Dans les cantines américaines, subventionnées par l’Etat, la part de pizza est déjà considérée comme un légume, à condition qu’elle soit composée de deux cuillères à soupe de sauce tomate, rapporte AP. Dans le cadre de la lutte contre l’obésité, sur les recommandations de l’Institut de médecine de 2009, le département américain de l’Agriculture souhaitait augmenter cette quantité à 125 millilitres mais des lobbys agroalimentaires ont lutté activement contre le vote d’une telle mesure, estimant que cela constituerait beaucoup trop de sauce tomate pour une part de pizza. ConAgra Foods et Schwan Food Company, qui sont deux entreprises importantes dans la distribution de pizzas surgelées aux cantines américaines, plaident pour la flexibilité des options des cantines. Le Congrès leur a donné raison.
Une flexibilité qui intervient également dans le contexte de restriction des dépenses fédérales, rappelle à ABC l’experte Jennifer Cohen de la New America Foundation.
«Des repas plus sains coûtent plus chers. Aussi longtemps que l’on restera dans une situation d’austérité budgétaire et fiscale au niveau fédéral, il est peu probable de voir un changement en faveur de repas sains à l’école le midi.»
En effet, si le département américain de l’Agriculture mettait en place les recommandations de 2009 de l’Institut de médecine, les changements apportés (notamment la restriction d’aliments riches en féculent comme les pommes de terre ou le maïs) pourraient augmenter le coût de chaque déjeuner de 14 cents.
Un tel débat avait déjà eu lieu sous le gouvernement Reagan qui avait tenté de diminuer le budget fédéral alloué aux cantines des écoles publiques en classant le ketchup, moins cher que les légumes verts, comme un légume. Toute cantine subventionnée est, en effet, tenue de respecter des normes nutritionnelles fixées par le département américain de l’Agriculture. Comme le raconte la chronique The Straight Dope du Chicago Reader, peu de temps après l’arrivée au pouvoir du gouverneur californien à la Maison Blanche, un ultimatum de 90 jours avait été adressé au département américain de l’Agriculture chargé de repenser les normes nutritionnelles des cantines subventionnées par les deniers publics après qu’un milliard de dollars avait été retiré de ce budget.
Une des options proposées par le comité d’experts et de directeurs de cantines était d’inclure le ketchup dans la variété de légumes servis, un aliment connu pour être très apprécié des enfants et qui sélectionné comme légume aurait pu, de ce fait, éviter le gaspillage. Sous la pression des médias et de l’opposition démocrate, la proposition avait été écartée.
Cela sera de même avec la proposition du département de l’Agriculture, sous le gouvernement Clinton, d’introduire la sauce salsa dans les cantines américaines en tant que légume. Par ailleurs, un arrêt de la Cour suprême de 1893, Nix v. Hedden, avait décidé que, contrairement à la définition de la botanique qui considère la tomate comme un fruit, la tomate est bel et bien un légume selon la loi douanière.
Du côté des lobbys, l’American Frozen Food Institute a argué qu’un tel activisme «vise à s’assurer que des légumes riches en nutriments comme les pommes de terre, le maïs et les pois continuent à faire partie d’un régime alimentaire équilibré proposé par les cantines, qui reçoivent des subventions fédérales, et à reconnaître la proportion significative de potassium, de fibres et de vitamines A et C apportée par la purée de tomates, garantissant en cela que les étudiants profiteront encore de repas sains comme la pizza et les pâtes».
Comme le relate un article de MotherJones, selon les données du Center for Responsive Politics, le secteur de l’agroalimentaire aurait dépensé près d’1,4 milliard de dollars en lobbying de 1998 à 2011. Un tel investissement financier reste en deçà de celui des secteurs de la santé et de la finance mais est supérieur au lobbying du secteur de la défense.
Photo: Une bouteille de ketchup Heinz. Fernando de Sousa via Flickr CC Licence By
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Jean-Pierre Coffe, chroniqueur gastronomique et chantre de la bonne bouffe, s’est penché en 2010 sur la restauration universitaire. Pour la sauver?
Lui et son compère Jean-Robert Pitte, géographe spécialiste de la gastronomie et ex-président de l’université Paris IV ont fait un tour de France des RU, englouti des tonnes de carottes râpées, de steaks sauce au poivre et de Flamby®, en prenant un tas de notes. Le résultat: un rapport remis en mars 2010 à Valérie Pécresse, alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Le document, intitulé «Améliorer la restauration universitaire », propose huit «suggestions»: aménager les marchés publics, poursuivre l’amélioration de la qualité culinaire, éduquer les étudiants au bien manger (diététique, goût), réformer la politique tarifaire, réduire les files d’attente, créer des boutiques de proximité, favoriser les animations, et enfin nommer un chargé de mission qualité.
Le rapport Coffe a été un point de départ, même s’il n’a pas été appliqué à la lettre, d’autant plus que toutes les propositions n’ont pas été officiellement retenues par la ministre. Voyons comment ces suggestions ont été traitées, ou mises à la trappe.
Clémence, étudiante en pharmacie à Grenoble, ne voit pas ce qui a changé: «Ce sont toujours les mêmes menus. Pas pire, pas mieux!». Emeric, étudiant à Sciences Po Paris, ne voit pas non plus de bouleversements dans les derniers mois: «Peut-être de nouvelles sortes de sandwichs dans notre cafétéria? Et l’apparition des boîtes de pâtes à réchauffer, pas forcément savoureuses. A part ça, je ne vois pas».
En fait, un an et demi après ce rapport, les progrès dépendent fortement du lieu d’étude observé. Il existe de fortes disparités entre les RU: ceux-ci sont gérés par les CROUS (Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, un réseau de 29 établissements publics) chapeautés par le CNOUS (Centre national des œuvres universitaires et scolaires). Les CROUS sont financés par l’Etat et par leurs fonds propres.
Ce qui ne change pas, c’est le prix d’un ticket de RU, 3,05 euros pour l’année 2011-2012. Dominique Francon, conseiller restauration du directeur du CNOUS, explique les disparités entre les villes:
«Les différents RU ne s’approvisionnent pas de la même façon et aux mêmes endroits. Les équipes sont différentes, et les cuisines n’ont pas les mêmes équipements. Mais le budget n’est pas un facteur: à quelques centimes près, la valeur de l’assiette est la même dans tous les RU de France.»
Le grand chantier des CROUS ces derniers temps, c’est la remise à plat des politiques d’achat et le début d’une mutualisation. Ce qui correspond à la suggestion de Coffe d’«aménager les marchés publics».
lire le billetSus aux graisses et aux sauces! Le gouvernement entend régenter par le menu les repas servis dans les cantines.
L’affaire est grave. Grave comme tout ce qui touche à la table dans un pays dont la gastronomie est désormais inscrite au patrimoine mondial immatériel de l’humanité . Grave aussi en ce qu’elle concerne tous ceux (environ six millions d’enfants et un certain nombre d’adultes) qui goûtent, quotidiennement ou presque, aux délices des cantines scolaires. Et suffisamment grave pour que le gouvernement s’en saisisse toutes affaires cessantes ; avec ce décret-loi publié au Journal Officiel de la République française daté du 2 octobre.
Ce texte, signé de huit ministres (dont ceux de la défense et de l’intérieur) et secrétaires d’Etat concerne «la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire». Il y a là comme un parfum de déclaration de guerre.
Les mesures édictées sont entrées en vigueur dès le lendemain de la publication du texte et ce «dans les services de restauration scolaire servant plus de 80 couverts par jour en moyenne sur l’année». Conscient de l’état des troupes et des boutons de guêtres l’état-major laisse une petite année d’adaptation progressive aux services de l’arrière, ceux qui ont une activité moindre: les petites cantines des agglomérations isolées de nos campagnes.
L’affaire est urgente; l’ennemi n’est plus aux frontières mais bel et bien dans la place : ce sont les graisses et les sauces, le sel, le sucre et le feu des fourneaux. Il nous faut nous mobiliser et obtenir des plus jeunes qu’ils se tiennent droits à table.
L’heure n’est plus tant à «l’éducation du goût» qu’à l’apprentissage restrictif. Le bâton plus que la carotte. En cuisine on va voir ce que l’on va voir: les gestionnaires des services de restauration devront répondre à une batterie de nouvelles et drastiques exigences. On parle ici de la variété et la composition des repas, de la taille des portions, du service de l’eau, du pain, du sel et des sauces.
La feuille de route complémentaire figure dans un arrêté publié le même jour que le décret par le Journal Officiel. Extraits :
«Article 1
Les déjeuners et dîners servis dans le cadre de la restauration scolaire comprennent nécessairement un plat principal, une garniture, un produit laitier et, au choix, une entrée et/ou un dessert.
La variété des repas est appréciée sur la base de la fréquence de présentation des plats servis au cours de 20 repas successifs selon les règles fixées à l’annexe I du présent arrêté.
La taille des portions servies doit être adaptée au type de plat et à chaque classe d’âge. Les gestionnaires des restaurants scolaires doivent exiger de leurs fournisseurs que les produits alimentaires qu’ils livrent soient conformes aux valeurs précisées à l’annexe II du présent arrêté.Article 2
L’eau est à disposition sans restriction.
Le sel et les sauces (mayonnaise, vinaigrette, ketchup) ne sont pas en libre accès et sont servis en fonction des plats.
Le pain doit être disponible en libre accès.»
Mais le diable se nichant, comme toujours, dans les détails il fait se pencher sur les annexes I et II de cet arrêté pour mesurer l’ampleur des sacrifices à venir et, incidemment, la gravité du mal auxquelles étaient quotidiennement exposées les corps de nos très chères têtes blondes.
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On vous en parlait début septembre, c’est désormais chose faite: les recommandations nutritionnelles sur ce qui se mange en restauration scolaire (à la cantine de vos enfants mais aussi à celle de votre travail ou de la maison de retraite de votre ville), mises au point par le GEM-RCN, sont devenues obligatoires.
Qu’est-ce qui change exactement?
En dehors de la nutrition, pas de recommandations à suivre quant à l’atmosphère de la pause du midi ou l’éducation au goût. La «circulaire des écoliers» (PDF) revue et corrigée en 2001 évoque bien le fait que l’école «peut assurer une formation élémentaire du goût en multipliant les occasions de découverte», rappelant que «l’aspect éducatif du repas» est trop souvent oublié ou négligé, et dont l’importance est pourtant cruciale puisque les habitudes alimentaires s’acquièrent très jeunes.
La circulaire reconnaît même à l’école un rôle complémentaire à celui des familles pour aider les enfants à choisir les aliments en se dégageant de l’influence «des tendances, des médias et des traditions». Elle donne également quelques idées d’axes autour desquels améliorer la pause-repas (valoriser le patrimoine culinaire, expliquer les secrets de fabrication en cuisine, etc), mais tout ce qui porte sur autre chose que la nutrition restera au niveau des recommandations.
Photo: cordon bleu / kochtopf via Flickr CC License By
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Alors que le gouvernement américain s’attèle à mettre en place des réductions de budget qui toucheront tous les domaines, des dépenses militaires à l’assurance maladie en passant par la réparation des ponts, une des réductions envisagées, correspondant à 0,00025% de la valeur de réduction du déficit d’un montant de deux mille milliards de dollars a particulièrement retenu l’attention du public: le soutien aux marchés de producteurs locaux.
Ces 5 millions de dollars de subventions risquent de disparaître du budget agricole de 2012 et provoquent une grande inquiétude. La Farmers Market Coalition affirme que ce programme est «un succès unique dans l’histoire des politiques agricoles états-uniennes».
Est-ce si surprenant? Les chaînes de supermarchés, de Whole Foods à Safeway ne cessant de proclamer qu’elles vendent des produits sains issus d’exploitations agricoles voisines, acheter localement et consommer des produits bios et non-génétiquement modifiés semble être une excellente idée pour vous comme pour la planète.
Voilà bien quelque chose que le gouvernement devrait soutenir, n’est-ce pas?
Et bien, pas vraiment. Car ces fétichistes du retour aux sources de l’alimentation sont un danger pour les personnes les plus pauvres à la surface du globe. Si vous voulez faire un vrai geste, laissez tomber le bio et l’achat local et devenez un consommateur global, mais averti. Nous devrions entrer dans l’ère des cosmovores –les consommateurs cosmopolites de la nourriture mondiale.
Commençons par les modifications génétiques –les gènes d’un organisme sont insérées dans d’autres organismes par des scientifiques dans des laboratoires. Le ministre de l’agriculture de Pologne, Marek Sawicki, a récemment demandé que l’Europe interdise la culture et l’importation de produits génétiquement modifiés.
Mais pourquoi de nouvelles cultures labellisées OGM seraient-elles plus risquées que les anciennes semences «traditionnelles», dont les graines sont régulièrement bombardées de radiations afin de provoquer des mutations?
lire le billetEn quelques épisodes, Slate publie ici une partie de l’enquête de Camille Bosqué sur les cantines scolaires bio.
Avec la crise de la vache folle et plus généralement les problèmes d’insécurité alimentaire, la restauration scolaire a souffert d’une remise en cause de la qualité des plats proposés sur le plan sanitaire et diététique. Dans ce contexte, le bio est progressivement en train de prendre de l’importance.
En 2007, le Grenelle de l’Environnement a fixé un objectif de 20% de bio à la cantine en 2012. C’est ce qui a été le point de départ d’un sursaut dans les communes de France.
Nos enfants nous accuseront, réalisé en 2008 par Jean-Paul Jaud est un film qui témoigne par l’exemple de cette cause nouvelle qui agite le monde des cantines. On y suit l’histoire d’une petite commune du Gard, Barjac, dont «la cantine scolaire, rurale, a décidé de changer l’alimentation ordinaire en alimentation bio» : débats publics, rencontres entre les agriculteurs, les producteurs locaux et la municipalité, et mise en route de cette «nouvelle meilleure cantine» dans laquelle les enfants redécouvrent aussi le «vrai» goût de la laitue, du pain, des poires…
Ce film a été projeté dans de nombreuses communes de France comme argument de réussite de l’introduction du bio dans les repas des cantines. Selon Jean-Paul Jaud, l’urgence est de lutter contre «une agriculture chimique et mortifère indigne d’un pays comme la France».
Le WWF France a enclenché le 18 juin 2009 une campagne nationale pour convaincre les mairies de privilégier les produits bio dans les menus de leurs cantines, en les aidant à trouver des moyens pour mettre en place des solutions concrètes, en mobilisant les parents d’élèves, les enfants et les responsables politiques autour d’un même objectif.
Selon Serge Orru, directeur du WWF, il s’agit de mettre en place une mécanique générale dans laquelle les cantines scolaires peuvent être la locomotive de la généralisation du bio en France. C’est un souci de santé publique qui suppose une modification profonde de nos modes de production agricoles, que l’État français doit être en mesure d’accompagner.
Serge Orru explique qu’à ce sujet «c’est une campagne qui pose des questions, et nous n’avons pas toutes les réponses».
Effectivement, en France, l’agriculture bio représente actuellement seulement 12 000 paysans et 2,6% de la surface totale cultivée. L’objectif de 20% de bio dans les repas des cantines d’ici 2012 reste difficilement atteignable en moins d’un an, sachant que la moyenne actuelle de bio servi en restauration scolaire atteint actuellement difficilement les 2%… et que pour l’instant, 40% des produits issus de l’agriculture biologique sont importés hors de France, d’après le WWF.
On peut distinguer deux principaux obstacles: la rareté des surfaces agricoles dédiées aux cultures biologiques d’une part, et d’autre part le temps que requiert la constitution de filières reliant les producteurs locaux aux restaurations municipales.
Un des objectifs officiels du Grenelle pour accompagner cette volonté est d’atteindre 6% de surfaces agricoles bio en France d’ici à 2012 [PDF].
Mais, selon Jacques Boutault, maire du 2e arrondissement de Paris, ça ne suffit pas:
«Le gouvernement doit se donner réellement les moyens d’inciter des mises en cultures selon les méthodes de l’agriculture biologique […] et pour qu’on puisse le faire dans le cadre de nos responsabilités il faut encourager des mises en production de bio, ce qui ne se fait pas parce que les paysans, et les agriculteurs si on les aide une année et qu’on ne les aide pas une autre année sont dans une situation d’insécurité, et ils se disent “je ne m’emmerde pas, (passez-moi l’expression) je balance mes nitrates, mes produits phytosanitaires, ça me sécurise, et puis comme ça j’ai un revenu”.»
Il y a donc un décalage que les maires dénoncent entre les objectifs fixés au niveau national, et les moyens disponibles pour les agriculteurs, pour les appliquer au niveau local. En attendant, chaque commune et chaque institution trouve des solutions à sa manière.
Huit écoles privées (écoles Montessori, écoles bilingues ou alternatives) à Paris et en banlieue se sont quant à elles regroupées autour d’une initiative commune. Ces écoles maternelles et primaires ont négocié un accord avec le prestataire de restauration SAGERE (groupe RGC Restauration, aujourd’hui filiale de SODEXO), autour d’un cahier des charges «innovant et responsable»: plus de produits bio, équitables ou Label Rouge pour tous les aliments, une suppression des produits industrialisés, et des livraisons par des camions fonctionnant au GPL, avec une reprise des emballages.
Malgré les difficultés de mise en place de ces objectifs de ces engagements, ce mouvement général en faveur de l’introduction du bio dans les cantines scolaires reste un moyen de rendre les plus jeunes sensibles à l’importance d’une alimentation de qualité pour leur santé et pour l’environnement. Selon Hélène Guinot, de la Ligue de l’Enseignement, c’est surtout un enjeu de terrain pour former des «écocitoyens pour la société de demain».
Camille Bosqué
lire le billetCamille Bosqué est diplômée du DSAA de l’école Boulle en Design de Produit, d’un Master en Design à l’École normale supérieure de Cachan et prépare actuellement l’agrégation d’Arts Appliqués.
Dans le cadre de son projet de diplôme en 2010, elle s’est penchée pendant un an sur le fonctionnement et la réalité des cantines scolaires bio de Paris, pour finalement aboutir à un projet prospectif de design global pour les cantines du 12e arrondissement de Paris. Retour à l’article.
Ah, la douce complainte de l’enfant au supermarché… «Maman tu m’achètes ça?», «Papa on peut acheter ci?», parfois suivi de slogans publicitaires ou de «t’as vu, c’est [un personnage inventé par une marque de céréales]?». Une étude publiée dans le Journal of Children and Media s’intéresse aux techniques des enfants pour convaincre leurs parents d’acheter des produits tout ce qu’il y a d’antidiététique.
Des chercheurs de l’école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg se sont penchés sur le nag factor, («le facteur de l’enquiquinement» ou, comme ma mère appelait ça, «la scie»), c’est à dire «la tendance qu’ont les enfants, bombardés par des messages marketing, à demander perpétuellement des produits dont ils voient les publicités».
L’auteure principale de l’étude explique qu’elle s’intègre dans la recherche plus large des facteurs qui influencent l’épidémie d’obésité infantile, en se concentrant sur le marketing et la consommation de junk-food:
«Clairement, les enfants ne sont pas les acheteurs principaux des ménages, alors comment font des boissons et des nourritures faiblement nutritionnelles et marketées vers les enfants pour entrer dans la maison et dans l’alimentation de jeunes enfants?»
Même si, comme le note le blog Jezebel, la présentation de leur étude est parfois amusante par son apparent détachement de la réalité (les chercheurs expliquent avoir «exploré si, et comment, les mères de jeunes enfants ont expérimenté ce phénomène», la journaliste de Jezebel répondnt qu’elle «aimerait beaucoup rencontrer l’enfant qui n’a jamais émis une variante de la phrase “Maman, achète-moi ça”»), les chercheurs ont tenté de comprendre plus précisément les ressorts du nag factor:
«Notre étude indique que, bien que l’usage de médias en général ne soit pas associé à l’enquiquinement, la familiarité d’un enfant avec les personnages de publicités télévisées est associée de manière significative à l’enquiquinement en général, et avec certains types en particulier.»
En interrogeant 64 mères d’enfants de 3 à 5 ans (ils ont choisi des mères plutôt que des pères parce qu’elles sont plus souvent les «garantes de la nutrition» dans un ménage et contrôlent l’achat et la préparation de nourriture pour les petits), les chercheurs ont trouvé trois types d’enquiquinement différent: l’enquiquinement enfantin, l’enquiquinement pour tester des limites et l’enquiquinement manipulateur. Ce dernier, et l’enquiquinement en général, augmentent avec l’âge.
Les mères ont cité dix stratégies pour gérer cette scie enfantine constante: céder (une des stratégies les moins efficaces), crier, ignorer, limiter l’exposition aux pubs (suggéré par 36% des mères), expliquer aux enfants pourquoi on va faire ou ne pas faire tel achat (35%).
L’auteure principale conclut que, pour aborder le problème de l’obésité infantile, il pourrait être nécessaire de limiter les publicités sur la nourriture ou les boissons, mais c’est évidemment plus facile à dire qu’à faire… En France, 84% des parents achètent des céréales promues à la télévision si leurs enfants le réclament, affirme le site d’UFC Que Choisir consacré aux conséquences de la publicité télévisée pour enfants.
C.D.
Photo: No children in shopping carts / Mykl Roventine via Flickr CC License By
N’importe qui peut faire de la «moutarde de Dijon» dans sa cuisine, en France ou ailleurs, et la mettre sur le marché, rapporte le quotidien britannique The Telegraph, dimanche 7 août. La moutarde de Dijon est selon lui l’exemple même de ce qui arrive à un produit régional traditionnel s’il n’est pas protégé par un statut juridique.
La «moutarde de Dijon» vendue aux Etats-Unis, que les Américains commandent en supplément dans leurs burgers pour ajouter une «french touch» à leur repas à l’image du président Obama (qui, rappelle le Telegraph, s’était fait accuser il y a quelques années d’avoir renié sa nation en demandant de la moutarde de Dijon), est bien souvent fabriquée dans l’état de New York. De plus, en France, 80 à 90% des moutardes vendues seraient fabriquées à partir de graines canadiennes. L’appellation «moutarde de Dijon» «ne veut [donc] plus rien dire».
Le proverbe du XIVème siècle «Il n’y a de moutarde que celle de Dijon» perd donc tout son sens, tout comme le goût de ce condiment qui, dès lors qu’il n’est pas protégé juridiquement, peut être changé en fonction des différentes recettes. En effet, la recette originale se fait avec du vin blanc, raconte The Telegraph; mais aujourd’hui, de plus en plus de moutardes «bas de gamme» utilisent du vinaigre et de l’acide citrique à la place.
D’autres produits européens sont protégés par des normes tels que les statuts AOP (appellation d’origine protégée) ou IGP (indication géographique protégée) s’il existe un lien entre les caractéristiques de ces produits et leur origine géographique. Le site europa.eu, qui fait la synthèse des législations européennes, l’explique:
«L’AOP est valable pour un produit dont la production, la transformation et l’élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu (Mozzarella di Bufala Campana). L’IGP indique le lien avec le territoire dans au moins un des stades de la production, de la transformation ou de l’élaboration (Turrón de Alicante). Dans le premier cas donc, le lien avec le territoire est plus fort.»
Photo: moutarde de Dijon sur une cuillère/Reiner Zenz via Wikimedia Commons

Ça fait dix ans que le slogan «Au moins 5 fruits et légumes par jour» est apparu, lancé par la première campagne de pub du Plan National Nutrition Santé (PNNS). Depuis 2001, il est rentré dans nos têtes et tient fièrement sa place dans nos blagues un peu pourries, au côté des antibiotiques pas automatiques et du capitaine de soirée.
Mais pourquoi faudrait-il manger au moins 5 fruits et légumes par jour? *
La recommandation vient de plusieurs études qui ont montré que consommer des fruits et des légumes «permet de réduire le risque de certaines pathologies comme le cancer et les maladies cardio-vasculaires», explique le Professeur Serge Hercberg, directeur de recherche à l’Inserm qui a participé à la mise en place du PNNS.
D’après ces études (dont celle-ci, réalisée par l’OMS), c’est à partir de 400g de fruits et légumes au quotidien qu’on prévient les maladies citées ci-dessus, le diabète, l’obésité, et les déficiences en nutriments.
«A 400g, le bénéfice est particulièrement net, précise Serge Hercberg, mais de manière générale plus on augmente la consommation de fruits et légumes et plus le bénéfice pour la santé augmente.»
Le PNNS a fixé certains objectifs nutritionnels, explique Florence Rossi diététicienne et porte-parole de l’Association Française des Diététiciens Nutritionnistes, comme diminuer les carences en vitamines, minéraux, fibres, rééquilibrer l’équilibre entre les glucides et les graisses, et augmenter la consommation de calcium.
Puis «ces objectifs ont été traduits en repères de consommation: en pratique, pour répondre aux objectifs nutritionnels, nous devons conseiller à l’ensemble de la population française d’augmenter sa quantité de fruits et légumes consommée».
Les 5 portions de fruits et légumes viennent donc de 5×80 à 100g=400 à 500g. «C’est particulièrement frappant au-dessus de 5 fruits et légumes, mais dans tous les cas on bénéficie d’en manger plus», souligne le professeur Hercberg.
Mais l’Etat a décidé de communiquer auprès du grand public avec cette idée de 5 fruits et légumes plutôt qu’avec les 400g, «parce qu’on n’a pas envie que la population s’embête à avoir la balance sur sa table pour se demander si c’est bien ou pas bien», explique le Docteur Michel Chauliac, responsable actuel du PNNS.
Pour la diététicienne Séverine Sénéchal, membre de l’Association de Diététique et Nutrition Critique, il serait au contraire «plus facile d’avoir un repère de 400g» que les 5 fruits et légumes: puisque les fruits et légumes que nous mangeons dans la vraie vie ne font pas tous 80g, on peut manger moins de fruits et légumes et pourtant atteindre ces 400g.
Exemple:
Lire la suite…
La pyramide alimentaire, c’est fini: dans le cadre de sa campagne contre l’obésité, la première dame Michelle Obama a présenté un nouveau système d’organisation des groupes alimentaires censé être beaucoup plus simple.
MyPlate est une assiette partagée en quatre sections –une pour les fruits, une pour les légumes, une pour les féculents et une pour les protéines–, avec un petit cercle à côté représentant les produits laitiers.
Son but est de rappeler aux Américains plus clairement les bases d’une alimentation saine, comme l’a expliqué Michelle Obama dans une conférence de presse:
«C’est un rappel simple et facile pour nous tous de faire plus attention aux aliments que nous mangeons. Nous sommes bombardés par tellement de messages diététiques qu’il est difficile de prendre le temps de trier toutes ces informations, en revanche nous avons le temps de regarder l’assiette de nos enfants.»
Si l’assiette ressemble à celle dessinée, avec une moitié de fruits et légumes, «c’est bon, et c’est aussi simple que ça». L’assiette servira aussi à communiquer sur le premier message de la campagne contre l’obésité américaine, qui appuie sur les fruits et les légumes.
Le site qui accompagne l’assiette détaille les façons de manger plus équilibré, donne des idées de recettes et s’intéresse aux cas plus particuliers des femmes enceintes ou des enfants.
Les nutritionnistes américains n’étaient pas convaincus par la pyramide alimentaire mise en place aux Etats-Unis en 1992, comme le montre la réaction de la prof de nutrition Marion Nestle devant MyPlate:
«C’est mieux que la pyramide, mais c’était pas très dur…»
Elle trouve l’assiette plus simple à comprendre que la pyramide, même si pour elle la partie étiquetée «protéine» est déroutante et pas nécessaire parce que les céréales et les produits laitiers contiennent également beaucoup de protéines, et que la plupart des Américains mangent beaucoup plus de protéines que ce dont ils ont besoin.
Pendant longtemps, la pyramide alimentaire détaillait les différents groupes et la quantité qu’on était censé en manger, montre Buzzfeed, qui revient sur les logos accompagnant les campagnes nutritionnelles américaines:
En 2005, les Etats-Unis ont voulu la simplifier: l’idée était d’épurer son logo –les gens iraient voir en ligne ce qu’il signifiait– et d’y ajouter l’importance de l’exercice physique. Mais le résultat donne plutôt l’impression qu’il faut monter des marches et que les couleurs c’est chouette. Ou bien qu’atteindre le sommet d’une pyramide franc-maçonne multicolore est un bon objectif de vie:
Sur The Atlantic, Marion Nestle revient sur les problèmes de la pyramide alimentaire:
1) La version de 1992 était très controversée, chez les industriels parce qu’elle conseillait de manger davantage certains aliments que d’autres, et chez les nutritionnistes parce qu’elle conseillait de manger trop de féculents.
2) La version de 2005 fait disparaître la notion de hiérarchie entre les différents aliments, mais les nutritionnistes n’avaient aucune idée de comment s’en servir. Il fallait pour cela obligatoirement visiter un site web, et elle était beaucoup trop compliquée.
En 2002, un chercheur de Harvard avait d’ailleurs fortement critiqué les deux versions de la pyramide alimentaire avant de la reconstruire. Walter Willett expliquait que la pyramide n’avait jamais été révisée depuis 1992, au point de devenir fausse vues les découvertes en nutrition. Elle affirmait par exemple que tous les gras étaient «mauvais».
Le Dr Willett a donc proposé une nouvelle pyramide. Parmis ses ajouts, une base non plus formée par les féculents mais par l’activité physique, des catégories qui font une différence entre les céréales complètes et le pain blanc ou riz blanc:
En France, un document du Programme National Nutrition Santé (PDF), qui gère ces thématiques, note que la pyramide alimentaire «prête à diverses interprétations» et que «son principe est en contradiction avec les repères de consommation» du programme.
CD
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