Dans les cantines américaines, subventionnées par l’Etat, la part de pizza est déjà considérée comme un légume, à condition qu’elle soit composée de deux cuillères à soupe de sauce tomate, rapporte AP. Dans le cadre de la lutte contre l’obésité, sur les recommandations de l’Institut de médecine de 2009, le département américain de l’Agriculture souhaitait augmenter cette quantité à 125 millilitres mais des lobbys agroalimentaires ont lutté activement contre le vote d’une telle mesure, estimant que cela constituerait beaucoup trop de sauce tomate pour une part de pizza. ConAgra Foods et Schwan Food Company, qui sont deux entreprises importantes dans la distribution de pizzas surgelées aux cantines américaines, plaident pour la flexibilité des options des cantines. Le Congrès leur a donné raison.
Une flexibilité qui intervient également dans le contexte de restriction des dépenses fédérales, rappelle à ABC l’experte Jennifer Cohen de la New America Foundation.
«Des repas plus sains coûtent plus chers. Aussi longtemps que l’on restera dans une situation d’austérité budgétaire et fiscale au niveau fédéral, il est peu probable de voir un changement en faveur de repas sains à l’école le midi.»
En effet, si le département américain de l’Agriculture mettait en place les recommandations de 2009 de l’Institut de médecine, les changements apportés (notamment la restriction d’aliments riches en féculent comme les pommes de terre ou le maïs) pourraient augmenter le coût de chaque déjeuner de 14 cents.
Un tel débat avait déjà eu lieu sous le gouvernement Reagan qui avait tenté de diminuer le budget fédéral alloué aux cantines des écoles publiques en classant le ketchup, moins cher que les légumes verts, comme un légume. Toute cantine subventionnée est, en effet, tenue de respecter des normes nutritionnelles fixées par le département américain de l’Agriculture. Comme le raconte la chronique The Straight Dope du Chicago Reader, peu de temps après l’arrivée au pouvoir du gouverneur californien à la Maison Blanche, un ultimatum de 90 jours avait été adressé au département américain de l’Agriculture chargé de repenser les normes nutritionnelles des cantines subventionnées par les deniers publics après qu’un milliard de dollars avait été retiré de ce budget.
Une des options proposées par le comité d’experts et de directeurs de cantines était d’inclure le ketchup dans la variété de légumes servis, un aliment connu pour être très apprécié des enfants et qui sélectionné comme légume aurait pu, de ce fait, éviter le gaspillage. Sous la pression des médias et de l’opposition démocrate, la proposition avait été écartée.
Cela sera de même avec la proposition du département de l’Agriculture, sous le gouvernement Clinton, d’introduire la sauce salsa dans les cantines américaines en tant que légume. Par ailleurs, un arrêt de la Cour suprême de 1893, Nix v. Hedden, avait décidé que, contrairement à la définition de la botanique qui considère la tomate comme un fruit, la tomate est bel et bien un légume selon la loi douanière.
Du côté des lobbys, l’American Frozen Food Institute a argué qu’un tel activisme «vise à s’assurer que des légumes riches en nutriments comme les pommes de terre, le maïs et les pois continuent à faire partie d’un régime alimentaire équilibré proposé par les cantines, qui reçoivent des subventions fédérales, et à reconnaître la proportion significative de potassium, de fibres et de vitamines A et C apportée par la purée de tomates, garantissant en cela que les étudiants profiteront encore de repas sains comme la pizza et les pâtes».
Comme le relate un article de MotherJones, selon les données du Center for Responsive Politics, le secteur de l’agroalimentaire aurait dépensé près d’1,4 milliard de dollars en lobbying de 1998 à 2011. Un tel investissement financier reste en deçà de celui des secteurs de la santé et de la finance mais est supérieur au lobbying du secteur de la défense.
Photo: Une bouteille de ketchup Heinz. Fernando de Sousa via Flickr CC Licence By
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