A ma gauche, des oranges de supermarché pas bien appétissantes. A ma droite, les compléments alimentaires et les vitamines miracles des comptoirs de la pharmacie qui vous promettent une forme olympique avec une petite cure. Prendre ses vitamines dans des comprimés est-il aussi efficace que de les prendre dans des aliments? Tous les types de vitamines se valent-ils?
Les nutritionnistes que j’ai eues au téléphone n’ont pas entendu parler d’études qui s’intéressent spécifiquement aux vitamines en gélule par rapport aux vitamines naturellement comprises dans nos aliments.
Pas de statistiques, donc, mais quelques faits: les aliments contiennent d’autres choses que des vitamines. Quand on choisit d’avaler un comprimé de vitamine C plutôt que de croquer dans une orange, on oublie que dans l’orange il y a aussi des fibres, de l’eau, du fructose…
«Bah y a qu’à prendre des comprimés de fibres», me répondront ceux qui détestent les fruits et les légumes. Certes, mais les fibres en capsule sont pour la plupart des fibres irritantes, explique la diététicienne Florence Pujol (qui vient de sortir Je mange et je suis bien aux éditions PUF), contrairement aux fibres de l’orange ou des courgettes qui sont des fibres douces.
Sans oublier qu’on en découvre encore tous les jours sur nos aliments, note la diététicienne Séverine Sénéchal. Et qu’on ne peut prendre des comprimés que pour les nutriments dont on connaît l’existence…
D’autant que prendre des compléments alimentaires n’est pas aussi facile que d’avaler une gélule avec un grand verre d’eau, surtout pour les cocktails de vitamines, oligo-éléments et sels minéraux. Certaine nutriments en empêchent d’autres d’être absorbés, explique Florence Pujol, tandis que d’autres ne fonctionnent qu’en couple.
Par exemple, si vous prenez des compléments alimentaires où il y a du calcium mais pas de vitamine D, «ça ne sert à rien, parce que votre corps ne fixera pas le calcium, même avec une grande dose», détaille Florence Pujol, qui rappelle également que certaines gélules sont fabriquées à partir de molécules qui peuvent jouer un rôle bloquant: votre cure de calcium n’aura servi à rien si la gélatine qui constitue les capsules contient des acides phytiques [PDF]. D’autres couples fonctionnent ensemble: magnésium et vitamine B6, calcium et magnésium, fer et vitamine C…
Il ne suffit donc pas de se saisir de n’importe quel cocktail de vitamines en espérant que ça compense pour le beurre (vitamine A et D), le jaune d’œuf ou l’huile de foie de morue (vitamine D), les noix et certaines huiles (vitamine E), et tous les fruits et légumes (trop de vitamines pour les inscrire toutes!).
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Non, la fraise qui décore votre tartelette au chocolat ne compte pas comme un fruit ou un légume, pas plus que le soupçon de laitue dans votre McChicken ou les quatre olives sur votre pizza.
Dix ans après l’apparition du slogan «Au moins 5 fruits et légumes par jour» (AM5FELPJ pour les intimes), il reste toujours aussi mystérieux: C’est pareil si je mange une pastèque ou une mirabelle? Salade-tomate-oignons ça compte pour trois? Il se passe quoi si je ne mange que des épinards? On peut les manger sous n’importe quelle forme?
Pour le Programme National Nutrition Santé (PNNS), 5 fruits ou légumes par jour c’est 5 portions (80 à 100 g) de fruits ou légumes par jour. Pas besoin de se balader partout avec une balance portative, le site Manger Bouger, vitrine du plan, explique qu’une portion fait l’équivalent d’un poing ou de deux cuillères à soupe pleines.
Pour les fruits «à l’unité», une portion c’est une pomme, une poire, une orange… Qui peuvent en fait faire bien plus que 80g, tout comme les portions qu’on trouve dans la vraie vie.
Exemple pratique à l’ancienne cantine de Slate, où mes collègues ont gentiment attendu que je pèse tous leurs fruits et légumes avant de commencer à les manger <3
Dans cette belle assiette de fruits préparée par le personnel de cuisine:
Il y a 235g de fruits! Soit plus de deux portions, et plus de la moitié des 400g de fruits et légumes conseillés par jour.
Et dans cette assiette carottes râpées-concombre (ah, le bon vieux temps où on avait pas peur des concombres) préparée en self-service:
Il y a 140g de légumes. Donc en mangeant le midi cette entrée et ce dessert, on serait déjà presque à nos 400g/AM5FELPJ.
Mais c’est pas grave, puisque la recommandation est de manger «au moins 5 fruits et légumes par jour». En manger plus ne pose donc pas de problème, au contraire.
Ça fait dix ans que le slogan «Au moins 5 fruits et légumes par jour» est apparu, lancé par la première campagne de pub du Plan National Nutrition Santé (PNNS). Depuis 2001, il est rentré dans nos têtes et tient fièrement sa place dans nos blagues un peu pourries, au côté des antibiotiques pas automatiques et du capitaine de soirée.
Mais pourquoi faudrait-il manger au moins 5 fruits et légumes par jour? *
La recommandation vient de plusieurs études qui ont montré que consommer des fruits et des légumes «permet de réduire le risque de certaines pathologies comme le cancer et les maladies cardio-vasculaires», explique le Professeur Serge Hercberg, directeur de recherche à l’Inserm qui a participé à la mise en place du PNNS.
D’après ces études (dont celle-ci, réalisée par l’OMS), c’est à partir de 400g de fruits et légumes au quotidien qu’on prévient les maladies citées ci-dessus, le diabète, l’obésité, et les déficiences en nutriments.
«A 400g, le bénéfice est particulièrement net, précise Serge Hercberg, mais de manière générale plus on augmente la consommation de fruits et légumes et plus le bénéfice pour la santé augmente.»
Le PNNS a fixé certains objectifs nutritionnels, explique Florence Rossi diététicienne et porte-parole de l’Association Française des Diététiciens Nutritionnistes, comme diminuer les carences en vitamines, minéraux, fibres, rééquilibrer l’équilibre entre les glucides et les graisses, et augmenter la consommation de calcium.
Puis «ces objectifs ont été traduits en repères de consommation: en pratique, pour répondre aux objectifs nutritionnels, nous devons conseiller à l’ensemble de la population française d’augmenter sa quantité de fruits et légumes consommée».
Les 5 portions de fruits et légumes viennent donc de 5×80 à 100g=400 à 500g. «C’est particulièrement frappant au-dessus de 5 fruits et légumes, mais dans tous les cas on bénéficie d’en manger plus», souligne le professeur Hercberg.
Mais l’Etat a décidé de communiquer auprès du grand public avec cette idée de 5 fruits et légumes plutôt qu’avec les 400g, «parce qu’on n’a pas envie que la population s’embête à avoir la balance sur sa table pour se demander si c’est bien ou pas bien», explique le Docteur Michel Chauliac, responsable actuel du PNNS.
Pour la diététicienne Séverine Sénéchal, membre de l’Association de Diététique et Nutrition Critique, il serait au contraire «plus facile d’avoir un repère de 400g» que les 5 fruits et légumes: puisque les fruits et légumes que nous mangeons dans la vraie vie ne font pas tous 80g, on peut manger moins de fruits et légumes et pourtant atteindre ces 400g.
Exemple:
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