Alors que la crise s’est officiellement terminée en 2009, le Wall Street Journal rapporte que les américains continuent de dépenser moins et d’épargner plus. Et pourtant un rapide coup d’œil dans les rayons des supermarchés aux Etats-Unis révèle que les ventes de yaourts grecs et de bières et fromages artisanaux grimpent. Pourquoi l’appétit des américains augmente pour ces mets luxueux quand leur budget diminue?
Parce qu’ils se privent de luxes encore plus chers. Comme les Américains vont moins au restaurant, ils sont plus enclins à dépenser davantage pour la variété, le côté pratique, et peut-être même pour leur santé. La multitude apparente des différents goûts, textures et formes des yaourts grecs, du fromage artisanal et de la bière locale leur donne l’impression de choisir dans un nouveau menu à chaque fois qu’ils vont au supermarché, alors qu’ils passent moins de temps à choisir un véritable menu.
«Il n’y aura jamais de crise pour la nourriture. Juste des gagnants et des perdants», affirme Harry Balzer, vice-président du groupe NPD, une entreprise de recherche en marketing pour consommateurs. Sans surprise, le plus gros perdant a été le restaurant. Les restaurants sont plutôt chers: les Américains mangent au restaurant un quart de leurs repas, pour à peu près la moitié de leur budget nourriture selon NDP.
Les gagnants ne sont pas seulement les produits les moins chers, mais ceux qui procurent de nouvelles expériences –et prennent moins de temps. «Les Américains sont toujours en quête de nouvelles versions de plats qu’ils aiment déjà», explique Balzer. «Mais ce n’est pas assez en période de crise, donc on voit des gens demander ‘Est-ce que ça va rendre ma vie plus facile?’»
Ceux qui travaillent dans ce secteur sont d’accords pour dire que les consommateurs trouvent que ces produits gourmets ont quelque chose de plus. «Le succès des fromages artisanaux ne vient pas simplement des gens riches qui ne savent pas quoi faire de leur argent», affirme Paul Kindstedt, auteur du livre American Farmstead Cheese. «Les gens recherchent de la meilleur nourriture, et un lien plus sain et naturel avec la production locale».
Les yaourts grecs satisfont cette envie de produits meilleurs pour la santé et plus pratiques à manger. «Les yaourts peuvent remplacer tout ce que vous prenez au petit-déjeuner- et même au déjeuner», remarque Harry Balzer. Les multiples variétés permettent aussi d’avoir une nouvelle expérience bien ciblée: telle marque pour les enfants, telle autre pour ceux qui sont au régime, les yaourts buvables pour ceux qui mangent en conduisant. Le fromage et la bière artisanaux sont tout aussi flexibles. On peut déboucher une bouteille avec un sandwich au fromage fondu – ou bien se servir une bière d’une édition limitée vieillie en barrique avec un plateau de gruyère affiné en cave.
La bière et le fromage artisanal et les yaourts grecs se mangent aussi bien en version sophistiquée que pour un repas simple. On peut les voir un peu comme la version culinaire d’un autre produit qui survit à la crise: la petite robe noire.
Cindy Y. Hong, traduit par Alexis Boisseau
Photo: Rayon de bières artisanales, le 6 octobre 2010. Beaufort’s TheDigitel via Flickr CC Licence By
lire le billet Cuisiner avec de la marijuana ne se limite pas au célèbre space cake qu’on mange souvent moins pour le goût que pour ses vertus planantes. Il existe en effet des plats raffinés proposés par certains restaurants, et même des alcools comme la bière ou le vin, qui sont préparés avec les arômes des feuilles de cannabis selon le site Gourmet.com.
Aux Etats Unis, la consommation de cannabis à des fins thérapeutiques est autorisée dans 16 Etats. Aujourd’hui le développement de ce secteur est tel qu’à Denver, par exemple, «il y a désormais plus de dispensaires à marijuana que de starbucks», comme nous l’écrivions en juillet dernier. Le succès de cette tendance pousse même certains journaux, comme le Denver Westword, l’hebdo local, à embaucher des journalistes «pour critiquer les diverses variétés de bongs, de pipes, et d’inhalateurs».
Or ces dispensaires ne vendent pas que de l’herbe à fumer, puisqu’on peut aussi y découvrir des plats aux noms évocateurs, «LaGanga» (des lasagnes), ou la «Tarte à l’œil rouge», tous conçus pour que la dose de THC prise n’ait pas ce goût fort et amer traditionnellement associé à l’herbe.
Le Gourmet.com affirme même que l’utilisation du cannabis en gastronomie est de plus en plus la règle que l’exception, même si pour l’instant les critiques culinaires de nourriture à base de cannabis ne sont pas légion. Venant à l’origine d’Asie du sud-est, la pratique qui consiste à parfumer certains plats à l’aide des puissants arômes de la plante de cannabis, s’est aussi répandue aux Etats-Unis.
Jeremiah Tower, l’un des pionniers de la nouvelle cuisine américaine, et chef Chez Panisse puis chez Stars, des restaurants renommés de la côte est, a été l’un des premiers à utiliser les parfums de la plante de cannabis. Il avait même conçu en 1969 un plat, baptisé le «Consommé d’herbe», ou le Plat Californien, qui faisait partie d’un menu «volontairement décadent» selon ses mots, qui proposait pas moins de 11 plats à la suite. Jeremiah se souvient que le Plat Californien «provoquait une autre sorte de stimulation. Pas de la défonce. La mixture mettait 45 minutes à atteindre le cerveau, et à ce moment, comme c’était prévu dans le menu, le dessert arrivait, des framboises à la crème comme vous n’en aviez jamais goûté avant».
Selon le site Gourmet.com c’est pourtant la bière qui a le plus d’affinités avec le cannabis, puisque d’un point de vue botanique ils sont cousins. Dans des boutiques en Europe, ainsi que dans certains bars, notamment en Californie, on vend de la bière au chanvre ou on infuse des feuilles de cannabis, ce qui donne à la bière un léger goût de noisette.
En Californie, la vinification, étape essentielle pour transformer le raisin en vin, se fait aussi parfois à base de feuilles de cannabis. Un chef cuisinier qui a voulu rester anonyme d’après Gourmet.com explique que certains viticulteurs s’en servent pour rendre les vins plus forts:
«Je connais un viticulteur qui choisit deux tonneaux de vin par an, met dedans une grande quantité d’herbe et laisse le mélange tremper, le vin est alors ultra-puissant.»
Mais la plupart des viticulteurs qui utilisent de l’herbe pour la vinification le font surtout avec des petites quantités pour créer de nouvelles saveurs plus subtiles explique Gourmet.com. Le propriétaire d’un vignoble sur la côte californienne, qui considère les vins fait avec de la marijuana comme des apéritifs, «comme un fernet», une référence à l’alcool italien le Fernet-Branca, produit par exemple un Riesling qu’il mélange avec quelques grammes de marijuana très sèche.
A.B
lire le billetN’importe qui peut faire de la «moutarde de Dijon» dans sa cuisine, en France ou ailleurs, et la mettre sur le marché, rapporte le quotidien britannique The Telegraph, dimanche 7 août. La moutarde de Dijon est selon lui l’exemple même de ce qui arrive à un produit régional traditionnel s’il n’est pas protégé par un statut juridique.
La «moutarde de Dijon» vendue aux Etats-Unis, que les Américains commandent en supplément dans leurs burgers pour ajouter une «french touch» à leur repas à l’image du président Obama (qui, rappelle le Telegraph, s’était fait accuser il y a quelques années d’avoir renié sa nation en demandant de la moutarde de Dijon), est bien souvent fabriquée dans l’état de New York. De plus, en France, 80 à 90% des moutardes vendues seraient fabriquées à partir de graines canadiennes. L’appellation «moutarde de Dijon» «ne veut [donc] plus rien dire».
Le proverbe du XIVème siècle «Il n’y a de moutarde que celle de Dijon» perd donc tout son sens, tout comme le goût de ce condiment qui, dès lors qu’il n’est pas protégé juridiquement, peut être changé en fonction des différentes recettes. En effet, la recette originale se fait avec du vin blanc, raconte The Telegraph; mais aujourd’hui, de plus en plus de moutardes «bas de gamme» utilisent du vinaigre et de l’acide citrique à la place.
D’autres produits européens sont protégés par des normes tels que les statuts AOP (appellation d’origine protégée) ou IGP (indication géographique protégée) s’il existe un lien entre les caractéristiques de ces produits et leur origine géographique. Le site europa.eu, qui fait la synthèse des législations européennes, l’explique:
«L’AOP est valable pour un produit dont la production, la transformation et l’élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu (Mozzarella di Bufala Campana). L’IGP indique le lien avec le territoire dans au moins un des stades de la production, de la transformation ou de l’élaboration (Turrón de Alicante). Dans le premier cas donc, le lien avec le territoire est plus fort.»
Photo: moutarde de Dijon sur une cuillère/Reiner Zenz via Wikimedia Commons
La pyramide alimentaire, c’est fini: dans le cadre de sa campagne contre l’obésité, la première dame Michelle Obama a présenté un nouveau système d’organisation des groupes alimentaires censé être beaucoup plus simple.
MyPlate est une assiette partagée en quatre sections –une pour les fruits, une pour les légumes, une pour les féculents et une pour les protéines–, avec un petit cercle à côté représentant les produits laitiers.
Son but est de rappeler aux Américains plus clairement les bases d’une alimentation saine, comme l’a expliqué Michelle Obama dans une conférence de presse:
«C’est un rappel simple et facile pour nous tous de faire plus attention aux aliments que nous mangeons. Nous sommes bombardés par tellement de messages diététiques qu’il est difficile de prendre le temps de trier toutes ces informations, en revanche nous avons le temps de regarder l’assiette de nos enfants.»
Si l’assiette ressemble à celle dessinée, avec une moitié de fruits et légumes, «c’est bon, et c’est aussi simple que ça». L’assiette servira aussi à communiquer sur le premier message de la campagne contre l’obésité américaine, qui appuie sur les fruits et les légumes.
Le site qui accompagne l’assiette détaille les façons de manger plus équilibré, donne des idées de recettes et s’intéresse aux cas plus particuliers des femmes enceintes ou des enfants.
Les nutritionnistes américains n’étaient pas convaincus par la pyramide alimentaire mise en place aux Etats-Unis en 1992, comme le montre la réaction de la prof de nutrition Marion Nestle devant MyPlate:
«C’est mieux que la pyramide, mais c’était pas très dur…»
Elle trouve l’assiette plus simple à comprendre que la pyramide, même si pour elle la partie étiquetée «protéine» est déroutante et pas nécessaire parce que les céréales et les produits laitiers contiennent également beaucoup de protéines, et que la plupart des Américains mangent beaucoup plus de protéines que ce dont ils ont besoin.
Pendant longtemps, la pyramide alimentaire détaillait les différents groupes et la quantité qu’on était censé en manger, montre Buzzfeed, qui revient sur les logos accompagnant les campagnes nutritionnelles américaines:
En 2005, les Etats-Unis ont voulu la simplifier: l’idée était d’épurer son logo –les gens iraient voir en ligne ce qu’il signifiait– et d’y ajouter l’importance de l’exercice physique. Mais le résultat donne plutôt l’impression qu’il faut monter des marches et que les couleurs c’est chouette. Ou bien qu’atteindre le sommet d’une pyramide franc-maçonne multicolore est un bon objectif de vie:
Sur The Atlantic, Marion Nestle revient sur les problèmes de la pyramide alimentaire:
1) La version de 1992 était très controversée, chez les industriels parce qu’elle conseillait de manger davantage certains aliments que d’autres, et chez les nutritionnistes parce qu’elle conseillait de manger trop de féculents.
2) La version de 2005 fait disparaître la notion de hiérarchie entre les différents aliments, mais les nutritionnistes n’avaient aucune idée de comment s’en servir. Il fallait pour cela obligatoirement visiter un site web, et elle était beaucoup trop compliquée.
En 2002, un chercheur de Harvard avait d’ailleurs fortement critiqué les deux versions de la pyramide alimentaire avant de la reconstruire. Walter Willett expliquait que la pyramide n’avait jamais été révisée depuis 1992, au point de devenir fausse vues les découvertes en nutrition. Elle affirmait par exemple que tous les gras étaient «mauvais».
Le Dr Willett a donc proposé une nouvelle pyramide. Parmis ses ajouts, une base non plus formée par les féculents mais par l’activité physique, des catégories qui font une différence entre les céréales complètes et le pain blanc ou riz blanc:
En France, un document du Programme National Nutrition Santé (PDF), qui gère ces thématiques, note que la pyramide alimentaire «prête à diverses interprétations» et que «son principe est en contradiction avec les repères de consommation» du programme.
CD
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