La nouvelle étude Abena (sur l’alimentation et l’état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire) vient d’être rendue publique.
Elle révèle des chiffres préoccupants: les pathologies liées à la nutrition (obésité, hypertension artérielle, diabète) sont très élevées chez les usagers des aides alimentaires, qui connaissent “des contraintes dans leurs conditions de vie qui ont un impact sur, entre autres, leur santé nutritionnelle, même si le recours à l’aide alimentaire devrait permettre d’en atténuer les effets délétères”.
La prévalence de l’obésité chez ces usagers est ainsi de 28,8% (contre 17,6% dans la population générale selon l’ENNS 2006-2007), chiffre en augmentation depuis la dernière étude de ce genre en 2004-2005.
Les femmes sont particulièrement touchées, puisque 35,1% d’entre elles sont obèses, et 36,3% en surpoids. En outre, 48,5% des hommes et 39,3% des femmes souffrent d’hypertension artérielle (contre 34,2% et 27,8% dans la population générale).
Enfin, la prévalence du diabète semble plus élevée que dans la population totale, surtout chez les femmes (8,9% contre 3,3% de la population générale).
Cependant, certains “marqueurs biologiques de l’état nutritionnel” évoluent favorablement. On observe une baisse de l’anémie par carence en fer.
Ces chiffres concernant “les pathologies liées à la nutrition” s’expliquent, entre autres, par des conditions particulières de consommation. 39,5% des usagers déclaraient “moins de 3 prises alimentaires la veille de l’enquête”.
Certains groupes d’aliments sont mangés bien moins souvent que ne le préconisent les recommandations nutritionnelles, et à des fréquences inférieures à celles de la population générale, comme par exemple pour pour les produits laitiers.
Seulement 6,5% des usagers affirmaient consommer des fruits et des légumes 5 fois par jour. Un quart des personnes déclaraient avoir consommé des boissons sucrées quotidiennement au cours des douze derniers mois.
L’étude note que l’aide alimentaire est “la principale source d’approvisionnement pour de nombreux types d’aliments”, comme les produits non périssables (pâtes, sucre, farine…), les conserves ou le lait.
Parmi les conclusions de l’étude, “il apparaît donc prioritaire de renforcer les actions de prévention, notamment de proximité, ainsi que les dépistages du risque de maladies chroniques auprès de ces publics”.
Ces résultats sont bien sûr à mettre en parallèle avec les situations socio-économiques des personnes interrogées, et notamment l’accès aux soins. Une personne sur dix déclarait ne pas bénéficier d’une couverture maladie au moment de l’enquête.
Photo: Spaghetti/ angermann via FlickCC License by
lire le billetComment bien manger lorsque l’on vit en situation d’extrême précarité, souvent dans un hôtel social sans autre instrument de cuisine qu’un four à micro-ondes ou une bouilloire électrique coincés entre le lit et la table de chevet?
L’équation n’est pas simple à résoudre, mais elle mérite pourtant que quelques cuisiniers futés se la posent: car précarité rime aujourd’hui plus souvent avec déstructuration des repas, voire avec obésité, qu’avec dénutrition, même si ce dernier phénomène, bien sûr, n’a malheureusement pas complètement disparu.
Mais lorsque l’on a peu d’argent et aucune cuisine à disposition, que faire d’autre que grignoter des aliments tout préparés?
«Et lorsqu’une maman ne peut pas réunir ses enfants autour d’un plat chaud à l’heure du dîner, elle compense souvent en leur offrant les gâteaux et sucreries dont ils ont tant envie», constate Clara Same-Romain, diététicienne-nutritionniste qui intervient beaucoup dans les milieux précaires.
Aider ces personnes à bien s’alimenter ne se résume donc pas à leur fournir un sac de denrées ou les moyens financiers pour faire leurs courses. Il faut aussi les aider à bien faire à manger.
C’est l’initiative qu’a prise Fernanda Marruchelli, coordinatrice à la Fasti (la fédération des associations de soutien aux travailleurs immigrés). Depuis l’été dernier, tous les mercredis matins, une dizaine de femmes –et quelques hommes– habitués de l’association viennent suivre les cours de cuisine de Clara Same-Romain.
Au menu de ce mercredi: flan à la provençale, paëlla et galette des rois, «même si celle-ci n’est pas forcément très diététique», s’excuse Clara. Particularité de ce menu: exceptée la galette des rois, imposée par l’actualité, tous les plats sont bon marché, et surtout cuisinés au four à micro-ondes.
La tâche n’est pas compliquée, bien qu’un peu fastidieuse: pour la paella, il faudra en effet mettre, tout à tour, les légumes (poivron-échalotes), le poulet, les fruits de mer, puis le plat entier, au micro-ondes pendant de longues minutes. Mais le résultat n’a rien à envier avec une préparation classique.
Des recettes un peu déconcertantes pour le public de ce mercredi, presque exclusivement composé de femmes nigérianes: si la paella et la galette rencontrent un franc succès, le flan à la provençale –qui contient un peu de fromage de chèvre– fait moins l’unanimité.
N’empêche: le public de l’atelier est régulier. Comme Faith, qui vit avec son bébé de 10 mois dans une chambre à la limite de la salubrité et affirme avoir refait chez elle plusieurs recettes réalisées ici.
L’expérimentation va cependant plus loin que le public de la Fasti: subventionnée par la ville de Paris, l’Agence régionale de santé, Paris Santé Nutrition et la mutualité française, l’initiative permet de tester les 20 recettes les plus faciles et les plus appréciées, mais aussi de calculer leur coût réel, avant de les regrouper dans un petit livret qui sera ensuite édité à 10.000 exemplaires et distribué notamment aux assistantes sociales.
L’initiative commence déjà à faire parler d’elle: l’atelier a déjà reçu la visite d’une chercheuse américaine, et Orange a prêté au Fasti une tablette permettant de poster des vidéos «live» des ateliers sur Internet.
Pour ceux et celles qui auraient des moyens encore plus limités, Clara Same-Romain propose régulièrement des recettes réalisables avec une simple bouilloire électrique. Par exemple, un filet de poisson à la normande accompagné de coquillettes à l’emmental:
Ingrédients pour 1 personne
100g de filet de poisson
4 champignons moyens
1/2 échalote
1 pot de 50g de crème fraîche
2 cuillères à soupe de jus de citron (frais ou en bouteille)
2 pincées de sel
2 pincées de poivre
1 litre d’eau
Temps de réalisation: 30 minutes
Prix: 1,71€ par personne
Matériel nécessaire:
1 bouilloire
1 saladier
2 sacs de congélation de 1 litre
2 assiettes
1 fourchette
1 couteau
Les étapes de la recette:
- Dans une assiette, couper le filet de poisson en deux dans le sens de la longueur. Mettre les deux morceaux obtenus dans un sac de congélation, bien appuyer pour chasser l’air et fermer avec l’attache.
- Laver et sécher les champignons. Jeter les pieds. Couper les champignons en fines lamelles, puis en 2.
- Ciseler l’échalote.
- Mélanger les champignons, l’échalote, la crème fraîche, le jus de citron, le sel et le poivre dans une assiette et verser le tout dans le deuxième sac de congélation. Bien appuyer pour chasser l’air et fermer avec l’attache.
- Faire bouillir 1 L d’eau dans une bouilloire.
- Mettre les sacs au fond du saladier, ouvertures vers le haut.
- Verser l’eau bouillante dans le saladier. Couvrir avec une assiette.
- Après 6 minutes de cuisson, jeter l’eau.
- Verser le poisson et sa sauce dans une assiette.
Catherine Bernard
Photo: Nom nom nom / melindarae via Flickr CC License By
lire le billetFace à la montée des prix de l’alimentaire, dont l’augmentation était de plus de 6% en 2008 –une première depuis 1984– «l’adaptation» est naturellement l’une des premières conséquences de la situation économique. «Avant la crise, la santé et le plaisir de manger étaient essentiels. Aujourd’hui, l’argument prix est majoritaire et cela, toutes catégories sociales confondues», explique Jean-Pierre Corbeau, professeur émérite à l’Université François Rabelais de Tours et sociologue de l’alimentation.
Alors, les pratiques évoluent. Les consommateurs ont tendance à revenir vers les fondamentaux, à réduire leurs achats de marques. Ils jouent «intelligent», multiplient les lieux d’achats de nourriture, redécouvrent les joies du marché tout en cherchant le bon. Selon une étude (PDF) du Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (Credoc) publiée en 2009, 17% des Français comparent de plus en plus les prix, chassent les promotions (16%), suppriment le superflu (18%) et descendent en gamme de produits (28%).
La conséquence est une tendance au «manger malin», notamment pour les classes moyennes. En d’autres termes, on cuisine davantage ce qu’hier on pouvait acheter tout prêt. «En anticipant la crise, des personnes se sont mises à recuisinier des éléments basiques, poursuit Jean-Pierre Corbeau. Certains achètent par exemple du chocolat pour faire un gâteau et n’achètent pas ce dernier déjà fait. De la même manière, ils auront tendance à ne plus acheter des salades sous vide mais à les préparer eux-mêmes».
C’est en quelque sorte un retour à l’alimentation plaisir avec le souci de la convivialité et de la valorisation de soi, dans une dynamique portée par la multiplication d’émissions culinaires. Pourtant, la «tension» du portefeuille, comme disent les sociologues, ainsi que la nécessité de «faire des économies» reste prégnante.
Incontestablement, la crise a dopé leur business des fast-food et discounters. Déjà auréolés d’un développement majeur au cours de la décennie passée, fast-foods et hard discounters ont profité de la morosité ambiante et des portefeuilles en berne.
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