Des tonnes et des tonnes d’aliments encore tout à fait comestibles sont jetées chaque année, parce que leur date de péremption, prudemment apposée par les industriels pour minimiser les risques, est dépassée. Et non pas parce que leur fraîcheur réelle est vraiment douteuse.
Quartz rapporte que des chercheurs européens, et notamment de l’Université d’Eindhoven, aux Pays-Bas, ont mis au point un capteur permettant de déterminer si tel ou tel aliment est encore bon ou doit être jeté. Quelque soit la date inscrite sur l’emballage. Pour en finir avec la date de péremption ?
En pratique, un minuscule capteur mesure certains paramètres de la nourriture, comme le niveau d’acidité. Le capteur produit un signal, converti en signal numérique et diffusé par un système RFID (Radio Frequency Identification, comme les puces des passeports biométriques: une «radio-étiquette» permet de récupérer des données à distance).
Les résultats peuvent être lus avec un mobile: certains téléphones sont déjà équipés pour capter un signal RFID, et cela devrait se développer selon Quartz.
Le circuit du capteur juge donc de la fraîcheur de vos yaourts, vos steaks ou autres denrées périssables. Selon les chercheurs, le coût de ce système est inférieur à un centime d’euro par unité. Ils pensent qu’il faudra 5 ans pour que cette technologie entre réellement dans les épiceries et grandes surfaces.
D’autres technologies sont actuellement en travaux pour réduire le gaspillage alimentaire. Insignia Technologies, une entreprise écossaise, propose une «étiquette intelligente». A l’ouverture de l’emballage, une minuterie se déclenche, la couleur de l’étiquette commence à changer, pour indiquer si la nourriture vient d’être ouverte, ou bien doit être consommée, très, très rapidement.
Histoire de savoir si votre pot de crème fraîche a été ouvert il y a un mois et demi ou il y a 3 jours. Mais cette étiquette intelligente est toujours basée sur une date d’expiration préétablie, et non pas sur la fraîcheur réelle de l’aliment.
Ce genre de technologie pourrait aider à réduire l’immense quantité de nourriture mangeable jetée chaque année. «Sans parler du taux d’indigestion», souligne Quartz…
Photo: Enjoyment’s Interval/ CarbonNYC via FlickCC License by
lire le billetL’ordinateur portable conçu pour durer 3 ans, ça vous dit quelque chose? Serge Latouche, économiste et penseur de la décroissance, a publié en octobre dernier Bon pour la casse, les déraisons de l’obsolescence programmée.
Dans cet ouvrage, il développe le concept d’obsolescence programmée, phénomène qui correspond à un désir, de la part des producteurs, «d’accélérer l’usure, la consommation et le renouvellement des objets».
Obsolescence technique, psychologique ou planifiée
Il distingue l’obsolescence technique, «le déclassement des machines et appareils dû à un progrès technique, qui introduit des améliorations de toutes sortes», de l’obsolescence psychologique, «la désuétude provoquée non par l’usure technique ou l’introduction d’une innovation réelle, mais par la «persuasion clandestine », c’est à dire la publicité ou la mode», et de cette fameuse obsolescence planifiée, qui correspond à «une usure ou une défectuosité artificielle».
Il s’agit clairement de «l’introduction à dessein d’une défaillance dans les appareils». Par exemple, une imprimante programmée pour cesser de marcher après un certain nombre d’impressions… Bel et bien conçue pour avoir une durée de vie limitée. Et donc être remplacée par une autre imprimante toute neuve.
Mais pourquoi je vous parle de cela ici? Parce que viens seulement de lire ce livre, et qu’il aborde aussi, après une explication sur les deux «vagues du jetable», la thématique de «l’obsolescence alimentaire».
C’est un éclairage intéressant pour les questions qui nous occupent sur ce blog, et aussi une dénonciation forte des rouages du gaspillage alimentaire (devenu depuis cause nationale et même européenne).
Le règne du jetable
D’abord, Serge Latouche explique qu’un certain «air du temps» a fait quasi disparaître «la pratique des consignes, si respectueuse des ressources», pour la livraison des bidons de lait par exemple aux États-Unis. Adieu bocaux, pots de confiture, bouteilles en verre réutilisables. Bonjour emballages jetables…
La «pratique du contenant jetable» s’applique désormais à tous types de matériaux, y compris le verre ou l’aluminium. Ce qui entraîne évidemment une augmentation énorme des déchets d’emballage. Notons cependant les efforts de certains bars ou festivals qui proposent des gobelets en plastique à consigner et non à jeter!
Yaourts périmés
Ensuite, nous voilà au cœur du problème: la date de péremption, «un cas atypique d’obsolescence programmée» selon l’auteur, due surtout à «la surproduction systématique de l’agriculture productiviste». La faute de l’agro-business (semenciers, industrie agro-alimentaire…), de la grande distribution et des «réglementations sanitaires bureaucratiques». La faute de presque tous les maillons de la chaîne selon Serge Latouche:
«Les agences de sécurité alimentaires travaillent main dans la main avec les lobbies de la filière agro-industrielle et ont tendance, en invoquant le principe de précaution, à fixer des normes contraignantes et des délais extrêmement courts (sans véritable garantie sanitaire, d’ailleurs), ce qui stimule la production et la vente».
Yaourts périmés, yaourts jetés, nouveaux yaourts achetés au supermarché, c’est assez simple. Le gaspillage des consommateurs (distinct du gaspillage direct des producteurs, également très important) est «favorisé par la dévalorisation massive des produits alimentaires industriels, par l’organisation de la distribution et de la vie dans les grands centres, et, bien sûr, par la publicité». Un système tout bénéf’ pour les industriels et les distributeurs…
Serge Latouche précise aussi que le productivisme est responsable de l’obsolescence de nombreuses variétés de fruits et légumes, ou de races d’animaux, qu’on ne trouve plus sur les étals des marchés.
Ajoutons que “l’obsolescence psychologique” est également très présente dans nos comportements alimentaires. Dans nos frigos et nos placards aussi, les marques et produits apparaissent et disparaissent, en fonction de modes ou de publicités.
Enfin, le dernier chapitre est consacré aux limites de l’obsolescence programmée, qui sont bien sûr applicables à notre sujet de l’obsolescence alimentaire. Les réactions des consommateurs et des citoyens sont en bonne place pour contrer le phénomène… Comme on peut l’observer en ce moment avec un certains nombres d’initiatives contre le gaspillage alimentaire, à échelle individuelle (compost au fond du jardin, efforts pour gérer ses courses et ne pas jeter) et collective (banquet des 5000, Disco Soupe…).
L.D.
Latouche Serge, Bon pour la casse, les déraisons de l’obsolescence programmée, Les liens qui libèrent éditions, Octobre 2012.
Photo: ‘tite douceur du soir ( espoir )/ bendukt via FlickrCC License by
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