Rencontre avec Dustin Hoffman pour l’avant-première de son film QUARTET.

Par E.D.

Dustin Hoffman vainqueur du "Hollywood Breakthrough Director Award"

Du 1 au 8 Novembre s’est déroulé à Hollywood l’AFI FEST, avec en avant-première un grand nombre de films attendus dont Hitchcock de Sacha Gervasi en ouverture du festival. En film de clôture, Lincoln, de Steven Spielberg, avec Daniel Day Lewis qui, comme d’habitude, a raflé tous les milkshakes avec sa performance présidentielle… Nous l’attendons aux Oscars.

Parmi la sélection, deux films francophones étaient également présents : De Rouille et d’Os, de Jacques Audiard et Lawrence Anyways de Xavier Dolan.

Mais c’est à un jeune débutant, autre célèbre travesti, que ce post est dédié. Vous l’avez vu sous mille visages ; porter avec grâce une perruque et une robe rouge à paillettes dans Tootsie, boiter à travers les rues de New York dans Macadam Cowboy, sur les traces du Watergate dans Les Hommes du Président, ou encore compter en un clin d’œil des milliers d’allumettes dans Rain Man. Agé de 75 ans, Dustin Hoffman s’éloigne des projecteurs après plus de 45 ans de carrière pour passer derrière la caméra le temps d’un long-métrage, avec son premier film en tant que réalisateur.

« Quartet » raconte l’histoire d’anciennes stars d’opéra réunies dans une maison de retraite qui menace de fermer ses portes. Pour sauver leur havre de sérénité, les résidents organisent chaque année un concert qui ravive par la même occasion la flamme de leur talent. Mais cette année, une nouvelle résidente : Maggie Smith en diva qui perd la tête, vient bousculer leur harmonie, et bien sûr, rendre le film plus intéressant.

En comédie légère, Quartet amuse et rafraîchit le genre. Entre conflits d’égos de stars sur le déclin et histoires d’amour du troisième âge, Dustin Hoffman réalise un film simple dont l’humour lui ressemble et où l’on sent l’importance de l’espace accordé aux acteurs.

Le 4 novembre, lors de la projection en avant-première de son film, l’acteur/réalisateur était présent pour répondre à quelques questions.

Retour sur le débat :

Dimanche soir. Le festival bat son plein. Une salle pleine à craquer et impatiente de voir arriver la légende de cinéma qu’elle a aperçu furtivement à l’entrée. Un petit homme rentre discrètement, se dirige lentement vers le micro et attend que les bruits s’évanouissent. La salle se rend compte : « Hey ! C’est Dustin Hoffman ! »

Silence.

Sans cérémonie, le réalisateur présente son petit film comme un étudiant présenterait son travail de fin d’année. « Il espère que le film nous plaira », et s’excuse auprès des spectateurs placés au tout premier rang car ils devront lever la tête pendant deux heures au risque de sortir avec un torticolis. Le public est amusé, la longue filmographie du grand homme ne semble pas lui servir de piédestal du haut duquel il daignerait nous parler. Avec son sourire sympathique et bienveillant, Dustin Hoffman nous souhaite un bon film et nous dit à tout à l’heure. On regrette de le voir partir si vite mais on se rassure, il va revenir. Pendant le film, le public rit vite de bon cœur, conquis. Ce n’est pas un grand moment de cinéma (réalisera-t-il un autre film?), la mise en scène sans prétention est au service des acteurs, basée sur leurs réactions avant tout. Un film réalisé par un acteur, pour des acteurs.

Les applaudissements chaleureux accueillent le retour de Dustin Hoffman : la salle a passé un bon moment.

Son interlocutrice lui demande s’il y a eu beaucoup d’improvisation lors du tournage.

Vous savez, dit-il, le terme improvisation est utilisé un peu largement. Il y eu plusieurs versions du scénario. J’ai travaillé avec le scénariste, et on réécrivait et restructurait le scénario pendant la pré-production du film. Et puis quand on a appelé les acteurs, j’y suis allé intuitivement, je leur ai dit « Je ne veux pas que vous pensiez à eux comme à des personnages, que veux vous voir jouer au plus près de vous même. On est tous dans le même bateau, on a tous dans les 70 ans, et je veux savoir ce que ça vous fait. Et je veux que vous ayez le courage de montrer ça et de montrer ce que ça fait d’être à ce stade de votre vie, et c’est ça qu’on devrait mettre à l’écran.

« On est tous dans le même bateau », « qu’on devrait mettre à l’écran », Dustin Hoffman s’inclut dans le cercle des acteurs, ces questionnements il se les pose également. Il s’agit là d’un travail d’équipe, tous les acteurs y ont mis du leur ; des bribes de dialogues, des fragments autobiographiques. Oui, il leur a laissé une certaine liberté d’improvisation, il était toujours à l’écoute de leurs propositions.

« Quels ont été les défis inattendus auxquels vous avez dû faire face en passant du métier d’acteur à celui de réalisateur ? »

C’est incroyable à quel point j’ai été naïf pendant plus de 45 ans… Parce que nous, les acteurs, on arrive sur le plateau le matin, totalement absorbés par notre truc, notre scène, nos personnages, par nos idées, et on est un peu comme des gamins… On a élevé 5 enfants… Je rentrais à la maison après le travail et j’étais sidéré par à quel point les enfants étaient brutalement insensibles… Je leur disais « Je suis vraiment fatigué » et ils me répondaient « hey papa, est-ce que je peux faire ci, est-ce que je peux faire ça ? » et c’est un peu comme ça que j’étais sur le plateau… J’avais une idée, « tiens, j’aimerais bien faire ça »… et je n’avais aucune idée des horreurs que le réalisateur avait dû subir depuis les dernières 24h ; il a perdu tel acteur, il a perdu tel décor, les accessoires ne sont pas les bons… Cette myriade de malheurs qui arrivent tous les jours… ça, c’était nouveau pour moi, et ça m’a rendu bien humble devant tous les réalisateurs que j’ai détesté au fil des années. (rires)

Toujours de bonne humeur, Dustin Hoffman répond ensuite aux questions du public (nous avons peur que quelqu’un pose une question stupide), mais le public est sage, un peu trop long sur les compliments peut-être, ou posant une question de trois mètres de long, mais Dustin Hoffman est patient et répond avec intérêt. Il pose des questions aux public lui-même : quand quelqu’un lui dit qu’il s’est reconnu dans ce film sur des musiciens car il joue lui-même d’un instrument… l’acteur lui demande « ah oui ? Quel instrument ? »

Si nous n’étions pas déjà fan, nous sommes alors convaincus, l’envie nous prend de lui faire signe de notre siège et de lui proposer « Dustin Hoffman, allons boire un café, soyons amis, adoptez moi ? » Mais l’échange passe trop vite et nous n’osons pas.

Les lumières tamisées se rallument, le public s’en va, charmé.

Alors oui, nous avons aimé Quartet, et surtout Dustin Hoffman.

Le film sortira en France le 1er Mai 2013. En attendant, voici la bande-annonce.

Viddy Well !

http://youtu.be/wSEnh8Hi62E

 

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Rencontre avec Paul Thomas Anderson au LACMA : les influences de “The Master”.

Par E.D.

Paul Thomas Anderson (There Will Be Blood, Punch Drunk LoveMagnoliaBoogie Nights) nous délivre, avec The Master, encore une œuvre subtile, avec une performance d’acteur impressionnante : celle de Joaquin Phoenix en soldat vétéran de la Seconde Guerre Mondiale de retour aux Etats-Unis. Son personnage rencontre le leader charismatique d’une secte, interprété par l’excellent Philip Seymour Hoffman et se lie à ce groupe de fanatiques où il trouve un maître, une structure, un sens à la vie après l’armée que le monde ne peut pas lui offrir. À leurs côtés, Amy Adams interprète une jeune épouse extrémiste et engagée pour la cause, follement inquiétante d’autant plus qu’elle est enceinte – à la fois fragile et résolue, l’ambivalence de son doux visage fascine.

En sortie limitée aux Etats-Unis depuis le 14 septembre, The Master intrigue, le public est partagé face aux questions soulevées pendant le film et qui restent sans réponses directes. Vendredi dernier, Paul Thomas Anderson était invité au LACMA (Los Angeles County Museum of Art), où se trouve également depuis le 1er novembre l’exposition KUBRICK que certains d’entre vous ont pu voir à la Cinémathèque Française. Le réalisateur a d’ailleurs profité de quelques minutes avant de rencontrer son public pour s’y promener.

Lors de cette rencontre, deux films de John Huston ont été diffusés : San Pietro (1945, 32mins) et Let there be Light (1946, 58mins), suivis d’un débat avec Paul Thomas Anderson, et de la diffusion en exclusivité de 20 minutes de scènes coupées de The Master.

Ces films, Paul Thomas Anderson les a découvert sur Youtube, alors qu’il faisait des recherches pour son scénario. Censurés pendant près de 30 ans car jugés trop choquants ou à allant l’encontre de l’effort de guerre, ces deux documentaires sont à présent disponibles et considérés comme des témoignages précieux de cette époque. Le premier accompagne la libération de San Pietro, un petit village d’Italie alors occupé par les Allemands. Rien n’est épargné au public ; les corps des soldats Américains sont enfouis à la chaîne dans des linceuls blancs, une femme du village transporte un cercueil en équilibre sur sa tête, tel un panier de linge.

Mais c’est surtout le second film qui a le plus marqué le réalisateur ; John Huston y présente de jeunes vétérans internés dans une institution pour patients souffrant de troubles psychologiques liés aux traumatismes de guerre, et qui les affectent parfois physiquement. Les portraits s’enchaînent, les entretiens avec des psychologues sont filmés : un jeune homme ne sait plus parler, il bégaie depuis son retour, un autre a perdu l’usage de ses jambes, d’autres encore souffrent de dépression. Un psychologue utilise l’hypnose traditionnelle, ou une drogue qui plonge les patients dans ce même état de somnolence et de concentration, pour leur poser des questions et cibler la source de leur mal. Ces entretiens rappellent fortement la relation qui s’établit entre Joaquin Phoenix, le soldat, et Philip Seymour Hoffman, le maître. Leur ton de voix, la mixture qu’ils boivent pendant leurs sessions, la position même de leurs corps, font écho à la relation patient/membre de l’institution. La position chétive des soldats interrogés, le blocage psychologique qui se lit sur leurs corps, Paul Thomas Anderson l’a repris et travaillé dans son film avec l’acteur principal ; la démarche de Joaquin Phoénix, son corps vouté tel un singe qui rode, évoquent ses pulsions primaires.

Un soldat pleure à la simple mention de sa fiancée ; il se souvient d’une photo qu’elle lui a envoyée. Le psychologue ne comprend pas ses sanglots, il lui demande s’il s’agit d’une lettre. Cette lettre devient le point de rupture du personnage dans The Master et prend une place centrale dans le film ; de là vient le blocage du personnage principal et son incapacité à s’intégrer dans la société.

Paul Thomas Anderson avait déjà commencé l’écriture de son scénario, mais ce documentaire l’a conforté dans l’idée qu’il allait dans la bonne direction, nous dit-il. Son originalité réside dans le fait que John Huston filme un point de vue différent sur ces soldats ; leur retour non glorieux, leur vie après la guerre dans un monde où ils sont perçus comme malades. « À la seconde où l’on voit leur visage », dit Paul Thomas Anderson, « on comprend ». Dans le film, le visage parfois distordu de Joaquin Phoenix s’apparente un véritable masque, passant du rire aux larmes, rappelant ceux des comédies et tragédies grecques.

Le réalisateur s’est également inspiré de plusieurs livres dont des biographies de Steinbeck, pour sa période d’errance après l’Université, ses petits boulots accumulés dans des magasins, dans des fermes. Il a également mentionné un autre livre : Pacific War Diaries, 1942-1945 : The Secret Diary of an American Sailor. Dans le documentaire de John Huston, certains soldats sont souffrants depuis leur retour, qui s’effectuait en bateau. Dans The Master, la rencontre avec la secte et ce nouveau maître se fait également à bord d’un navire, véritable lieu de transition entre deux mondes où le personnage principal, confus, se laisse convaincre de la légitimité de la secte.

On retrouve l’ensemble des thématiques de ces livres et documentaires en fond de The Master – Paul Thomas Anderson se les approprie et s’en démarque pour signer encore un film incontournable.

The Master sortira en France le 9 Janvier 2013. En attendant et pour vous y préparer, je vous conseille de voir le documentaire « Let there be Light » de John Huston.

Viddy Well !

 

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30 trucs auxquels j’ai pensé pendant Skyfall

Attention ! Cet article contient de gros SPOILERS. A lire donc après avoir vu Skyfall !

“30 trucs auxquels j’ai pensé pendant…” est une nouvelle chronique où notre bloggeuse fait partager ses pensées pendant une projection.

par E.C

  1. Premier plan sur le 007 de notre époque… C’est dingue quand même que Daniel Craig ressemble autant à Poutine… Comment être sûr que 007 n’est pas un agent du Kremlin ?
  2. Ça c’est une chute ! Il tombe vraiment de haut notre James. Mais comment va-t-il s’en sortir ?
  3. Pas mal du tout ce générique. Avec la chanson d’Adele en plus, chapeau !
  4. Ouf ! Il n’est pas mort. On ne nous explique pas du tout comment il survit à la chute, aux torrents d’eau, à la cascade, et à l’hémorragie sans doute considérable qu’il a subie. Mais qu’importe : 007 est vivant, alcoolo, et possède toujours une folle énergie sexuelle. Tout est rentré dans l’ordre.
  5. Bizarre quand même. Notre Bond s’essouffle en reprenant l’entraînement. Pourtant avec la fille d’il  y a cinq minutes, il avait l’air en pleine forme !
  6. Aaah.. Ben Whishaw en Q ! Sam Mendes a mis des lunettes à la jeune star anglaise pour qu’il fasse intello. C’est vrai que tous les geeks ont des lunettes. Quel bel accent, quelle chevelure ! Du coup, on n’a pas fait gaffe aux dialogues.
  7. Très beau moment de lutte dans un gratte-ciel de Shanghai. Ce fond bleu avec les ombres chinoises des deux hommes qui se battent, c’est bien trouvé. Un effort esthétique dans James Bond, c’est à louer quand même.
  8. Ah, la Frenchie. Elle tremblote de la lèvre et des mains comme Marion Cotillard. Elle a peur, on dirait.
  9. Ouh lala. Faut qu’on m’explique. Ça fait pas cinq minutes qu’ils se connaissent et ils sont déjà nus sous la douche. Je veux bien qu’on trouve Daniel Craig séduisant mais bon… C’est bien rapide quand même, non ?
  10. Javier Bardem en blond décoloré. Hum.
  11. Ah la traditionnelle petite fable que raconte le méchant (toujours une histoire d’animaux, ici des rats) pour expliquer d’où vient sa méchanceté. Je note l’originalité des rats et des noix de coco.
  12. La Frenchie est déjà morte ! ça laisse perplexe vu le matraquage médiatique auquel on a eu droit pendant un mois. (je commence à demander un peu trop d’explications : c’est un James Bond, oui ou non ?)
  13. Le méchant a de graves problèmes psychiatriques. Serait-ce un Œdipe mal résolu, Javier ?
  14. Petite référence au Silence des Agneaux avec la cage en verre… Pas mal.
  15. Ben Whishaw réapparaît, toujours avec ses binocles. Moment de bonheur intense.
  16. Ah, il est malin ce méchant. Il avait tout prévu en fait… Même de se faire arrêter. C’est marrant ça me rappelle un autre film….
  17. … Ah oui, d’accord. Donc là il se fond dans la masse en se déguisant en policier. Comme le Joker dans Dark Knight, ok. Donc en fait, James Bond, c’est un peu Batman à Londres. Il mentait pas, le Mendes, quand il disait que Dark Knight l’avait inspiré !
  18. Aïe, le méchant débarque dans la salle d’audience où M récite un poème sur l’Angleterre. Il tire dans tous les sens ! Mais ouf, Bond est là ! Que d’événements !
  19. Ah Ralph Fiennes dans une scène d’action ! En fait, il aurait fait un bon James Bond lui non ? Il a de la classe, il est élégant. Et il a pas l’air russe au moins.
  20. Gros AAAHHH dans la salle quand l’Aston Martin apparaît.
  21. Ah bon, il est écossais Bond ? Dommage qu’il ait pas l’accent…
  22. Pas mal le coup de « Skyfall ». Et pas mal la baraque. Mais là aussi, ça fait un peu Bruce Wayne, non ?
  23. Albert Finney ! Youpi !
  24. Assez beau la maison qui brûle. Il n’y a pas à dire : Mendes sait filmer.
  25. CHOC ! la mère de Bond était française aussi !!!!
  26. Alors maintenant le méchant est suicidaire. Le problème avec la Mère se confirme : il veut mourir avec elle maintenant. A une autre époque, il l’aurait tuée et empaillée dans son motel.
  27. Mais je comprends pas, il voulait mourir, et puis maintenant que Bond lui balance un couteau dans le dos, il est pas ravi.
  28. Ah, le moment « Emotion ». M nous quitte. Hommage à Judi Dench, toujours parfaite.
  29. Ah l’autre James Bond girl. On l’avait un peu oubliée à vrai dire. Mais ça va elle est sympa. Elle fait des blagues en plus.
  30. La traditionnelle fin ouverte : Bond reprend du service. Et c’est Ralph Fiennes le boss. Y aura au moins un gentleman dans le prochain James Bond alors, tant mieux.

Viddy Well !


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Frankenweenie: Le grand retour de Tim Burton

par E.C

Quel soulagement ! Tim Burton est vraiment de retour ! Après deux films ratés, Alice au pays des merveilles et Dark Shadows, le cinéaste le plus décalé d’Hollywood revient sur nos écrans avec un film d’animation délicieusement effrayant.

Il y a vingt-huit ans, le tout jeune Burton s’embarquait dans une première version de ce conte fantastique, en empruntant autant au roman de Mary Shelley qu’à sa propre enfance. Ce premier Frankenweenie, qui avait pourtant Shelley Duvall en tête d’affiche, connut un sort aussi triste que celui du petit Sparky, le chien adoré de Victor Frankenstein, écrasé par une voiture. Le court-métrage, jugé trop violent pour un jeune public, fut en effet mis au placard par les studios Disney.

Aujourd’hui, Tim Burton prend sa revanche ! Le voilà qui réanime (dans tous les sens du terme) aujourd’hui sa création et la transforme en long-métrage d’animation image par image.

Le seul ami du jeune Victor Frankenstein, c’est son petit chien Sparky. S’il était plus attentif, il remarquerait sans doute que sa voisine, l’étrange Elsa Van Helsing, lui fait les yeux doux. Mais Victor ne s’en rend pas compte, occupé qu’il est à s’amuser avec son partenaire de jeu, dont il fait aussi sa star favorite : car Victor réalise des films à ses heures perdues. Sparky mérite bien son nom : il est la seule étincelle de la morne vie solitaire de Victor. Mais voilà : Sparky est écrasé par une voiture. On imagine le drame : avec lui, c’est la joie de vivre du petit garçon qu’on enterre. Jusqu’au jour où M. Rzykruski, son professeur de sciences, montre à ses élèves les pouvoirs de l’électricité. Victor prend alors la suite de son célèbre prédécesseur, le savant-fou Frankenstein, et par une nuit d’orage ramène son chien d’entre les morts.

Véritable hommage au film de James Whale, qui avait Boris Karloff pour vedette, Frankenweenie est une version heureuse du roman de Mary Shelley, un conte optimiste qui se place en opposition directe avec l’autre réécriture de Frankenstein par le cinéaste : Edward aux mains d’argent. Edward et Sparky sont jumeaux : tous deux ont une âme pure, et éprouvent un amour inconditionnel pour leur créateur ; tous deux ont aussi été rafistolés, rapiécés et recousus de toutes parts… Sparky et Edward, avec leurs cicatrices et leur évidente différence, doivent également faire face à l’incompréhension d’une société pour qui l’apparence extérieure est une valeur fondamentale. Ce sont deux créatures d’un autre monde, qui font du mal sans le vouloir et sans s’en rendre compte. Mais si Edward aux mains d’argent se concluait sur une note mélancolique, Frankenweenie offre une fin plus douce et bien plus optimiste. Cette touche positive si rare chez le cinéaste, on la trouve ici dans le couple uni et aimant que forment M. et Mme Frankenstein. Oubliés les parents indignes de Lydia Deetz dans Beetlejuice, ou la belle-mère maléfique de Sleepy Hollow. Les parents ont ici le bien-être de leur enfant à cœur.

Qu’on se rassure cependant :  la noirceur humoristique de Burton ne l’a pas quitté ! Les enfants, leur étrangeté et leur méchanceté, ont toujours été une des cibles préférées du cinéaste (voir Charlie et la Chocolaterie). Ils ne sont ici guère épargnés ! Que ce soit Bob, le gentil garçon un peu trop enrobé, Toshiaki, l’obsédé de la réussite ou Edgar ‘E’ Gore, sosie de Boris Karloff : Burton trouve dans ces figures enfantines de quoi construire une satire de la société. On adore Weird Girl, cette fillette étrange aux grands yeux immobiles, inspirée de la « Staring Girl » (« La fille qui fixe ») des poèmes de Burton. Comme toujours, ce sont les personnages les plus décalés, les plus « étrangers » au monde que Burton réussit le mieux, sans doute parce qu’il se reconnaît en eux. Et  le duo formé par cette drôle de petite fille et son chat, M. Whiskers (M. Moustaches) est irrésistible.

Pour donner voix à son film, Burton a rassemblé des vieux fidèles : Catherine O’Hara, interprète prodigieuse de trois personnages (la mère, la prof de gym et la petit fille étrange) ; Martin Short ; Winona Ryder dans une version revisitée du rôle qu’elle tenait déjà dans Beetlejuice ; et surtout le grand Martin Landau qui réinvente sa propre interprétation de Bela Lugosi dans Ed Wood.

Enfin, signalons que la 3D est cette fois non seulement justifiée, mais admirablement utilisée (ce n’était pas le cas dans Alice par exemple) A peine le générique a-t-il commencé que l’on se retrouve projetés, non pas dans un film, mais dans le laboratoire même du génie. S’animent devant nos yeux ces petites créatures si finement modelées, si originales et folles que l’on ne s’étonne guère de l’affinité de Burton pour Frankenstein et son monstre. Mais alors que le Frankenstein de Shelley fabriquait une créature d’une laideur monstrueuse, Burton, lui, signe une création magistrale.

Viddy Well !

 

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Premiers castings

Par E.D.

Quel enfant des années 90 n’a pas pleuré toutes les larmes de son corps lorsque E.T. passe du vert au blanchâtre sur cette table d’opération, entouré de médecins à l’aspect plus inhumain que le pauvre alien ? Ou lorsque Elliott tapote de son petit doigt à la vitre qui les sépare, murmurant de ses faibles poumons le nom de son meilleur ami ? Et bien voilà comment tout a commencé, avec l’audition de Henry Thomas (Elliott), maintenant âgé de 41 ans. La vidéo du casting a fait le tour d’internet depuis quelques jours: le talent du jeune acteur est évident, et Spielberg l’engage sur le champ !

Voici donc l’occasion de revenir sur les premiers castings d’acteurs qui, depuis, ont fait un bout de chemin…

Viddy Well !

 

1. Henry Thomas pour E.T. (1982) de Steven Spielberg.

 

2. Natalie Portman pour son premier rôle, Mathilda, dans Léon (1994) de Luc Besson. Une jeune actrice déjà très sûre d’elle.

 

3. Casting de Scarlett Johansson pour Jumanji (1995). C’est Kirsten Dunst qui a fini par avoir le rôle.

 

Les Français :

4. Avec, en première position, Jean-Pierre Léaud pour Les 400 coups (1959) de François Truffaut, petite perle de la nouvelle vague dont on ne se lasse jamais. 1:30 d’un échange qui marque le début d’une longue collaboration avec le grand cinéaste. Leur filmographie commune compte Baisés volés (1968), Domicile Conjugal (1970), Les Deux Anglaises et le Continent (1971),La Nuit Américaine (1973), L’Amour en fuite (1979)… Un petit “gars gouailleur” qui a su marquer son temps en tournant avec de grands noms comme Jean-Luc Godard, Jean Cocteau, Pasolini, Bertolucci, et bien d’autres…

 

 

5. Julie Delpy ici âgée de 14 ans, aujourd’hui actrice, scénariste, réalisatrice et productrice.

 

6. Le casting sans doute le plus connu de la liste : celui de l’excellent Romain Duris à ses débuts pour Le Péril Jeune (1994) de Cédric Klapisch. On apprécie son look et on est bien contents qu’il se soit présenté au casting malgré son emploi du temps overbooké. Où commence l’acteur et ou s’arrête le personnage ? Difficile à dire dans cet échange de 4 minutes où Romain et Tomasi (son personnage) semblent faits l’un pour l’autre. On l’entend déjà dire ; “L’homme descend du singe, Tomasi est un homme, Tomasi ne descend pas du panier de basket !”

 

 

7. Audrey Tautou dans un casting pour Canal +, avec un monologue qui, curieusement, fait déjà penser à ceux d’Amélie Poulain.

 

“Et hop, c’est parti ! Là on croise la veuve du tambour de la fanfare …Tiens l’enseigne de la boucherie chevaline a perdu une oreille. Ce rire c’est celui du mari de la fleuriste, il a des petites rides de malice au coin des yeux. Oh dans la vitrine de la pâtisserie il y a des sucettes pierrot Gourmand! Hmm vous sentez ce parfum ? C’est Péponne qui fait goûter ses melons aux clients. Ah, chez Marion, ils font de la glace aux calissons. On passe devant la charcuterie… Chez le boucher, il y a un bébé qui regarde un chien qui regarde les poulets rôtis. Voilà, maintenant on est devant le petit kiosque à journaux, juste devant l’entrée du métro. Et moi, je vous laisse ici. Au revoir !” Amélie Poulain (2001), Jean-Pierre Jeunet.


8. Et enfin, Sophie Marceau âgée de 13 ans, pour le film culte de Claude Pinoteau, La Boom (1980).

 

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“Stoker”, de Park Chan-wook: la bande-annonce

par E.C

Délice gothique en vue ! Avec Stoker, son premier film américain, Park Chan-wook nous livre une bande-annonce alléchante. Nicole Kidman y joue une mère sadique jalouse de sa propre fille, Mia Wasikowska, brisée par la mort de son père. Entre en scène l’oncle de la jeune fille (Matthew Goode), qui ne tarde guère à séduire la mère et la fille.

La bande-annonce multiplie les références au genre gothique. Par son titre, d’abord, qui fait référence à Bram Stoker, l’auteur de Dracula. Figurent dans la bande-annonce une araignée, du sang, des nuits au brouillard inquiétant… Mia Wasikowska troque sa belle chevelure blonde pour des cheveux noir corbeau, et son teint pâle lui donne des airs de fantôme. Quant à l’oncle il se nomme Charlie, comme l’anti-héros de L’ombre d’un doute d’Alfred Hitchcock, un film qui multipliait déjà les références à Dracula. Cet oncle Charlie là  aime lui aussi étrangler des femmes seules : on le voit commettre un meurtre dans une cabine téléphonique, autre élément hitchcockien (voir Les Oiseaux).

Les thèmes de la tyrannie exercée sur une personne plus jeune, et en théorie plus fragile que soi, l’inceste (ici le trio de l’oncle, de la mère et de la fille) sont tout droit sortis des grands romans gothiques, même si traditionnellement, c’est la figure paternelle qui se révèle diabolique. Cette bande-annonce présente trois êtres néfastes, qui se cachent dans l’ombre, et vont tuer, comme les vampires chassant leurs proies, au beau milieu de la nuit.

Et pour couronner le tout, le casting est éblouissant. On a  hâte de retrouver Nicole Kidman puisqu’elle a l’air d’être admirablement dirigée, et de livrer une performance inquiétante dans l’esprit de Birth et des Autres. « Personnally speaking I can’t wait to watch life tear you apart. » dit-elle à sa fille d’entrée de jeu : glaçant!  Matthew Goode (Match Point), excellent acteur jusqu’ici inexploité, pourra faire ses preuves en incarnant le mystérieux « Oncle Charlie ». Enfin, c’est à la jeune génération que viennent les mots de la fin puisque c’est la merveilleuse Mia Wasikowska qui prononce ces paroles dures : « We don’t need to be friends, we’re family ». Park Chan-Wook souligne la filiation Kidman-Wasikowska, et promet ainsi de nous livrer un grand film terrifiant !

(Sortie française le 20 mars 2013)

Viddy Well !

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Le Obama Show

Par E.D.

Ce dimanche, 7 octobre, de 16h30 à 19h au Nokia Theater, la foule démocrate était au rendez-vous dans le centre-ville de Los Angeles pour un concert en soutient à Barack Obama.

Parmi les invités : Jon Bon Jovi, Jennifer Hudson, Katy Perry et celui qui, au baromètre des applaudissements, a eu le plus de succès : Stevie Wonder, arborant fièrement son t-shirt Obama.

Une ambiance euphorique régnait dans la salle. Bien que l’on puisse acheter sur place des nachos au fromage, du pop corn, des barres chocolatées et autres mets culinaires américains, le tout arrosé de bières surdimensionnées que l’on peut consommer tout en écoutant parler le Président des Etats-Unis (j’ai tout de même posé ma boisson par terre par mesure de respect), nous ne sommes pourtant pas à un match de baseball au stade des Dodgers, mais bel et bien à un événement politique : une collecte de fonds pour la campagne présidentielle d’Obama. Il s’agit là d’un véritable spectacle, vous pouvez presque vous y rendre pour la valeur divertissante de l’événement.

Surprise de la soirée : George Clooney monte sur scène, charmant comme d’habitude, décontracté, une main dans la poche, il se moque de Mitt Romney qui a annoncé qu’il couperait les financements de la chaine publique PBS pour combler la dette, s’il était élu président. Obama a repris la blague dans son discours de 20 minutes, disant que Romney laisserait Wall Street s’enflammer de nouveau mais qu’il serait sans merci avec Sesame Street, “La Rue Sésame” (programme créé par PBS). Il a également fait preuve d’humour, conscient de sa performance lors du dernier débat de la semaine dernière à Denver, au Colorado, disant de ses invités musiciens qu’ils se produisent sur scène sans relâche, soir après soir, et qu’il ne pouvait pas en dire autant…

Parmi les célébrités engagées et présentes par vidéo : Jennifer Lopez, Julianne Moore, Beyonce et Eva Longoria.

Voici une photo de l’événement : tout au loin, le Président.

Environ 6000 personnes étaient présentes, avec des tickets qui allaient de $44 à $2500. Et à en juger par notre place vous pouvez constater que Viddy Well ne s’est pas offert un ticket à 2500 dollars, ni un dîner à 25 000 par personne d’ailleurs – dîner qui a eut lieu après le concert au Ritz-Carlton, avec environ 120 invités dont George Clooney et le producteur Harvey Weinstein.

A la sortie, la foule motivée scandait un des slogans de la campagne, « Fired up, ready to go! ». Nous attendons nous aussi avec impatience le soir de l’élection, pour savoir si les marionnettes de la rue Sésame sont oui, ou non, condamnées.

Viddy Well !

 

 

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Paris vu par Hollywood: notre sélection

par E.C

À l’occasion de l’exposition organisée par la Mairie de Paris, nous nous sommes replongés dans ces merveilles du cinéma hollywoodien ayant choisi Paris comme décor principal. En couleur ou noir et blanc, drame ou comédie, voici les films qu’on ne se lasse jamais de voir et revoir sur Viddy Well :

Les films chantants :

Paris danse, et Paris chante à Hollywood ! Car tout le monde sait que Paris est la ville des artistes et des amants heureux. N’est-ce pas à Paris que Jerry Mulligan (Gene Kelly) trouve l’amour et le succès ? Ou que la charmante Jo (Audrey Hepburn) s’amuse à jouer les mannequins tout en philosophant ? Les couleurs et la danse sont à l’honneur dans les quatre films que nous vous proposons. Et bonus, tous ont été (du moins en partie) tournés à Paris ! C’est bien notre ville que nous découvrons à l’écran, magnifiée par le travail de ces grands cinéastes, tout aussi amoureux de Paris que de leurs personnages.

Un Américain à Paris (1951), de Vincente Minnelli. Avec Gene Kelly, Leslie Caron et Oscar Levant.

Drôle de frimousse (1957), de Stanley Donen. Avec Audrey Hepburn, Fred Astaire et Kay Thompson.

Tout le monde dit I love you (1996), de Woody Allen. Avec Woody Allen, Julia Roberts, Goldie Hawn, Alan Alda, Drew Barrymore et Edward Norton.

Les Girls (1957), de George Cukor. Avec Gene Kelly, Mitzi Gaynor, et Kay Kendall.

Les comédies romantiques :

Comment parler de Paris et Hollywood sans penser à l’inoubliable Audrey Hepburn ? L’actrice avait un amour peu commun pour la culture et la langue françaises. Il n’est donc guère étonnant que l’actrice ait autant tourné à Paris. Avec Donen, Wilder ou Wyler, Hepburn s’installe dans la ville avec ses costumes Givenchy et son Français impeccable. Cela dit, la belle trouvera toujours l’amour avec des anglophones ! Mais bon, vu que ces derniers se nomment Cary Grant, Gary Cooper et Peter O’Toole, on ne lui en tient guère rigueur ! Quant aux délices de la vie parisienne (du luxe au cliché de la prostituée française), ils sont au premier plan des merveilleuses comédies de Lubitsch et Wilder.

La trilogie Audrey Hepburn :

Charade (1963), de Stanley Donen. Avec Audrey Hepburn, Cary Grant, Walter Matthau et James Coburn.

Ariane (1957), de Billy Wilder. Avec Audrey Hepburn, Gary Cooper, Maurice Chevalier.

Comment voler un million de dollars (1966), de William Wyler. Avec Audrey Hepburn, Peter O’Toole, Charles Boyer et Eli Wallach.

et aussi :

Ninotchka (1939), de Ernst Lubitsch. Avec Greta Garbo, Melvyn Douglas et Bela Lugosi.

Irma la Douce (1963), de Billy Wilder. Avec Jack Lemmon, Shirley MacLaine.

Les films en costume :

Paris sans son histoire, voilà qui est impossible ! C’est ce que ce sont dits de nombreux réalisateurs, qui ont puisé dans nos grands personnages historiques et nos classiques littéraires pour trouver l’inspiration. Et le résultat est grandiose. Lon Chaney n’est-il pas le Fantôme le plus terrifiant que l’Opéra Garnier ait jamais connu ? Et Garbo et Taylor les plus beaux interprètes de Marguerite Gautier et Armand Duval ? On ne se lassera jamais de voir Gene Kelly se trémousser dans son costume de D’Artagnan ou Stewart Granger jouer Scaramouche. N’oublions pas la noble Norma Shearer, notre Marie-Antoinette préférée.

Le Fantôme de l’Opéra (1925), de Rupert Julian. Avec Lon Chaney, Mary Philbin.

Le roman de Marguerite Gautier (1936), de George Cukor. Avec Greta Garbo, Robert Taylor et Lionel Barrymore.

Les trois mousquetaires (1948), de George Sidney. Avec Gene Kelly, Lana Turner, June Allyson, Van Heflin, Angela Lansbury et Vincent Price.

Scaramouche (1952), de George Sidney. Avec Stewart Granger, Janet Leigh, Mel Ferrer et Eleanor Parker.

Marie-Antoinette (1938), de W.S Van Dyke. Avec Norma Shearer, Tyrone Power et John Barrymore.

Viddy Well !

 

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Portraits de scénaristes #1 : Julian Fellowes

Par E.D.

Downton Abbey est de retour avec une troisième saison qui rencontre toujours autant de succès que les deux précédentes. Moins « soap opera » que la deuxième pour l’instant, cette nouvelle saison se rapproche davantage de la première avec un style toujours plus affirmé.

C’est l’occasion de débuter une série de portraits de scénaristes, pauvres créatures de l’ombre dont on ne parle jamais assez… Avec le créateur de la série britannique : Julian Fellowes.

Également acteur et réalisateur, Julian Fellowes est surtout connu pour son travail de scénariste.

Après deux ans à Los Angeles dans les années 80 où il a tenté de percer en tant qu’acteur, accumulant des petits rôles dans des séries télé, Fellowes retourne en Grande-Bretagne où il persiste avec quelques rôles à la télévision. Ce n’est qu’à partir des années 90 que son travail de scénariste se fait connaître, poursuivant un succès croissant jusqu’aux années 2000 – véritable boom scénaristique de M. Fellowes.

En 1990, il débute avec le téléfilm Little Sir Nicholas. Puis avec les mini séries Little Lord Fauntleroy (1996) et The Prince and the Pauper (1996), Julian Fellowes poursuit dans ce genre dont les Anglais raffolent, les fameux « period drama », ou drames d’époque, souvent adaptés de classiques de la littérature britannique. En 2001, l’excellent Gosford Park (Robert Altman), pour lequel il gagne un Oscar, impose la marque de fabrique du scénariste – marque que l’on retrouve dans Downton Abbey (2010) ou la mini série Titanic (2012) – : l’illustration de la hiérarchie britannique au début du XXe siècle. Comme le parodient si bien les acteurs du Jimmy Fallon Late Night Show, il existe dans Downton Abbey, ceux qui sont « Upstairs », noblesse, Lords et compagnie, et ceux qui sont « Downstairs », les domestiques, les travailleurs, ceux qui viennent du fin fond de l’Angleterre rurale ou de l’Irlande, et qui parlent avec un accent si fort qu’on a besoin de rajouter les sous-titres….

Mais là où l’art de la plume (ou du clavier) de Fellowes diffère, c’est dans sa capacité à imaginer un réseau de personnages qui s’entrecroisent constamment. Bien que fortement présentes, les frontières entre les différentes classes sociales se dissolvent dans la narration car toutes les histoires interagissent, influant les unes sur les autres pour former un bloc de voix vivant sous un même toit, celui de Downton Abbey. Chaque personnage est développé et doté d’une profondeur unique, si bien qu’il semble difficile de discerner qui est un personnage principal et qui est secondaire ; tous ont leur importance dans cette composition chorale où la multiplicité des points de vue règne.

C’est sans doute en cela que la série se démarque d’autres fictions du même genre, et non des moindres. Nous pensons notamment à l’excellent film de James Ivory, Les vestiges du jour (The Remains of the Day, 1993), avec Sir Anthony Hopkins et Emma Thompson, adapté du roman de Kazuo Ishiguro. Son style, Julian Fellowes semble l’affiner au fil des adaptations. Ce n’est pas une coïncidence si ses scénarios à succès sont justement ceux où il exploite ce point fort de multiplicité des voix, par opposition à d’autres de ses films comme Vanity Fair, la foire aux Vanités (2004), Victoria – Les jeunes années d’une reine (2009), ou The Tourist (2010). Nous espérons donc le voir exploiter ce filon scénaristique dans ses prochaines adaptations…

Voici les projets du scénariste, actuellement en post-productions : Romeo et Juliette, réalisé par Carlo Carlei, avec Damian Lewis (Homeland), Paul Giamatti, Douglas Booth en Roméo et Hailee Steinfeld, la jeune fille de True Grit, dans le rôle de Juliette.

Crooked House, réalisé par Neil LaBute, avec Michael Sheen et adapté d’un roman d’Agatha Christie.

Si vous ne connaissez pas encore le travail de Julian Fellowes, Viddy Well vous conseille ses meilleurs scénarios : commencez par le film Gosford Park, puis dévorez la série Downton Abbey !

Bon visionnage !

“Downton Abbey” – Saison 3, épisode 1

 

Viddy Well !

 

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The Mindy Project: La vie n’est pas une comédie romantique

Ca commence de façon plutôt classique : Mindy est une jeune femme de 30 ans, une célibataire à la recherche du grand amour qui a passé un peu trop de temps à regarder des comédies romantiques. Toujours entre deux révisions de Quand Harry rencontre Sally ou Coup de foudre à Notting Hill, notre piquante Mindy croit vivre dans un monde où tous les hommes ont le charme de Hugh Grant et les femmes la beauté de  Meg Ryan ou Julia Roberts… Alors forcément, quand Mindy se retrouve coincée dans un ascenseur avec un homme inconnu, elle voit l’occasion rêvée de tomber amoureuse. Manque de chance : le gars de l’ascenseur n’est pas l’homme de sa vie. Et il n’a rien d’un amoureux de cinéma : il est maladroit, commun et terriblement ennuyeux… C’est ainsi que s’ouvre The Mindy Project, une série écrite et interprétée par la grandiose Mindy Kaling, ex-scénariste et actrice de The Office (où elle jouait à merveille la superficielle Kelly). Mindy est une vraie femme. Pas glamour ni mannequin, piquante et drôle, une trentenaire normale dotée d’un charme fou. Et en plus c’est une Américaine d’origine indienne. Fait remarquable car le monde des comédies romantiques n’est pas seulement dominé par des femmes minces, il l’est aussi par des femmes blanches…
Kaling joue avec un brio exceptionnel sur les références télévisées de notre époque. La Mindy de la série est médecin, en clin d’œil à Grey’s Anatomy ; son ex-fiancé épouse la femme dont il a réparé les dents (l’emploi du mot « fix » rappelle l’obsession du Jack de Lost qui « réparait » sa futur femme sur la table d’opération) ; elle rêve d’un homme ayant la personnalité de Jon Stewart et le visage (ou le sexe, vu dans Shame ) de Michael Fassbender… Bref, Mindy rêve toute la journée au Prince Charmant, persuadée que la vie marche comme au cinéma. Son collègue, joué par Chris Messina, la ramène vite à la réalité en détruisant tous ses fantasmes. Ce pourrait être lui, son vrai prince charmant, mais pour l’instant, ils se disputent, comme dans les meilleurs films des années 1930 avec Cary Grant et Katharine Hepburn.

The Mindy Project est sans doute la meilleure nouvelle sitcom de cette rentrée. Scénario impeccable, gag drôlissimes, casting irréprochable… Kaling a été à la bonne école tout en ayant appris des erreurs de ses autres emplois. Exit les personnages féminins sympathiques mais ennuyeux (Pam de The Office) ou la misogynie ambiante de certaines comédies. Kaling crée un alter-ego digne des anciennes romances cinématographiques avec un vrai personnage de femme, ni longiligne, ni masculinisée. Elle est à la fois « girly » et intelligente et n’a pas à choisir entre sa carrière et l’envie d’avoir un mari. Elle se permet d’être franche, de braver le sacro-saint politiquement correct. Elle se permet même – sacrilège! – de trouver la fille de sa meilleure amie, qui n’a pas quatre ans, extrêmement “boring” : une audace qui donne  l’une des scènes la plus drôle de cette rentrée comique.
Si vous ne l’avez pas encore vu, dépêchez-vous donc ! The Mindy Project n’attend que vous.
Viddy Well !
E.C
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