Pollution : l’appel au civisme, une nouvelle forme d’expression démocratique selon Erick Orblin

Selon Erick Orblin, fonctionnaire territorial, l’appel au civisme pour gérer au mieux les pics de pollution tels qu’en a connu Paris dernièrement, est une nouvelle forme d’expression démocratique.

C’est peut-être la troisième fois que la maire de Paris demande au gouvernement de mettre en place une circulation alternée afin de contenir et maîtriser les effets néfastes de la pollution sur la capitale.

C’est sans doute la troisième fois que le gouvernement en charge lui aussi de l’intérêt général mais avec une compétence plus étendue que le territoire parisien exprime sa réticence sinon sa réserve en raison « d’intérêts supérieurs » ou d’une certaine lenteur pour prendre sa décision.

Il est effectivement plus difficile pour l’Etat de mobiliser ses services notamment répressifs pour mettre en place une régulation et un contrôle  efficaces.

Il lui faut aussi prendre  en considération tous les aspects d’ordre public prévus de longue date comme les visites protocolaires, les défilés et les manifestations sociales, politiques ou sportives.

Or, comme l’état  psychologique des agents de la force publique n’est pas au plus haut  ces derniers jours avec une charge de travail sans doute excessive, particulièrement en raison du plan vigipirate, il est difficile, voire impossible, de mettre en place des dispositifs de régulation et de contrôle adaptés.

Appeler  l’Etat à sa responsabilité « écologique » est certes louable mais ne peut être qu’un coup d’épée dans l’eau. D’autant qu’en tergiversant et en gagnant du temps la météo d’ici là aura sans doute eu raison du nuage de pollution !

Il y a pourtant une solution plus ambitieuse et plus novatrice que celle de vouloir régler ce problème de santé publique par un appel au pouvoir régalien comme si les communes étaient encore placées sous l’autorité de l’Etat, que la décentralisation n’avait pas été engagée et que la raison publique n’avait pas évolué.

Est-ce à dire que la maire de Paris veuille transférer la responsabilité confiée par ses concitoyens au gouvernement comme s’il s’agissait de son autorité de tutelle ? Non, évidemment, mais elle est peut-être prisonnière d’un mode de décision  politico-administratif qui appartient  encore au 20ème siècle.

A l’heure où les médias sont omniprésents, que les moyens de communication sont d’une grande fluidité (internet, facebook, twitter, etc.) et que son autorité n’est pas contestée, on peut se demander pourquoi elle se contente de demander une autorisation à l’Etat quand elle peut s’adresser directement au public.

Les habitants de Paris et de la région parisienne ne sont pas idiots, ils ont conscience de la situation et leur raison peut les conduire sans doute à adopter une démarche vertueuse sans avoir besoin de les menacer d’une sanction.

C’est pourquoi, le sujet se prête particulièrement bien à l’expression d’une démocratie directe, plus efficace et plus transparente.

La maire de Paris peut appeler les Parisiens et les Franciliens à exprimer leur civisme en pratiquant eux-mêmes une circulation automobile alternée, de leur propre initiative.

Cette idée de partage de l’espace public ne devrait pas leur déplaire d’autant qu’il réduirait la pollution tout en facilitant la circulation. Peut importe que le mouvement soit généralement suivi pourvu qu’il soit enclenché.

Une interdiction régalienne pourra être demandée dans le même temps pour ensuite être mise en œuvre sous la responsabilité de l’Etat si la nécessité l’impose.

Il est quasiment certain qu’un tel appel à la raison serait entendu.

Certains diront sans doute que le besoin de se déplacer doit ouvrir la porte à un transport de substitution mais l’alternative au transport automobile avec la gratuité des transports publics est sans doute un faux problème. En, effet le coût d’un déplacement en voiture est sans nul doute plus onéreux que deux billets de transport, même au prix fort.

Il faut donc oser, préparer une intervention radio et télévision et demander aux Parisiens et aux Franciliens de prendre leur destin en main. Ils sont capables de le faire. Un contrôle social sera sans doute plus efficace que celui des forces de police. L’autorité municipale en sera grandie et il n’y pas grand risque à défendre les nobles causes.

Erick ORBLIN

Fonctionnaire territorial

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L’extrême droite et l’environnement

Le docteur en sciences politiques et historien des idées Stéphane François, dans son livre « L’Écologie politique : une vision du monde réactionnaire ? », analyse les notions de retour à la terre, de nostalgie, de technophobie et d’antilibéralisme, comme des notions partagées par les écologistes et les « réactionnaires ».

Bien que l’extrême droite française ne se revendique que rarement « écologiste », existe-t-il une idéologie de l’environnement chez ses partisans?

Hormis la nostalgie des campagnes paysannes françaises et la détestation de l’idéologie progressiste des lumières, peu d’écrits par des auteurs engagés à droite, se penchent sur l’écologie. Il faut noter cependant le livre du politologue et journaliste Alain de Benoist publié en 2007, intitulé « Demain la décroissance ! Penser l’écologie jusqu’au bout ». Dans ce livre, l’auteur s’appuie sur un constat malthusien pour penser une décroissance non liée à un égalitarisme social.

En pratique cependant on voit un relai de plus en plus grand par l’internet d’extrême droite des réflexions environnementales de tous horizons. Le bloc identitaire et le Projet apache par exemple  se réclament sur leurs sites de « l’écologie » et de « l’anti-mondialisme ». Ils justifient leur radicalité et leur violence par l’impératif environnemental auxquels ils opposent « un idéal de ré-enracinement et de relocalisation économique, avec notamment l’objectif de réduire des importations exotiques particulièrement polluantes ». Dans le même sens, le Mouvement d’action sociale, d’inspiration fasciste, entend « préserver notre environnement, la richesse des pays et des terroirs, promouvoir une écologie organique qui rende à notre terre sa fonction sacrée et développer le micro-crédit social, les sociétés d’entraides mutuelles, les Amap, les systèmes d’échanges locaux ».

Sur une autre ligne, l’association nationaliste Égalité et réconciliation relaie des articles de l’humaniste Pierre Rabhi, des vidéos sur la permaculture ou l’agriculture bio.  L’association politique se finance même par une boutique bio en ligne – aubonsens.fr – qui vend des huiles de soins biologiques et des plats préparés bios aux cotés des bérets français 100% pure laine. Parallèlement certaines mouvances pratiquent un syncrétisme intéressant avec l’extrême gauche en adoptant certaines de leurs pratiques en même temps que leurs idées de décroissance. C’est le cas de l’AFU ou du Lys Noir qui se marginalisent et distribuent des Samizdats, journaux auto édités de style clandestin et dissident.

L’extrême droite lie de plus en plus la notion de sauvegarde de la terre à celle de l’identité ce qui ne plait pas aux tenants de l’écologie sociale. A titre d’exemple, le site Decroissance.org dénonce « une tentative de récupération tout à fait inamicale sur les milieux anti productivistes et anticonsuméristes pour passer en contrebande leurs thèses néo-malthusiennes, eugénistes, racialistes ». Le meilleur exemple illustrant ces propos est sans doute le candidat néonazi allemand Hans-Gunther Laimer. En accord avec le slogan de ses affiches : « Défendre l’environnement = Défendre la mère-patrie », il organise des journées portes ouvertes dans son  potager bio de Bavière.

L’extrême droite prend de plus en plus possession des problématiques environnementales qu’elle combine avec les questions d’identité et de frontières. Certains de ses détracteurs dénoncent une stratégie récente d’« infiltration » et de « diffusion des idées en douce » parfaitement combinée avec une stratégie de dédiabolisation. Cependant, il s’agit d’une tendance qui ne se manifeste pas ouvertement en France ou il y a peu d’actes concrets et où, au contraire de l’Allemagne, les partis politiques de l’extrême droite ne se sont pas vraiment emparés de ces problématiques. Ce n’est sans doute qu’une question de temps, à moins que l’épineuse question du nucléaire ne complique  la donne aux nationalistes français.

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La Rhétorique de la transition énergétique

voiture_electrique_nucleaire_grandSégolène Royal l’a annoncé, le gouvernement s’apprête à lancer en « procédure accélérée » le projet de loi dit de « la transition énergétique pour la croissance verte » qui passera le 1er octobre à l’Assemblée nationale. La première mesure d’avenir de la France pour ce millénaire aurait pu se faire sous nos yeux en  réduisant – pour de vrai – la part du nucléaire dans le mix électrique national  de 75% à 50%  d’ici 2025. Et ce gouvernement aurait pu au fond avoir une once de vision d’avenir ou même une once de scrupule pour ses électeurs écologistes. Mais inutile de se réjouir : pas une seule centrale nucléaire ne sera fermée.

Pour atteindre les objectifs des promesses de campagnes (réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire), des dizaines de milliers d’éoliennes subventionnées seront construites et fonctionneront à plein régime aux côtés des centrales nucléaires. Mais en construisant 100 à 150% de moyens de production énergétique supplémentaires dans un pays où la population augmente assez peu, ne risquons-nous pas d’augmenter la surproduction d’une énergie non stockable? Les industriels de l’énergie ont bien sûr réfléchi à cette question avant nous. Ils ont même proposé un accord astucieux au gouvernement : un accord gagnant-gagnant … pour le gouvernement et les industries, qui consistera à augmenter de 100 à 150% la consommation électrique en France.

La clé de cet accord : la voiture électrique, cet engin qui ne pollue pas, en tout cas de façon visible. Car si le gouvernement développe la voiture électrique pour donner un nouveau sens au secteur nucléaire, cela veut dire que celle-ci produit directement des déchets nucléaires indestructibles et nocifs pour des millions d’années en plus de contribuer au pillage des mines d’uranium du Niger et d’émettre des gaz à effet de serre au cours du transport de ce minerai.

Par le biais de la loi dite “de transition énergétique”, le gouvernement s’apprête non seulement à offrir des dizaines de milliards aux industriels de l’automobile électrique mais également des privilèges uniques aux seuls CSP+ utilisant le système de véhicule électrique. En effet, les utilisateurs du réseau électrique bénéficient déjà à Paris de places de parking gratuites et réservées ainsi que de pleins de leur batteries aux frais de la collectivité. Si vous soutenez malgré tout la voiture électrique (dans son état d’avancement actuel), une étude de l’Ademe montre que celle-ci n’est pour le moment pas plus vertueuse que la voiture thermique et cela même concernant les émissions de CO2. On attendra donc que l’État regarde vers de vrais projets d’avenir comme peut être les moteurs à air comprimé.

Faire croire à un geste environnemental en maintenant le nucléaire et en subventionnant l’augmentation de la consommation d’énergie, c’est le tour de force unique qu’aura réussi à réaliser le gouvernement socialiste. « De toutes façons sur le papier nous aurons atteint la part de 75% à 50%  de nucléaire dans le mix électrique national » pensent-ils bien trop fort.

Hormis le nucléaire on remarque également que la réforme du code minier et le projet de loi sur la biodiversité semblent passer à la trappe. Mais enfin, tout n’est pas à jeter dans ce projet de loi : si l’essentiel de celui-ci a un gout amer de trahison, on salue tout de même le projet de normes pour la construction d’édifices publics à « énergie positive » et les quelques points concernant la préservation des terres agricoles et les ressources en eau. Quelle drôle de chose que ce mot « transition énergétique » qui sonne comme le mot « révolution » et qui comme en 1789 ne changera au fond que les apparences. Comme le disait le comte de Lampedusa dans le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

Sources :

http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/geopolitique-de-l-energie-thematique_89429/nucleaire-solaire-le-gouvernement-francais-sait-il-vraiment-ce-qu-il-veut-article_287937/

http://blogs.mediapart.fr/edition/nucleaire-lenjeu-en-vaut-il-la-chandelle-pour-lhumanite/article/100914/voiture-electrique-nucleaire-bluecub-retire

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20131204trib000799310/le-vehicule-electrique-pas-si-ecologique-que-ca-.html

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Le zéro déchet arrive en France : Zero Waste France

Après un échec du mouvement dans les années 2000, le réseau Zero Waste France a été lancé officiellement en France samedi le 1er février à l’Hôtel de ville de Bobigny. Pourquoi donc cette appellation si « british » ? Le réseau Zero Waste d’origine californienne est né en 1980. « Zero waste » car en anglais « waste » a une double signification, déchet mais aussi gaspillage.  Le projet Zero Waste France est porté par le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid). Même si « zéro déchet» semble un objectif utopique, cette initiative reste un projet porteur pour atteindre un équilibre dans l’impact de la vie humaine sur l’environnement.

Zero Waste France - www.cniid.org

Zero Waste France – www.cniid.org

Le « zéro déchet », un état d’esprit

Nous sommes entourés de trop d’artifices et de choses superflues. Les marques l’ont bien compris et elles en profitent. La société de consommation semble aimer cela, préférant des produits bien (trop) emballés, avec une couche de film en plastique et un bel emballage qui finira ensuite à la poubelle. Nous créons ainsi des déchets qui sont des emballages pas indispensables et nous gaspillons des ressources. Il faut aussi réaliser que jeter un emballage équivaut à jeter une chose pour laquelle nous avons payé. L’emballage est un des produits qui a le plus court cycle de vie s’il n’est pas réutilisé. Le mouvement « zéro déchet » est l’occasion de changer ses habitudes et de simplifier les codes de conduite dans la société.

Le « zéro déchet » n’a rien à voir avec la radinerie. C’est l’évolution d’une société de consommation qui pendant des années ne s’est pas contrôlée et qui doit aujourd’hui prendre ses responsabilités afin de limiter son empreinte sur l’environnement. Le « zéro déchet » peut être une solution à plusieurs problèmes : moins de déchets implique moins de contraintes pour ceux qui ne font pas de tri sélectif qui demeure néanmoins un devoir pour tout citoyen responsable, moins de dépenses pour les consommateurs qui paient que pour les produits consommés, un coût de revient réduit pour les industriels car moins d’emballages, moins de pollution et un impact moindre sur l’environnement.

Les produits en vrac

Quand nous achetons un produit emballé, nous payons aussi pour l’emballage. Il serait plus économique et écologique d’acheter uniquement le produit que l’on compte utiliser. Le secteur des nouvelles technologies pourrait se retrouver fortement sollicité car de nouveaux besoins se créés. Un potentiel pour les  distributeurs de produits en vrac ? (lait, yaourt, parfums, couches bébé, dentifrice, entre autres). Les entreprises expertes du packaging et de l’emballage doivent innover et s’aligner sur des tendances plus écologiques. Il ne suffit plus de dire qu’un emballage est recyclable ou en matière recyclée. La nécessité même des emballages doit être remise en question.

Béa Johnson est française, elle vit aux États-Unis. Son coup de maître : faire tenir l’équivalent d’une année de déchets pour sa famille de 4 personnes dans un bocal de 1 litre. Quand elle fait ses courses, c’est avec des bocaux vides, qu’elle remplit dans chaque rayon. Elle n’achète aucun produit emballé. Aujourd’hui les patrons des plus grosses industries agro-alimentaires la consultent. Tous les médias se l’arrachent : New York Times, CNN, Fox News… « Zéro déchet », son premier livre sorti aux États-Unis en avril dernier, est un best-seller. Retrouvez toutes ses astuces ici.

Pour le moment aucune collectivité n’adhère au réseau Zero Waste France. Les collectivités ne se sont pas encore manifestées pour conduire un projet basé sur ce concept novateur et audacieux. Pour le rejoindre, c’est ici.

Si le « zéro déchet » vous intéresse vous pouvez acheter votre shampooing bio en vrac ici. La lessive, les céréales, les fruits secs entre autres sont disponibles en vrac dans les magasins du réseau biocoop en France et dans certaines grandes surfaces. Un jour peut-être nous irons acheter notre pizza ou notre déjeuner à emporter chez le traiteur avec nos propres récipients.

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Quelle politique européenne de l’énergie ?

L’Europe a été fondée sur l’idée d’une politique énergétique commune. Pour rappel, la première pierre de l’Union telle que tous la connaissent a été posée le 23 juillet 1951 avec la signature du Traité de Paris qui formait la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Pourtant, aujourd’hui, elle est en panne. Pour André Merlin, Président de MEDGRID[1],  et Président sortant du Conseil de Surveillance du Réseau de Transport de l’Electricité (RTE) « il y a urgence à redéfinir une politique énergétique européenne ». Lors d’un entretien, il nous livre ses explications.


http://www.earthtimes.org/

Au niveau de l’Union européenne, un premier effort de définition de cette politique a été lancé il y a quelques années et concernait principalement trois secteurs : « la création d’un marché de l’électricité et du gaz à l’échelle européenne », « le développement des énergies renouvelables et la lutte contre le réchauffement climatique » avec l’objectif d’accroître fortement « l’efficacité énergétique ». Le chantier d’un marché intérieur de l’énergie a débuté en 1996 à force de « directives successives qui ont permis d’étendre ce marché, marché « pas achevé mais qui existe et qui fonctionne ». Pour ce qui est de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, l’Europe s’est fixée des objectifs en 2008 avec ce qu’on appelle le « 3×20 en 2020 » : « 20% de réduction d’émission de CO2 par rapport à ce qu’elles étaient en 1990, 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen en 2020 et 20% d’amélioration de l’efficacité énergétique. »

 

Toutefois depuis 2008, « trois facteurs principaux ont pesé » sur la politique européenne de l’énergie : « la crise économique et financière » qui a « fait que l’énergie devient un élément déterminant de la compétitivité d’un pays », la « révolution » du gaz de schiste aux États-Unis qui a conduit à des prix du gaz 3 fois moins élevés outre-Atlantique qu’en Europe, attirant les industries énergivores, et « l’accident de Fukushima », qui a conduit à l’arrêt du nucléaire en Allemagne et à terme dans quelques autres pays d’Europe et également au renforcement des normes de sûreté des réacteurs nucléaires ».

Pendant ce temps, en Europe, des centrales à cycles combinés gaz, moins polluantes que les centrales à charbon, ferment car les prix du gaz sont trop élevés. « Et par ailleurs, comme on développe fortement les énergies renouvelables, la durée d’utilisation des centrales au gaz, qui sont le complément naturel par rapport au développement des énergies renouvelables du fait de leur intermittence, se réduit ». Du coup, les pouvoirs publics dans certains États membres tentent de développer un « marché de capacité » qui permettra de valoriser ces moyens de production (les centrales à gaz qui permettent de passer la pointe de consommation pour les rendre en quelque sorte rentables). Pour André Merlin, « il ne faut pas un marché de capacité par État membre mais un marché de capacité à l’échelle européenne ».

 

http://www.france3.fr

Le champs d’éoliennes offshore de Middelgrunden, dans l’Øresund, au large du Danemark

 

« Quant aux énergies renouvelables, l’Europe est en pointe sur leur développement par rapport aux autres régions du monde, d’où l’objectif de 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen en 2020. Aujourd’hui on est à 13%, atteindre 20% en 2020 reste un objectif ambitieux. Ce développement se fait à « prix très élevé » dans certains cas. Par exemple, « on produit de l’électricité solaire en Grèce, à partir de panneaux photovoltaïques installés sur les toits des maisons, au prix d’achat de 540€/MWh, soit 10 fois le prix du marché ». Les surcouts qui en résultent sont ensuite répercutés sur la facture d’électricité des consommateurs et tout particulièrement des consommateurs domestiques. Etant donné la crise que traverse l’Europe, ce mode de développement des énergies renouvelables « ne semble pas soutenable ». Comment donc, dans ce contexte continuer à développer ces énergies renouvelables en Europe ?

D’après André Merlin, « il faut le faire à moindres coûts » en prenant pour modèle les États-Unis où « chaque fournisseur d’électricité fait en sorte que dans son offre d’électricité il y ait une part obligatoire d’énergies renouvelables qui peut d’ailleurs augmenter progressivement dans le temps». Adopter ce modèle, c’est rendre « durable » la politique de développement des énergies vertes, car il évite des bulles spéculatives comme on l’a connu dans le photovoltaïque. Parallèlement, « les énergies renouvelables qui ont un caractère intermittent nécessitent un fort développement des réseaux électriques ; non seulement des réseaux de distribution mais également des réseaux de transport ». Or,  en Europe, ces chantiers sont freinés par « la longueur des procédures d’instruction » et le réseau d’interconnexion européen est « extrêmement en retard ». Rattraper ce retard, est la condition sine qua non de l’achèvement du marché intérieur à l’échelle européenne. Cette démarche « s’inscrit tout à fait dans le cadre du traité de Lisbonne qui prévoit une solidarité énergétique entre les États ».

 

http://www.lemoniteur.fr

« Il y a donc urgence à développer les réseaux électriques et tout particulièrement les réseaux d’interconnexion » comme l’indiquait André Merlin dans le journal La Montagne dans son édition du 30 mai 2013. Sinon, « le marché sera fragmenté avec d’importantes différences de prix et des risques de blackout. L’électricité ne se stocke que difficilement, ou bien indirectement au travers de stations de pompage hydraulique, les batteries électrochimiques ayant encore des coûts trop élevés pour l’équilibrage d’un système électrique de grande taille. « Le réseau électrique, tel qu’il est actuellement, c’est le talon d’Achille de la politique énergétique européenne » résume André Merlin. Le marché du gaz souffre à un degré moindre des mêmes maux.

L’ambition européenne de poursuivre la lutte contre le réchauffement climatique s’est traduite par la publication récente d’un ” Livre vert” par la Commission européenne » qui propose « d’aller vers une réduction encore plus forte des émissions de CO2, passer de 20% en 2020 à 40% en 2030 par rapport à 1990, mais aussi d’envisager d’atteindre 30 % d’énergie renouvelable en 2030 dans le mix énergétique européen. » Dans le contexte économique qui est celui de l’Union européenne aujourd’hui la question est par contre d’évaluer l’impact de ces objectifs sur la compétitivité de l’industrie européenne.

 

Sur le sujet très sensible politiquement des gaz et pétrole de schistes « l’attitude de l’Union européenne telle qu’elle a été adoptée au sommet des chefs d’État qui s’est tenu le 22 mai, qui est de dire que les pays qui veulent s’engager dans l’exploitation de ces ressources indigènes peuvent le faire, parait très réaliste. » La Pologne et le Royaume-Uni se sont donc lancés dans cette voie, ce qui n’empêche pas par ailleurs d’engager à l’échelle européenne des actions de recherche et de développement et réaliser quelques démonstrateurs pour mettre au point des technologies qui préservent encore davantage l’environnement».Il est sans doute possible d’« envisager technologies qui utilisent des produits biodégradables plutôt que des produits chimiques » ou des alternatives à la fracturation hydraulique. La deuxième chose à faire, c’est d’ « évaluer de manière plus précise les réserves, un rapport de parlementaires français sur ce sujet vient de sortir», signé par Christian Bataille et Jean Claude Lenoir. Il le préconise. Personnellement, André Merlin « pense qu’il faut y aller prudemment mais qu’il faut y venir parce que la France est dans une situation économique telle  qu’elle ne peut pas se passer à minima de connaitre l’état de ses réserves » ; elles sont aujourd’hui évaluées à environ 80 ans de consommation de gaz en France au niveau actuel. Mais bien évidemment cette évaluation doit être confortée par des forages conventionnels in situ.

 

Quid de l’efficacité énergétique ? Elle doit être un axe majeur de la politique énergétique européenne » et doit rester un objectif contraignant au sein de l’Union. La directive de 2012 va dans le bon sens, mais « l’efficacité énergétique est une œuvre de longue haleine ». Transports et isolation des bâtiments doivent concentrer les principaux efforts et « l’idée, par exemple, de faire, comme l’avait dit le Premier ministre [ndlr. Jean-Marc Ayrault] lorsqu’il avait pris ses fonctions, des moteurs qui consomment moins de 2l aux 100km, est une excellente idée parce que l’industrie automobile européenne en a la capacité technologique ». Néanmoins, l’efficacité énergétique ne doit se faire « à n’importe quel prix parce qu’il y a certaines mesures qui sont effectivement rentables et d’autres qui le sont beaucoup moins». Ainsi, l’isolation de certains bâtiments anciens peut être coûteuse. « Dans les années d’après-guerre, on a construit de véritables passoires thermiques » or le parc immobilier se renouvèle très lentement. La question se pose donc pour ces logements : faut-il les isoler thermiquement et jusqu’où ? Faut-il au contraire accélérer leur renouvellement ?

 

Propos recueillis par Jean Brousse et Aleksandra Fulmanski


[1] Consortium créé pour favoriser le développement des interconnexions électriques entre le Nord, le Sud et l’Est de la Méditerranée.

 

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Economie verte : tour d’horizon d’un attrape-nigauds

Leitmotiv du Ministère de l’Environnement, du développement durable et de l’énergie, levier de croissance, source de mécontentement des payeurs d’impôts… L’économie verte fait beaucoup parler mais elle ne semble pas faire l’objet de débat ni même de réflexion. Petit tour d’horizon d’un secteur pourtant polémique.

LIFE Magazine, 1962


Précédemment, nous avons comparé les politiques énergétiques américaine et européenne en penchant vers la politique qui a cours sur le Vieux continent, à savoir la transition écologique et l’économie verte. Or, force est de constater que l’économie verte est un concept extrêmement flou. Son sens a évolué à force d’appropriation par les différents acteurs du débat climatico-environnemental jusqu’à regrouper, aujourd’hui, tout et rien à la fois. Alors, l’économie verte, qu’est ce que c’est ? Et surtout, où cela nous mène ?

L’économie verte : un secteur vaste et très rémunérateur

On peut englober dans « l’économie verte » toutes les activités, industrielles (à but lucratif donc) ou publiques, ayant pour but la réduction de l’empreinte des activités humaines sur la planète ; c’est-à-dire impliquant la mise en place d’un régime moins carboné et plus respectueux de l’environnement. Delphine Batho, ministre de l’Environnement, du développement durable et de l’énergie, expliquait en début de mois qu’il s’agissait d’un marché de 550 Mds€. Ca a sans doute fait sourire bon nombre de badauds dans leur canapé devant BFMTV. Et pourtant, il suffit de comprendre l’étendue des domaines que recouvre ce secteur pour entrapercevoir les bénéfices liés. Voici une liste loin d’être exhaustive : le retraitement des déchets (de l’uranium usagé à vos épluchures de légumes), la pollution de l’air, la protection des paysages et de la biodiversité, la réduction du bruit, la gestion de la pollution lumineuse, la réhabilitation des sols et eaux, le traitement des eaux usées, le recyclage, la valorisation énergétique des déchets, la maîtrise de l’énergie, la construction de pistes cyclables, l’isolation des bâtiments, l’efficience des réseaux thermiques, la production et l’utilisation des énergies renouvelables … Une simple vue de cette liste et le scepticisme laisse place à l’envie de se lancer dans l’économie verte. D’ailleurs, selon l’INSEE, 450 000 emplois concernaient l’économie verte en France en 2010. L’économie verte, qui s’inscrit dans le cadre du développement durable, inclut donc un volet social fort. D’ailleurs, dans l’optique d’une sauvegarde de la planète, la croissance ne s’envisage pas à deux vitesses.

La fiscalité écologique a le vent en poupe

Et l’Etat dans tout ça ? Car oui, l’Etat est un acteur économique. La France a beau avoir privatisé EDF et consorts, elle influe sur son environnement économique par de nombreuses sanctions financières. La fiscalité écologique (c’est son nom) a déjà cours dans l’Hexagone même si elle mériterait d’être développée. Les ménages portent une partie du coût de l’impact écologique de ce qu’ils consomment avec une justification simple : les ressources n’étant pas infinies, nous payons pour dédommager les prochaines générations de la rareté future que créé notre consommation ainsi que pour les effets immédiats de notre consommation. La fiscalité devient non seulement un dédommagement mais également une incitation pour les ménages à moins consommer, ou à consommer de façon plus responsable. Dans les faits, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui s’applique à l’usage d’énergies carbonées a rapporté 25,5 Mds€ à l’Etat en 2011. D’autres taxes comme la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et la redevance de prélèvement d’eau s’appliquent aux ménages et donnent un coût à l’empreinte environnementale de la consommation des ménages. Néanmoins, celles-ci ne couvrent qu’une partie des impacts et certaines pollutions, comme les rejets de nitrates dans l’eau, ne sont pas prises en compte. Les foyers français ne paient donc par exemple pas pour leur contribution à la formation des masses d’algues vertes qui couvrent les plages bretonnes. D’autres taxes existent, mais elles sont marginales en comparaison de la TICPE (vous pouvez voir une liste de l’ensemble des taxes environnementales et leurs revenus sur cette page).

Les entreprises ne sont pas en reste, et paient bien plus que les taxes des ménages. Elles sont par exemple intégrées dans le marché européen du carbone, qui n’est aujourd’hui pas encore fini. Ainsi, sont attribués à chaque Etat européen des crédits carbone qui sont ensuite distribués aux différentes entreprises. Libre à celles-ci ensuite de réduire leurs émissions pour rentrer dans leurs quotas carbone ou de continuer à polluer « comme si de rien n’était » en achetant des quotas sur le marché du carbone.

Bien sûr, ce n’est ici qu’un bref aperçu des principales mesures d’une fiscalité environnementale qui compte pas moins de 47 taxes qui ont rapporté l’année dernière 36 Mds€. Et ce chiffre devrait aller croissant car la France est en retard dans ce domaine par rapport à ses voisins européens. En effet, la fiscalité environnementale en France compte pour 4,7% des prélèvements obligatoires dans l’Hexagone alors que la moyenne européenne se situe à 6,19%. Un Comité pour la fiscalité écologique débat actuellement sur plusieurs mesures, dont la réintroduction de la taxe carbone qui s’était heurtée au Conseil constitutionnel lors de la première tentative d’introduction par le Président Sarkozy. Il est aussi question d’augmenter les taxes sur le diesel à hauteur de celles sur l’essence.

L’Europe malade, l’économie verte est-elle un remède miracle ?

Mais l’économie verte ne se limite bien sûr pas à la fiscalité verte, ce n’en est qu’une infime partie et ne représente même pas la totalité des actions de l’Etat dans l’économie verte. La grosse partie reste celle représentée par les entreprises des secteurs précédemment cités. L’économie verte est un levier de croissance assez fort, car il n’est pas saturé et se base sur des emplois qualifiés. Alors pourquoi s’y intéresse-t-on seulement maintenant ?

Tout simplement parce que l’économie verte serait, pour nombre de personnalités, un des remèdes anti-crise que le pays cherche désespérément depuis 2009. La dépendance énergétique de l’Europe aux productions étrangères atteignait les 54% en 2009 et plombait une compétitivité que l’on a dit mal en point, mettant l’Union dans une situation de « précarité énergétique ». La croissance verte fait office, elle, de voie vers l’indépendance énergétique, un moyen de sortir d’une situation de sous-emploi massif qui semble sans fin, la conquête de nouveaux marchés étrangers (notamment dans les pays du Sud qui débutent leur développement) et un régime moins carboné. Le paradoxe, c’est qu’en ces temps de crise économique, la préoccupation énergétique ne fait plus partie des priorités pour les populations et les pouvoirs publics, acteur essentiel de l’investissement dans le secteur, n’ont plus les moyens de leurs ambitions pour subventionner une transition qu’on nous annonce depuis trop longtemps.

 

« Même si les effets bénéfiques à court terme des plans de relance « verts » risquent d’être insuffisants pour compenser les pertes d’emplois et de revenus causées par la crise, les retombées positives peuvent se faire sentir assez rapidement. » L’Observateur OCDE

 

Tous les décideurs (sauf Laurence Parisot) sont d’accord pour dire que l’économie verte était une partie des solutions aux problèmes du Vieux Continent. D’une part, elle permet de moins subir les coûts et la volatilité des énergies fossiles, la crise russo-ukrainienne de 2009 qui avait privé les foyers européens de gaz pendant plusieurs semaines  ayant constitué un parfait exemple de ce qu’on faisait de pire en matière de dépendance énergétique. Marché vierge à conquérir, l’économie verte devient alors un Eldorado financier pour les investisseurs désireux de voir les fruits de leur argent mûrir très vite et LA solution à long terme.

Soutenue par les pouvoirs publics, secteur de choix pour les investissements à long terme, l’économie verte serait-elle plus largement la solution pour réconcilier l’homme et son environnement ?

De nombreux spécialistes et environnementalistes répondent par la négative. Pourquoi cela ? La réponse tient sur deux arguments : le réalisme écologique et la moralité du choix de la croissance verte. Car auréolée d’un prestige certain, décorée d’un vocabulaire flatteur (les mots « écologique », « vert » ou « croissance » aiguisent l’appétit), la croissance verte reste une idéologie capitaliste basée sur l’augmentation de nos besoins et de nos consommations. Or, verte ou non, la croissance entretient toujours une corrélation positive avec l’utilisation des ressources, même si celle-ci tend à diminuer. Nous serons bientôt 9 milliards d’humains sur la planète, et même avec des voitures électriques, l’avenir n’est pas très radieux. Certains spécialistes, comme le zégiste Paul Ariès (les zégistes sont les avocats de la décroissance, une idéologie économique qui avance que la croissance économique est incompatible avec un futur viable), ont préféré renommer la croissance verte « capitalisme vert » car il s’agit bien d’un nouveau marché qu’il faut conquérir.

Le capitalisme vert a d’ores et déjà dressé ses habits d’apparat lors de la bataille pour le gaz de schiste aux Etats-Unis : derrière les discours des industriels qui présentaient l’exploitation de la nouvelle ressource comme une avancée vers des émissions de carbone réduites (ceci sans compter les fuites de méthane ou les milliers de camions utilisés pour les forages), se cachaient des pratiques à l’aspect moral douteux : contrats abusifs, pollutions des sols, communication de guerre… Le secteur du gaz de schiste n’est qu’un exemple parmi tant d’autres activités que regroupe l’économie verte. On avait notamment vu Suez-Lyonnaise des eaux provoquer une révolte populaire en Bolivie en 2003. La gestion « propre » du réseau d’eau d’El Alto, en banlieue de La Paz, avait semblé être une justification suffisante pour augmenter le prix de l’eau potable par 6. Au final, l’économie verte représente une avancée technologique qui permet aux sociétés de continuer à produire et consommer. Consommer plus respectueusement mais consommer toujours plus.

Du côté de la morale, certaines associations comme Alternatives Eco, dénoncent une « marchandisation de la nature ». Et dans un sens, elles ont raison. Car dans les coulisses des grandes décisions économiques mondiales, plusieurs experts férus de maths s’acharnent à donner un prix à chaque chose, et notamment à la nature. C’est notamment le cas du rapport Sukhdev qui donne un prix à la biodiversité. La production environnementaliste la plus célèbre, le rapport Stern de 2006, donnait lui un coût au réchauffement climatique. Cela présuppose donc que, soit l’Homme possède l’ensemble de la planète, peut la vendre et investir dessus de façon illimitée, et que toutes les activités naturelles sont substituables par d’autres investissements (ex : je détruis une forêt, donc je rembourse la forêt à son coût environnemental, sans culpabilité ou dilemme moral), ou que l’économie (néolibérale) est une science, ce qu’elle n’est pas, qui englobe l’ensemble des activités possibles et dirigerait donc nos relations entre êtres humains mais également avec la nature. Pour exemple, le rapport Sukhdev a estimé le prix du récif corallien d’Hawaï à 360 millions USD tandis que celui de la pollinisation par les abeilles en Suisse a été estimé à 210 millions USD par an. Pour le journal Le Monde, « la recommandation du rapport Sukhdev apparaît dès lors évidente : avant de détruire la nature, réfléchissez à ce que vous allez perdre. » Mais le réel sens de cette démarche ne serait-il pas plutôt : « détruisez ce que vous voulez, l’argent est un substitut suffisant » ? Si ce n’est sans doute pas le but des deux rapports cités, qui voulaient créer une prise de conscience de la réalité écologique, c’est de cette façon que l’économie verte peut être comprise. On a renoncé à placer les logiques sociales et économiques, qui constituaient le cœur du concept de développement durable, au dessus du système et de la logique économique en donnant un prix à la nature et aux inégalités.

Ne vous en faites pas, on s’occupe de vous déculpabiliser.

On a donc inventé tout un arsenal d’outils pour « moraliser » les activités humaines très impactantes par la compensation financière : marché carbone, permis de polluer, les remplacements (ex : Vinci qui souhaite construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes remplacerait le bocage nantais détruit par un bocage artificiel reconstruit à quelques kilomètres)… Et en mettant l’accent sur les entreprises, on a retiré toute responsabilité au consommateur. Pourtant, sans demande, il n’y a pas d’offre. Plutôt que d’inciter à consommer de façon responsable pour générer la croissance d’une offre responsable, on créé une offre qui se conforme à une norme environnementale complètement erronée. C’est pratique : plus de culpabilité, c’est la faute des entreprises et pas la nôtre.

Et pour continuer à se faire de la bonne pub, les entreprises ne se sont pas seulement conformées aux standards gouvernementaux qui s’imposaient à elles, elles ont poussé le vice jusqu’à s’approprier le monopole du développement « propre ». Selon Basta !, l’agence de veille des luttes environnementales et sociales, « de nombreuses entreprises multinationales ont désormais des partenariats avec des agences onusiennes. C’est le cas par exemple de Shell et du Pnue sur la biodiversité, de Coca-Cola et du Pnud sur la protection des ressources en eau, de Nestlé et du Pnud sur l’autonomisation des communautés rurales, ou encore de BASF, Coca-Cola et ONU-Habitat sur l’urbanisation durable. » Grâce à ces partenariats, on fait croire qu’en plus de se ruiner la santé avec du coca-cola, les citoyens contribuent à la sauvegarde de l’or bleu.

 

Pas besoin donc de chercher le complot mondial, cette manœuvre se fait aux yeux de tous et sans aucune honte. Les multinationales assurent même leur publicité dessus. De la communication de génie à la marche vers un futur un peu sombre, il semble n’y avoir qu’un pas, que l’on a largement franchi. Or les citoyens n’en ont que faire ou se laissent prendre à un système de désinformation qui leur laisse croire que l’impact de leurs décisions est minimal. Cependant, chacun est responsable du paradigme de consommation dont il fait partie. La vraie alternative se situe dans un changement des systèmes de consommation, et cette modification, qui ne reçoit pas l’aval des pouvoirs publics, ne peut passer que par les populations ; c’est un mouvement qui s’organisera par le bas. L’économie verte n’est qu’un concept parmi d’autres servant à brider ces initiatives, à empêcher le mouvement de s’amorcer.

Florian Tetu

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Impact du débat national sur la transition énergétique : coût, compétitivité, emplois

lacroix.com

Le débat sur la transition énergétique, lancé en septembre 2012 par le président François Hollande par le biais de Delphine Batho, la ministre de l’Ecologie, vient de franchir une nouvelle étape, le 23 mai dernier, avec le rendu des rapports au Conseil national du débat des trois groupes de travail portant sur « le financement » de la transition, « le mix énergétique » et « la compétitivité ».

Ce débat, rappelons-le, prévoit l’élaboration, en juillet, d’une loi sur la transition énergétique, suite aux remises des conclusions régionales et nationales au gouvernement, prévues le 18 juillet. Le gouvernement présentera alors cette loi à l’automne 2013 au Parlement ; celle-ci devrait, à priori, répondre aux objectifs annoncés par le Président Hollande de réduire notre consommation d’énergie d’origine nucléaire de 75% à 50% d’ici 2025. En outre, l’objectif européen que la France s’est engagée à tenir contre le changement climatique, d’ici 2050, est le dénommé Facteur 4, la réduction par 4 de notre consommation d’énergie.

 

Les scénarios et les propositions des associations et ONG

Plusieurs scénarios dont ceux de l’association Négawatt et de l’ADEME, répondant tous deux à l’objectif européen fixé pour 2050, prévoient, grâce à la transition énergétique et notamment le développement dans les énergies renouvelables, un effet très positif sur l’emploi. En effet, une étude réalisée le 29 mars dernier par Philippe Quirion, chercheur au Cired, Centre International de Recherche sur l’Environnement et le développement, a révélé que la mise en œuvre du scénario Négawatt 2011-2050 aboutirait à un effet positif sur l’emploi, de l’ordre de +240 000 emplois équivalent temps-plein en 2020 et 630 000 en 2030. Ce scénario repose notamment sur « une forte réduction de la consommation d’énergie, un développement massif des énergies renouvelables et un abandon complet du nucléaire en 2033 ».

Toutefois, ils ont souligné que cette étude n’avait pas pour but de « répondre à la question réductrice » qu’est celle portant sur le coût de cette transition.

Car cette question du financement, particulièrement épineuse, s’est posée pour nombre de contributeurs au débat, mais aussi pour le Ministère de l’Ecologie : sur son site, ouvert à cet effet, ce dernier donne très peu d’éléments à ce sujet.

En revanche, l’association WWF France a proposé de financer la transition énergétique en créant le TESEN, « un fonds indépendant pour la Transition énergétique et une sortie équitable du nucléaire » géré par la Caisse des Dépôts et a avancé que « le démantèlement des centrales nucléaires coûterait entre 300 et 400 milliards d’euros » dans les vingt à trente prochaines années.

L’ONG Greenpeace, qui boycotte le débat en raison d’ « un manque de confiance dans la volonté du gouvernement de réussir la transition énergétique », a elle aussi proposé son scénario et anticipé que les investissements nécessaires à la transition sont ceux d’un scénario tendanciel : le scénario est estimé à 490 millions d’euros entre 2011 et 2050 et à un coût de la production d’électricité identique, avec le temps, dans la part des énergies renouvelables.

Le groupe, portant sur « le financement » réuni le 23 mai, a notamment proposé d’utiliser les fonds de la Banque Publique d’Investissement (BPI), banque créée par le gouvernement Ayrault, le 31 décembre 2012. Il a en outre proposé qu’une partie des fonds gérés par la Caisse des dépôts soit « mis à la disposition d’opérateurs décentralisés des collectivités et d’Oséo garanties (BPI) pour assurer le développement des garanties sur prêts bancaires auprès des TPE/PME consentis au profit de la transition énergétique ».

Face aux nombreuses dissensions exprimées au sein du groupe, Mathieu Orphelin, co-rapporteur de ces travaux, a assuré que « les scénarios les plus ambitieux se rentabilisent en moins de quinze ans et permettent même d’économiser jusqu’à 145 milliards d’euros par an sur la facture énergétique en 2050 ».

Autrement, selon Philippe Collet, rédacteur d’actu-environnement, « aucun des scénarios ne prévoient une réduction du PIB » et tous prévoient « une croissance relative de sa part ».

Autres rendus des rapports des groupes d’experts

developpement-durable.gouv.fr

Concernant le prochain bouquet énergétique du pays, le groupe, dédié à ce sujet, a proposé, « faute d’avoir trouvé un consensus », quatre scénarios regroupant les idées majeures de chaque partie prenante du débat. Pour chacun, le groupe a estimé le coût d’investissement qu’il représenterait pour le pays.

Le scénario, intitulé « décarboné », donne la priorité au nucléaire et au gaz de schiste  en augmentant considérablement la part du nucléaire, passant à près de 65%, contre 42% actuellement (il ne répond donc pas à l’objectif de François Hollande), il est estimé entre 49 et 57 milliards d’euros par an (contre 37 milliards en 2012) ; le scénario intitulé « sobriété », tout aussi extrême, présente une sortie du nucléaire d’ici 2050 avec une baisse de 50% de la demande d’énergie, son coût est élevé entre 62 à 69 milliards d’euros par an ; le scénario « efficacité », estimé entre 56 à 63 milliards d’euros annuels, retient « une baisse de 50% de la demande globale mais un rôle accru de l’électricité » ; enfin le scénario « diversité », estimé entre 48 et 51 milliards d’euros par an, est basé sur « une baisse de 20% de la demande, avec une taxe carbone, une hypothèse de croissance moyenne médiane (1,7%) et le remplacement partiel du parc nucléaire ».

Le groupe a également divergé de point de vue quant au coût du mégawattheure nucléaire à venir : selon les experts, celui-ci a varié de 60 à 120 euros.

De son côté, le groupe des entreprises, par la voix du Medef, défend actuellement la place du nucléaire dans le futur mix énergétique, au nom de la compétitivité, de l’emploi, et de la très bonne place du pays en matière d’émission de CO2. Ce groupe, comptant 130 entreprises, parmi lesquelles EDF, Alstom, Areva, a avancé qu’« une énergie trop chère en France pousserait à la délocalisation vers des marchés où l’énergie est meilleur marché ». Ils affirment que toutes les énergies seront nécessaires (les énergies fossiles, renouvelables et le nucléaire).

Le groupe sur les énergies renouvelables, de son côté, n’a pas réussi à trancher l’épineuse question du financement, lors de la remise de son rapport, le 25 avril dernier.

 

En conclusion

A deux mois de la remise des conclusions au gouvernement et alors que chaque partie prenante semble camper sur ses positions, et que la ministre Delphine Batho a prévenu que si les groupes n’arrivaient pas à trouver des consensus, ce serait au Président François Hollande de trancher sur ces questions, l’aboutissement du débat laisse perplexe…

Nombre de contributeurs au débat plaident « l’attente » concernant la transition énergétique du pays en arguant que la France compte parmi les pays les moins émetteurs en CO2 à hauteur de moins de 2% émis au niveau mondial. Alors que la crise économique française touche durement l’emploi et la compétitivité du pays et que notre population est appelée à croître, plusieurs questions se posent : doit-on s’engager dès-à-présent dans une transition qui suppose un abandon progressif du nucléaire au profit des énergies dites renouvelables ? La France a-t-elle les moyens de financer la transition énergétique ? Quelles sont les leçons à tirer de la transition allemande, laquelle ne semble pas si « parfaite », notamment avec l’annonce d’une facture s’élevant à 1000 milliards d’euros d’ici 2030-2040 pour la seule sortie du nucléaire ? L’Allemagne a compensé, en outre, sa sortie du nucléaire par une utilisation massive du charbon, dont l’impact environnemental est incontestable…

Certains plaident que nous n’avons pas les moyens de nos ambitions alors que d’autres arguent que la transition énergétique serait bénéfique pour la relance de l’économie du pays, l’emploi et l’environnement. Mais qu’en sera-t-il ? Les experts du débat, n’arrivant pas à se décider sur de nombreux points, notamment sur le bouquet énergétique et le financement, ce sera en dernier lieu à notre président de trancher. Peut-être a-t-il déjà les réponses aux questions depuis un moment d’ailleurs…

Tous semblent néanmoins admettre que, si la France prend la décision de s’engager sur le chemin de la transition énergétique, la facture énergétique des ménages français devrait alors en pâtir avec une hausse considérable, et ceci outre l’augmentation déjà programmée par EDF de 30% de l’électricité d’ici 2017. Car, il est bon de noter que notre facture énergétique compte aujourd’hui parmi les plus faibles en Europe. Finalement, la décision reposerait-elle sur un pacte européen en matière de transition énergétique avec une harmonisation du mix énergétique et des factures électriques ?

 

Un sujet épineux, n’est-ce pas ?

Abid Mouna

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Doit-on tirer des leçons du modèle énergétique américain ?

 

 

 

http://www.whitehouse.gov

La production mondiale d’hydrocarbures de plus en plus de mal à suivre la demande et les prix du baril atteignent des niveaux record avec en prime de graves problèmes en termes de politique énergétique qui se posent pour les Etats. La crise de 2009 entre la Russie et l’Ukraine, qui avait mené à une coupure des approvisionnements en gaz en Europe a été un retentissement mondial et un vrai traumatisme pour des Européens qui se sentaient jusque là hors d’atteinte. Ainsi, la sécurisation des approvisionnements en énergie est arrivée au cœur des débats.

A cette problématique, les Etats-Unis ont choisi une réponse claire qui s’organise sur plusieurs fronts. La mesure la plus visible ces derniers temps et la plus fondamentale est l’augmentation de la production nationale d’hydrocarbures. Au-delà des simples revenus tirés de l’exploitation de la ressource, l’enjeu est de réduire les importations et donc la dépendance aux marchés étrangers. En effet, les Etats-Unis ont augmenté leur production de pétrole jusqu’à atteindre le niveau le plus élevé depuis deux décennies à près de 7,5 millions de barils par jours[1]. Grace à cette augmentation, « pour la première fois depuis plus d’une décennie, le pétrole (que les Américains) ont importé représentait moins de la moitié du combustible qu’ils ont consommé. »[2] Si on parle énormément de cette politique, c’est aussi pour le boom gazier qu’elle a produit avec l’explosion de la production de gaz de schiste qui, aussi polémique soit elle, a permis aux Etats-Unis de devenir le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie. L’augmentation de la production a atteint les 5 millions de m3 en 5 ans pour une extraction annuelle de 30 millions m3 aujourd’hui[3].

Cela dit, les Etats-Unis restent largement dépendants des productions étrangères. C’est pourquoi, pour se prévenir des fluctuations des cours dues à des environnements de production instables, le gouvernement américain a agi sur deux plans. Le premier et le plus impactant est le choix des pays importateurs : les Etats-Unis ont tendance à choisir des pays qui non seulement sont proches, mais qui en plus sont stables. Ainsi, les importations depuis le Venezuela ont chuté depuis l’année 2005[4] tandis que celles en provenance du Canada, politiquement solide, ont nettement augmenté[5]. Le président Obama, dans son discours du 30 mai 2011 à l’université de Georgetown à Washington D.C. a également évoqué le Mexique comme exportateur privilégié, même si cela ne se reflète pas dans les chiffres. Le Brésil est, lui, désigné comme un exportateur en devenir. Le gouvernement américain, au-delà de la réduction de la dépendance à l’étranger, essaie donc de sécuriser ses approvisionnements par la proximité géographique et politique.

La réduction des importations passe également par une augmentation des sources d’énergie alternatives (notamment le biocarburant sur lequel l’armée américaine mise de plus en plus) et un développement de l’efficience énergétique. Cela dit, le gouvernement américain se désengage progressivement de ce secteur et tend à prendre des mesures qui se limitent à l’adaptation des cadres légal et financier pour une meilleure intégration de l’économie verte à l’économie de marché et donc pour une compétitivité accrue comme le note Richard Kauffman, conseiller au Secrétaire de l’énergie. Les mesures d’aide financières, qui ont poussé la recherche et développement, arrivent en fin de vie et ne seront, en grande partie, pas renouvelées.

 

L’administration Obama a-t-elle les moyens de se battre sur tous les fronts ? Cela paraît difficile. Malgré les efforts de communication du Président, de grandes tendances et priorités apparaissent à travers le discours officiel. Et celles-ci ne correspondent qu’à des visions à court terme (qui correspond également au temps politique).

En effet, l’augmentation de la production nationale de pétrole et de gaz naturel apparaît aujourd’hui comme le point qui concentre tous les efforts via la recherche de nouvelles sources d’hydrocarbures (voir par exemple les sables bitumineux), la recherche de nouvelles techniques comme la fracturation hydraulique et la vente de concessions en grand nombre dont le Président Obama se vante très largement. Or, les importations ne diminuent pas proportionnellement. On a donc une augmentation de la consommation d’hydrocarbures aux Etats-Unis[6] après une baisse due à la crise économique, qui va à contre-courant du discours officiel qui veut que le pays se détache des énergies carbonées.

Considérant cela, la disparition des crédits et des aides au développement des sources d’énergie renouvelables – 75% des programmes de soutien fédéraux,  dont 1705 programmes de garanties de prêts et 1603 programmes de subventions, ont expiré ou vont expirer prochainement[7] – rentre dans un cadre plus vaste de dépendance accrue aux hydrocarbures. Loin de prévenir la fin de la ressource avec un peak oil qui approche à grands pas en modifiant le paradigme énergétique tout entier, les Etats-Unis s’enfoncent dans une impasse dont il sera de plus en plus difficile de sortir. Surtout, les investissements massifs qui sont faits dans l’extraction de gaz naturel sont des investissements à très court terme et les Etats-Unis ne pourront maintenir une production élevée sur une longue période. S’ils sont devenus le premier producteur de gaz naturel, ils ne possèdent pas les ressources les plus importantes et vont donc vers une exploitation débridée et irraisonnée de leur capital énergétique.

Cette politique a des retombées également très importantes en termes sociaux et environnementaux. S’enfoncer dans les hydrocarbures est également synonyme de pérennisation d’un régime d’émission de gaz à effet de serre (GES) scandaleux et de création d’un modèle économique qui produit une croissance économique très importante certes, mais virtuelle car basée sur le court terme.

 

En dépit de ce qui a été dit précédemment, certaines retombées positives de la politique énergétique américaine peuvent être isolées. Tout d’abord, dans un contexte économique maussade, le faible coût de l’énergie aux Etats-Unis dû à la diminution des importations d’hydrocarbures a donné un avantage compétitif à l’Amérique ce qui a aidé à faire repartir la croissance alors que l’Europe reste aux abois. Dans une économie globale s’internationalisant et s’uniformisant de plus en plus, cette singularité aide les Etats-Unis à maintenir sa domination autrement que par le développement des emplois cognitifs non-répétitifs pour lesquels la concurrence s’accentue.

Sur le plan de la politique étrangère, comme le souligne d’ailleurs le Président Obama lors de son discours de Georgetown, cette politique a également permis aux Etats-Unis de s’affranchir (relativement) du contexte international ; et cela est déterminant. Alors que Francis Fukuyama, célèbre chercheur en sciences politiques, annonçait la « fin de l’histoire » après la chute du mur Berlin[8], le climat international s’est tendu et les foyers d’instabilité se sont multipliés, touchant très fortement les principaux producteurs d’hydrocarbures. Le Moyen-Orient est plus agité que jamais depuis 2011 et les facteurs crisogènes demeurent. La Russie, qui abrite la première ressource en gaz naturel au monde, craint des déstabilisations sur son flan ouest mais également dans son cœur productif : le Tatarstan. Elle redoute d’ailleurs plus que tout la montée des intégrismes islamistes qui pourraient atteindre la région, qui représente un véritable hub en matière de production et de transport d’hydrocarbures. Le décès d’Hugo Chavez, qui portait à lui seul la sphère politique vénézuélienne, montre que la problématique de la volatilité des marchés due à l’instabilité politique peut se manifester sur le continent américain même. L’indépendance énergétique devient alors un facteur de stabilité politique et de croissance économique en plus d’une arme de plus pour la politique étrangère de Washington.

 

L’Union européenne est très critiquée pour sa politique énergétique, notamment par les syndicats patronaux. Allant de la dénonciation d’un manque d’ambition au constat d’un échec complet, les analyses pleuvent et élèvent en contre-exemple une politique américaine, symbole d’une réussite sur laquelle l’Union européenne semble incapable de prendre exemple.

Or, il semble difficile pour l’Union européenne de tirer des leçons de la politique énergétique américaine dans la mesure où les contextes et donc les possibilités sont différents. L’ère du charbon n’est plus et l’Union européenne est une zone pauvre en sources d’énergies fondamentales[9] : le pétrole et le gaz naturel.

A partir de ce constat, il est clair que l’argument principal de la politique énergétique américaine, à savoir l’indépendance énergétique pour les hydrocarbures, ne concerne pas l’Europe. Même Laurence Parisot reconnaissait lors d’un débat télévisé récent avec Mme. la ministre Delphine Batho sur BFMTV que les ressources en gaz de schiste en France ne pourraient, selon les estimations, que subvenir à 10% voire 20% des besoins nationaux en gaz naturel. Dés lors, ce n’est pas là-dessus que l’Europe peut agir ; d’autant plus que les extractions en mer du Nord diminuent faute de rentabilité.

C’est sur le choix des énergies renouvelables et de l’économie verte que s’est tournée le Vieux continent. L’Allemagne a d’ailleurs enregistré des premiers succès probants. Mais contrairement aux Etats-Unis, cette politique n’est pas sacrifiée au détriment d’une autre beaucoup plus profitable mais qui se limite au court terme[10]. Les coûts de sortie du gaz de schiste, dont les forages perdent très rapidement en rentabilité, est énorme et n’ont jamais été pris en compte. De plus, le marché des énergies vertes représente 550 milliards USD. L’Allemagne est pionnière dans le domaine et la France est 4è mondial du secteur.

Tandis que les Etats-Unis s’enfoncent dans un après-pétrole qui sera extrêmement difficile à gérer, une partie de l’Union européenne a fait le pari d’un changement complet de paradigme énergétique. Si ce pari paraît handicapant aujourd’hui, c’est parce qu’il vise le long terme. Les investissements en énergies vertes en Europe ne cessent de croître et ne subissent pas l’arrivée de sources émergentes comme le gaz de schiste[11] dont le boom a fait diminuer les investissements en énergies renouvelables et en efficience énergétique de 37% aux Etats-Unis selon Mme Batho, ministre de l’Economie, du développement durable et de l’énergie (11% au niveau mondial). Le pari n’est donc pas fait dans la demi-mesure et l’Europe ne se bat pas sur plusieurs fronts, ce qui pourrait lui procurer une énorme avance dans un secteur qui s’annonce très lucratif à l’avenir.

Quant à la question de la sécurisation des approvisionnements, là encore l’Europe est dépendante de sa condition géographique. Entourée de pays producteurs frappés d’instabilité politique, elle diversifie au maximum ses exportateurs dans le but de minimiser l’impact d’une éventuelle crise, mais elle ne peut recourir à des voisins stables comme le font les Etats-Unis. Et n’étant pas, ou très peu, productrice de pétrole, la création d’une réserve comparable au Strategic Petroleum Reserve est inenvisageable et trop coûteux.

Ainsi, l’Union européenne a fait le constat que, selon la norme énergétique mondiale actuelle, elle était en détresse. Alors, au lieu de renforcer sa position dans le système actuel en développant sa production d’hydrocarbures à outrance (ce qu’elle peut difficilement faire au vu de ses ressources), elle a préféré changer de système et se baser sur le long terme, tout en engrangeant les dividendes de la transition énergétique sous la forme d’un soft power énergétique toujours grandissant.

 

Florian Tetu


[6] Si la consommation de pétrole a faiblement diminué ces 5 dernières années, la consommation de gaz a nettement augmenté.

[8]Un des deux pôles de pouvoir dans le monde s’étant effondré, ne devait alors plus rester qu’un pôle américain hégémonique, ce qui préviendrait les conflits.

[9] Ces sources d’énergies, en particulier le pétrole, sont considérées comme fondamentales car elles nourrissent des secteurs dans  les sources alternatives n’interviennent pas, ou très marginalement. Il s’agit surtout du secteur du transport.

[10] Une récente étude estime que les ressources mondiales de gaz de schiste ne pourraient être exploitées que pour 10 ans. Voire http://www.ft.com/cms/s/0/4b831ffc-d1e1-11e2-9336-00144feab7de.html#axzz2VuEQvhY5 , consulté le 11 juin 2013.

[11] De nombreux pays européens ont autorisé le gaz de schiste mais aucun ne connait de ruée vers l’or comme c’est le cas aux Etats-Unis.

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Le cercle vicieux du gaspillage alimentaire

Chaque année vous jetez 20 kilos d’aliments par an, soit entre 500 et 1500€ de nourriture encore consommable. Moi aussi. C’est en tout cas ce que révèlent les chiffres 2012 de France Nature Environnement. Impossible ? Non, mais un gaspillage inconscient, plus probablement.

http://www.rue89.com/rue89-planete/2011/12/30/en-suisse-les-freegans-se-nourrissent-de-nos-gaspillages-227935

De prime abord, lorsque l’on parle de gaspillage alimentaire, on pense rapidement à ces poubelles proches des supermarchés qui débordent de nourriture. On pense aussi à cet employé de Monoprix à Marseille qui s’était fait licencier en 2011 alors qu’il récupérait les aliments jetés par la grande surface pour laquelle il travaillait. On pense à ce geste devenu instinctif des employés de la restauration scolaire, qui vident les assiettes des collégiens et lycéens alors que celles-ci sont parfois à peine touchées.

Et on a raison de le penser.

Pourtant le gaspillage, ce n’est pas que « les autres », c’est aussi nous, chaque jour, à la maison comme au supermarché en faisant nos courses.

Comment ? Essayons d’y réfléchir un peu.

Je pousse mon lourd caddy dans le rayon bien rempli de mon supermarché habituel, bien décidée à aller acheter de quoi préparer ma moussaka, considérant que j’ai déjà de la viande hachée dans mon congélateur.

Commençons par les légumes. Quatre aubergines mûres à point, une belle grappe de tomates, quatre oignons. Me voilà devant les étals.

http://www.gpspassion.com

Je choisis avec soin mes aubergines, il faut qu’elles soient longues pour faire de belles tranches. Ca y est je les ai choisies. En fait non, celle-ci est tachetée, elle doit être abîmée, je la repose.

Bien, passons aux tomates maintenant. Cette grappe est parfaite, les tomates sont bien rondes, bien rouges. Je vais prendre deux grappes en fait, les tomates, ça se mange toujours.

Les oignons maintenant, tiens c’est moins cher si je prends un filet de 1kg, parfait, l’affaire est faite.

Arrêtons-nous là tout d’abord.

  • Oui, cette aubergine est tachetée, alors je ne l’achète pas. Et le consommateur derrière moi la poussera sur le côté également. Et les employés la jetteront le soir même parce qu’ils savent que personne n’en voudra.

Cette aubergine pourtant est tachetée, juste tachetée. Ca ne présage pas nécessairement de son mauvais goût. De plus, on mange rarement les aubergines crues, alors une fois bien cuite dans une moussaka, qu’elle soit un peu molle ou tachetée au départ, ça ne changera pas grand-chose à la qualité de notre plat.

  • De la même manière, j’ai pris soin de prendre les plus « belles » grappes de tomates. Parce que quoi qu’on en dise, on le fait tous, naturellement. Nous avons en quelque sorte intériorisé, que beau légume = bon légume. Pourtant, les tomates du potager de votre vieil oncle qui habite à la campagne ne sont pas aussi rouges, pas aussi rondes. D’ailleurs, pas sûr que vous les auriez choisies parmi les autres tomates du supermarché. Pourtant elles, elles ne sont pas traitées.Je prends deux grappes, parce que c’est vrai que des tomates ça se mange facilement : dans un gratin, sur une tarte, une quiche, en salade, farcies. Mais en fait, je n’ai prévu que de faire une moussaka ce soir. Et demain je mange au restaurant, et après-demain j’aurai envie de commander chinois, et après-après-demain j’aurai oublié ces tomates qui « se mangent toujours », et dans une semaine je les retrouverai au fond de mon bac à légumes, immangeables.
  • En tant que consommatrice rationnelle j’ai choisi de prendre un filet de 1 kg d’oignons. Au kilo ça me revenait moins cher, alors suite à un petit calcul « coût-avantage » que j’ai aussi bien intériorisé que « beau = bon », je prends le filet. Mais les oignons, ça reste un condiment, qui se cuisine, qui demande du temps. Du temps, je n’en ai pas toujours, ou je ne le prends pas toujours. Alors ces oignons, je finirai sans doute par les jeter d’ici trois semaines, parce que j’estimerai qu’ils ne sont plus comestibles.

RIP aubergines, tomates, et oignons.

 

 

http://www.georgesbuisset.fr

Reprenons nos courses. Il me faut également de quoi faire une béchamel. Du beurre, du lait … Mince, il me semble bien qu’il reste du beurre dans le frigo, mais en aurais-je assez ? Mieux vaut en prendre dans le doute, ce serait trop bête de devoir aller chez l’épicier du coin s’il m’en manque au dernier moment, surtout que je le paierais au prix fort. Un peu de fromage aussi, du gruyère pour faire gratiner tout ça, et de la mozarella pour donner de l’onctuosité, juste un petit peu, je finirai ce qu’il reste en salade avec les tomates.

Tiens, pendant que je suis dans le rayon des produits frais je vais prendre aussi des yaourts, je n’en ai plus beaucoup. Je commence à pousser tous les paquets afin d’arriver tout au bout de l’étagère, car je ne veux pas gâcher, je n’en mange qu’un par jour donc autant prendre le paquet dont la date de péremption est la plus éloignée. Oh et je vais prendre ces mousses au chocolat, pour le dessert.

Faisons une petite pause.

  • En rentrant chez moi je vais m’apercevoir que j’avais déjà du beurre entamé, et même une plaquette au fond du frigo que j’avais oubliée. Elle doit dater de plusieurs semaines, et mon frigo est petit, alors tant pis, je la jette.
  • En faisant ma moussaka je vais me rendre compte que c’est déjà un plat fort gras, alors je vais y aller doucement sur la mozarella, et n’utiliser qu’une demi-boule de fromage. Ces paquets plein de jus ne sont guère pratiques, d’ici trois jours je le renverserai sans faire exprès, en voulant attraper mon yaourt. Je râlerai, épongerai, et finirai par jeter cette mozarella restante et parfaitement comestible.
  • En rangeant mes yaourts dans mon frigo, je vérifierai la date de péremption de ceux qu’ils me restent. Je les jetterai car celle-ci est dépassée. Je ne vais pas risquer de m’empoisonner alors même que j’en ai des frais, non ? Pourtant, j’avais fait la même chose en les achetant, j’avais prix le paquet de 12 yaourts dont la date de péremption était la plus éloignée.
  • Nous ne sommes que deux à manger ce soir. Mais ma recette de moussaka est pour quatre personnes. Alors je mettrai les restes dans un Tupperware, que je placerai dans le frigo et que je finirai… Pas demain car je vais restaurant, ni après-demain car je mangerai chinois… Et dans trois jours je considérerai sans doute que sa fraîcheur est douteuse, surtout qu’il y a de la viande dedans.

RIP moussaka restante, yaourts, beurre, et mozarrella qui a eu le culot de se renverser dans mon frigo.

 

http://www.gouvernement.fr/

J’ai tout ce qui me faut pour ma moussaka et mon repas de ce soir, mais je vais tout de même faire un tour pour voir si je tombe sur quelque chose qui pourrait m’être utile. Après tout, je ne viens dans cette grande surface à six arrêts de métro de chez moi qu’une fois par semaine, alors autant en profiter.

Je vais acheter beaucoup de choses, qui me font envie sur le moment, parce que je suis dans cette grande surface et que c’est donc une occasion que je n’ai pas le temps de reproduire tous les deux jours, parce que j’ai peur de manquer, parce que je veux faire plaisir à mes proches.

Et chaque année, je jette entre 500 et 1500€ de nourriture, alors même que j’ai horreur de jeter de la nourriture. Et chaque année, vous jetez entre 500 et 1500€ de nourriture, alors même que vous avez horreur de jeter de la nourriture.

Mais nous autres consommateurs ne sommes pas les seuls acteurs de ce gaspillage.

Évidemment, les distributeurs ont bien compris que les consommateurs sont rationnels et exigeants.

Tous les matins les employés jetteront immédiatement tous les produits dont la date de péremption se rapproche dangereusement. Enfin, dangereusement, question de point de vue. Dans beaucoup de grandes surfaces, les employés font un tri drastique tous les matins avant l’ouverture :

– les produits traiteur sont enlevés deux jours avant la date de péremption ;

– la charcuterie est enlevée cinq jours avant la date de péremption ;

– les yaourts sont enlevés six jours avant la date de péremption.

Pourquoi ? Parce que les distributeurs connaissent la technique des consommateurs qui consiste à sélectionner les produits qui se périment dans un long laps de temps, alors ils savent qu’ils ne pourront pas vendre ceux qui se périment dans un ou deux jours. De plus, la plupart des supermarchés font cela, or la concurrence est grande sur le marché de l’agroalimentaire, alors il faut s’aligner.

Par ailleurs, ils n’agréeront que les fruits et légumes aux lignes lisses, à la couleur éclatante, à la « normalité » incontestable. Les fruits et légumes qui ne passent pas le concours d’entrée seront renvoyés à l’envoyeur et devenus invendables après deux trajets en camion.

Par crainte de voir le fruit de leur production leur revenir, les producteurs mettront tout en œuvre pour que leurs légumes soient parfaits : ils seront retouchés pour être d’une taille égale, pas trop gros, beaucoup seront directement écartés car leur forme ne rentre pas dans la norme.

Le diktat de la norme, voire de la beauté, il semblerait que même les légumes n’y échappent pas. Un diktat imposé par les consommateurs, encouragé par les distributeurs, suivi par les producteurs, avec comme résultat principal un gaspillage alimentaire irréaliste et pourtant bien réel.

 

http://nacreates.blogspot.fr/2011/07/un-lapin-dans-le-jardin.html

Mais ne vous sentez pas pour autant affreusement coupable, car en premier lieu les choix que nous effectuons au moment de nos courses en supermarché sont inconscients, ou somme toute rationnels. De plus, il y a également derrière ce gaspillage, une logique économique à laquelle nous n’échappons plus guère aujourd’hui.

Intéressons-nous à ces fameuses dates de péremption. Elles sont anxiogènes pour un bon nombre de consommateurs et certains industriels ne se privent pas d’exploiter cette crainte.

Il faut tout d’abord faire la distinction entre la DLC et la DLUO :

– La DLC correspond à la date limite de consommation. Elle s’applique à tous les produits frais. Une fois cette date dépassée (et elle est généralement courte) on considère que ces produits représentent un risque réel pour la santé humaine.

– La DLUO correspond quant à elle à la date limite d’utilisation optimale, celle que nous apparentons souvent à « consommer de préférence avant le » et que l’on retrouve sur les produits dits plutôt d’épicerie comme les pâtes, le riz, des boîtes de conserve ou encore des céréales.

 

http://vivresimplement.webou.net

Deux problèmes sont liés à ces dates de consommation.

Tout d’abord, la DLUO ne correspond en fait … pas à grand-chose. Un paquet de pâtes aura une date de DLUO portant son existence à environ cinq ans. Alors qu’en réalité, on pourrait encore les cuisiner d’ici 25 ans et peut-être plus. Les produits secs ne se « périment » pas. Replantez un grain de blé qui a été conservé à l’abri de la lumière pendant des centaines d’années, et il re-germera, l’expérience a déjà été faite. D’ailleurs la loi française permet de commercialiser les produits à DLUO dépassée, seulement la grande distribution ne le fait pas, pour des questions d’image.

Venons-en maintenant à la DLC. Puisqu’elle concerne les produits frais on pourrait penser qu’elle demande à être suivie scrupuleusement. Pour la viande ou le poisson, rien à redire, mieux vaut être tatillon. Pour les yaourts par contre, les industriels ont pris l’habitude de se protéger, un peu trop.

En France aucune règle ne fixe la DLC, c’est l’industriel qui a ce seul pouvoir décisionnaire, et qui est de ce fait responsable en cas de problème, voilà pourquoi il se protège. Mais en réalité, au-delà de la date on consomme le yaourt dans les mêmes qualités et ce pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Comment font les industriels pour fixer la DLC ? Ils réalisent des tests sur certains yaourts, et vérifient l’aspect, l’odeur, il faut qu’il ait conservé son goût initial et qu’il soit visuellement conforme. Mais lorsqu’ils calculent la date de péremption, ils prennent en compte le temps nécessaire pour vendre le plus de yaourts possibles et celui nécessaire pour re-remplir leurs stocks. D’ailleurs, lorsque les industriels doivent exporter des produits frais comme des yaourts, ils comptabilisent le temps de transport lorsqu’ils calculent la date de péremption, si bien que cette dernière est bien souvent doublée, pour des nécessités économiques.

 

Si le problème est maintenant posé, n’en restons pas à ce constat assez défaitiste et voyons plutôt les solutions envisageables.

Tout d’abord, des actions sont déjà menées pour tenter de rompre le cercle vicieux du gaspillage alimentaire.

  • Sur le plan national, la France s’est fixé l’objectif de réduire le gaspillage de 50% d’ici 2025. Une large campagne de sensibilisation a été lancée. De la même façon que les campagnes de santé publique centrées sur le tabac ont cherché à faire prendre conscience aux fumeurs des conséquences de leur pratique sur leur propre santé et sur celles de leur proche, le gouvernement cherche aujourd’hui à conscientiser les Français : non, beau ne veut pas nécessairement dire bon, et pourtant nous sommes les premiers à repousser un fruit ou légume à l’apparence imparfaite.

 

 

Campagne nationale de sensibilisation au gaspillage alimentaire

 

  • Plusieurs associations sont également très actives et récoltent les denrées alimentaires jetées par les distributeurs ou lors des marchés.
  • Certaines enseignes de la grande distribution s’engagent également dans la lutte contre le gaspillage.Monoprix par exemple a mis au point une stratégie anti-gaspillage axée sur plusieurs grandes mesures :

– limiter les volumes dans les promotions ;

– améliorer la gestion du magasin ;

– développer les dons aux associations ;

– sensibiliser le client ;

– conditionner les produits de manière à se rapprocher le plus possible des besoins du consommateur.

 

C’est un premier pas important, mais d’autres voies pourraient être possibles.

  • Nous l’avons vu, la date de péremption est l’un des éléments déclencheurs du gaspillage alimentaire.

– Il serait tout d’abord possible d’agir sur la différenciation entre DLUO et DLC puisque beaucoup de consommateurs les confondent. Certaines enseignes du Royaume Uni s’efforcent alors de rendre moins visible la DLUO, alors que l’association CCLV préconise de faciliter la distinction entre les deux en mettant par exemple au point des étiquettes de couleurs différentes. Le tout demandant évidemment un effort pédagogique et informatif qui pourrait faire l’objet d’une campagne de communication.

– Du côté des producteurs et industriels, une réglementation pourrait permettre de limiter des dates de péremption exagérément courtes, surtout lorsque l’on sait qu’il est possible d’ « allonger » – et ce sans aucun risque pour la santé – certaines dates de péremption pour des nécessités économiques d’exportation.

– Enfin, les distributeurs pourraient également se soumettre à une réglementation limitant le tri exagéré des produits ayant eu lieu tous les matins, ou au moins les mettre de côté pour que certains consommateurs puissent les acheter à prix réduits. Car si la « charte fraîcheur » oblige les distributeurs qui y adhèrent à jeter par exemple la charcuterie six jours avant la date de péremption, il n’est pas certain que tous les consommateurs adhèrent eux-mêmes à ces pratiques.

 

  • Les emballages pourraient également être repensés afin de limiter le gaspillage.

– En Angleterre par exemple, la chaîne Marks and Spencer ne vend plus ses fraises dans de simples barquettes, mais dans un conditionnement particulier fait d’une bande d’argile et de minéraux venant absorber l’éthylène, permettant ainsi d’augmenter le temps de conservation des fruits de deux jours.

– Toujours en Grande Bretagne, c’est cette fois l’université de Dublin qui a présenté un emballage capable de repérer l’état de décomposition du poisson et de fruits de mer. Cet emballage change alors de couleur en fonction de cet état, ce qui donne une parfait visibilité de la fraîcheur du produit aux consommateurs.

– Enfin, il serait probablement souhaitable d’encourager la vente de produits à l’unité ou dans des conditionnements moins grands.

Ainsi, si les produits laitiers sont parmi les produits les plus jetés à cause d’un dépassement de la date de péremption, cela s’explique probablement en partie car les yaourts sont vendus par huit ou plus, ou parce que les bouteilles de lait sont vendues dans des formats de 1L alors même que le lait peut rapidement tourner. En optant donc pour de la vente au détail pour les yaourts, et pour des formats plus petits pour le lait, les produits laitiers seraient sans doute moins massivement gaspillés.

 

 

Yaourts à l'unité vendus en Allemagne

 

Ce sont enfin des habitudes de la vie de tous les jours qui sont à revoir.

– Très simplement, beaucoup de consommateurs ne pensent pas à la congélation. Or, plutôt que de garder votre reste de moussaka pendant des jours alors même qu’il n’est pas particulièrement agréable de manger la même chose pendant une semaine, pensez à faire une barquette de votre reste de moussaka et à le congeler. Vous éviterez ainsi du gaspillage, et serez sans doute particulièrement content de trouver votre barquette prête à être dégustée deux semaines plus tard en rentrant tard du travail.

– Les supermarchés sont de toute évidence un appel à l’achat inutile : les promotions vous incitant à acheter plus pour payer moins sont bien souvent à l’origine de votre poubelle débordant de denrées alimentaires abîmées. De plus, la multiplicité des produits, des marques, ou même du packaging ne font que vous tenter davantage. Pour éviter cela, pensez simplement à faire une liste précise des produits dont vous avez besoin, et à faire un état des lieux de vos placards et réfrigérateur avant d’établir cette liste : oui, il y a suffisamment de beurre pour faire une béchamel et pour vos petits déjeuners de la semaine, il n’est donc pas nécessaire d’en racheter.

Pour vous en tenir à votre liste, favorisez également les magasins que vous connaissez bien afin d’aller directement à l’essentiel plutôt que de risquer de vous perdre dans des rayons divers et variés qui finiraient par remplir votre caddy bien plus que ce qui était prévu.

– Enfin, surveillez votre frigo puisque c’est bien souvent là que les tomates finissent par pourrir et vos yaourts par périmer :

  • Pensez tout d’abord à sortir les fruits et légumes de leurs sacs plastiques avant de les mettre dans le bac à légumes.
  • Mettez sur le devant de l’étagère les produits qui vont se périmer rapidement.
  • Ne couvrez pas vos restes d’un papier aluminium ou d’un couvercle de tupperware : le papier film vous permettra de voir à travers votre récipient, et ainsi de vous souvenir du reste de moussaka.
  • Cherchez à utiliser vos produits plutôt qu’à en utiliser de nouveaux. Il existe par exemple des sites internet qui vous permettent de trouver des recettes de cuisine adaptées aux restes de votre frigo.

 

Le gaspillage est un cercle vicieux dont les acteurs sont nombreux. Le côté positif de cela ? Des progrès sont possibles à tous les niveaux, et nous autres consommateurs en sommes un essentiel. Alors pensez y lors de vos prochaines courses, avant de repousser cette tomate à deux têtes, ou avant de vous ruer sur le filet de 1,5 kg de tomates en promotion. Parce que non, les tomates, « ça [ne] se mange [pas] toujours ».

 

Eve-Anaelle Blandin

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Les politiques environnementales rendent-elles service à l’environnement ?

L’écologie n’est pas seulement une affaire d’environnement. L’environnement, au sens de la planète, souffre de quelques lacunes de la langue française, de la rhétorique politique. Aussi il est difficile de définir une telle notion. L’écologie peut être décrite comme la défense de la vie terrestre : minérale, végétale, animale et humaine. C’est cependant oublier le sens large de la notion, c’est-à-dire le domaine de réflexion qui prend pour objet « l’étude des interactions, et de leurs conséquences, entre les individus et les milieux qui les entourent et dont ils font eux-mêmes partie ».

La notion d’écosystème vient surplomber le tout car elle désigne l’ensemble formé par une association ou communauté d’êtres vivants et son environnement biologique, géologique, hydrologique, climatique, etc. Ainsi, lorsque l’on parle de déséquilibre des écosystèmes, on révèle  aussi un déséquilibre au sein de l’humanité et l’on ne peut corriger une partie de l’écosystème sans en régler une autre.

L’écologiste étudie les interactions entre individus et sur les différents écosystèmes. Seulement, le terme écologiste s’est vu attaché à des sens proprement politiques. Sens qu’un contributeur du Post.fr décrit ici avec cynisme :

« celle de militant – ou sympathisant – de parti politique utilisant des arguments environnementaux pour se faire élire, que celle d’adepte-pratiquant d’un mode de vie campagnard à tendance autarcique, que celle de zélateur purement verbal de ce même mode de vie roulant en SUV, que celle de bobo résolument urbain s’alimentant dans les magasins bio, que celle de nostalgique illuminé la civilisation préindustrielle, que celle d’amoureux transi des espaces verts, que celle de respectueux acharné du tri sélectif, et bien entendu que celle de spécialiste scientifique de l’écologie, sans qu’il soit objectivement établi que ces diverses catégories partagent la même vision fondamentale des rapports entre l’espèce humaine et sa mère nourricière. »

La préservation de l’environnement nécessite une connaissance des interactions et des impacts des activités humaines sur la planète. Le lancement du Grenelle de l’Environnement en France dès septembre 2007 a d’abord reçu toutes les approbations, avant de se voir critiqué pour son manque d’ambition concrète. Les politiques environnementales du Grenelle comme celles menées ailleurs qu’en France sont-elles une réponse à la protection de la nature ou ne sont-elles que séduction de l’électorat voire de solutions au renflouement de l’Etat ?

 

L’écologie politique : une réponse à la question de l’environnement ?

Le lien qui associe la politique à l’environnement est ténu. L’environnement nécessite pour sa protection d’obtenir une mise sur agenda politique afin d’obtenir acception populaire, financement, mise en œuvre et contrôle.

La mise sur l’agenda  est finalement un comble car elle lui nuit par la suite. On reproche souvent  aux politiques de l’environnement leur inadaptation à la situation, la prise de position au sein d’un conflit d’intérêt  sur l’exploitation d’une terre. L’Ouganda l’illustre. Son marais de Lutembe Bay est au cœur d’une confrontation entre écologistes d’une part, de promoteurs immobiliers et horticulteurs de l’autre. Les politiques de défense de cette zone humide perdent toute crédibilité en percevant les fonds de ceux qui agissent par ailleurs en détracteurs de la biodiversité. La Crane Bank finance les fermes horticoles qui assèchent le marais, mais elle est aussi un soutien du programme international Ramsar relatif aux zones humides. La politique de l’environnement induit des conflits éthiques.

A qui donner raison ? Répondre à cette question induit une notion de fond : la légitimité de défendre des intérêts. En matière d’environnement et de sa préservation, y a-t-il des acteurs plus légitimes que d’autres à la défense de l’environnement ?

L’intégration de l’écologiste François Tanguay au comité d’évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste au Québec démontre que l’écologie nécessite sa part de représentativité dans les processus de réflexion. M. Tanguay justifie sa présence « pour une raison: il y a de l’ouvrage à faire, il y a un besoin d’information sur le gaz de schiste ». Les branches politiques de l’Ecologie gagnent leur légitimité par leur extrême spécialisation dans le domaine. Elles ont les informations et ont conscience des impacts. Seulement, toute politique, aussi sectorisée qu’elle puisse être, exige une vue transversale de tous les intérêts existants sur un milieu ou une activité. La polémique de la représentativité de tous les acteurs sur la question du gaz de schiste en est l’illustration. La politique nuit à la poursuite de la protection de l’environnement car elle impose des compromis, justifiés par les interactions entre acteurs.  Or, le débat se joue très souvent aux dépens de la planète qui n’a pas les moyens suffisants pour se défendre…

 

L’environnement : enjeux d’influence ou nouvelle voie politique ?

La scène démocratique permet la multiplicité des acteurs. Le parti en est un des plus présents, visibles, potentiellement le plus à même de placer l’environnement au centre des décisions politiques. Or, le parti s’appréhende difficilement, il apparait moins comme une médiation entre le peuple et l’exercice du gouvernement que la déperdition du lien entre le peuple et le pouvoir. La problématique du parti est la condensation de ses rênes dans les mains de quelques-uns. Le pouvoir s’échange et circule dans une sphère restreinte. L’environnement est-il alors prétexte ou objectif de la politique ?

Le paysage politique laisse entrevoir une nouvelle voie, entre la droite et la gauche, l’écologisme. Le parti écologiste gagne en légitimité en s’émancipant de ces pendants socialistes, en dressant un projet de société, un projet économique. Quelle différence alors avec les programmes de préservation de l’environnement proposés par les autres voies politiques ?

On estime que les premiers mouvements écolo sont les cercles informels hippies post soixanthuitards, qui se formaliseront à leur entrée dans l’arène politique en 1974 avec la candidature de René Dumont, agronome proche des trotskistes, aux élections présidentielles. C’est le début de l’écologie politique dont les fondements sont, dès lors, doctrinaires : pour une agriculture non productiviste, anti-nucléaire, anti-mondialisation, antimilitariste et, globalement, anticapitaliste.

L’intégration de l’écologie à la sphère politique ne s’est pas faite sans sacrifice : l’écologie politique a ainsi créé ses propres forces de division et d’incohérence internes. Le départ de Nicolas Hulot du parti Europe Ecologie-Les Verts interroge : l’écologie est-elle devenue un tremplin politique ? M. Hulot est-il militant pour l’environnement ou tacticien politique ?

Déjà en 1974, la candidature de René Dumont a jeté le trouble dans les esprits des écolos pratiquants : le passage d’une démarche individuelle, que l’on pourrait voir comme la poursuite d’éco-gestes, à une action collective impliquant des engagements formels ; une allégeance à un parti politique.

 

Politique de l’environnement : une solution pour la planète ou solution électorale ?

Les politiques de l’environnement revendiquent leurs effets bénéfiques sur l’environnement. Elles agissent pour le bien mais témoignent souvent que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Elles se voient souvent critiquées leurs inadaptations à la situation environnementale véritable. Par exemple, les mesures prises par le gouvernement afin de répondre à la crise des algues vertes reçoivent le mécontentement du Nouveau Parti Anticapitaliste des Côtes d’Armor, qui y voit une « politique hypocrite qui pille l’environnement, fait disparaître des emplois dans l’agriculture et tue des êtres vivants ! ». L’inadaptation va même jusqu’à nuire aux recherches en énergie verte, le cas de la Grande Bretagne avait illustré cette situation au début de juin dernier, où la taxe carbone qui ponctionnait la recherche environnementale avait mis en difficulté les instituts de recherche incapables de la payer, et ce, menaçant la recherche et les emplois.

Aucune ligne sur l’environnement n’était rédigée dans l’autobiographie de Nicolas Sarkozy publiée en 2001, «  Libre ». L’UMP ne prenait pas compte de l’environnement pour charmer les électeurs. Mais à la suite de la pression de Nicolas Hulot, tous les candidats à la présidentielle ont signé le Pacte écologique en 2007. La ratification révèle une prise de conscience des candidats que l’électorat est sensible aux questions environnementales. Amour naissant pour la planète, les partis politiques en font un nouveau levier de campagne. Dans les suffrages, l’écologie politique restait encore loin de la victoire. Le parti Les Verts ne remporte que 1,57% des suffrages lors des présidentielles 2007, tandis que les autres défenseurs de la planète s’étaient associés à d’autres couleurs politiques : ainsi Cap 21 et le Mouvement écologiste indépendant soutenaient l’Union pour la démocratie française, tandis que José Bové concourait sans étiquette…

L’une des mesures phares du pacte écologique ainsi signé était la taxe carbone comme réponse au changement climatique. L’échec de la taxe réside dans l’idée même du Premier ministre François Fillon de fixer le prix de cette taxe autour de 14 euros la tonne. Ce prix dérisoire n’aurait cependant incité en rien tous industriels rationnels à réduire leurs émissions de CO2 et permettrait même à certains pollueurs de gagner de l’argent – chose que l’on avait pu observer à l’échelle européenne avec le European Union Emissions Trading Scheme au début des années 2000. En France, la taxe carbone a finalement été balayée en 2010, devant les critiques qu’elle suscitait.

La séduction de l’électorat passe par la prise en compte de l’environnement dans les analyses politiques car il est au cœur des préoccupations collectives. Et ce, tout en ménageant les préférences individuelles. Or l’agence de conseil en communication et en développement durable Comonlight a récemment révélé les résultats d’une enquête menée en avril et mai 2011 sur l’évolution des rapports des Français au « développement  durable » et dévoilé qu’ils « ne sont, en majorité, pas prêts à adopter des gestes éco citoyens. » L’échec des stratégies anti-carbone pourrait alors s’expliquer par le fait que le carbone « ne se voit pas », que les discours qui entourent le sujet sont trop scientifiques. Par conséquent, les arguments de lutte contre l’insaisissable problème – qu’ils proviennent du gouvernement ou des militants anti-carbone – ont été perçus comme pur dogmatisme.

D’autre part, les taxes environnementales souffrent d’une vision court-termiste entretenue par les différentes échéances électorales. Ces dernières poussent les politiques à agir en début de mandat et à passer à l’immobilisme pendant les campagnes afin de ne pas irriter de potentiels électeurs ni de donner de points d’avance à un adversaire vainqueur.

L’interaction des acteurs économiques, écologistes et politiques mène souvent à des compromis qui nuisent à la qualité de la politique initiée et témoignent d’un certain manque de volonté politique en faveur de l’environnement. Il semble impossible de trancher si oui ou non, les politiques de l’environnement sont efficaces, car comme dans tout domaine politique, elles sont soumises aux difficultés de mise en œuvre, de financement, d’application, de contrôle… à la différence près qu’elles sont bien plus importantes…

Tous les candidats aux élections présidentielles de 2012 auront de fermes positions en matière d’énergie et environnement, nous ne manquerons pas de publier une analyse comparée de leurs programmes à ce sujet !

 

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