La Rhétorique de la transition énergétique

voiture_electrique_nucleaire_grandSégolène Royal l’a annoncé, le gouvernement s’apprête à lancer en « procédure accélérée » le projet de loi dit de « la transition énergétique pour la croissance verte » qui passera le 1er octobre à l’Assemblée nationale. La première mesure d’avenir de la France pour ce millénaire aurait pu se faire sous nos yeux en  réduisant – pour de vrai – la part du nucléaire dans le mix électrique national  de 75% à 50%  d’ici 2025. Et ce gouvernement aurait pu au fond avoir une once de vision d’avenir ou même une once de scrupule pour ses électeurs écologistes. Mais inutile de se réjouir : pas une seule centrale nucléaire ne sera fermée.

Pour atteindre les objectifs des promesses de campagnes (réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire), des dizaines de milliers d’éoliennes subventionnées seront construites et fonctionneront à plein régime aux côtés des centrales nucléaires. Mais en construisant 100 à 150% de moyens de production énergétique supplémentaires dans un pays où la population augmente assez peu, ne risquons-nous pas d’augmenter la surproduction d’une énergie non stockable? Les industriels de l’énergie ont bien sûr réfléchi à cette question avant nous. Ils ont même proposé un accord astucieux au gouvernement : un accord gagnant-gagnant … pour le gouvernement et les industries, qui consistera à augmenter de 100 à 150% la consommation électrique en France.

La clé de cet accord : la voiture électrique, cet engin qui ne pollue pas, en tout cas de façon visible. Car si le gouvernement développe la voiture électrique pour donner un nouveau sens au secteur nucléaire, cela veut dire que celle-ci produit directement des déchets nucléaires indestructibles et nocifs pour des millions d’années en plus de contribuer au pillage des mines d’uranium du Niger et d’émettre des gaz à effet de serre au cours du transport de ce minerai.

Par le biais de la loi dite “de transition énergétique”, le gouvernement s’apprête non seulement à offrir des dizaines de milliards aux industriels de l’automobile électrique mais également des privilèges uniques aux seuls CSP+ utilisant le système de véhicule électrique. En effet, les utilisateurs du réseau électrique bénéficient déjà à Paris de places de parking gratuites et réservées ainsi que de pleins de leur batteries aux frais de la collectivité. Si vous soutenez malgré tout la voiture électrique (dans son état d’avancement actuel), une étude de l’Ademe montre que celle-ci n’est pour le moment pas plus vertueuse que la voiture thermique et cela même concernant les émissions de CO2. On attendra donc que l’État regarde vers de vrais projets d’avenir comme peut être les moteurs à air comprimé.

Faire croire à un geste environnemental en maintenant le nucléaire et en subventionnant l’augmentation de la consommation d’énergie, c’est le tour de force unique qu’aura réussi à réaliser le gouvernement socialiste. « De toutes façons sur le papier nous aurons atteint la part de 75% à 50%  de nucléaire dans le mix électrique national » pensent-ils bien trop fort.

Hormis le nucléaire on remarque également que la réforme du code minier et le projet de loi sur la biodiversité semblent passer à la trappe. Mais enfin, tout n’est pas à jeter dans ce projet de loi : si l’essentiel de celui-ci a un gout amer de trahison, on salue tout de même le projet de normes pour la construction d’édifices publics à « énergie positive » et les quelques points concernant la préservation des terres agricoles et les ressources en eau. Quelle drôle de chose que ce mot « transition énergétique » qui sonne comme le mot « révolution » et qui comme en 1789 ne changera au fond que les apparences. Comme le disait le comte de Lampedusa dans le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

Sources :

http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/geopolitique-de-l-energie-thematique_89429/nucleaire-solaire-le-gouvernement-francais-sait-il-vraiment-ce-qu-il-veut-article_287937/

http://blogs.mediapart.fr/edition/nucleaire-lenjeu-en-vaut-il-la-chandelle-pour-lhumanite/article/100914/voiture-electrique-nucleaire-bluecub-retire

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20131204trib000799310/le-vehicule-electrique-pas-si-ecologique-que-ca-.html

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Au Japon les anti-nucléaires sont “in” et ils sont des millions

Les militants anti-nucléaires français ont souvent l’image de « roots », « ringards » ou autre énergumènes fan de kermesses. Au Japon, être anti-nucléaire, c’est « in ». Normal, remarquez, quand on sait ce qu’ils vivent depuis la catastrophe de Fukushima. Une catastrophe « provoquée par l’homme », selon le dernier rapport officiel, et non par le tremblement de terre à l’origine du tsunami géant survenu le 11 mars 2011. C’est d’ailleurs ce qui motive des manifestations anti-nucléaires, chaque semaine dans ce pays, mais en Inde également.

Ce week-end, « des milliers de personnes ont répondu présent à l’appel du compositeur japonais Ryuichi Sakamoto en faveur de l’abandon de l’énergie atomique » au Japon. Ils se sont mobilisés pour « soutenir et applaudir le concert de soutien « No Nukes » organisé en « proche banlieue de Tokyo ». Qu’ils soient rigoureusement militants anti-nucléaires ou simple amateurs de musique au départ, le message en faveur de la construction d’un « après-nucléaire » est passé auprès d’un large public.

Mise en ligne le 7 juillet sur Youtube, cette vidéo du concert a été vue plus de 15 000 fois déjà.

 

 

Il s’agit du Yellow Magic Orchestra, réuni à l’initiative de son ex-acolyte Sakamoto, pianiste et pionnier de la musique électro-acoustique au Japon. Ils ont manifesté en musique, donc, avec une dizaine de groupes, parmi lesquels le groupe allemand Kraftwerk (« centrale électrique », en français), également hostile à l’énergie nucléaire.

Les fonds récoltés lors de ce concert seront reversés au mouvement « Adieu l’énergie nucléaire », également soutenu par le prix Nobel de littérature Kenzaburo Oe et par le journaliste « dénonciateur de scandales » Satoshi Kamata.

Pour voir l’ensemble des concerts du week-end, c’est par : un visionnage en streaming déjà « liké » par plus de 18 000 personnes sur Facebook.

Les organisateurs de l’évènement expliquent que « plus d’un an s’est écoulé depuis l’accident de la centrale de Fukushima. La compagnie d’électricité Tokyo Electric Power (Tepco) et le Premier ministre japonais ont déclaré la crise aigüe terminée, mais la réalité est que le danger n’est pas écarté et que la vraie résolution de l’accident demeure incertaine ». Ils ajoutent que « l’avenir est une totale inconnue pour les personnes forcées d’évacuer leur région à cause du désastre atomique consécutif au séisme et au tsunami du 11 mars 2011. Et il est fort probable que les conséquences sanitaires de ce drame ne soient découvertes que plus tard. Nous avons donc organisé ces concerts pour pousser à l’abandon de l’énergie nucléaire au Japon, afin qu’une telle catastrophe ne se reproduise pas ».

On les comprend. Depuis plus d’un an, une pétition contre l’énergie atomique a recueilli « plus de 7,5 millions de signatures » dans le pays. Tous les vendredis, des manifestations sont organisées « devant la résidence tokyoïte du Premier ministre » où se rassemblent « des dizaines de milliers d’opposants à la présence de réacteurs nucléaires sur le territoire japonais ».

La catastrophe de Fukushima n’est pas une catastrophe naturelle

Rappelons que, survenue dans un contexte de catastrophe naturelle (tremblement de terre +  tsunami), la catastrophe de Fukushima n’en est finalement pas une. Il s’agit d’une catastrophe imputable à l’homme.

Jeudi dernier, une commission d’enquête mandatée par le Parlement nippon, composée de  10 membres de la société civile (sismologue, avocats, médecins, journaliste, professeurs) désignés par les parlementaires, a conclu que l’accident nucléaire de Fukushima a été «  un désastre créé par l’homme » (collégialement, non individuellement) résultant d’ « une collusion entre le gouvernement, les agences de régulation et l’opérateur Tepco, et d’un manque de gouvernance de ces mêmes instances ».

Le document, argumenté sur 641 pages, affirme qu’« ils ont trahi le droit de la nation à être protégée des accidents nucléaires ». Les auteurs pensent que « les causes fondamentales sont les systèmes d’organisation et de régulation qui se sont basés sur des logiques erronées dans leurs décisions et leurs actions ». La commission pointe que « bien qu’ayant eu de nombreuses occasions de prendre des mesures, les agences de régulation et la direction de Tepco n’ont délibérément rien fait, ont reporté leurs décisions ou ont pris des mesures qui les arrangeaient ».

Dans un article paru en France sur Atlantico, Corinne Lepage, eurodéputée et présidente de CAP21, partage les conclusions de cette commission et parle d’« accident nucléaire d’origine industrielle ». Elle met en garde la France, afin que n’y soient pas reproduites les mêmes erreurs.

En France, elle fait partie des nombreuses voix à prendre position en faveur d’une sortie claire du nucléaire. Mais dans notre pays, les voix sont trop « éparses », du centre politique aux anarchistes, les opposants à l’atome s’éparpillent et le mouvement, contrairement au Japon ou à l’Allemagne, ne prend pas.

Manque-t-il un leader au mouvement anti-nucléaire français ?

Au Japon, le mouvement antinucléaire est conduit par un leader talentueux et reconnu comme tel. Il est mené par le charismatique Ruki Sakamoto.

 

© Kazuhiro Nogi / AFP

En France, plusieurs mouvements politiques (de CAP21 au NPA en passant par les Verts), anti-nucléaires (Sortir du Nucléaire et maintenant l’Observatoire du Nucléaire) ou des fédérations anarchistes (qui militent contre l’Etat nucléaire responsable du chantier EPR de Flamanville notamment) s’époumonent, dans leur coin ou en réseau online. Mais quelle figure charismatique pourrait porter la voix du discours anti-nucléaire ? Qui pourrait rassembler et conduire un mouvement unifié en faveur de l’ « après-nucléaire » ? On se le demande encore… à l’aune du débat énergétique prévu pour la rentrée de septembre.

L’heure sera aux prises de position. Que faire de l’énergie nucléaire ? A quelle vitesse en sortir ? Comment prévoir la transition énergétique ? Comment favoriser l’accès à l’énergie à tous (la précarité énergétique augmente) ? Quelle part donner aux économies d’énergie dans le futur mixe énergétique ?

Pendant que nous débattons de concert, des réacteurs nucléaires sont en projet ailleurs dans le monde. En Inde par exemple, où les communautés locales manifestent depuis des mois à Koodankulam, contre la construction de deux réacteurs russes.

L’Inde milite contre l’énergie nucléaire également

 

 

L’opposition à l’énergie nucléaire, quelle que soit sa forme et sa portée, semble ne pas s’essouffler. Mais comment la traduire en faits réels, tant que les acteurs politiques, institutionnels et industriels ne parviennent pas à dépasser leurs intérêts particuliers au profit de l’intérêt général ?

 

Sources : Ivan Villa (blog Mediapart), Francetv.frYahoo.com

 

 

 

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Quel avenir énergétique après Fukushima ?

Photo: Flickr.com

Suite à la catastrophe de Fukushima, le Japon a fermé, depuis le 5 mai dernier, ses 54 réacteurs nucléaires. Décision que la société civile salue, ainsi que l’ONG Greenpeace, malgré son caractère provisoire. En effet, en dépit de l’hostilité de la population qui s’organise pour vivre avec la radioactivité, le gouvernement japonais envisage de rouvrir certaines centrales. Les solutions énergétiques s’offrant au pays étant fortement coûteuses, quel sera son avenir ?

Conséquences de la fermeture des centrales

Placé en troisième position des pays les plus nucléarisés, après les Etats-Unis (104 réacteurs) et la France (58 réacteurs), la décision prise par le Japon représente un véritable tournant. Cependant, les 54 réacteurs nucléaires maintenant éteints produisaient environ 30% (chiffres de 2010) de l’électricité du pays, le reste étant produit par les énergies fossiles, et l’hydroélectricité. Les conséquences de cette décision sont donc multiples : le pays prévoit une hausse sensible des tarifs, des restrictions, l’importation d’énergies fossiles doublée d’une dépendance énergétique accrue, une hausse de la production de gaz à effets de serre, entre autre. Le Japon a déjà été obligé d’augmenter ses importations en gaz (37%), pétrole (20%) et charbon (16%), le conduisant à un déficit commercial, le premier depuis les années 80.

Dans l’esprit de création d’un nouveau mix énergétique, le premier ministre japonais, Yoshihiko Noda, n’exclut pas le nucléaire de la balance et propose « une réduction de la part du nucléaire », via la fermeture et le non remplacement des réacteurs en fin de vie. La population, qui a déjà fortement diminué sa consommation d’énergie, permet au gouvernement d’investir dans les énergies renouvelables (EnR) pour atteindre les 20% d’ici 2020.

Développement des énergies renouvelables

Malgré la confusion qui règne au Japon depuis les annonces du gouvernement à propos de la possible réouverture des centrales nucléaires, le gouvernement envisage dans l’avenir de revoir son mix énergétique et de se concentrer sur le développement des énergies renouvelables. A ce propos, Greenpeace encourage le pays à saisir cette opportunité pour aller de l’avant en matière de transition énergétique.  Suite au tsunami, le Japon, qui voulait jusque là renforcer la part du nucléaire à hauteur de 50% en 2030, s’est vu contraint de revoir ses objectifs à la baisse. Atteindre les 20% d’énergies renouvelables d’ici 2020 est un véritable défi pour le pays, d’autant que 8 des 9% d’énergies renouvelables dans la production totale proviennent de l’hydroélectricité.  C’est sur le 1% restant que l’effort doit donc se porter, puisque les EnR doivent « être multiplié par 12 en 8 ans » pour atteindre les objectifs 2020. Selon le ministre de l’environnement japonais, M. G. Hosono, cette croissance portera essentiellement sur le photovoltaïque et l’éolien, la géothermie et la biomasse restant en retrait, leur développement se heurtant à la préservation des sites naturels.

Photo: Fotopedia.com

Concernant le photovoltaïque, depuis le lancement du Japon dans l’aventure du solaire dans les années 70, le pays reste à la pointe en matière de recherche et de rendement. La production japonaise est une valeur sûre, malgré le monopole du marché du solaire pris en 2007 par la Chine, date à laquelle le gouvernement japonais a décidé de ne plus subventionner la technologie jugée « mature ». Des subventions continuent, toutefois, d’être accordées aux particuliers afin d’encourager les installations, les tarifs d’achat de « surplus d’électricité » restant également  attractifs. Du côté de l’éolien, l’espace libre au Japon est assez limité, les éoliennes terrestres générant de la « pollution sonores et visuelles ». Toutefois, deux projets sont en cours de réalisation, dont une ferme d’éoliennes flottantes, arrimées aux grands fonds marins, au large de Fukushima, devant atteindre une capacité de 1000 MW en 2020.

Révolte et organisation de la société civile

La population reste, malgré tout, très mobilisée après les déclarations du gouvernement de rouvrir deux réacteurs en juillet, faisant prévaloir le risque de pénurie d’énergie. Des manifestations ont d’ailleurs eu lieu à Tokyo, le 11 mars dernier, jour anniversaire de la catastrophe de Fukushima et le 5 mai, contre la relance des réacteurs nucléaires. Kolin Kobayashi, correspondant à Paris du Days Japan, explique que « loin de prendre cette mobilisation en compte, le nouveau gouvernement a au contraire fait pression sur l’autorité japonaise de sûreté nucléaire pour procéder à un seul stress test au lieu de deux, comme elle l’avait pourtant recommandé ». Le journaliste précise que l’avenir énergétique du pays reste flou depuis Fukushima, mais que « le gouvernement persiste » à vouloir conserver une branche nucléaire, « malgré les coûts financiers démesurés qu’elle implique. La commission du nucléaire civil évalue cette politique de relance à 18 milliards d’euros, un investissement impossible dans le contexte économique actuel ».

Face à ces décisions, la société civile se mobilise et s’organise en associations de défense contre le nucléaire. Rappelons que 80% des Japonais se déclarent contre la poursuite du nucléaire dans le pays. On voit notamment que des associations de parents, avec l’aide des ONG anti-nucléaires comme « Fukurô no kai, Greenaction ou Friends of the Earth Japan et l’appui d’experts scientifiques », se sont mobilisées « pour demander la décontamination et le contrôle des aliments dans les cantines ». Dans un autre registre, la population s’est organisée pour « avoir accès aux mesures de radioactivité et obtenir des informations non manipulées ». David Boilley, physicien, membre de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest (ACRO), déclare à ce propos que «  des dosimètres ont été distribués, 1 000 laboratoires citoyens ont été créés à travers le pays en un an, et même s’ils ne peuvent pas tout mesurer, faute d’avoir les outils nécessaires trop coûteux et les connaissances scientifiques pour déchiffrer les résultats, la population a repris en main les informations ». Au niveau  local, la population peut faire des mesures concernant les taux de radioactivité, tandis que l’ACRO opère au niveau international. Avec ses outils, l’association a pu découvrir des contaminations 250 km autour de Fukushima.

Controverse autour des professionnels de la santé

Photo: Flickr.com

Tandis que la population met en place des « solutions » pour vivre avec la radioactivité, les professionnels de la santé se divisent selon plusieurs opinions différentes. Certains jugent que la radioactivité est « sans danger pour la santé », une partie du personnel médical a préféré fuir la catastrophe de Fukushima et a quitté les hôpitaux, une troisième catégorie d’entre eux tentent d’apporter leurs services aux populations, notamment avec le « National Network of Parents to Protect Children from Radiation », ou en assurant des consultations gratuites aux victimes du drame. D’autres médecins encore, se sont regroupés pour « influencer le gouvernement  en matière de dose et répondre aux sollicitations, comme  l’association Citizen’s Science Initiative Japan ». David Boilley estime que beaucoup de membres du personnel médical n’a pas joué son rôle envers la population sinistrée, « sans doute parce qu’ils étaient trop déconnectés de la population ».

Concernant la défense des victimes des radiations consécutives à la catastrophe de Fukushima, des initiatives montrent que « les populations sont en train de s’organiser pour construire une autre société, alors que les autorités continuent sur un processus décisionnel centralisé qui ne tient pas compte de l’avis des personnes concernées ». L’ACRO explique que des avocats se battent pour que les populations puissent être dédommagés, « ils sont une cinquantaine et veulent maintenant bâtir une démarche collective de négociation avec TEP Co, pour donner plus de poids aux réclamations des personnes spoliées. Plus d’une centaine de victimes se sont déjà déclarées prêtes à les suivre dans cette démarche ».

La situation reste donc très complexe concernant le nucléaire et les solutions énergétiques au Japon, le combat entre les autorités et le gouvernement s’annonce difficile. Affaire à suivre.

Source : Novethic.fr

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L’industrie nucléaire depuis Fukushima

La catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi est la conséquence de deux évènements naturels survenus le 11 mars 2011.  Un puissant séisme d’une magnitude de 9 sur l’échelle de Richter tout d’abord, suivi d’un tsunami dont les vagues ont culminé à quatorze mètres de hauteur. Le séisme a occasionné diverses coupures d’électricité au sein des trois réacteurs à eau bouillante alors en fonctionnement sur le site de Fukushima Daiichi, provoquant un arrêt des systèmes de refroidissement des cœurs des réacteurs. Le tsunami a entraîné une inondation des locaux de la centrale, rendant impossible la mise en place de groupes électrogènes de secours, censés alimenter les systèmes de refroidissement. Bien que de possibles erreurs humaines aient été évoquées, notamment dans une publication du groupe TEPCO datant du 16 mai 2011, ces deux évènements naturels restent les causes principales de la catastrophe.

Leur conséquence principale est la fusion des cœurs des réacteurs alors en fonctionnement, qui aurait occasionné le percement de leurs cuves. « Aurait », car le phénomène n’a pas pu être vérifié. Des rejets radioactifs ont été constatés dans l’atmosphère, ainsi que dans l’océan Pacifique. Les premiers ont d’ailleurs occasionné une pollution de l’air et des sols environnant le site de Fukushima Daiichi, entraînant la nécessaire évacuation des populations locales. Cette catastrophe a été classée au niveau 7 de l’échelle INES (International Nuclear Event Scale), soit le niveau le plus élevé, et l’équivalent de celle de Tchernobyl, survenue en 1986.

Mais quelles ont été ses conséquences au niveau mondial ?

 

Europe, stop ou encore ?

Les dirigeants européens ont adopté deux postures opposées en réaction à cette catastrophe, ce qui a eu pour effet de provoquer une réelle scission en Europe dans les choix de politique énergétique des Etats membres. Mais une amorce de politique européenne de sûreté nucléaire a par ailleurs vu le jour.

L’Allemagne par exemple, a fait le choix de revenir sur sa décision de prolonger la durée de vie de ses plus anciens réacteurs de 12 ans, prise à l’automne 2010, pour finalement en finir avec l’atome à l’horizon 2022. Ce choix, annoncé par le ministre de l’environnement le 30 mai 2011, a été approuvé un mois plus tard à une large majorité de 513 voix contre 79 par le Bundestag, fédérant alors les membres de la coalition au pouvoir et les membres de l’opposition. Il reprend l’idée initiée en 2000 par le Chancelier Gerhard Schröder, qui avait alors fait voter une loi visant l’abandon de l’atome. Alors que certains, parmi lesquels Anne Lauvergeon, alors PDG d’Areva, ont décrié cette mesure qu’ils percevaient comme purement électoraliste et destinée à endiguer la montée des partis écologistes à la suite des élections régionales, force est de constater que ce choix vient avant tout répondre à une forte attente de la population outre-Rhin, sans cesse exprimée à la suite de l’accident de Fukushima lors de manifestations, qui ont réuni jusqu’à 250.000 personnes dans les rues de Berlin, Cologne, Hambourg et Munich le 26 mars. Répondre à cette volonté constituait dès lors plutôt un simple moyen d’éviter le suicide politique pour la chancelière en place. Et de cette menace d’une montée des idéaux antinucléaires, en mesure de faire déchanter ses rêves de réélection, elle a tiré une opportunité de s’ériger comme la chancelière qui aura enclenché le virage vert allemand. Mais l’enclencher n’est pas tout, encore faudra-t-il transformer l’essai, et le défi s’annonce de taille. Il représente en effet un investissement colossal en vue de mettre en place les sources d’énergie de demain, dont la principale pour l’Allemagne sera l’éolien offshore, et de déployer de nouveaux réseaux de transport d’électricité. Le développement de ces derniers sera essentiel afin d’éviter que le Sud du pays, où l’industrie qui requiert de l’énergie est très présente, ne se retrouve pas en situation de pénurie.

Comme l’Allemagne, l’Italie a renoncé au nucléaire, mais par le biais d’un référendum, qui s’est tenu les 12 et 13 juin 2011. A cette occasion, 95% des votants se sont prononcé contre tout programme de relance de l’atome. Ce choix n’a pas eu le même impact qu’outre Rhin, puisque les Italiens avaient déjà, à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, exprimé leur rejet de l’atome. Chez nos voisins transalpins, ce « non » a connu deux causes majeures. La première est un rejet de la politique du gouvernement de Silvio Berlusconi, et donc une volonté de sanctionner les multiples frasques d’un Premier ministre fantasque. La deuxième, et non des moindres, tient en la crainte du risque sismique important auquel est confrontée l’Italie.

La France et la Grande-Bretagne ont pris un chemin tout autre. Bien que la France ait choisi de rationnaliser, d’ici à 2050, son choix du nucléaire et sa place dans son mix énergétique, en se lançant dans un exercice de prospective, annoncé par Eric Besson au début du mois de juillet, elle ne l’a pas moins confirmé, comme en atteste les propos du Premier ministre François Fillon qui n’a pas manqué de réaffirmer le 12 juillet « la nécessité pour la France de poursuivre ses investissements dans le nucléaire civil ». Ce qui reste tout à fait compréhensible compte tenu des choix historiques fait depuis les années 1960 et de la place que ce secteur y occupe, celui d’un symbole de l’indépendance énergétique, qui couvre aujourd’hui 75% de nos besoins en électricité. La pression populaire en France dirigée contre le nucléaire, n’aura pas eu raison de lui. Plus diffus, bien que fédérateurs, les mouvements anti-nucléaires français n’ont ainsi pas réussi à placer la question nucléaire au sommet du débat politique, contrairement à leurs homologues allemands. Au Royaume-Uni comme en France, la réponse à la crise née des évènements de Fukushima a elle aussi été pragmatique. Les Britanniques ont jugé un nouveau développement du secteur nucléaire sur leur territoire utile et efficace afin de remplir leurs ambitieux objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. Ils ont ainsi confirmé l’implantation future de huit nouvelles centrales nucléaires sur des sites côtiers, après avoir intégré les nouvelles exigences de sûreté liées à la crise japonaise, élaborées par Mike Weightman, inspecteur en chef des installations nucléaires.

Au milieu de cette cacophonie, l’Union européenne a su jouer son rôle. Ne disposant pas de pouvoirs coercitifs dans le domaine des politiques énergétiques des Etats membres, elle a tout de même réussi à placer la sûreté nucléaire comme enjeu majeur et à susciter la mise en œuvre de critères communs pour l’évaluer. Elle a également réussi à inciter les Etats membres à une coopération en la matière, formalisant un principe dit d’ « examen par les pairs ». Celui-ci entraine un droit de regard des autorités des Etats frontaliers des centrales sur la sécurité de leurs installations. Enfin, l’UE assimile de fait l’idée qu’un incident nucléaire ne connait pas de frontières.

 

Asie du Sud-est, entre traumatisme, réserve et action

Le traumatisme est logiquement venu du Japon, frappé de plein fouet par cette catastrophe. Au sein de ce pays dans lequel les mouvements contestataires sont peu fréquents, celle-ci a pourtant occasionné une vague de mobilisations sans précédent. Aujourd’hui, on s’interroge. Comment ce pays qui a connu les événements d’Hiroshima et Nagasaki a-t-il pu se lancer dans l’aventure du nucléaire civil sans avoir jamais suscité la moindre opposition significative ? Cela semble principalement dû à un manque d’indépendance offert à la NISA (Agence de Sureté Nucléaire japonaise), qui outre ses missions de contrôle du parc nucléaire, doit aussi promouvoir cette source d’énergie. Cela s’explique aussi par un manque de transparence de la bureaucratie japonaise. Mais les autorités semblent avoir compris le risque issu de la sismicité, et paraissent désormais enclines à développer de nouvelles sources de production d’énergie, sous l’impulsion donnée par leur Premier ministre, toujours impopulaire, Naoto Kan, qui souhaite réduire la dépendance de l’archipel à l’atome.

La Chine, pour sa part, a fait preuve de réserve en instituant un moratoire sur ses projets de construction de nouvelles centrales. Bien qu’il soit évident qu’elle les mènera à leur terme, une telle démarche est un signe fort, car il émane d’un pays bien souvent pointé du doigt pour ses technologies « low cost », dont la fiabilité est régulièrement mise en cause. Elle a ainsi démontré que la sécurité était pour elle aussi un impératif. Contrairement à l’Inde, qui semble foncer tête baissée en vue de combler les besoins énergétiques de sa population, et reste sourde aux mises en gardes lancées par les organisations écologistes sur ses projets. Elle recherche en effet actuellement un financement pour agrandir le complexe nucléaire de Jaitapur, situé dans une zone à forte sismicité, et donc soumises aux mêmes risques que le Japon.

 

Russie, une volonté de promouvoir la sureté mais certains progrès à faire

A la suite de la catastrophe de Fukushima, les autorités russes se sont érigées comme les défenseurs d’un secteur nucléaire sûr. Le Président Dmitri Medvedev et son Premier ministre Vladimir Poutine ont ainsi multiplié les déclarations, notamment dans le cadre du G8, prônant un durcissement des normes internationales de sécurité et des standards de l’Agence internationale de l’énergie atomique, allant jusqu’à proposer de les rendre obligatoires. Mais en parallèle de ces déclarations d’intention, on a pu constater que la Russie n’était en réalité pas maitresse chez elle. C’est un rapport de l’ONG norvégienne Bellona publié à la fin du mois de juin qui a révélé alors de nombreux cas de manquements aux règles de sécurité au sein des centrales nucléaires russes. L’ONG déplore une absence de prise en compte des risques sismiques dans les procédures de sécurité.

 

Etats-Unis, un soutien au nucléaire

Les Etats-Unis enfin ont maintenu leur soutien au secteur nucléaire. Confrontés à un vieillissement de leurs infrastructures, ils devront cependant réaliser d’importants investissements pour leur permettre de continuer à fonctionner. Le Président Barack Obama souhaite ainsi poursuivre le politique de relance de constructions de centrales nucléaires, annoncée en février 2010, qui était à l’arrêt depuis l’accident de la centrale de Three Mile Island en 1979, bien qu’il ait ordonné, à la suite de la catastrophe de Fukushima, un réexamen complet de la sûreté nucléaire dans le pays. Les autorités diplomatiques américaines ont par ailleurs cherché à diversifier les débouchés de leurs industriels dans ce secteur, multipliant les rencontres, avec l’Inde notamment, mais aussi et ce plus discrètement, avec l’Arabie Saoudite.

 

 

 

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