Au nord-ouest de l’Angleterre, une chaîne de supermarchés familiale va à contre-courant des grands distributeurs du pays. Dans le premier numéro de L’Alimentation générale, un article du critique gastronomique anglais Jay Rayner raconte l’expérience de l’entreprise familiale Booths, qui possède 29 succursales dans le nord-ouest de l’Angleterre. Ce qui n’est pas grand-chose à côté des 2500 boutiques Tesco…
Un supermarché Booths ressemble clairement à un supermarché: on y trouve des produits de première nécessité, des offres promotionnelles, des marques familières… Alors comment les gérants de Booths ont-ils «lancé un défi moral aux colosses de la grande distribution»? Au dessus du rayon des légumes, un écriteau indique: «Nous favorisons les produits locaux provenant des champs et des serres de Cumbrie, du Cheshire, du Lancastre et du Yorkshire». Voilà.
En Angleterre, plus de 80% du marché de l’alimentation au détail est contrôlé par quelques grosses entreprises. Les producteurs n’ont souvent pas d’autre choix que celui d’approvisionner les grandes centrales, qui achètent à des prix couvrant à peine les coûts de production, ou favorisent les importations de produits qui poussent très bien localement…
Selon Jay Rayner, Booths incarne «la face respectable de la grande distribution britannique»: la chaîne s’engage auprès des producteurs et leur propose des accords raisonnables, privilégie les produits locaux, et a même investi dans la production d’ingrédients britanniques traditionnels en passe d’être oubliés. Le tout sans compromettre sa prospérité, puisque Booths continue à ouvrir des succursales.
Harry Wilson, un producteur d’agneau très tendre des marais salants, raconte que Booths paye très bien. Et que dans les magasins, un écriteau précise quel éleveur a produit telle ou telle viande. A côté de la poissonnerie, on voit même la photo du pêcheur de crevettes. En plus, le personnel de la boucherie et de la poissonnerie connait directement les producteurs.
Edwin Booth, le dernier entrepreneur de la lignée familiale, explique que l’approvisionnement local est juste une conséquence du «principe fondateur, qui consiste à vendre la meilleure nourriture que l’on puisse se procurer». «Entre 26 et 30% de nos produits proviennent de sources locales, ce qui est bien supérieur aux autres [supermarchés]. Les responsables du marketing en ont tiré parti», poursuit-il.
Les produits Booths sont un peu plus chers que dans les autres supermarchés anglais. Mais Edwin Booth compte sur la «conscience éthique» des consommateurs. Il a d’ailleurs investi dans l’antenne britannique de Slow food. Booths est partenaire d’un programme visant à soutenir les produits en voie d’extinction, comme le haddock fumé de Grimsby ou les asperges de Formby…
Alors Jay aimerait bien que Booths ouvre des succursales plus loin que ce coin d’Angleterre. Monsieur Booth répond que ce serait envisageable… mais que ce n’est pas du tout son objectif. Et le journaliste repart le cœur déçu.
Photo: vegetables / joannapoe via Flickr CC License by