Comment la pomme de terre a changé le monde

La patate, cinquième plus importante culture dans le monde après le blé, le maïs, le riz et le sucre de canne, pourrait symboliser la mondialisation.

Originaire des Andes péruviennes, elle est importée en Europe par les Espagnols au début du XVIe siècle et connaît des records de consommation aux Etats-Unis, qu’elle soit frite, cuite ou en purée. Comme la mondialisation, la pomme de terre, qui appartient à la famille des solanacées, est l’objet de critiques: crainte par les Français pour les flatulences que sa consommation provoquerait ou redoutée par les Britanniques qui y voient une importation du catholiscisme romain («Pas de pommes de terre, pas de papauté» était un slogan politique en 1765).

Pire, sa contamination par le mildiou, un champignon parasite, provoque une pénurie alimentaire à grande échelle entre 1845 et 1848 en Irlande où la tubercule de pomme de terre constituait la nourriture de base des paysans irlandais. Par conséquence, on doit à la pomme de terre l’émigration massive de survivants irlandais aux Etats-Unis au XIXe siècle, raconte le Smithsonian Magazine qui retrace l’histoire de la pomme de terre. Un aliment qui avait déjà été mis sur un piédestal lors de l’année internationale de la pomme de terre en 2008.

La Grande Famile irlandaise va servir a posteriori d’accélérateur de perfectionnement des techniques agricoles européennes et de sa démographie en raison des qualités nutritives des pommes de terre cultivées, entre autre, par les paysans allemands.

Dans l’article sur la pomme de terre de l’Encyclopédie, le philosophe français Denis Diderot estime que la pomme de terre «ne peut être regardée comme un aliment appétissant, mais il procure une quantité abondante d’une nourriture raisonnablement bonne pour des hommes qui veulent avant tout du consistant». Pour l’historien William H. McNeill, la pomme de terre a contribué à l’édification de vastes empires coloniaux européens:

«En nourrissant des populations qui croissent rapidement, elle a permis de garantir la prédominance d’une poignée de nations européennes sur le monde entre 1750 et 1950.»

En France, la culture de la pomme de terre s’est amplifiée grâce aux efforts du scientifique Antoine-Augustin Parmentier pour l’introduire dans l’alimentation du roi Louis XVI, dont le pouvoir été menacé par la hausse continue du prix du pain, pour montrer que la pomme de terre était une alternative tout aussi nutritive.

J.C

Photo: Des quartiers de pommes de terre avec des oignons RBerteig via Flickr CC License by

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Pourquoi faisons-nous 3 repas par jour?


«On ne mange pas entre les repas», ou «trois repas par jour» font partie de ces phrases toutes faites que nous avons tendance à suivre sans vraiment y réfléchir. Pourtant, prendre trois repas par jour est une habitude parfaitement culturelle «qui ne repose sur aucun argument biologique», affirme Paul Freedman, professeur d’histoire à l’Université de Yale aux Etats-Unis et auteur de Food: The History of Taste (La nourriture: l’histoire du goût). Un article d’Alternet est consacré à ce rituel qui se perd de plus en plus.

Les humains ont besoin d’être rassurés par des habitudes, des rituels prévisibles, comme celui de prendre trois repas par jour, explique le professeur. Mais selon les époques, les milieux sociaux, le nombre de repas par jour varie. Un paysan européen au Moyen-Age «commençait par une bière, du pain le matin, puis emportait de la nourriture aux champs pour un repas conséquent qu’il prenait entre 2 et 6 heures ou même plus tard, selon son travail, la saison et multitude de facteurs»,  selon Freedman.

Aujourd’hui également, prendre trois repas par jour est de moins en moins la norme. Ce que nous mangeons, et les heures des repas sont en effet de moins en moins prescrits par les habitudes familiales, le rythme des collègues de travail mais davantage par nos goûts personnels et nos envies du moment. La perte progressive de cette habitude met donc en lumière la dislocation de phénomènes de société plus larges que sont la régularité du rythme de travail et le maintien des traditions au sein de la  famille.

Les résultats d’études récentes sur le lien entre le nombre de repas par jour et leur conséquence sur la santé et la diététique disent tout et son contraire. D’un côté, une étude du ministère de l’agriculture américain a conclu que prendre un gros repas par jour plutôt que trois normaux, diminuait l’absorption de graisse mais augmentait la pression sanguine. De l’autre, une étude de l’université de Maastricht montre que manger au moins quatre repas par jour diminue les risques d’obésité de 45%. Une étude de l’université d’Ottawa montre, au contraire que prendre plein de petits repas ne fait pas perdre de poids.

Les conclusions divergent autant, car elles dépendent également d’une multitude d’autres facteurs comme le contenu des repas en question, l’heure de la journée à laquelle il est pris. D’autres informations concernant le patrimoine génétique ou la fréquence d’exercice des personnes interrogées rentrent aussi en ligne de compte.

Alors plus la peine de culpabiliser d’avoir sauté un repas ou d’avoir picoré à un moment de la journée prendre 1, 3 ou 5 repas par jour est une question d’habitude culturelle.

Au delà de la fréquence des repas, leur déroulé peut également être un  rituel culturel. Le repas gastronomique à la française a ainsi été inscrit au  Patrimoine culturel immatériel mondial de l’humanité par l’Unesco en 2010. Comme nous l’expliquions à l’époque, l’Unesco estimait ainsi –à tort ou à raison– que le repas gastronomique est «un facteur important du maintien de la diversité culturelle face à la mondialisation». Le chef trois étoiles Guy Savoy avait alors commenté:

«J’espère que la France va montrer la voie pour que la planète entière prenne enfin conscience que les habitudes alimentaires représentent l’aspect culturel de toute nation.»

Photo: table dressée alexyra via Flickr CC License by

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