“Le groom vert-de-gris” fait partie de mes albums préférés parus cette année. Yann au scénario et Olivier Schwartz continuent, comme dans “Le journal d’un ingénu” d’Emile Bravo, de plonger Spirou au cœur de la Seconde Guerre Mondiale. Mais là où “Le journal d’un ingénu”, que j’aime également beaucoup, est tout en ambiance feutrée, “Le groom vert-de-gris” prend le parti de l’aventure rocambolesque, un peu à la manière d’un “Inglorious Basterds” au cinéma. Et comme le film de Tarantino, la bande-dessinée est truffée de références. L’intertextualité, comme dans une grande œuvre littéraire, y est si forte qu’elle donnerait sans doute des palpitations de plaisir à Gérard Genette. Aussi, pour rendre hommage à cet album indispensable, je me suis amusée à dénicher toutes les clins d’œil qui peuplent ses cases (d’autres sites s’y sont amusés aussi). Et vous, vous en avez d’autres?
Couverture : Ca ne vous rappelle pas La Marque Jaune? Moi, si.
Page 1 : La publicité pour le Cirage Blondin est un hommage a la série de Jijé “Blondin et Cirage“. On voit une rue “Robert Velter“, le nom du créateur du personnage de Spirou.
Page 5 : Le gag avec la peinture qui éclabousse les soldats allemands n’est pas sans rappeler une fameuse scène du Dictateur de Chaplin.
Page 8 : Le “Moustic Hotel” fait référence au journal “Le Moustique“, lancé par Jean Dupuis, des éditions du même nom. Dans la deuxième case, le colonel allemand s’en prend violemment à ses subalternes: “Non mais regardez-vous? Que sont devenus les jeuves fauves du Führer, l’orgeuil du IIIe Reich? Un ramassi d’incapables abrutis et obèses à force de s’empiffrer de bière et de moules-frites!” avec un plan serré sur les officiers gros. C’est une référence à Obélix et Compagnie où César s’en prend à ses généraux pages 12 et 13. L’un, énorme lui dit: “Souviens-toi de nos campagnes, César! Nous avons fait plier le monde devant nos legionnaires!” et César de répondre: “vois ce que tu es devenu! Oui! Voyez ce que votre or, vos villas, vos orgies ont fait de vous! Des décadents!”
lire le billetNormalement, on devrait être au pic de la grippe A. Pour l’instant, moi ça va, mais je lis des articles qui en parlent un peu partout, notamment sur Slate.fr. Et même si je ris en songeant aux gymnases réquisitionnés pour la vaccination qui restent vides, c’est jamais rassurant d’entendre trop parler d’épidémie. Alors qu’en bande dessinée, la maladie, c’est la plupart du temps distrayant.
Petite, je me souviens avoir eu un peu peur quand mes cousins détectives se sont mis à avoir des moustaches et des cheveux très longs et colorés. Au-début j’ai cru qu’ils avaient cédé au flower power, mais en 1950, ils auraient été un peu en avance sur leur temps… Au pays de l’Or Noir, les Dupondt se sont aussi mis à prendre de drôles de couleurs et à cracher des bulles de savon, en plus de leurs désarrois capillaires. Et ils ont eu une sacrée rechute dans la fusée qui les emmenait vers la lune. A la base, ils avaient simplement pris un comprimé d’aspirine. Enfin, ce qu’ils croyaient être un comprimé d’aspirine, et qui les a en fait rendu malades comme des chiens. Pas étonnant que le vaccin de la grippe A suscite la méfiance après ça (surtout que les Simpson nous l’ont dit il y a quelques années déjà, le vaccin contre la grippe a été créé pour contrôler nos esprits)! De fait, dans le tube d’aspirine qu’ils avaient trouvé dans le désert se cachaient des comprimés de N14, un produit qui faisait exploser moteurs et briquets, et que l’infâme Docteur Müller comptait utiliser comme arme de guerre.
lire le billetCertains héros de BD ont tout de l’éternel adolescent aux rapports ambigus avec les adultes, alimentant la suspicion.
Dans la Mauvaise Vie, lorsque Frédéric Mitterrand évoque ses premiers émois sexuels, il pense à la Bande Dessinée. “Les références qui viennent naturellement sous sa plume sont “Alix”- un jeune Romain de 14 ans en pagne, héros de bande dessinée – ou le Prince Eric, cet adolescent scout de la série Signe de piste, icône trouble de l’imaginaire homosexuel”, raconte l’Express. “Comme toute bonne confession autobiographique, cette Mauvaise Vie joue avec le feu”, ajoute le magazine. Je ne vois pas en quoi le fait qu’un jeune gay craque et s’identifie à un bel héros antique est “jouer avec le feu”, cela me parait plutôt naturel. Jeune, j’ai aussi craqué sur des héros et des héroïnes de bande dessinée (oui, mais on n’est pas là pour parler de ma sexualité).
Enfin, cela pose des questions intéressantes: comment aujourd’hui représenter la sexualité de la jeunesse? Les jeunes héros de BD du siècle dernier avaient-ils tous une sexualité qu’on aurait qualifiée de “déviante” ? Au-delà de ça, car ce sont les accusations sous-jacentes dans l’article de l’Express, comment parler de pédophilie en bande dessinée?
Justement dans la série Alix, une scène avait fait polémique de l’album Le Fils de Spartacus (dont j’ai même une version en latin!). On y voit un préfet romain prendre un bain avec des jeunes enfants qui lui font des gâteries sous l’eau. “J’adore me baigner en compagnie de mes petits dauphins qui me font des taquineries sous l’eau” explicite même, hilare, le haut dignitaire en question. Pour une BD qui s’adresse à un jeune public la scène peut être considérée comme choquante. Sauf qu’elle se réfère à une pratique rare mais qui avait effectivement parfois lieu sous l’Empire Romain, aux mœurs bien différentes des autres.
lire le billetLe nouveau gouvernement japonais de centre gauche, en tenant tête aux Etats-Unis sur la question de la présence militairesur les objectifs à fixer en matière de lutte contre le réchauffement de la planète, rompt en apparence avec ses prédécesseurs, plus enclins à suivre l’allié américain. Mais la tendance à l’émancipation par la culture existe, elle, depuis de nombreuses années, et semble indépendante de la volonté des gouvernements.
L’une des premières décisions du nouveau Premier ministre Yukio Hatoyama (issu du Parti démocrate du Japon (PDJ)), après son élection le 16 septembre dernier, a été d’annuler un projet de musée dédié au manga et à la culture populaire. Budgété à 11,7 milliards de yen (88 millions d’euros) et étendard de l’ancien chef du gouvernement Taro Aso, qui avait fait un fond de commerce de sa passion pour les manga, il fallait à tout prix l’enterrer pour marquer la rupture.
lire le billetSous le régime est-allemand, tout était idéologique, même la bande dessinée
Autant le dire tout de suite, l’Allemagne, en général, n’est pas un grand pays de bande dessinée. La plupart des grands succès d’édition sont des traductions soit de bandes dessinées européennes (Tintin ou Astérix par exemple), soit de comics américains (je ne reviendrai pas sur le succès fou de Donald en Europe du Nord). Pourtant, le pays a vu s’épanouir des pionniers dans l’art de raconter des histoires en dessins successifs. Citons par exemple Wilhelm Busch, qui dès 1865 avec Max und Moritz, préfigure la bande dessinée moderne (et notamment les Katzenjammer Kids, publiés trente ans plus tard aux Etats-Unis). L’autre grand succès allemand d’avant-guerre en bande-dessinée, c’est Vater und Sohn (“Père et Fils”, en français) d’Erich Ohser, qui parut à la fin des années 1930, sous pseudonyme. Car l’auteur de cette BD sans paroles, pleine d’humour et de poésie, et qui n’est pas sans rappeler Sempé chez nous, s’était illustré avant l’avènement d’Hitler par ses dessins satiriques dans la presse démocratique. Il sera arrêté par le régime nazi et se suicidera le 5 avril 1944, la veille de son procès pour “opinions néfastes au Reich”. Triste histoire. Quoiqu’il en soit, les grands auteurs allemands de BD se comptent sur les doigts d’une main.
L’occupation militaire alliée, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, entraîne un développement de la bande-dessinée en Allemagne. Les comics sont traduits, et connaissent un certain succès. Surtout, l’influence américaine se fait sentir sur les auteurs allemands qui adoptent les styles d’Outre-Atlantique. Ainsi, Manfred Schmidt, qui détestait Superman, crée en 1950 le détective Nick Knatterton comme une parodie des comics américains de super-héros, mais il en copie du coup le style graphique. Trois ans plus tard, Rolf Kauka dessine Fix und Foxi, deux renards directement inspirés de l’univers Disney. Bref, qu’il s’agisse des traductions ou des productions originales, la bande-dessinée décolle véritablement en Allemagne dans l’immédiat après-guerre.
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