On parlait ici il y a quelques semaines des plats préparés par l’industrie agroalimentaire et du rôle de tout un tas d’ingrédients aux noms très mystérieux… Dont les oeufs, souvent largement transformés pour arriver dans nos biscuits.
Bien sûr, le fabricant de votre paquet ne casse pas les oeufs frais – pondus par des poules élevées en plein air -, un à un pour faire la pâte… Suite à la publication d’un dossier de l’INRA sur l’oeuf, revenons plus en détail sur cet ingrédient-là et ses utilisations industrielles…
La France est le premier producteur d’oeufs et d’ovoproduits, avec 290 000 tonnes en 2011, dont 40% destinées aux ovoproduits (c’est à dire les produits obtenus à partir de l’oeuf, de ses composants ou de leur mélange. Sans utiliser la coquille!).
L’industrie agroalimentaire est “très friande d’ovoproduits et il y en a partout dans nos cuisines”. Les oeufs et leurs dérivés sous toutes les formes entrent dans la liste d’ingrédients de nombreux produits industriels “en raison de leurs propriétés fonctionnelles (aptitude au fouettage, émulsification, moussage, stabilisation, gélification, texturation…)”.
L’INRA distingue trois catégories. D’abord les “ovoproduits intermédiaires”, destinés à être utilisés comme ingrédients par les industries agroalimentaires. Ils sont sous forme liquide, concentrée, congelée ou en poudre.
Là, le blanc sert par exemple à faire mousser (le contenu de votre pot de mousse au chocolat du supermarché) ou à gélifier (votre charcuterie…). Ce fabricant explique sur son site que les ovoproduits congelés peuvent se conserver 1 à 2 ans, et les oeufs en poudre 2 ans dans un endroit sec…
Ces ovoproduits-ingrédients industriels sont donc utilisés, selon le fabricant, pour des raisons de “sécurité bactériologique”, mais aussi de “rationnalisation, praticité et économie” (pour fonctionner en flux tendu, gagner du temps, conserver les matières premières…) et pour travailler avec du “prêt à l’emploi” (plus de rendement car “plus besoin de casser les oeufs”!…)
Ensuite, on rencontre les “ovoproduits prêts à l’emploi”, déjà transformés pour la restauration hors-domicile: “les oeufs durs écalés, les oeufs pochés, des omelettes précuites ou deshydratées, des blancs en neige…”. Vous qui avez déjà mangé dans une cantine scolaire ou d’entreprise, vous voyez de quoi on parle.
Et enfin, “les constituants du blanc ou du jaune”, pour l’industrie agroalimentaire et aussi non-alimentaire. On extrait les molécules utiles qui ont différentes propriétés: “le lysozyme, extrait du blanc d’oeuf, est par exemple utilisé dans la fabrication de fromages à pâte pressée cuite, comme conservateur naturel dans un grand nombre de préparations alimentaires ou comme principe actif de traitements contre les maux de gorge”.
Les fabricants de tous ces ovoproduits utilisent des machines de cassage “capables de les briser individuellement, avec des capacités pouvant atteindre jusqu’à 180 000 oeufs par heure”! Les coquilles sont toujours très vite évacuées, car elles peuvent être une source de contamination.
Ensuite, ils sont filtrés et transformés (pasteurisés, séchés, mis sous forme de poudre, de concentré…). Et vendus à des restaurants collectifs ou des industriels, qui les utiliseront donc dans vos plats de la cantine, pâtisseries, charcuteries, confiseries ou encore sauces…
Photo: Eggs/ George M. Groutas via FlickCC License by
lire le billet© Mathilde de l’Ecotais – Festival International de la Photographie Culinaire 2012
Le Festival international de la photographie culinaire consacre sa 4ème édition à l’œuf, thème qui, comme l’explique le fondateur Jean-Pierre PJ Stefan au Monde, est lourd de symboles:
«Il renvoie aux concepts de cycle, de naissance, de résurrection… Pour les photographes et les plasticiens, c’est un élément qui ouvre à l’imaginaire et pour les concepteurs de recettes c’est un élément incontournable. Ils l’utilisent partout et tout le temps: environ 80 % des recettes de la gastronomie française en contiennent. C’est incontournable, on en consomme partout. D’ailleurs, il n’y a pas que des œufs de poule, prenez les œufs de poisson par exemple».
L’oeuf est la super star du festival, sous toutes ses coutures. A l’occasion du lancement de la manifestation ce jeudi soir, l’épique Claude Lebey, le Président de l’Association de Sauvegarde de l’œuf Mayo, déclarait qu’il «faut sauver l’œuf Mayo, qui est à la cuisine ce que le trombone est au bureau!». Abraham de la Rosa avait prévu de faire goûter des œufs de fourmis tout droit venus du Mexique, qui, hélas, sont restés coincés dans un bureau des douanes françaises.
© Jerôme Laurent – Festival International de la Photographie Culinaire 2012
L’œuf est donc cette année sublimé par ces photographes, qui font un travail bien particulier en ayant pour sujet la nourriture. Le chef Pierre Gagnaire, parrain du festival, expliquait d’ailleurs lors de la cérémonie d’ouverture: «Grâce à des rencontres avec des photographes, j’ai senti qu’il fallait mettre dans l’assiette du beau, de la douceur, de l’amour, de l’élégance».
Du 26 octobre au 11 novembre, une cinquantaine de photographes concourent pour la compétition officielle, en présentant trois photos chacun sur ce thème. En plus du «Grand prix du Festival», le «Prix du Public» et le «Grand Prix de la Photographie du Patrimoine Gastronomique» récompenseront les photographes culinaires.
Au programme, des photos de recettes aux œufs, mais aussi des œufs stylisés, décorés, brisés, recomposés, irréalistes. Le Rubik’s Cube d’œuf de Guillaume Barclay côtoie les Coquilles d’œufs de Mathilde de l’Ecotais et la Poule d’Hondeghem de Francesca Mantovani… C’est beau et étonnant, tant l’aliment est mis en scène. L’oeuf est ici magnifié, et c’est tout ce qui compte, loin de considérations de santé, de nutrition, de cholestérol ou de poules en batterie.
Outre la compétition officielle, un «parcours culturel et gourmand» est proposé au public au gré des expos parisiennes dans des restaurants, galeries d’art, hôtels ou boutiques. Et surtout, si vous voulez vous initier à la photo culinaire, vous pouvez tenter un atelier ou bien commencer par suivre ces conseils pour ne pas louper vos photos de plats au smartphone…
© Aline Princet – Festival International de la Photographie Culinaire 2012
© Brice Caharel – Festival International de la Photographie Culinaire 2012
Jusqu’au 11 novembre, toutes les infos ici.