Non content d’être le premier auteur français en 2010, avec près de 2 millions de livres vendus autour de son régime et recettes pour suivre son régime, voilà que Pierre Dukan se mêle de politique.
Le nutritionniste-star publie jeudi 5 janvier sa Lettre ouverte au futur président de la République, un ouvrage qui viendra peut-être rejoindre ses autres livres au palmarès des plus vendus en France (à 4€, ça aide).
Dans une interview au Parisien, Dukan donne les idées phares de son livre, écrit pour «donner un peu de solennité à un sujet que l’on a tendance à prendre à la légère»: le surpoids. Intention louable alors que 32% des Français étaient en surpoids en 2009 d’après l’enquête nationale Obépi.
Que propose donc Pierre Dukan pour lutter contre cette situation? Que l’État s’empare du marché du bien manger, puisque les industriels ne voient pas qu’il y a «de l’argent à gagner en produisant des aliments moins gras, moins sucré, etc» (le nutritionniste –qui vend sa propre gamme de produits alimentaires pour réussir ses propres régimes– raconte avoir entre autres suggéré à McDo l’idée d’un «McDu» aux galettes de son d’avoine, sans succès…).
Mais la proposition phare de Dukan reste une réforme du programme au bac un peu spéciale (qui dépasse même les exercices dukaniens au bac qu’avait mis au point notre contributeur Jean-Marc Proust dans son analyse du succès littéraire du nutritionniste):
«Mettre en place une option “poids d’équilibre” au baccalauréat rapportant des points d’option pour ceux qui arrivent à garder un indice de masse corporel compris entre 18 et 25 entre la seconde et la terminale serait un bon moyen de sensibiliser les ados à l’équilibre alimentaire.»
Le nutritionniste affirme qu’une telle option ne fera pas naître un rapport malsain à la nourriture chez les ados (répondant qu’il n’y a «rien de malsain à éduquer les jeunes à la nutrition» et que ça «motivera» ceux qui ont besoin de maigrir). Là encore, l’intention est louable, mais la réponse est un peu rapide: demander aux ados d’avoir un IMC entre 18 et 25 ne revient pas à leur demander de bien manger pour avoir des points en plus.
Même si l’IMC (votre poids en kilos divisé par le carré de votre taille en mètre) est mesuré lors des trois classes du lycée, et pas seulement au moment du bac, rien ne les empêchera de faire des régimes dangereux ou d’arrêter de manger pour réussir à gagner ces points.
Sans oublier les nombreux problèmes de l’IMC comme mesure qui permettrait de savoir si un adolescent est en bonne santé (et s’il a le droit à des points bonus):
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On ne mange pas simplement parce qu’on a faim, et on ne s’arrête pas nécessairement de manger lorsqu’on n’a plus d’appétit (sinon la vie serait trop simple et les diététiciens n’auraient plus de travail!).
Au lieu d’écouter notre estomac, nous avons tendance à faire confiance à toutes sortes de facteurs extérieurs, comme la taille de notre assiette et de notre portion (qu’on mangera en entier même si elle fait le double de d’habitude) ou l’appétit des gens qui nous entourent (qu’on suivra pour continuer de manger, ou s’arrêter).
Plusieurs études ont observé de près ce phénomène, et une nouvelle recherche (à paraître en avril 2012 dans le Journal of Consumer Research) s’intéresse plus particulièrement à la question suivante: pourquoi est-ce que les gens optent pour des portions plus grandes –par exemple commander le plus grand café chez Starbucks ou la plus grosse portion de frites au McDo?
Trois psychologues d’HEC Paris et de l’école de management Kellogs ont testé l’hypothèse selon laquelle nous ferions nos choix pour des raisons sociales, rapporte Wired:
«L’acte de choisir une taille de portion spécifique dans un ensemble d’options arrangées hiérarchiquement est une façon pour les individus de signaler à d’autres leur rang relatif dans la hiérarchie sociale. En conséquence, les portions plus grosses seraient sélectionnées par les consommateurs, non pas seulement par faim mais par un désir de signaler leur statut.»
Grâce à plusieurs expériences, les chercheurs ont notamment montré que leurs sujets percevaient les gens avec un plus grand café comme ayant un statut social plus élevé que ceux qui prenaient une taille moyenne ou petite de café (ou de smoothie ou de pizza), même si le prix était le même.
Une autre expérience a montré que ceux à qui l’on demandait de se souvenir d’un moment où ils s’étaient sentis impuissants avaient deux fois plus tendance à prendre la plus grande taille de smoothie (et donc plus du double de calories) que ceux qui se souvenaient d’un moment où ils s’étaient sentis puissants (ces derniers préféraient la plus petite taille de boisson).
Comme l’analyse Wired, cette étude dessine un triste cercle vicieux: un des facteurs qui nous fait trop manger est le manque de statut, puisque nous essayons de grimper l’échelle sociale en consommant des portions plus importantes. Mais cette consommation mène à une prise de poids qui «met en péril l’évolution de son statut vu le stigma social qui accompagne le fait d’être en surpoids», notent les chercheurs.
Petite note d’espoir: quand les psychologues ont dit à leurs sujets que les plus petits hors d’œuvres étaient servis aux réceptions prestigieuses, les participants qui se sentaient impuissants ont mangé 25 calories de moins que ceux qui se sentaient puissants.
lire le billetLongtemps, un des arguments justifiant la grande consommation de nourriture de type fast-food a été celui du coût: cela serait plus économique de manger un hamburger et des frites que de concocter un repas à la maison, qu’il soit plus équilibré ou non, en termes d’argent et de temps (Le temps, c’est de l’argent, dit-on). Pourtant, Mark Bittman, journaliste culinaire au New York Times, explique que des menus classiques de McDonald’s pour une famille composée de 4 personnes coûteront 2 plus cher qu’un poulet rôti accompagné de pommes de terres ou 3 fois plus cher qu’un riz aux haricots noirs avec lardons et poivrons (rice and pinto beans) préparés à la maison.
L’article de Mark Bittman a suscité de nombreux commentaires d’internautes, dont le New York Times a repris les plus éloquents. A l’image de ce témoignage d’une mère de famille qui pointe du doigt l’oubli principal de Mark Bittman, à savoir le temps passé à faire les courses, le temps à éplucher, couper, faire sauter des légumes ou autre tâche culinaire et le temps passé à débarrasser la table et nettoyer la cuisine alors qu’«une sortie au McDonald’s permet à la famille de passer du temps ensemble, que la nourriture leur soit apportée, qu’ils profitent du repas et quittent le restaurant tous ensemble en beaucoup moins de temps». Comme le remarque Mother Jones, si l’on se rapporte aux statistiques du salaire horaire médian américain, il faudrait ajouter près de 32 dollars pour deux heures passées à cuisiner un poulet-pommes de terre.
Mark Bittman le reconnaît, les personnes ne se rendent pas au fast-food seulement parce que la nourriture y est bon marché mais parce qu’ils sont fatigués et qu’ils ont été habitués à penser, à l’ère de la restauration rapide et des surgelés, que cuisiner des repas est un travail comme un autre.
Par ailleurs, comme le souligne Phil Covington pour TriplePundit, en référence au livre Le dilemme de l’omnivore de Michael Pollan, tant le marketing des chaînes de fast-food que la disposition des menus au comptoir incitent les consommateurs à consommer plus (le prix d’un simple hamburger est indiqué en petit à la différence des menus comprenant un hamburger, une frite et une boisson) et à avoir l’impression d’avoir un bon rapport quantité-prix. Par ailleurs, comme le souligne Mark Bittman, cela n’est pas partout aisé de trouver une épicerie à proximité de son domicile avec des prix abordables (le food desert, «désert alimentaire»), ne serait-ce même pour cuisiner des plats aussi caloriques que ceux des chaînes de fast-food.
Au-delà de l’argument financier ou géographique, la question est aussi celle des habitudes culinaires familiales: «Elever nos enfants à la maison de manière à ce qu’ils ne soient pas programmés à consommer de la nourriture rapidement préparée, mangée sur le pouce, calorique, faible en apports nutritionnels: leur donner le plaisir d’apprécier de se nourrir correctement en famille.»
J.C
Photo: Un hamburger yoppy via Flickr CC License by
Plusieurs études scientifiques ont, ces dernières années, tenté de lier l’obésité au réseau d’amis. Selon les conclusions de ces études, «il serait possible de modifier la conduite de quelqu’un, comme l’obésité, en se concentrant sur de petits groupes de personnes qui influenceraient leurs réseaux».
Comme nous vous le rapportions en mai dernier:
«D’après [l’étude originale de Nicholas Christakis et James Fowler], quand l’ami d’un participant devient obèse, la personne en question a 57% plus de risques de devenir elle aussi obèse. Et dans le cas d’amis proches, les chances montent à 171%. Ce qui amène James Fowler à conclure que non seulement “nous sommes ce que nous mangeons”, mais surtout, “nous sommes ce que nos amis mangent”.»
En revanche, un voisin, quelqu’un qui n’était ni ami de la personne, ni ami d’un ami de la personne, n’avait pas le même rapport à l’obésité.
Ces conclusions sont maintenant vivement critiquées par plusieurs scientifiques, relate le New York Times. Christakis et Fowler proposaient plusieurs explications.
La première est notre tendance à choisir des amis qui nous ressemblent; la seconde, que nos amis et nous sommes affectés de la même manière par un même environnement.
«La troisième, celle qui a recueilli le plus d’attention, est la contagion. Nicholas Christakis et James Fowler se sont concentrés sur cette raison, en disant qu’ils pouvaient en estimer les effets et qu’elle était importante. Ils ont établi la théorie qu’un poids acceptable ou une taille de portion acceptable pour une personne changeait quand celle-ci observait la silhouette de ses amis ou la taille des portions qu’ils mangeaient.»
Plusieurs scientifiques critiquent ces conclusions.
«Au cœur du débat, précise le New York Times, la vieille énigme des sciences humaines: à quel point peut-on être certain de nos conclusions lorsque celles-ci se basent sur des observations de comportement?»
Pour les critiques, «la méthodologie employée pour les études avait des défauts, et les données originales inadéquates pour estimer le rôle de la contagion dans la propagation de ces comportements».
D’une part, certains critiquent la manière dont ont été conduites les expériences. Selon Hans Noël, spécialiste des sciences humaines à l’université de Georgetown, «il est vraiment difficile d’être sûr que vous avez correctement géré et rendu compte de toutes les variables d’une étude basée sur des observations».
D’autres critiquent la causalité exprimée, selon Christaki et Fowler, par les chiffres. C’est le cas de Russell Lyons, professeur de mathématiques à l’université de l’Indiana. Les estimations citées plus haut sur le pourcentage de risques de devenir obèse ne viennent pas des données brutes, explique-t-il, elles viennent du modèle statistique employé par les chercheurs.
Enfin, certains scientifiques critiquent les conclusions de l’étude. Pour Cosma Shalizi et Andrew Thomas, il est trop difficile de séparer la «contagion», le fait que nos amis nous influencent, du fait que nous choisissons des amis nous ressemblant. Les trois explications proposées par Christakis et Fowler sont «indissociables les unes des autres», et il est pour eux «mathématiquement impossible» d’utiliser simplement l’observation pour établir que la contagion est une raison majeure dans la propagation d’un comportement.
C.L.
Photo: mexican band in bar puerto vallarta, Wonderlane via Flickr, CC-Licence-by
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