«Oui, les OGM sont des poisons» est inscrit sur un fond de maïs en gros plan. C’est la une du Nouvel Observateur à paraître demain jeudi 20 septembre, révélant les conclusions d’une étude qui fait froid dans le dos, publiée par la revue américaine Food and Chemical Toxicology.
On peut déjà lire quelques conclusions. L’expérimentation, menée par l’équipe du français Gilles-Eric Sérélini, prof de biologie moléculaire à l’Université de Caen, s’est faite dans la quasi-clandestinité. Les chercheurs ont particulièrement protégé leurs communications, craignant un sale coup des multinationales de la semence.
La conclusion est simple: même à faible dose, l’OGM étudié est «lourdement toxique et souvent mortel pour les rats». S’il s’agissait d’un médicament, il devrait être suspendu dans l’attente de nouvelles investigations. «Après moins d’un an de menus différenciés au maïs OGM, c’était une hécatombe parmi nos rats, dont je n’avais pas imaginé l’ampleur» explique le chercheur dans l’article de l’Obs. Des pathologies lourdes sont apparues. Les rats nourris au maïs OGM ont déclenché deux à trois fois plus de tumeurs que les rats sans OGM.
Selon l’Obs, c’est «une bombe à fragmentation: scientifique, sanitaire, politique et industrielle. Elle pulvérise en effet une vérité officielle: l’innocuité du maïs génétiquement modifié». En France, les premières réactions à chaud, demandes et recommandations pour le futur ont été vives dans la journée.
Au gouvernement: saisine des autorités sanitaires
Du côté du gouvernement, Marisol Touraine (ministre des Affaires sociales et de la Santé), Delphine Batho (Ecologie, Développement durable et Energie) et Stéphane Le Foll (Agriculture, Agroalimentaire et Forêt) ont directement saisi l’ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail mais également le Haut Conseil des Biotechnologies. En fonction de leurs avis (confirmation ou infirmation), le gouvernement demandera aux autorités européennes de prendre les mesures nécessaires.
Stéphane Le Foll a déclaré à Francetv info qu’il fallait vérifier les procédures scientifiques de l’étude et «reprendre le dossier d’une réforme profonde des homologation européenne». La Commission européenne a en même temps demandé à l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) de se saisir du dossier pour vérifier les conclusions.
Chez les agriculteurs
José Bové a saisi ce mercredi matin la Comission européenne afin de demander une «suspension immédiate des autorisations de mise en culture» accordées au maïs OGM. Au Grand Journal de ce mercredi, il demande l’interdiction de culture OGM l’année prochaine et l’arrêt de l’importation des farines animales OGM.
Céline Imart, elle aussi agricultrice, explique dans la même émission qu’il faut prendre en compte les exigences de productions et les législations plus souples chez les pays concurrents. Pour elle, «il faut qu’il y ait une analyse sur chaque variété». La FNSEA, principal syndicat agricole, a réclamé, en matière d’OGM, la “transparence” des aliments importés destinés au bétails. Et la fédération s’en remet aux autorités scientifiques.
Chez Monsanto
Selon la firme productrice d’OGM, il est trop tôt pour faire des commentaires. «Il faut évaluer la publication. Dès qu’elle sera disponible, nos experts se pencheront dessus pour l’évaluer scientifiquement» affirme sérieusement à l’AFP un porte-parole du groupe Monsanto en France. Au passage, sur le site français, la dernière «actu» est intitulée «Colloque international: bénéfices des cultures OGM confirmées !».
L’Association française des biotechnologies végétales (AFBV) déclare, selon le Huffington Post, que «de nombreuses études toxicologiques ont évalué des effets à long terme des OGM sur la santé des animaux (…) et n’ont jamais révélé d’effets toxiques».
Chez les Verts
Les élus écologistes ont été les plus nombreux à réagir… Corinne Lepage (ex-ministre de l’Environnement et député européenne) explique au Nouvel Obs que “c’est une première mondiale, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’étude menée sur des rats ayant consommé des OGM pendant deux ans et avec des analyses aussi poussées que celles que nous avons faites. Tout Etat normalement constitué aurait du faire une telle étude!”. Pour elle, tout le système est organisé pour que l’on n’en sache pas plus, à cause de l’inertie des Etats et de l’impossibilité d’avoir accès aux semences à des fins de recherches, due aux interdictions de Monsanto.
Alors, que faire? Selon Corinne Lepage, “la première chose à faire c’est qu’une étude similaire soit mise en œuvre avec des fonds publiques et menés par un organe indépendant, qu’il y ait un étiquetage correct permettant à chacun de pouvoir consommer des filières sans aucun OGM”.
Selon le Huffington Post, la députée écologiste Laurence Abeille a appelé à une interdiction totale de l’importation, de la production et de la commercialisation d’OGM à des fins alimentaires, car «ne pas agir de toute urgence serait totalement irresponsable».
Et les consommateurs…
Bref, il faut donc maintenant attendre des confirmations de cette étude par d’autres expérimentations, et voir quelles mesures de précaution vont être prises en attendant… Mais ces expérimentations contribuent en tous cas à mieux informer les consommateurs, et surtout à les interroger sur leur consommation d’OGM sans même s’en rendre compte. Un documentaire et un livre vont sortir dans les prochains jours. Avec un titré évocateur et glaçant: Tous cobayes.
Photo: two-color corn/ Zanastardust via FlickCC License by
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