiques et le volume de nickel transporté. En outre, les équipages des bateaux bénéficient d’une meilleure protection contre d’éventuels chavirements.

Dans un contexte international où le cours des ressources minières est soumis à de nombreux aléas, la collaboration entre Eramet, la SLN et Nissho Shipping, permet à ces derniers de se démarquer des concurrents. La sécurisation du transport du nickel, et par extension des autres ressources soumises au phénomène de carène liquide, est appelé à se développer pour des considérations économiques, législatives et environnementales.

 

 

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L’automobile durable, une utopie ? (2/2)

La première partie de cet article a montré que la conception « technologique » d’une voiture propre est certes nécessaire mais insuffisante. Laisser autant de voitures en circulation, fussent-elles propres, ne permet pas de réduire de manière significative les externalités négatives environnementales de l’automobile.

Il est donc nécessaire de modifier la façon de concevoir les déplacements à l’aide de l’automobile,  de redéfinir ses usages et sa place dans le système de mobilité. C’est ce qui est tenté à travers les expériences relevant des modèles économiques « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité ». Si ces modèles semblent les plus efficaces pour répondre aux enjeux de développement durable, car ils sont fondés sur la dématérialisation de l’activité, les initiatives sont encore récentes et rarement à l’origine des constructeurs.

Les modèles « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité » : repenser l’usage de l’automobile et le besoin de mobilité

Les solutions relevant du modèle « serviciel » remettent en cause l’usage actuel de l’automobile, excessif et prédominant, pour un usage optimisé et limité de celle-ci, grâce aux solutions de partage de la voiture (autopartage, covoiturage, location), et complété voir remplacé par d’autres modes de transports doux (vélo, marche) et collectifs (métro, tramway, etc.).

Le partage du véhicule participe à une plus grande durabilité de nos modes de déplacement, puisque les utilisateurs de ce système ont tendance à réduire et rationaliser l’usage de la voiture, à en restreindre l’utilisation systématique et à utiliser d’autres modes en complément. Il permet ainsi de réduire la production de masse, de limiter la circulation automobile, d’éliminer la congestion et donc de réduire les émissions polluantes.

Il existe plusieurs services d’usages partagés de la voiture : la location de courte durée, le covoiturage, l’autopartage privé, public et entre particuliers et la location entre particuliers ( l’autopartage désigne le partage d’une flotte de voitures, sur le modèle de la location de courte durée tandis que le covoiturage est une utilisation commune d’un véhicule dans le but d’effectuer un trajet en commun).

Il s’agit d’un marché en plein essor comme en attestent la croissance rapide du nombre d’utilisateurs et les nombreuses startups qui fleurissent  (Cityzencar, Buzzcar, Livop, Voiturlib’, Mobizen, Deways, Covoiturage.fr…). Ces services de partage proviennent essentiellement d’entreprises privées pour l’autopartage et d’associations pour le covoiturage. Depuis quelques années, les collectivités territoriales contribuent à favoriser le développement de ces services, en apportant un soutien financier et en réalisant des campagnes générales d’information et de sensibilisation. Certaines lancent même leur propre service, à l’instar de Paris avec Autolib’. Les constructeurs automobiles restent absents de ces initiatives, de peur surement de cannibaliser la vente de leurs propres voitures par la création de ces services. A l’exception, depuis peu, des constructeurs allemands (Daimler, Volkswagen et BMW) qui se lancent dans l’autopartage, en créant leur propre service sur le marché allemand. Peugeot a également lancé, en France, un service de location (voiture, vélo, scooter), Mu by Peugeot.

Les autres expériences « servicielles » visent à favoriser la substitution modale de la voiture par le développement de la multimodalité (présence de plusieurs modes de transports entre deux lieux). Cela se traduit par le développement et l’amélioration des transports moins polluants (doux et collectifs), de manière à les rendre attractifs et compétitifs par rapport à la voiture. Il s’agit notamment du renouvellement du parc ferroviaire, du développement des systèmes de transports en commun en site propre (voies réservées et prioritaires pour le métro, le tramway et le bus) et des solutions de transport à la demande ou encore de la mise en libre service de vélos (Vélib’). En mars 2011, Citroën a lancé son service de mobilité multimodale (Multicity), une première chez un constructeur. Cette offre se présente sous la forme d’un portail internet capable de calculer plusieurs offres de transport de porte à porte, et de comparer leurs prix, leurs rejets en CO2 et leur durée, puis de réserver par exemple train ou/et une voiture Citroën, une fois le choix des transports effectué.

Mais la substitution de l’automobile est surtout tributaire du développement de l’intermodalité (utilisation successive de plusieurs modes de transports au cours d’un même déplacement), les modes de transports alternatifs, pris de manière indépendante, étant souvent insuffisants. Mais par définition, l’intermodalité est contraignante puisqu’elle suppose de devoir changer de modes de transports au cours d’un même trajet. Pour qu’elle soit mise en œuvre, de manière importante par les usagers, il faut que cet inconvénient soit réduit et contrebalancé par une valeur d’usage supplémentaire portée par la coordination des composantes unitaires de l’offre. C’est d’ailleurs au moment où ces services de transports vont chercher à améliorer la continuité des modes de transports sur la trajectoire de porte à porte, qu’ils vont alors passer du modèle serviciel au modèle de l’économie de la fonctionnalité. Les opérateurs de transports apportent une réponse qui ne se situe plus au seul niveau du transport mais dans la combinaison des différents modes. Ils deviennent alors des opérateurs de mobilité et le voyageur prévaut sur l’automobiliste, le cycliste ou l’usager de transport en commun.

Les initiatives visant à faciliter l’intermodalité correspondent par exemples à la mise en place de titre de transport unique pour tous les modes de transports (comme le pass Navigo qui permet de voyager en métros, RER, trains et en Vélib en Ile-de-France) ou de système d’information intermodale permettant aux voyageurs de concevoir leurs déplacements en articulant au mieux les différents modes de transports (le site internet lyonnais www.multitud.org propose des cartes superposant les différents réseaux de transports avec les points de correspondances, donnant les stations de vélos et parcs relais à proximité, les horaires, les itinéraires, etc.). La création  de stationnements de vélos et de parcs relais à proximité des lieux de connexion favorise également l’intermodalité, de même que les hubs de mobilité (lieux où toutes les formes de mobilité se croisent et s’articulent).   En 2009, Vinci Park a lancé, à la Défense, Mobiway, le premier centre de mobilité en France, qui facilite l’accès aux informations et aux services de tout un ensemble de transports (autopartage, covoiturage, transports collectifs).

 

Le modèle de « l’économie de la fonctionnalité » appliqué à une mobilité durable amène à déplacer la réflexion également au-delà du champ des transports, c’est-à-dire agir au niveau de l’organisation du territoire, des rythmes, de l’information et la communication et de la dématérialisation des activités et échanges, en vu de mieux se déplacer, voire ne pas avoir à se déplacer. Pour Bruno Marzloff et Daniel Kaplan (Pour une mobilité plus libre et plus durable), deux leviers peuvent être activés en faveur d’une mobilité durable : d’une part, la réduction des volumes (nombre de déplacements, de véhicules, de passagers), qui peut s’obtenir notamment en évitant les parcours (en supprimant les motifs des déplacements), et d’autre part, la réduction des distances et de la durée des déplacements, qui peut être contrôlée par l’optimisation (la réduction des kilomètres supplémentaires et des pertes de temps) et l’articulation des modes de transports, des temps et des espaces. Les auteurs proposent quatre pistes d’innovation allant dans ce sens : l’e-substitution (usage du numérique et des réseaux pour « substituer un non déplacement à un déplacement ou un déplacement court à un déplacement long » : télétravail, téléconférence, e-commerce, e-services…), l’articulation des déplacements avec les espaces, les temps et les services (adaptation ou rapprochement des activités des individus « là où ils sont, et quand ils y sont » et création d’espaces multifonctionnels), le développement et l’exploitation de l’intelligence collective des déplacements (libération des données urbaines – captées par la ville, les transports, les voyageurs – permettant une meilleure gestion des flux) et l’invention des transports collectifs à base d’information (autopartage, covoiturage, pédibus).

Les limites et conditions des modèles relevant de la logique servicielle et de « l’économie de la fonctionnalité »

La remise en cause de l’usage actuel de la voiture proposée par le modèle « serviciel » est loin d’être une évidence au regard des valeurs et des performances techniques associées à l’automobile.

 

En effet, la considération de la voiture comme une continuité de l’espace personnel et le besoin de propriété peuvent être des freins aux usages partagés de la voiture, même si l’essor des services de voiture partagé et plus généralement de la consommation collaborative témoigne du changement des mentalités, de plus en plus habituées à la culture de partage (entre autres avec l’avènement du web 2.0) et prêtes à réaliser un découplage entre la possession d’une voiture et son utilisation. Un travail de sensibilisation reste nécessaire pour faire connaître ces services et accélérer leur adoption massive, notamment en mettant en avant les considérations écologiques qui sont parfois plus incitatives que celles écologiques (hyperlien article conso verte). Mais avant tout les contraintes inhérentes à ces services (entre particuliers, plus particulièrement)  doivent être résolues : mode de transmission du véhicule (échange de clé ou boitier automatique), assurance, confiance, masse critique de demandeurs et d’offreurs, modèle économique viable, structuration de l’offre (logistique, agrégation de l’information, fiabilité).

Par ailleurs, la voiture est dotée d’une forte dimension symbolique (sentiment de liberté et d’indépendance) et sociale (symbole de réussite et de classement social), qui contribue à l’attachement qu’elle suscite. Toutefois elle perd progressivement de sa fonction ostentatoire, pour devenir une commodité (selon une enquête de l’Ifop en 2010, c’était le cas pour 47% des Français). Ce nouveau rapport à l’automobile s’installe alors que celle-ci devient de plus en plus une contrainte (temps perdu dans les embouteillage, difficulté de stationnement, budget croissant, effets néfastes sur l’environnement), que les villes sont de mieux en mieux desservies et que les réseaux sociaux et les smartphones s’imposent comme de nouveaux moyens d’expression, de communication et de mobilité (virtuelle) faisant perdre à la voiture de sa superbe. Ce nouveau rapport à l’automobile est surtout impulsé par le bas de la pyramide des âges, mais pour les autres générations, le passage du statutaire à l’utilitaire ne se traduit pas encore forcément par un délaissement de la voiture.

Cela parce que l’automobile procure encore des avantages – vitesse, desserte au porte à porte, disponibilité, liberté dans les horaires, silence, sentiment de sécurité, confort, etc. –, qui même s’ils sont amoindris en centre-ville, restent supérieurs aux autres modes de transports, dans des villes organisées pour et par la voiture. Celle-ci reste et restera encore indispensable pour une large fraction de la population.

 

On voit donc bien qu’une réflexion sur l’intermodalité et plus largement sur l’organisation de notre vie quotidienne dans l’espace et dans le temps à l’origine du besoin de mobilité est nécessaire, en somme passer au modèle de « l’économie de la fonctionnalité ».

Le passage à ce modèle reste conditionné par l’adaptation et la coordination de tous les acteurs impliqués dans la question de la mobilité. Les autorités doivent soulager les flux, en prenant des mesures dépassant le simple cadre des politiques de transports pour s’étendre à l’ensemble des politiques concernées par les enjeux de mobilité (urbanisme, habitat, etc.). Les entreprises, qui sont également concernées puisque ce sont elles qui génèrent ces flux et ces temps perdus, doivent repenser leur implantation en s’appuyant sur les pratiques spatio-temporelles des individu et réfléchir à de nouvelles formes de travail et de commerce. Les transporteurs ont bien évidemment un rôle important à jouer puisque ce sont eux qui supportent la charge de ces parcours. Cependant, le passage à un modèle de l’économie de la fonctionnalité implique une nouvelle approche de leur métier. Ces derniers ne doivent plus se considérer comme des opérateurs de transports mais comme des « opérateurs de mobilité », en s’adaptant aux nouveaux paradigmes de la mobilité durable. Or, les faits montrent que ce n’est pas encore le cas. Les constructeurs automobiles restent en majorité absents de cette réflexion. Il existe quelques initiatives en matière de service de partage de voiture et de multimodalité, mais elles restent isolées et surtout cantonnées à des tests du marché n’engageant pas profonds changements stratégiques puisque ces offres sont proposées en parallèle de la vente de véhicules. Enfin, les nouveaux opérateurs de mobilité ont également un rôle très important à jouer en apportant des solutions inédites (informationnelles, transactionnelles, servicielles) dans la perspective de se déplacer.

A la question « l’automobile durable est-elle une utopie ? », nous répondrons par la négative, mais pour autant elle n’est pas non plus encore une réalité

Les améliorations techniques apportées au véhicule conventionnel ont permis de réduire l’impact environnemental de l’automobile, mais pas encore suffisamment au regard des objectifs de la Commission Européenne. Quant aux motorisations alternatives, elles sont loin d’être démocratisées et leur efficacité environnementale n’est pas garantie.

La redéfinition des usages de la voiture et plus largement de la mobilité (urbaine), telle qu’elle est proposée à travers les modèles « serviciel » et de « l’économie de la fonctionnalité », semble plus appropriée pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux. Cependant, la mise en œuvre de ces modèles, de sorte à obtenir des résultats significatifs, ne pourra se faire  qu’à moyen-long terme, car  plusieurs conditions sont à réunir, entre autres : mener un travail de sensibilisation pour faire changer les mentalités, identifier les besoins qui sous-tendent les usages de mobilité, repenser l’urbanisme de l’espace et du temps ou passer de transporteur à créateur de mobilité. Ce passage est loin d’être évident car il implique d’importantes transformations que ce soit au niveau de la configuration du système productif, de l’organisation du travail, de la création de nouvelles valeurs d’usage qui puissent se transformer en valeur d’échange ou encore de la coopération intersectorielle (entre les différents partenaires de la production de l’offre).

Cependant, si l’automobile arrive à surmonter ces défis, « elle pourrait alors devenir le laboratoire de nouveaux modèles de consommation, non plus fondés sur la propriété, mais directement sur l’usage » et ouvrir la voie d’une conciliation entre croissance de l’activité et développement durable », comme l’ambitionne Philippe Moati (professeur d’économie et ancien directeur de recherche du Crédoc).

 

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L’automobile durable, une utopie ? (1/2)

By Gabrielle de La Forest

Dans un mois, aura lieu la Semaine européenne de la mobilité. La mobilité durable étant un des principaux enjeux des politiques de mobilité et plus largement de notre société, la question de l’automobile durable fera partie des débats.

Si la mobilité automobile a cessé de croître depuis le début des années 2000, il n’en reste pas moins que l’automobile représente encore 80% des transports. A l’heure où la préoccupation environnementale est une sensibilité montante chez les citoyens et une priorité politique pour les collectivités territoriales et les instances gouvernementales, cette hégémonie est contestée car elle est à l’origine d’impacts écologiques importants : pollution atmosphérique, émission de gaz à effet de serre (avec pour corollaire le réchauffement climatique), épuisement des ressources énergétiques ou encore production de déchets liés notamment au traitement des véhicules en fin de vie.

Face aux pressions citoyennes et réglementaires mais aussi parfois dans le cadre d’une démarche volontaire de RSE, les constructeurs automobiles sont amenés à repenser leur produit afin de le rendre plus durable. Cependant, leur réflexion reste le plus souvent cantonnée aux seuls aspects technologiques, de crainte surement de remettre en cause le modèle industriel néofordien qui a fait leur succès (la détermination du chiffre d’affaires se fait par le volume des ventes, qui repose lui-même sur une production et une consommation de masse). En revanche, d’autres acteurs – citoyens, collectivités, entreprises – apportent d’autres réponses plus ambitieuses à cette question, en s’intéressant plus globalement à l’écosystème de la mobilité (urbaine) et en remettant en cause le fonctionnement du modèle industriel. Des propositions qui semblent plus efficaces pour réduire l’impact environnemental de la voiture.

Nous présenterons, dans cet article en deux parties, les différentes voies proposées pour tendre vers un modèle d’automobile durable, leur efficacité mais aussi leurs limites et conditions de mise en œuvre, en se donnant pour objectif de répondre à la question suivante : l’automobile durable, une réalité prochaine ou une utopie désenchantée ?


L’apport de l’analyse économique à la problématique du développement durable

Afin de constituer une grille d’analyse des différentes initiatives de stratégies de développement durable appliquées dans le secteur automobile, nous avons utilisé le concept de « modèles économiques d’entreprise compatibles avec le développement durable ». Christian Du Tertre (professeur de sciences économiques), à qui nous avons emprunté cette notion, distingue quatre modèles que nous pouvons résumer comme suit :

–   Le modèle « industriel propre » à Réflexion sur l’activité productive, afin de réduire les émissions de gaz à effets de serre et la consommation d’énergie, et conception et vente de « produits propres » (produits recyclables, tenant compte de l’épuisement des ressources et dont l’usage est moins polluant).

–   Le modèle de l’ « écologie industrielle » à Conception des produits et de leur production mettant l’accent sur la maitrise des flux et la diminution du gaspillage des matières.

–   Le modèle « serviciel » à Remplacement de la vente d’un bien d’équipement par son droit d’usage dans le cadre d’un service (de location). L’entreprise est garante de la durée de vie des biens proposés, de leur possible recyclage et maintenance et des effets de leurs usages.

–   Le modèle de « l’économie de la fonctionnalité » à Conception et réalisation de solutions répondant à une fonction (un besoin), faisant l’objet initialement de prestations séparées.  La croissance de la valeur ajoutée est découplée du volume produit et donc déconnectée des flux de matières.

 

L’approche technologique privilégiée par les constructeurs automobiles

Les solutions déployées par les constructeurs automobiles visent surtout à modifier la face technique de leur produit par des innovations technologiques. Elles relèvent des modèles économiques « industriel propre » et de « l’écologie industrielle ».

Leur démarche s’articule autour de deux axes : concevoir une « voiture propre », dont les composants sont recyclés et recyclables et dont l’usage est moins polluant.

La réflexion autour du cycle de vie de l’automobile et plus particulièrement sur le recyclage du véhicule en fin de vie (réutilisation, valorisation matière et énergétique), initiée au début des années 90, permet aujourd’hui aux constructeurs français de répondre en grande partie aux normes de la directive européenne du 18 septembre 2000 (un taux de recyclage de 95% et une valorisation énergétique de 85%). Techniquement, cela a été possible par le marquage des matériaux constitutifs des pièces, la réduction des familles des matériaux ou encore l’utilisation de matières recyclées voire naturelles.

La réflexion sur la réduction des effets négatifs de l’usage de l’automobile (consommation d’énergie et émissions de polluants) se caractérise elle-même par deux approches technologiques.

La première, qui s’est amorcée depuis une vingtaine d’années, consiste à améliorer le véhicule « conventionnel » (moteur thermique/carburants traditionnels). Pour cela, les progrès technologiques ont porté sur l’optimisation du rendement des moteurs (par la réduction de la masse du véhicule, l’amélioration du système de combustion ou les systèmes de Stop & start), la mise sur le marché de véhicules performants d’un point de vue énergétique (petites urbaines, véhicules diesel très économes) et l’apport de progrès au post-traitement des émissions  (pot catalytique, filtre à particule). Ces différentes mesures ont permis, en 2009, d’atteindre une moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs vendus dans l’UE de 145,7g de CO2/km, soit une diminution de 5,1% par rapport à l’année 2008 (source : Commission Européenne).

La seconde approche technologique correspond à la recherche de technologies alternatives au système de motorisation conventionnel. On peut recenser quatre nouveaux types de motorisation : le tout électrique, l’hybride, le moteur à hydrogène et les moteurs dédiés aux carburants gazeux ou biocarburants.

 

Les obstacles et limites de ces modèles industriels

Le développement de motorisations alternatives est encore récent et se heurte à toute une série d’obstacles technologiques et économiques.

Parmi ces obstacles, notons tout d’abord la difficulté de passage d’un prototype à une production en petite série puis le développement rapide de celle-ci, du fait des coûts qu’il suppose. Or, c’est la production en grande série qui permettra de réduire les coûts de production et de parvenir à un prix du véhicule qui soit économiquement supportable par le client et compatible avec le marché de masse automobile. Une production de masse d’autant plus nécessaire que l’efficacité des voitures propres dépend certes de la faiblesse de leurs émissions unitaires de CO2 mais surtout du nombre de véhicules introduits dans le parc.

A cet obstacle du coût qui est commun à l’ensemble des technologies, s’ajoutent des maillons faibles propres à chacune d’elle.

Ceux de la voiture électrique concernent principalement la faible autonomie des batteries (même si des progrès sont en cours) et la durée de rechargement (de plusieurs heures). Pour pallier à ce problème, plusieurs solutions sont prévues : des bornes de recharge rapide, des stations de fourniture de batteries pleines prêtes à l’emploi ou encore des logiciels de prévision de la consommation. Au-delà du rechargement rapide, des structures pour le réapprovisionnement doivent être proposées à travers l’implantation d’un réseau d’alimentation dense. Toutefois, les premiers retours d’expérience indiquent que le développement d’infrastructure de recharge publique n’apparait pas indispensable au regard des usages, mais répond surtout à la volonté des entreprises et pouvoirs publics de construire un environnement rassurant levant l’ « angoisse de la panne ». Enfin, la voiture électrique bouleverse l’usage de la voiture, en lui ajoutant les contraintes citées précédemment, mais aussi car le modèle économique qui se prépare repose sur une offre locative de la batterie (souscription d’un abonnement pour l’alimentation électrique incluant l’utilisation de la batterie et la facturation au kilomètre).

Le principal frein à une diffusion rapide du modèle hybride est son prix trop élevé, à cause de la double motorisation. Ce qui le cantonne à un marché de niche.

Les principaux inconvénients du moteur à hydrogène sont le problème du stockage de l’hydrogène à bord du véhicule et la mise en place d’une infrastructure de production, de transport et de distribution d’hydrogène qui suppose des coûts très élevés, ne permettant pas de perspectives de production massive et accessible avant plusieurs décennies.

Enfin, les principaux maillons faibles des motorisations dédiées aux biocarburants sont d’une part, la production limitée de biocarburant qui se heurte rapidement au manque de surfaces cultivables, et d’autre part, la faiblesse du réseau de distribution des biocarburants. En ce qui concerne les carburants gazeux, l’utilisation de GNV se heurte à la difficulté de stockage (caractère gazeux) et à la faiblesse des infrastructures de distribution. Quant au GPL, il n’est plus intéressant en termes de pollution locale à cause des normes Euro.

Quand bien même ces technologies parviendraient à se développer massivement, elles restent limitées pour répondre aux enjeux de développement durable.

En effet, l’électricité, l’hydrogène et les biocarburants peuvent paradoxalement contribuer à augmenter les émissions de CO2  du « puit à la roue ». Quant au modèle hybride, au-dessus de 50 km/h, ses avantages environnementaux sont beaucoup moindres puisque c’est le moteur thermique qui prend le relais.

Par ailleurs, ces alternatives présentent des effets pervers. En effet, en déculpabilisant les automobilistes et constructeurs, ces technologies propres risquent de pérenniser le recours à la voiture individuelle et d’augmenter le nombre de voitures et de déplacements sur les routes et donc les flux de matières et les émissions. De même, Christian du Tertre reprend le concept d’ « effet rebond » (Greening et alii, 2000) pour expliquer le phénomène où « la  réduction de l’usage de la matière rapportée au produit unitaire provoque une baisse du prix relatif qui peut induire une croissance de la demande et de la production conduisant à une croissance du flux global de matière ». On a donc une contradiction avec les enjeux de développement durable qui tient aux structures de causalité qui fondent la dynamique macroéconomique dans un régime d’accumulation industrielle. Chaque constructeur d’automobiles s’efforce de produire davantage de voitures certes « plus propres », mais en agissant ainsi, ils peuvent paradoxalement contribuer à une consommation globale accrue de voitures, de carburants, à une multiplication des déplacements et donc à une augmentation de la pollution et des déchets.

 

Ainsi, les modèles relevant de la logique industrielle ne permettent pas d’envisager une réduction notable des impacts environnementaux de la voiture. Focaliser le discours sur les technologies masque le vrai problème qui est de modifier la façon actuelle de concevoir les déplacements à l’aide de l’automobile. Nous verrons dans la deuxième partie de cet article les expériences relevant des modèles « serviciels » et de l’ « économie de la fonctionnalité » qui semblent plus efficaces mais pas moins difficiles à mettre en œuvre.

 

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