La République de la malbouffe, un régime pas très appétissant

 

« Opacité, obésité, précarité ». Ce serait la devise peu ragoûtante de la République de la malbouffe, dépeinte dans un film plutôt explosif sorti le 1er février : un documentaire qui chronique la bataille de Xavier Denamur – restaurateur dans le Marais à Paris et personnage très cinématographique – contre la malbouffe et le mépris de la restauration traditionnelle. Ses adversaires : les géants de l’agro-alimentaires et leurs amis politiques.

Xavier Denamur a choisi un combat significatif : la baisse de la TVA dans la restauration de 19,6 à 5,5 %, décidée par Nicolas Sarkozy en avril 2009.  Le tout sous la pression d’un « Club TVA », dirigé par Jacques Borel, personnage qui fait rire jaune autant qu’il écoeure.

Le réalisateur Jacques Goldstein s’attache à montrer que cette mesure est largement plus un cadeau accordé aux syndicats patronaux et aux chaînes de restauration rapide qu’une incitation à l’emploi. Et ce grâce à la puissance du lobby agro-alimentaire.

On constate que les prix n’ont pas baissé, et que les quelques embauches et augmentations de salaires sont une miette dans les 3 milliards d’euros par an que représente la baisse de la TVA dans la restauration. D’ailleurs, après la projection de mercredi, Xavier Denamur l’explique clairement : « j’ai financé ce film avec ce que j’ai gagné grâce à la baisse de la TVA ! ». En plus, de nombreux restaurateurs ont reçu un bulletin d’adhésion à l’UMP après la mise en place de la mesure…

Le film se double d’une réflexion sur d’autres avatars de la “République de la malbouffe” touchant les consommateurs (qui soit dit au passage utilisent 22,3% de leur budget alimentaire dans la restauration), et évoque entre autres le “formatage des palais”. Quand l’industrie agro-alimentaire s’incruste dans les restos avec une incroyable palette de plats à réchauffer, les goûts sont uniformisés à l’extrême…

Jacques Goldstein filme une scène effarante, pendant un salon de présentation de plats tout prêts et autres “solutions” pour restaurateurs. Un vendeur essaye de refourguer sa marchandise à Xavier Denamur, en affirmant en substance que les clients sont des gogos qui se fichent de ce qu’il y a dans leur assiette, tant qu’ils prennent leur pied en mangeant. Autre scène intéressante, un chef nous explique dans sa cuisine comment reconnaître un confit de canard en boîte et un vrai confit de canard. Il n’y a pas photo, même avant de goûter.

C’est bien sûr un film partisan sur la puissance du lobby alimentaire. Xavier Denamur veut surtout « redonner confiance dans l’assiette ». Comment ? Pour lui, il s’agit de « développer les circuits courts, ramener les produits de la terre et refaire du lien avec l’agriculture ». Mais aussi de « répartir les revenus de la fiscalité, demander plus de transparence et appeler ceux qui nous gouvernent à l’intérêt général… On manque de vision à long terme, c’est un problème de santé publique».

Il trouve aussi qu’il serait intéressant d’obliger les élus à aller manger régulièrement dans les cantines scolaires, pour voir ce qu’avalent vraiment les enfants tous les midis…Lors du débat suivant la projection, Jacques Goldstein ajoute que « c’est très étonnant au niveau anthropologique, une société qui se soucie si peu de la santé de sa progéniture, et donc de la survie de l’espèce »

Derrière tout ça, Xavier Denamur réfléchit aussi à la nature de l’action politique, à la manière de demander de la transparence à l’Etat en matière de bouffe et de malbouffe. Par exemple en organisant des « projections-débats » partout en France. En écrivant aux politiques. Mais aussi en se « mettant à table » pour un vrai débat sur l’alimentation.

Lucie de la Héronnière

Vous pouvez voir ce film en salles (plein de projections prévues dans les prochains mois partout en France) ou en DVD, vendu  ce mois-ci avec Rue89 Le mensuel.

Images: © rebusparis.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 


2 commentaires pour “La République de la malbouffe, un régime pas très appétissant”

  1. Je suis tout autant contre la malbouffe que xavier Denamur, je suis également restaurateur, en province et je précise aussi que je ne suis pas sarkoziste. Ceci dit pour etre clair ce film est un film de militant politique qui fait feu de tout bois pour faire passer une thèse qui à mon avis n’est pas la bonne. Il est le seul restaurateur à la défendre. La baisse de la TVA n’est pas le même sujet que la malbouffe. Elle a sauvé des milliers de petits restaurants qui auraient autrement disparu. Je developpe ma critique du film sur mon blog http://www.leblogdelaubergiste.fr

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