Contrairement aux idées reçues, les Japonais ont depuis longtemps délaissé leur céréale emblématique.
Contrairement aux autres gadgets japonais très populaires, le four à pain Gopan n’est pas tellement design et ne tient pas dans la poche d’un pantalon. Mais cet appareil électroménager de Panasonic qui vaut 600 dollars (460 euros) a un véritable atout: il permet de cuire des pains à partir de grains de riz entiers crus. Depuis leur commercialisation en novembre 2010 au Japon –le seul pays où ils sont disponibles actuellement–, ces appareils (dont le nom procède d’un joli jeu de mot associant gohan, qui signifie «riz cuit» en japonais, et pan, «pain»), se sont vendus comme des petits pains!
Vous n’êtes peut-être pas surpris qu’un appareil qui permet de faire cuire du riz soit très apprécié au Japon. Après tout, c’est le royaume du sushi et de l’okayu. Pourtant, vous devriez l’être. Les concepteurs du Gopan avaient pour mission de trouver une machine visant à encourager les consommateurs à manger plus de riz. Car, ces quarante dernières années, les Japonais ont de plus en plus privilégié les produits à base de blé, tels que le pain, les pâtes, les pizzas et les nouilles, tandis que la consommation de riz a baissé de plus de 50%.
Comment se fait-il que le Japon soit devenu tellement obsédé par le blé qu’il a fallu inventer un gadget tel que le Gopan pour que sa population consomme du riz déguisé en farine de blé? Derrière l’histoire du passage de cette nation du riz au blé, se cache une longue campagne acharnée de la part du propagandiste les plus chevronné du secteur –le gouvernement américain, naturellement.
Au début des années 1900, les Japonais consommaient du blé, mais en petite quantité. Cette céréale ne constituait en aucun cas un produit alimentaire essentiel. Les classes moyennes fréquentaient des cafés branchés de style occidentaux servant des pâtisseries, gâteaux et autres viennoiseries, appelées anpan, fourrées au caramel de haricots noirs. Les ouvriers des villes consommaient aussi du blé, mais essentiellement sous forme de nouilles udon, courantes dans les échoppes de rue ou restaurants. On en faisait toutefois plutôt un en-cas qu’un vrai repas. (Les soba, des nouilles à base de sarrasin, également dit blé noir –une plante à fleurs qui n’a pourtant rien à voir avec le blé– étaient aussi un snack traditionnel.)
Les agriculteurs et la population rurale ignoraient pratiquement tout du blé; leur alimentation consistait en un mélange de riz, d’orge et de millet, agrémenté de légumes et de poissons. Et la plupart des Nippons en étaient très satisfaits: dans les années 1980, lorsque la marine japonaise tenta d’introduire un régime alimentaire occidental comprenant du pain et une sorte de biscuit dur et sec appelé kanpan, les militaires se mirent en grève.
lire le billet