Le lait, symbole de pureté… et de conflit?

«Food fight !» («Bataille de nourriture!») s’exclame le journaliste de Npr. En début de semaine, des agriculteurs européens ont décidé de protester conter la baisse des prix du lait, qui menace «la survie de milliers d’exploitations». 800 tracteurs sont entrés dans Bruxelles, parfois après avoir fait plus de 1000 kilomètres.

Réunis à l’appel de l’European Milk Board (la confédération des organisations de producteurs de lait de 14 pays européens), les agriculteurs ont choisi un moyen spectaculaire pour montrer leur colère. Avec de puissantes lances, ils ont aspergé le Parlement européen (où les eurodéputés débattaient de la réforme de la PAC) de jets de lait.

Selon l’AFP, ce sont ainsi 15 000 litres de lait qui ont blanchi les murs du bâtiment, mais aussi les policiers chargés de sa protection… Les passants ont également reçu des douches assez inattendues.

Pour Npr, ce n’est pas la première fois que la nourriture est l’objet et le symbole de la protestation. Mais cette manifestation se distingue par ses images particulièrement impressionnantes. Plus que les tomates ou les œufs pourris, le choix du lait est «spécialement poignant» du fait de notre relation complexe avec ce blanc liquide…

L’historienne Deborah Valenze note ainsi dans son livre Milk : a local and global history (Le lait, une histoire locale et globale) que «le lait est un liquide associé à la bonté et à l’amour. Il n’a jamais été associé au conflit à travers l’histoire».

Selon elle, «nous avons hésité entre la vénération et le dégoût du lait pendant une grande partie de notre histoire. Il s’agit de l’un des premiers aliments, il est riche en nutriments, et pourtant, il peut rendre malade s’il n’est pas stocké dans de bonnes conditions».

Le lait a même été banni chez certains Grecs anciens, car considéré comme trop bestial pour des citadins sophistiqués. A la Renaissance, il deviendra le symbole d’une ruralité simple, contre l’arrogance de la vie en ville…

Aujourd’hui, on continue généralement à assimiler les produits laitiers à la salubrité de la nature, même si certaines personnes sont victimes d’intolérance au lactose. En même temps, la production de lait est devenue de plus en plus industrialisée.

Du coup, les gouvernements ont commencé à intervenir sur sa vente, pour des raisons de sécurité et d’approvisionnement, notamment au niveau européen… Ce qui provoque aujourd’hui ces manifestations.

Photo: Milk/ Hadleygrass is asparagus via FlickrCC License by

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La Good Food March est en route vers Bruxelles

Depuis fin août, des milliers d’Européens marchent vers Bruxelles. Une centaine d’organisations (paysannes, environnementales, mais aussi des associations de consommateurs) de 15 pays participent à la Good Food March, et convergent vers le Parlement Européen, où se tiennent les discussions sur la réforme de la PAC (Politique agricole commune).

L’objectif est d’ «alerter l’opinion sur les négociations en cours et inviter les citoyens à faire entendre leur voix pour défendre une agriculture plus équitable, plus verte, plus humaine». En France, les partenaires de l’opération sont donc liés à cette thématique: la Confédération Paysanne, la Fondation Nicolas Hulot, le Mouvement des AMAP, Slow Food France, WWF, Attac… Tous partent du principe qu’une alimentation de qualité passe d’abord par une agriculture de qualité. Et qu’il faut donc essayer de peser sur les orientations de la PAC.

A pied, à vélo ou en tracteur, les volontaires vont vers la Belgique avec 4 grandes «caravanes», en faisant tout le parcours ou juste des étapes départementales. Pierre-Alain Prévost, coordinateur de la manifestation en France, est dans la caravane partie du Pays Basque, aujourd’hui près d’Alençon. Il explique que chaque jour, les marcheurs participent à «des conférences, des fermes ouvertes, des tables rondes, des goûters à la ferme ou encore des soirées-débat sur la PAC»…

«Nous voulons lier production agricole et alimentation », souligne l’organisateur. Les constats de départs de la Good Food March sont que l’agrobusiness supplante le monde rural, que le système agricole actuel détruit les sols et réchauffe le climat, que la crise de production favorise la concentration des exploitations. Et que la malbouffe est liée à nos modes de production…

Alors Pierre-Alain Prévost et ses compères marcheurs veulent arriver à «une souveraineté alimentaire» et «trouver une alternative à la concentration agro-industrielle, développer le tissu agricole des petites et moyennes fermes», car celle-ci «sont plus respectueuses de l’environnement, créatrices d’emplois, et s’adaptent aux territoires». Pour tout cela, il faudrait donc «réorienter les aides de la PAC».

11 «demandes fondamentales» sont ainsi formulées par les organisateurs. Ils appellent entre autres à une PAC qui «valorise notre patrimoine culturel, naturel et gastronomique», «accompagne la transition vers une agriculture plus verte et plus durable, et promeuve des méthodes de production agro-écologiques», ou encore «garantisse la culture des protéines locales pour l’alimentation animale plutôt que le soja importé»…

Pendant la durée de la Good Food March, des évènements sont aussi organisés «hors caravanes», comme une journée de mobilisation le 13 septembre dans les Pyrénées Orientales, ou un grand pique-nique à Paris le dimanche 16, sur l’Esplanade des Invalides.

Au final, les caravanes parties de toute l’Europe arriveront en même temps à Bruxelles, le 19 septembre, pour une journée de discussion avec les élus européens, dans le but de peser sur les décisions en matière d’agriculture, grâce à ce mouvement civil et à des «doléances» apportées de toute l’Europe.

Une grande campagne de demandes citoyennes en photos sera aussi montrée aux députés et commissaires… Des dizaines d’européens ont été photographiés, tenant une petite pancarte avec des inscriptions telles que «pour une PAC avec des paysans dedans», «mieux manger = mieux vivre» ou encore… «I love les tomates qui ont du goût».

Lucie de la Héronnière

Photo: Des demandes récoltées pendant la marche en France, blog de la Good Food March.

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