SLN et Eramet inventent le premier bateau anti-carène liquide au monde pour transporter du nickel

Le groupe minier et métallurgique Eramet a contribué, avec sa filiale calédonienne SLN, à développer un projet depuis 2009 visant à créer un bateau de transport de nickel spécifiquement conçu pour lutter contre l’effet carène liquide. Certifié par la NK Class [le bureau de certification maritime internationale] fin octobre 2011, le nouveau bateau devrait être opérationnel courant 2012.

La carène liquide est un phénomène potentiellement dangereux bien connu des transporteurs maritimes pouvant conduire, dans les cas les plus extrêmes, au naufrage des navires et à la perte de vies humaines.

 

Le phénomène de carène liquide

 

 

 

 

 

 

 

L’effet carène liquide est un phénomène physique touchant les navires transportant une cargaison liquéfiable. Lorsque les cales ne sont ni vides, ni entièrement remplies, le chargement se déplace suivant les oscillations du bateau. Il suffit de se figurer une bouteille d’eau à moitié remplie que l’on fait bouger horizontalement : l’eau se déplace horizontalement en suivant les mouvements de la bouteille. C’est ce que l’on appelle le parallélisme des liquides. Dans un bateau, les volumes transportés étant important, le déplacement latéral du centre de gravité de la cargaison liquide peut déstabiliser le navire, entrainant une perte de flottabilité et pouvant engendrer son chavirement.

Le transport du nickel, métal non ferreux solide, ne déroge pas à ce phénomène. Lors de son transport maritime, le nickel peut se liquéfier par l’action des intempéries et des vagues déferlant dans les soutes, augmentant ainsi le taux d’humidité de la cargaison. Cinq grands naufrages ont ainsi été causés par ce phénomène depuis 2009 : le Hong Wei (3 décembre 2010), le Nasco Diamond (4 novembre 2010), le Julian Fu Star (24 octobre 2010), le Black Rose (9 septembre 2009) et le Asian Forest (18 juillet 2009). Ces accidents rapprochés ont soulevé des préoccupations sur la fiabilité de ce type de transport et ont engendré des évolutions normatives.

La conception d’un bateau anti-carène liquide par Eramet et sa filiale SLN permet donc de lutter contre ce phénomène et de sécuriser le transport du nickel par voie maritime. Cette innovation fait écho aux nouvelles dispositions édictées par l’Organisation Maritime Internationale qui, pour lutter contre le renversement des supertankers, a imposé deux mesures préventives. Les industriels concernés par le transport maritime doivent, soit, garantir des chargements en minerais à faible risque de liquéfaction, soit, utiliser un bateau conçu spécialement pour le transport des minerais de nickel. Ce code, d’application facultative en 2009 et 2010, est devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2011. C’est la 2ème alternative, exposée au paragraphe 7.3.2.2 du Code de l’International maritime Solid Buck Cargo Code), qu’Eramet et la SLN ont choisie.

 

Le bateau anti-carène : une révolution dans l’acheminement maritime du nickel

 

 

 

 

 

 

 

Conçu par la chantier naval Naikai pour le compte de l’armateur Nissho Shipping, le nouveau bateau d’Eramet-SLN, qui viendra remplacer le navire le Jules Garnier fin 2012, a reçu, en première mondiale, la certification de navire construit spécialement pour le chargement et le transport sécurisé des cargaison pouvant se liquéfier, dont le nickel, même si la cargaison excède le taux limite d’humidité transportable.

Unique navire ayant ces capacités, le bateau anti-carène est un atout central dans la production de nickel. La réalisation technique est gardée secrète car Eramet et SLN seront, une fois le bateau affrété, les seuls à pouvoir transporter du nickel en conformité avec les normes internationales.

Cette innovation est une révolution dans le domaine du transport du nickel car elle sécurise l’acheminement de la ressource en garantissant son approvisionnement quelques soient les conditions maritimes, météorologiques et le volume de nickel transporté. En outre, les équipages des bateaux bénéficient d’une meilleure protection contre d’éventuels chavirements.

Dans un contexte international où le cours des ressources minières est soumis à de nombreux aléas, la collaboration entre Eramet, la SLN et Nissho Shipping, permet à ces derniers de se démarquer des concurrents. La sécurisation du transport du nickel, et par extension des autres ressources soumises au phénomène de carène liquide, est appelé à se développer pour des considérations économiques, législatives et environnementales.

 

 

lire le billet

L’Union Européenne revoit sa stratégie sur les matières premières

drapeaux européens (préfecture de l'Aube)

Depuis le début de l’année 2011, les instances européennes travaillent à une nouvelle stratégie intégrée pour les matières premières. Les différents rapports émanant de groupes d’experts et d’élus européens mettent en avant trois axes de réflexion : sécuriser l’accès aux matières premières, déployer une stratégie soutenable d’extraction et développer le recyclage des matières premières.

Le 30 juin, la Commission Industrie, Énergie et Recherche du Parlement Européen a adopté le rapport sur l’Initiative sur les matières premières de l’Union Européenne pour formuler les nouveaux principes directeurs de la future politique européenne  relatif à l’utilisation des ressources naturelles.  Les principaux éléments figurant dans le rapport soulignent la nécessité de pallier le manque de responsabilité de certaines entreprises extractives. Le rapport vise les violations des droits de l’Homme et des droits environnementaux et sociaux.

L’Union européenne poursuit ainsi sa politique de coopération avec les pays en développement riches en ressources naturelles. Actuellement, la Banque européenne d’investissement participe au financement des infrastructures de transport, énergétiques et environnementales pour améliorer les capacités de PVD à exploiter leurs richesses naturelles. En outre, la Commission Européenne soutient l’initiative ITIE (Initiative de transparence des industries extractives) dont plusieurs géants français sont signataires, notamment Total, Areva, GDF-Suez ainsi que le groupe Eramet, l’un des leaders mondiaux de l’industrie minière.

 

Eurodéputé reinhard buetikofer

 

Le Parlement Européen s’est également saisi de cet enjeu. Le rapport Reinhard Bütikofer -du nom de l’eurodéputé Les Verts/Alliance libre Européenne et adopté le 1er juillet en Commission Industrie- a identifié 14 catégories de matières premières exploitables « critiques » -dont des terres rares- nécessitant une étude approfondie sur leur potentiel. Le rapport préconise de mener une étude approfondie sur la rentabilité des matières premières au regard de leurs débouchés dans différents secteurs dont ceux des énergies renouvelables et des nouvelles technologies.

L’objectif de cette étude serait, selon le rapport, de « donner au marché des matières premières un cadre législatif dont les contours seraient plus nets » afin de « garantir l’accès aux matières premières » et de « développer une coopération avec les pays détenteurs de ces ressources ». Un groupe d’expert devrait être nommé à cet effet d’ici à la fin de l’année 2011.

« Un signal clair en ce qui concerne la future stratégie européenne dans le domaine des matières premières »

Dans le rapport Reinhard Bütikofer, les eurodéputés se sont positionnés en faveur de l’instauration d’une expertise complète du cycle de vie des matières premières. L’objectif vise à identifier les risques et les opportunités du marché ainsi que le coût global des matières premières de leur extraction à leur consommation. Les élus européens ont mis en avant l’importance de développer des processus de recyclage des matières premières plus économiques dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles. Pour le groupe des Verts, « le recyclage et l’efficacité des ressources sont la pierre angulaire de toute stratégie globale sur les matières premières ».

Reinhard Bütikofer –dont les propos sont relayés par le site d’information européenne Euractiv et par le site des Verts– considère que le rapport est une étape importante, « un signal clair », qui montre que « l’UE doit poursuivre une politique ambitieuse dans le domaine de l’innovation basée sur le recyclage des matières premières dans le but d’encourager la durabilité et la compétitivité ». L’eurodéputé explique que dans le contexte actuel de « raréfaction des matières premières » il devient nécessaire de « prendre en compte, dans l’exploitation des matières premières, toute une série de critères environnementaux et sociaux […] respectant les objectifs et les exigences d’une vraie politique de développement ».

Ces réflexions sur l’encadrement juridique des activités extractrices et le développement du recyclage des matières premières constituent une étape préalable à la production d’une nouvelle stratégie européenne sur les matières premières. Une feuille de route sur la stratégie européenne à horizon 2050 devrait voir le jour à partir de ces travaux et permettre, pour  Reinhard Bütikofer, de bâtir « la future stratégie européenne dans le domaine des matières premières ».

lire le billet