Histoires de thé au Musée Guimet

Le thé est la boisson la plus bue dans le monde, après l’eau… 4 millions de tonnes de feuilles de thé ont été consommées en 2010. Le Musée Guimet, à Paris, y consacre une exposition qui durera jusqu’au 7 janvier 2013: «Le Thé à Guimet, Histoires d’une boisson millénaire».

Le parcours commence par une dégustation d’un intéressant breuvage créé spécialement pour l’occasion par le Palais des Thés, concocté avec du yuzu, du bleuet, du thé vert et de la fleur de cerisier. Et se prolonge avec une grande histoire des moments forts de l’expansion du thé (qui peut être blanc, vert, jaune, bleu-vert, rouge, noir…) et de ses usages sur le continent asiatique.

Née en Chine, la consommation du thé a connu trois grandes phases dans les manières de le préparer et de le déguster. D’abord, sous la dynastie des Tang (618-907), les Chinois étaient à «l’âge du thé bouilli»: ils broyaient les feuilles en fines particules et les faisaient bouillir dans une marmite en ajoutant des aromates. Cette pratique perdure encore en Mongolie et au Tibet.

Ensuite, sous les Song (960-1279), le thé était «battu». La recette: mettre dans un bol du thé vert réduit en fine poudre. Le battre en le mélangeant avec l’eau bouillante. «Cette émulsion mousseuse constitue un breuvage tonique», souligne l’expo. C’est pendant cette période que le thé se popularise. Les Japonais boivent encore du «thé battu».

Enfin, on parle de «thé infusé» sous les dynastie des Ming et des Qing (1368-1911) et encore aujourd’hui, en Asie et dans le reste du monde: «l’âge du thé infusé est né à la suite du décret de 1391 promulgué par l’empereur Hongwu, au début des Ming, qui imposa un retour à la simplicité». Alors les feuilles de thé sont juste cueillies, séchées et torréfiées, puis plongées dans l’eau pour révéler leurs saveurs. C’est là que la théière prend un rôle important…

Pour chacune de ces périodes, le Musée Guimet expose des ustentiles de préparation et de dégustation, bols, théières, soucoupes, mortiers… La fin (et malheureusement seulement la fin, mais le Musée Guimet est dédié aux arts asiatiques!) est consacrée à l’extension du thé dans le monde et sa transformation en enjeu commercial important, avec des services en porcelaine français, des théières arabes ou indiennes.

Aujourd’hui, les quatre grands producteurs de thé sont la Chine, l’Inde, le Sri Lanka et le Kenya, et on boit le thé très différemment en Angleterre, au Maroc, au Japon ou en Mongolie. Les manières de consommer le thé ont bien évolué, et évoluent encore…

En sortant, on peut humer des bols remplis de thé du Palais des thés, et identifier les notes “épicées”, “florales”, “fruitées” ou “boisées”. Et se rendre compte que le thé sollicite vraiment les sens, l’odorat donc, mais aussi le goût bien sûr, la vue (par exemple le Thé vert Perles de Jasmin est formé de petites boulettes, tandis que le Long Jing Premium est fait de longues et fines feuilles…), ainsi que le toucher et l’ouïe lors de la cérémonie du thé. Peut-être parce qu’il s’agit d’une expérience très immédiate, le thé, parti de Chine, est bien devenu une boisson quasi universelle.

Lucie de la Héronnière

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La cuisine chinoise s’expose au Quai Branly

Lazy Susan, Installation vidéo, réalisation du collectif d’art numérique PLEIX, 2012

“Avez-vous mangé!” est le premier mot qui vient à la bouche d’un Chinois croisant un ami. Mieux qu’un banal “ça va?”, c’est peut-être une des preuves du “processus civilisateur en marche depuis plus de 7000 ans” en Chine, celui de cuisiner et savourer avec intérêt et raffinement. Depuis hier et jusqu’au 30 septembre, le Musée du Quai Branly à Paris présente l’exposition “Les Séductions du palais, cuisiner et manger en Chine”. Vaste pays, vaste programme. La nourriture est bien un des piliers de cette culture ancestrale.

En collaboration avec le Musée National de Chine, l’expo présente différentes vaisselles utilisées au cours des siècles, des services à thé, ustensiles, bols, coupes, vases, marmites, flasques… Pour parler de l’évolution des techniques employées, des traditions culinaires et des préparations typiques des régions chinoises. La citation de Claude Lévi-Strauss qui introduit l’expo, “toute nourriture est bonne à penser”, donne le ton. On va voir comment les comportements quotidiens expliquent des découvertes, des évolutions sociales, des charnières historiques.

On commence un parcours historique autour du foyer néolithique, entre 7000 et 2000 av. J-C. Les Chinois passent du cru au cuit, voire au mijoté, et introduisent de nombreux légumes dans leur alimentation. A l’Âge de bronze, l’alimentation s’enrichit avec un apport important de viande, tandis que la boisson (alcoolisée) est essentielle pendant une période. Plus tard, les découvertes archéologiques de la Chine classique montrent des banquets assez réjouissants, avec de la vaisselle en laque par exemple.

A l’époque médiévale, la vaisselle se fait précieuse et exotique, et des produits nouveaux débarquent en Chine (concombres, noix, sésame…). Avec l’introduction de la technique de la mouture, les Chinois commencent à fabriquer des petits pains, des gâteaux, des raviolis, plongés dans l’eau bouillante, très populaires et vendus dans la rue par des marchands ambulants. La street food du Moyen-Âge chinois!

Pendant l’âge d’or de la dynastie Tang, les excès ne sont pas rares et l’obésité est fréquente chez les aristocrates. Plus tard, pendant la dynastie des Song (960-1279), les auberges et la restauration se développent, la gastronomie devient un thème littéraire. La boisson évolue, le vin de céréale est très prisé tandis que le thé devient une boisson quotidienne. Enfin, au temps des derniers empereurs, le service de bouche est somptueux, des banquets gigantesques sont organisés.

Au fil de l’expo, on découvre des recettes mythiques appréciées par les différents empereurs, comme la “Fondue de faisan”, “l’oie farcie, rôtie dans l’agneau”, “le bouillon de poisson Song Sao”. Ou encore l’incroyable “Chien braisé dans un bouillon de tortue”, concocté avec 750 g de chien, 350 g de tortue, de l’anis, de la ciboule et du gingembre…

L’expo se termine par une hypnotisante installation vidéo, une dînette tourbillonnante, inspirée des tables tournantes des restaurants chinois. A voir, donc, jusqu’au 30 septembre au Quai Branly.

Lucie de la Héronnière

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Bien manger en Chine: l’attaque des snacks

Premier épisode du tour du monde du bien manger de Maud Descamps

Manger sur le pouce, accroupi au coin d’une rue entre l’échoppe d’un vendeur de pots d’échappement d’occasion et un centre commercial flambant neuf, est un sport national en Chine.

Brochettes d’œufs de cailles, sucettes de riz concassé à la gelée de rose, crêpes fourrées à la patate douce accompagnées d’un jus de prunes aigres. La liste s’allonge à l’infini. Oui, la Chine est le paradis du snack, du repas pris sur le pouce, du petit creux de dix heures, du goûter de seize heures, de la petite faim de dix-huit heures et encore de la fringale de deux heures du matin.

Le snack, roi de la rue

Loin de nous l’image des canards laqués –tellement desséchés qu’on soupçonne leur cuisinier d’avoir tenté de les lyophiliser– pendus par ce qui leur reste de cou dans une vitrine crasseuse. C’est à même le trottoir, posé sur quelques planches de tôles, –non moins crasseuses– ou en train de bouillir dans de grandes marmites fatiguées que se trouvent les merveilles du palais de l’empire du milieu.

Des pépites que les Chinois dégustent habilement du bout de leurs baguettes, non-stop, comme si la journée n’était qu’un seul et même repas en continu.

Une seule conclusion s’impose alors: le snack est à la rue ce que Bruce Lee est au Kung-Fu, le roi! Pas un trottoir de Datong, dans la province du Shanxi, ni une ruelle du quartier Hui –quartier musulman de X’ian, la ville de l’armée enterrée– n’échappent aux casseroles bouillantes, aux poêles qui débordent et aux multiples réchauds sortis tout droit de l’imagination ingénieuse de cuisiniers autoproclamés.

Le snack, éternel renouvellement

Une simple balade dans les rues de ce quartier Hui suffit pour juger de la profusion de nourriture, de recettes et de possibilités gustatives. Mais le voyage s’achève parfois dans l’arrière cour d’un restaurant à l’hygiène douteuse.

Manger. Bien manger est un sujet des plus sérieux en Chine. C’est d’ailleurs le premier sujet qui est abordé lorsque l’on se salue: «As-tu mangé aujourd’hui?» se questionne-t-on quand on se rencontre. Une formule parfois embarrassante lorsque l’on croise un groupe partageant une assiette au contenu non identifié, mais à qui on ne peut refuser l’invitation à partager le repas. Car en Chine si on vous pose LA question et que ne vous êtes pas encore sustenté, alors vous n’avez d’autre choix que de rejoindre la table de celui qui vous a questionné.

Le snack est beau

Avant tout, les Chinois ont su cultiver le goût de l’esthétisme. La nourriture doit être belle.

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