Les enfants, une source méconnue de vitamines et de fibres
Non, la fraise qui décore votre tartelette au chocolat ne compte pas comme un fruit ou un légume, pas plus que le soupçon de laitue dans votre McChicken ou les quatre olives sur votre pizza.
Dix ans après l’apparition du slogan «Au moins 5 fruits et légumes par jour» (AM5FELPJ pour les intimes), il reste toujours aussi mystérieux: C’est pareil si je mange une pastèque ou une mirabelle? Salade-tomate-oignons ça compte pour trois? Il se passe quoi si je ne mange que des épinards? On peut les manger sous n’importe quelle forme?
Pour le Programme National Nutrition Santé (PNNS), 5 fruits ou légumes par jour c’est 5 portions (80 à 100 g) de fruits ou légumes par jour. Pas besoin de se balader partout avec une balance portative, le site Manger Bouger, vitrine du plan, explique qu’une portion fait l’équivalent d’un poing ou de deux cuillères à soupe pleines.
Pour les fruits «à l’unité», une portion c’est une pomme, une poire, une orange… Qui peuvent en fait faire bien plus que 80g, tout comme les portions qu’on trouve dans la vraie vie.
Exemple pratique à l’ancienne cantine de Slate, où mes collègues ont gentiment attendu que je pèse tous leurs fruits et légumes avant de commencer à les manger <3
Dans cette belle assiette de fruits préparée par le personnel de cuisine:
Il y a 235g de fruits! Soit plus de deux portions, et plus de la moitié des 400g de fruits et légumes conseillés par jour.
Et dans cette assiette carottes râpées-concombre (ah, le bon vieux temps où on avait pas peur des concombres) préparée en self-service:
Il y a 140g de légumes. Donc en mangeant le midi cette entrée et ce dessert, on serait déjà presque à nos 400g/AM5FELPJ.
Mais c’est pas grave, puisque la recommandation est de manger «au moins 5 fruits et légumes par jour». En manger plus ne pose donc pas de problème, au contraire.
Non, la patate ça compte pas. La pomme de terre a beau être classée dans le sous-chapitre «fruits et légumes» des cours de diététique, note la diététicienne Séverine Sénéchal, elle est considérée comme un féculent vu sa teneur en amidon.
Dans le genre «trop beau pour être vrai», les jus de fruits comptent seulement s’ils sont «pur jus» ou pressés. Par exemple, le Tropicana Pure Premium Pommes Pressées 100% pur jus, ça compte. Le jus de pomme Helior à base de jus de pomme concentré, ça compte pas.
Contrairement à ce que croient les habitants de Groland, on ne peut pas «boire» tous ses fruits et légumes: les fruits pressés et le pur jus de tomate de votre Bloody Mary ne comptent que pour une portion, le reste de ses fruits et légumes il faut les manger!
Et un jus de fruit a beau être à la pomme-banane-mangue ou une soupe aux poireaux-carottes-navet, un verre ou un bol ne comptent toujours que pour une portion, pas trois. Pareil pour la salade composée, une portion= un fruit et légume même s’il y a du choux, de la tomate, des carottes et des poivrons dedans (sans oublier que s’y glissent également souvent fromage ou viandes, de la même manière que la pomme de terre aime se cacher dans les briques de soupe achetées dans le commerce).
Le yaourt aux fruits est fourbe: même avec des morceaux, il ne contient souvent qu’un faible pourcentage de fruits. S’il y a 10% de fraises dans un yaourt de 125g, ça fait 12,5g de fraises, soit presque huit fois moins qu’une portion. Mais les compotes (sans sucre ajouté!) comptent.
Le printemps et l’été peuvent paraître comme des saisons plus «faciles» pour incorporer les AUM5FELPJ au moyen de moult nectarines, fraises, salades en tous genres et autres concombres tueurs. L’hiver a tout de même des fruits comme la poire, la pomme, la banane, les kiwis ou les agrumes. A vous les salades de fruits d’hiver et les compotes! Sans oublier les soupes maisons ou autres légumes cuits plus de saison.
Pour vous aider, vous pouvez vous servir de calendriers de fruits et légumes de saison, comme celui-ci par exemple. Les fruits et les légumes de saison ont aussi l’avantage d’être moins chers…
Les responsables du PNNS seraient bien embêtés de voir des groupes Facebook comme «Si toi aussi tu ne respectes pas la règle des 5 fruits et légumes par jour». Déjà parce que le réflexe qu’ils essayent de faire intégrer au grand public c’est «au moins 5 fruits et légumes par jour» (et pas «juste 5 fruits et légumes»), et puis parce qu’ils se défendent de créer des règles.
Le Docteur Michel Chauliac, responsable actuel du PNNS, assure que le slogan est «un repère, pas une norme. On ne veut pas avoir une alimentation normée, on veut des repères: si vous consommez comme le préconisent les repères, votre santé s’en sortira mieux».
Du coup, il s’oppose à trop de restrictions: la sauce tomate –pas le ketchup, la sauce tomate–, ça compte. La carotte du bœuf en daube, ça compte. Sauf que pour atteindre les 80g d’une portion de fruits ou légumes, il en faut beaucoup de sauce tomate, note au passage la diététicienne Florence Rossi. Et la sauce tomate faite maison avec des tomates concassées n’apporte pas la même quantité de légumes (et de gras!) qu’une sauce en brique déjà faite.
Le professeur Serge Hercberg, directeur de recherche à l’INSERM qui a participé à la mise en place du PNNS, ajoute que «dans l’absolu, si on peut varier c’est encore mieux» (manger des fruits et des légumes différents, cuits, crus, frais, surgelés, en conserve, etc.), «mais que ce qu’on donne comme message c’est “mangez ce qui vous fait plaisir” […] l’important c’est d’en manger».
Quant à manger uniquement des fruits ou uniquement des légumes, il préfère là aussi quelqu’un qui mangera seulement ça plutôt que de se dire «oh j’ai mangé beaucoup de fruits aujourd’hui alors je n’en mange pas demain», notant qu’une personne qui mange 5 fruits dans la journée va les manger «à la place d’un autre dessert ou d’autres aliments qui sont des sources de sucres encore plus riches».
Séverine Sénéchal ne conseillerait elle pas de manger cinq fruits par jour vu leur apport en sucre (surtout pour les gens qui ont des problèmes de glycémie!), mais estime encore que le plus simple est de varier. Puisque la composition de chaque fruit et légume est différente, varier reste la meilleure façon d’avoir des vitamines et nutriments complémentaires. De toute façon, «vous vous lasseriez», assure-t-elle. «Le corps finirait par réclamer autre chose, il n’y a pas d’aliment parfait».
Si vous faites partie des inquiets qui, comme moi, se souviennent vaguement d’une pub qui demandait de manger DIX fruits et légumes par jour, rassurez-vous: le site 10parjour.net était en fait édité par l’INTERFEL, l’Association interprofessionnelle des fruits et des légumes.
L’association de producteurs avait elle-même du mal à trouver ses 10 fruits et légumes par jour dans ses menus types:
Ou du moins, ses 10 fruits et légumes si on prend les portions du PNNS: en vrai, le site était une pub qui jouait plus sur la variété (en comptant par exemple 3 fruits dans une salade de fruits au lieu d’un, ou en comptant les herbes comme une portion de légumes) que sur la quantité.
Comme l’explique Michel Chauliac, la filière a abandonné ce slogan assez rapidement, après des discussions en 2001 et 2002 avec les responsables du PNNS. Interfel est ensuite passé à «de 5 à 10 fruits par jour».
Mais comment faire pour réussir à incorporer tous ces fruits et légumes dans la journée ? Florence Rossi propose un fruit à chaque repas et un légume (qu’il soit cuit ou une crudité) le midi et le soir, soit 3 fruits + 2 légumes = 5 fruits et légumes!
«Les fruits se mangent plus facilement le matin et entre les repas, par rapport aux légumes», note Séverine Sénéchal, donc on peut aussi préférer manger un fruit ou un verre de jus de fruit le matin ou dans la matinée, une portion de légumes le midi, un fruit dans l’après-midi, et une portion de légumes le soir, sans se priver de finir un repas par un fruit ou une compote si on en a envie.
Les fruits et les légumes ne sont pas censés venir en plus de l’alimentation habituelle, mais s’y intégrer en remplaçant d’autres éléments: Pour Séverine Sénéchal, «si quelqu’un n’est pas habitué à manger des fruits et des légumes, il ne va pas pouvoir le faire en plus de ce qu’il mange déjà: il n’a pas forcément faim et il ne va pas exploser son budget alimentaire».
«Si on veut manger plus de légumes», poursuit-elle, «les légumes vont venir remplacer une partie de la viande et des pâtes : cela n’augmentera pas la quantité d’énergie mangée au final, ni le budget alimentaire».
En fait, précise Florence Rossi, les AM5FELPJ «devraient venir dans le cadre d’un rééquilibrage global: c’est pas en plus, c’est à la place de, parce que l’estomac va absorber une certaine quantité donc si on met du légume on va manger moins d’autre chose».
On peut donc réduire –pas arrêter d’en manger!– la quantité d’autres postes alimentaires, ce qui permet de faire de la place et dans l’estomac, et dans le frigo, pour les tomates, les épinards, les asperges, et autres abricots (voire la pastèque mais en plusieurs morceaux alors).
Cécile Dehesdin
Photos: Des enfants à un défilé sur la nutrition par jg world, via Flickr CC License By
Assiette de fruits et carottes râpées-concombre par Cécile Dehesdin
Oui quand on est riche on le peut, sinon achetez & envoyez la note à ce site ou à défaut au gouvernement
Ah bien voila un article très intéressant!
[…] Slate.fr […]
Association de lutte pour le rétablissement de la dignité du concombre entre autre…
Les concombres ont peut les faire avec du yaourt plutôt que de la crème fraiche. C’est très très bon.
Non vous n’aurez pas le concombre et la tomate!
Etonnante légende sous la photo : “Les enfants, une source méconnue de vitamines et de fibres”.
Un gosse ça compte dans les 5 fruits ou légumes ?
#carado, le 10 June, 2011 à 1:32 pm Said:
Oui quand on est riche on le peut, sinon achetez & envoyez la note à ce site ou à défaut au gouvernement#
Ce qui coûte le plus cher dans le budget des français, ce sont les produits à base de viande… et comme on en consomme beaucoup trop, en acheter moins permettrait d’avoir plus d’argent pour les fruits et légumes !
D’autant que les légumineuses (lentilles, pois chiche…) peuvent remplacer la viande, à un coût imbattable !
Merci très intéressant et bien documenté. J’adore la précision sur 10 fruits et légumes par jour je n’avais jamais eu le fin mot de l’histoire.