Mettre en avant les producteurs, une stratégie de l’industrie agroalimentaire?

Olivier Fourcadet est prof de management à l’ESSEC, spécialisé en stratégie des entreprises et en agroalimentaire. On a pu lire récemment sur son blog Nouvelles Perspectives en Agroalimentaires un article écrit par Clémentine Alaux, étudiante de l’école, intitulé Mettre en valeur les producteurs: une tendance forte de l’agroalimentaire? En période d’incertitude alimentaire et d’affaire de lasagnes au cheval, le marketing “local”, personnalisé avec des figures de producteurs semble faire recette… Quelques questions à Olivier Fourcadet:

Selon les tendances révélées par le Salon International de l’Alimentation 2012, les Français recherchent “simplicité et solidarité” dans leur consommation alimentaire, en privilégiant notamment les produits locaux. Comment explique-t-on cela?

En période de tensions, de doutes, on essaye de retourner à des valeurs traditionnelles. Il peut s’agir de valeurs religieuses, ou bien des racines… Les gens veulent plus s’enraciner avec le terroir, la proximité, cultiver les liens avec la terre. En période de crise, le produit devient aussi important que celui qui le fait. Alors les consommateurs ont une attention croissante pour les produits “de chez nous”. On voit que les consommateurs sont à la recherche de liens directs avec les agriculteurs, le concept de proximité parle à tout le monde. On observe par exemple le développement de “drive” fermiers, ou de distributeurs automatiques remplis par les producteurs du coin…

Les marques se saisissent donc de cette volonté de proximité, de local?

Les marques voient apparaitre ce rapprochement, elles veulent jouer un rôle, et utilisent donc cette image de proximité. En fait, cette stratégie orientée vers le local existe depuis les années 1990 et la crise de la vache folle. Des marques ont commencé à utiliser des figures d’agriculteurs, pour rassurer le consommateur sur la proximité et la traçabilité des produits.

Ce n’est pas une idée nouvelle: Carrefour par exemple utilise depuis longtemps le “made in France” avec sa marque Reflets de France. Certaines marques s’approvisionnent en local depuis longtemps – et notamment parce qu’il est plus facile d’avoir des fournisseurs juste à côté!- mais ne communiquaientnt pas forcément dessus.

En restant attentives à ce que la communication ne soit pas perçue comme négative (les costauds abusant des petits…), les marques commencent à vouloir répondre aux attentes en orientant leurs stratégies de communication vers l’offre locale, en mettant en avant directement les figures des agriculteurs.

Par exemple?

Comme le précise l’article, Danone, depuis 2010, met en avant les producteurs sur le packaging du produit et dans les publicité TV, avec une communication sur les “éleveurs laitiers français”. Autre exemple, Fleury Michon commercialise un “jambon de nos campagnes” avec la photo d’un producteur sur le packaging, avec des mentions insistant sur le made in France

Selon vous, cette tendance va se poursuivre?

Oui, je vois sur les marchés que ceux qui vendent du local ont beaucoup de succès… Même si les consommateurs ont des attentes différentes: dans une grande surface, les gens cherchent un beau produit, une tomate bien lisse. Dans les circuits courts, ils cherchent surtout le contact avec les producteurs, sans donner d’importance aux tâches sur les poires ou les pommes… Les initiatives se multiplient, comme la livraison de paniers dans les entreprises. Il est clair que les marques ne voudront pas être exclues et souhaiteront jouer un rôle.

L.D.

Photo: milk family/ tauress via FlickCC License by

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Un supermarché intègre, ça existe?

Au nord-ouest de l’Angleterre, une chaîne de supermarchés familiale va à contre-courant des grands distributeurs du pays. Dans le premier numéro de L’Alimentation générale, un article du critique gastronomique anglais Jay Rayner raconte l’expérience de l’entreprise familiale Booths, qui possède 29 succursales dans le nord-ouest de l’Angleterre. Ce qui n’est pas grand-chose à côté des 2500 boutiques Tesco…

Un supermarché Booths ressemble clairement à un supermarché: on y trouve des produits de première nécessité, des offres promotionnelles, des marques familières… Alors comment les gérants de Booths ont-ils «lancé un défi moral aux colosses de la grande distribution»? Au dessus du rayon des légumes, un écriteau indique: «Nous favorisons les produits locaux provenant des champs et des serres de Cumbrie, du Cheshire, du Lancastre et du Yorkshire». Voilà.

En Angleterre, plus de 80% du marché de l’alimentation au détail est contrôlé par quelques grosses entreprises. Les producteurs n’ont souvent pas d’autre choix que celui d’approvisionner les grandes centrales, qui achètent à des prix couvrant à peine les coûts de production, ou favorisent les importations de produits qui poussent très bien localement…

Selon Jay Rayner, Booths incarne «la face respectable de la grande distribution britannique»: la chaîne s’engage auprès des producteurs et leur propose des accords raisonnables, privilégie les produits locaux, et a même investi dans la production d’ingrédients britanniques traditionnels en passe d’être oubliés. Le tout sans compromettre sa prospérité, puisque Booths continue à ouvrir des succursales.

Harry Wilson, un producteur d’agneau très tendre des marais salants, raconte que Booths paye très bien. Et que dans les magasins, un écriteau précise quel éleveur a produit telle ou telle viande. A côté de la poissonnerie, on voit même la photo du pêcheur de crevettes. En plus, le personnel de la boucherie et de la poissonnerie connait directement les producteurs.

Edwin Booth, le dernier entrepreneur de la lignée familiale, explique que l’approvisionnement local est juste une conséquence du «principe fondateur, qui consiste à vendre la meilleure nourriture que l’on puisse se procurer». «Entre 26 et 30% de nos produits proviennent de sources locales, ce qui est bien supérieur aux autres [supermarchés]. Les responsables du marketing en ont tiré parti», poursuit-il.

Les produits Booths sont un peu plus chers que dans les autres supermarchés anglais. Mais Edwin Booth compte sur la «conscience éthique» des consommateurs. Il a d’ailleurs investi dans l’antenne britannique de Slow food. Booths est partenaire d’un programme visant à soutenir les produits en voie d’extinction, comme le haddock fumé de Grimsby ou les asperges de Formby…

Alors Jay aimerait bien que Booths ouvre des succursales plus loin que ce coin d’Angleterre. Monsieur Booth répond que ce serait envisageable… mais que ce n’est pas du tout son objectif. Et le journaliste repart le cœur déçu.

Photo: vegetables / joannapoe via Flickr CC License by

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“Manger mieux, manger juste”: un soir à la Ruche…

Dans un petit passage du 18ème arrondissement de Paris, des dizaines de personnes franchissent une porte, munis de cabas vides, et en ressortent avec des plaques d’œufs, des sacs de pommes, du beurre frais ou encore un joli petit lapin tout prêt à être cuisiné.

Ils viennent de se rendre dans une Ruche qui dit oui, une société qui répond plutôt bien aux aspirations locavores de nombreux consommateurs. Le principe? C’est une plateforme communautaire d’achats groupés effectués directement auprès des producteurs locaux. Des consommateurs construisent une ruche de quartier ou de village (pour l’instant, 447 ruches en France), autour d’un responsable de Ruche.

Les producteurs font des offres de produits disponibles. Puis les membres commandent, par internet. Si la commande atteint une quantité ou un poids minimal global, c’est validé et le producteur livrera sa marchandise lors d’une distribution de la Ruche…

A chaque nouvelle proposition, chaque membre de la Ruche est libre de participer ou non à la commande. Chacun compose son «menu»: le système est donc souple. Et on paye tranquillement par internet. Bref, un circuit court plutôt malin.

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