Pandémie, est-ce grave docteur ?

On entend ça et la, et notamment durant la table ronde n°2 de l’audition publique “H1N1, et si c’était à refaire” (vidéocast disponible en ligne), de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques du 14 juin 2010, François Heisbourg, de la fondation pour la recherche stratégique, qu’il serait “évident” que la définition de la pandémie inclut une notion de sévérité. Nous ne reviendrons pas sur les fausses assertions au cours de ce débat selon lesquelles l’OMS aurait prétendument changé de définition au cours de la pandémie, ou plus exactement le 4 mai 2009 ; l’historien de l’EHESP, Patrick Zylberman, nous a aidé dans notre précédent billet à tirer les choses au clair à ce propos. En revanche, revenons un instant sur la question de la sévérité associée au mot pandémie.

François Heisbourg si l’on résume ses propos, soutient que le seul sens de l’alerte pandémique – et toutes les conséquences sociales, politiques, économiques, médicales qui s’en suivent – réside en la sévérité attendue derrière le son du tocsin. On ne déroule pas un tapis de mesures dont l’impact sociétal est si lourd pour une grippe saisonnière, et donc on n’avait pas à le dérouler pour un événement dont les caractéristiques en termes d’impact sanitaire (ou de sévérité) ne se distinguerait pas d’une grippe saisonnière. L’expert en stratégie précise cependant en introduction qu’il n’est pas expert de la grippe. Ce point est important pour la suite de notre raisonnement.

En effet, lorsqu’il s’agit de dérouler le plan ORSEC à la suite de la catastrophe AZF, ou l’équivalent d’un tel plan après les explosions du métro londonnien ou l’attentat de la gare de Madrid, on n’a aucune difficulté à estimer rapidement la gravité de la situation. Il y a des morts qui sont rapportés, personne n’en discute la relation de cause à effet, et des blessés qu’il faut évacuer rapidement. On comptera plus tard avec précision, qu’importe, il faut y aller. Il faut aussi éviter tout risque de sur-accident. Le plan est déclenché, la situation l’exige. Mais dans le cas d’une maladie émergente, comment savoir si l’événement est grave ou non ? Les “textbooks“, ces manuels de médecine qui font référence ? Regardez le chikungunya dans l’océan indien en 2005-2006 : jusqu’à l’épisode réunionnais, tous les traités de médecine s’accordaient à dire que la maladie était bénigne. Même le directeur général de l’OMS qui était en voyage officiel à l’ïle Maurice au coeur de l’épidémie, en mars 2006 – île qui s’est avérée fortement impactée par l’épidémie – a déclaré à l’époque que la maladie était bénigne et que les médias “des îles voisines” avaient sur-réagi. 40% de l’île de la Réunion allait être atteinte en 2006, 2% d’hospitalisations parmi les cas,  les soins intensifs engorgés, 255 décès. Et pourtant, massivement, dans 98% des cas le chikungunya reste une maladie largement bénigne. Elle laisse cependant des séquelles articulaires prolongées parfois invalidantes (Science, article de M. Enserink, du 21 décembre 2007, en accès payant en ligne, langue anglaise).

Alors que veut dire une maladie bénigne ? Après les attentats du 11 septembre, personne n’ergotait pour savoir si les blessures étaient profondes ou superficielles. Mais la grippe, c’est grave ou c’est bénin ? Eh bien, un peu comme le chikungunya, c’est massivement bénin,… et parfois un peu grave. On sait aujourd’hui que si c’est H3N2, ça touche plus souvent les personnes âgées, et à cause de cela, les personnes âgées étant plus souvent que les plus jeunes atteintes de maladies multiples parfois invalidantes, “décompensent” leurs pathologies graves pré-existantes, c’est-à-dire les voient s’aggraver en présence de l’infection grippale et peuvent en mourir. On sait aujourd’hui que si c’est H1N1pdm, les jeunes adultes, et mêmes les enfants, et certaines personnes âgées peuvent, pour des raisons que l’on ignore, faire un syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA), se retrouver en réanimation avec une méthode de ventilation artificielle très périlleuse, très coûteuse qui se termine dans 20% des cas par le décès du patient. C’est grave ou c’est bénin ? Quelle est la bonne métrique ? La mortalité ? Laquelle ? Comment laquelle ? Un mort est un mort, non ? Oui, mais mort de quoi : mort à cause du virus ou mort avec le virus ? Certains remettent en cause les statistiques de décès d’une autre pandémie, surtout africaine, celle du paludisme. Parce que comme beaucoup de personnes vivant en zone impaludée sont porteurs du parasite (plasmodium), par le fait du hasard déjà, on s’attend à ce que la même proportion des personnes décédées soient aussi porteuse du parasite. C’était vrai pour les décès à La Réunion, pendant l’épisode chikungunya… Et pour la grippe. Alors il y a la mort indirecte, celle que l’on voit statistiquement sur les courbes de mortalité. Mais on n’en dispose qu’une fois que le film est terminé le plus souvent, en tout cas pas au moment de donner l’alerte. Et puis, même, on a vu dans un précédent billet qu’une publication de PLOS Currents Influenza (article gratuit en ligne, en anglais) de l’équipe américaine du NIH de Cécile Viboud et coll. revisitait (le 20 mars 2010) la mortalité attribuée à la grippe en proposant une autre métrique, fondée sur le nombre d’années de vie perdues, pour montrer que la gravité, sur ce critère, de la pandémie 2009 était de niveau supérieur à celle de 1968-69 (qui avait causé 35 000 décès en France… en nombre absolu cette fois). Mais, même cela, nous venons de l’apprendre. En mai 2009, personne ne pouvait encore l’apprécier. En juin non plus. En septembre ou en octobre 2009 ? On était tout juste bon alors pour savoir que la mortalité directe avait un visage nouveau et différent de celui des virus saisonniers des saisons passées. Mais la mortalité directe n’était que le sommet d’un iceberg dont les épidémiologistes de la grippe savaient qu’il pouvait être beaucoup plus important que ce qu’il ne dévoilait alors (…un iceberg quoi !). Donc même en octobre 2009, lorsque l’InVS faisait tourner ses modèles et proposait des scénarios qui allaient jusqu’à 96 000 décès, hypothèse extrême qu’ils ne privilégiaient pas, ils se fondaient sur des résultats de mortalité indirecte qui pouvaient encore survenir. Précaution.

Pas simple l’estimation de la gravité dans le cas des maladies émergentes. Une leçon à tirer pour l’avenir ? Une proposition : traquer avec un groupe pluridisciplinaire l’estimation de cette gravité dès le début, avec tous les instruments en place. Car pour le H1N1pdm, la connaissance des virologues de la distribution d’âge des cas, et de leur similarité du H1N1 saisonnier aurait contribué beaucoup dans le débat pour renforcer l’idée que la mortalité indirecte serait probablement faible. Les épidémiologistes auraient mentionné que le nombre d’années de vie perdues allait être élevé. Et l’on aurait alors communiqué sur les différentes métriques. Acceptons la complexité.

Antoine Flahault

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OMS : H1n1 AUTRE DEFINITION ?

L’OMS aurait-elle changé la définition de la pandémie le 4 mai 2009 pour d’obscures raisons?

L’historien Patrick Zylberman, titulaire de la Chaire d’Histoire de la Santé à l’EHESP, dont les travaux portent notamment sur l’histoire des grandes pandémies est forme :

Contrairement à ce qui est dit parfois (R. Schabas and N. Rau, janvier 2010), la définition de la « pandémie » n’a pas été modifiée en 2009. Je parle ici de la définition qui fait loi pour l’Organisation ; je ne parle pas du point de vue exprimé par tel ou tel groupe d’experts.

Le professeur Zylberman explique que la définition de la pandémie est inscrite dans les plans de préparation, qu’il nous propose de situer dans la hiérarchie des textes produits par l’OMS :

Les plans de préparation pandémique sont des documents inter-gouvernementaux engageant à la fois l’OMS et les Etats membres. Ainsi, la dernière mouture du Plan pandémie d’avril 2009 est le résultat du travail de plus de 135 experts issus de 48 pays ; les travaux ont débuté en 2007 et se sont achevés en février 2009 ; plus de 600 observations ont été déposées par les Etats.

Patrick Zylberman reconnaît cependant que la validité des pages postées sur le site Internet de l’OMS pose parfois problème, et demande à l’OMS d’éclaircir les raisons qui les ont conduit à laisser publier une définition erronée (car différente des plans intergouvernementaux) jusqu’au 4 mai 2009, pour enfin rétablir la version initiale de cette définition, conforme à celle des plans à partir de cette date.

Entrons un peu plus dans les détails de la controverse (pardonnez-nous les citations verbatim en langue anglaise du plan intergouvernemental de l’OMS, nous n’avions pas la traduction française de ces documents au moment de l’écriture de ce billet). L’OMS en 2009, peut-on lire (Stuart Paterson, nov. 2009), se contenterait d’une vague définition de la pandémie grippale comme « épidémie à l’échelle mondiale », sans plus mentionner les dérives génétiques et antigéniques du virus. “C’est carrément faux“, s’insurge Patrick Zylberman.

Ainsi, le plan Pandémie de l’OMS publié en avril 2009 (page 14) définit-il une pandémie grippale de la manière suivante :

« An influenza pandemic occurs when an animal influenza virus to which most humans have no immunity acquires the ability to cause sustained chains of human-to-human transmission leading to community-wide outbreaks. Such a virus has the potential to spread worldwide, causing a pandemic.»

Glissements et cassures sont expressément mentionnées: « The development of an influenza pandemic can be considered the result of the transformation of an animal influenza virus into a human influenza virus. At the genetic level, pandemic influenza viruses may arise through:

• Genetic reassortment: a process in which genes from animal and human influenza viruses mix together to create a human-animal influenza reassortant virus;

• Genetic mutation: a process in which genes in an animal influenza virus change allowing the virus to infect humans and transmit easily among them ».

Le plan Pandémie grippale 2009 de l’OMS ne fait d’ailleurs que reprendre en la développant la définition qui figurait dans la version de 2005 : il y a menace pandémique lorsqu’« un sous-type qui n’a pas circulé chez l’homme pendant au moins plusieurs décennies et vis-à-vis duquel la grande majorité de la population humaine n’est donc pas immunisée » vient à se répandre dans les populations humaines.

Puis survient une nouvelle controverse, à propos de la gravité. Schabas et Rau (janvier 2010, cité ci-dessus) reprochent alors à l’OMS de s’être cramponnée de manière rigide à ses définitions, ignorant le désaccord grandissant entre les faits et ses notions dès la crise mexicaine. Ainsi la définition même de la pandémie a fait l’objet d’un vif débat dans la première période de la pandémie. Patrick Zylberman nous rappelle que “certains experts suggéraient alors d’intégrer une estimation de la gravité de la maladie dans la définition de la pandémie. Le comité technique de la grippe s’est réunit à Genève le 5 juin 2009 afin de discuter de l’introduction d’un index de gravité à la phase 6 du système d’alerte (le passage à la phase 6 n’était pas à l’ordre du jour de cette réunion). Il s’agissait de diviser la phase 6 en trois sous-niveaux tenant compte du degré de gravité de la maladie (Nebehay, mai 2009). Comme eût dit Victor Hugo, c’eût été là embrouiller un problème par des éclaircissements !“.

L’OMS avait du reste répliqué en mai 2009 à ceux qui exigeaient l’introduction d’une dose de « gravité » dans la définition de la pandémie :

  • Que la gravité de la grippe était imprévisible
  • Que ce qui apparaît « bénin » dans les pays bien pourvus en médicaments et système de soin peut être « grave » dans les pays qui en sont dépourvus et où l’état général de la population n’est pas très bon
  • Que l’OMS a une mission limitée (détermination de l’extension de la transmission, coordination des mesures de santé publique à l’échelle internationale, sélection et lancement de la fabrication du vaccin, supervision des échanges d’informations scientifique) et que c’est aux Etats eux-mêmes à gérer la crise (D. Butler, mai 2009).

Mais laissons les derniers mots de ce billets à notre historien (que je remercie vivement de son éclairage sur cette épineuse question où se mêle beaucoup de mauvaise foi de la part de nombreux experts en verve contre l’organisation internationale) :

Le caractère imprévisible et difficilement calculable de la létalité est bien illustré par les soubresauts de de l’opinion des experts en Grande Bretagne en juin et juillet  où la létalité estimée a constitué un instrument de « gestion de crise ». Cette létalité estimée a connu trois phases:

  • Très haute dans les scénarios du pire  en juillet : voir les déclarations de Liam Donaldson relatives au 65 000 décès prévisibles (devenus 19 000 en septembre et 1 000 en octobre) (Laurance, nov. 2009)
  • un regain d’anxiété quand l’estimation de l’incidence a été multipliée par 5 dès le passage à la confirmation clinique des cas
  • une forte estimation à la baisse dans études rétrospectives

La chute de la létalité estimée au cours du temps: 0,25% en juin/0,026% en décembre (Angleterre et Pays de Galles : 1918=3%; 1957 et 1968 = 0,2%).

Ce débat est d’autant plus surprenant que cela fait longtemps que l’on critique l’idée d’introduire une notion de sévérité dans la définition de la pandémie. Ainsi, dans la revue Science, en mars 1943, un épidémiologiste de l’Université du Michigan, le Dr Thomas Francis, brocardait-il « ceux qui parlent de pandémie grippale comme de quelque chose de spécial et continuent d’employer ce terme dans l’acception non fondée de sévérité au lieu de distribution », c’est-à-dire de répartition géographique des cas. Le 11 juin, Chan s’en tenait donc à la définition initiale : extension de la propagation à plus d’une région de l’OMS (S Connor, 12 juin 2009, The Independent).

***

Antoine Flahault, citant de larges extraits des travaux de Patrick Zylberman, titulaire de la Chaire d’Histoire de la Santé de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique.

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Coupe du monde de la précaution : H1N1 contre Pétrole, 1-0

Dans un interview à la revue scientifique britannique Nature, le 10 juin dernier, Marc Lipsitch, épidémiologiste de l’école de santé publique de Harvard, à Boston, déclarait que “les avis sur la pandémie de grippe promulgués par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avaient été totalement justifiés sur le plan scientifique, en cohérence avec l’état des connaissances du moment“. Il a comparé la gestion de la pandémie avec la gestion actuelle de la catastrophe écologique de la plateforme pétrolière de Deepwater Horizon. Lipsitch a même dénoncé “l’ironie cruelle du constat pour la seconde fois en moins de cinq ans, des résultats dramatiques du choix du meilleur scénario dans le Golfe du Mexique, alors que l’on reproche à l’OMS d’avoir  annoncé le risque d’une pandémie sévère et d’avoir planifié à l’avance les mesures pour en contrer les effets. C’était bien ce que l’on attendait d’une agence de santé publique, et même c’était la seule attitude qu’on leur demandait de prendre en la circonstance.

Les Français ont voulu inscrire le principe de précaution dans leur constitution. Lorsque leur gouvernement s’est chargé de le mettre en oeuvre, au moment où l’on annonçait une tempête épidémique à l’échelle mondiale, on le lui reproche tout autant que dans les pays où ce principe n’est ni constitutionnel, ni seulement un guide pour l’action. L’application de ce principe semble aujourd’hui contestée, alors que les progrès industriels s’accélèrent à un rythme inégalé dans l’histoire de l’humanité et que l’ échelle de production de bon nombre de produits et services devient planétaire (énergie, aliments, médicaments, automobiles, aéronautique…). Nos sociétés fortement interconnectées, sont devenues plus vulnérables que jamais, mais peuvent aussi se mobiliser pour détecter précocement, prévenir et contrôler de nouveaux risques à l’ampleur et aux conséquences souvent inconnues. Les dernières crises sont autant d’alertes qui justifient le bien fondé de l’intuition précautionneuse du droit constitutionnel français et l’inspiration européenne en la matière. Cela ne fait certes pas plaisir à de nombreux secteurs de l’industrie, car les contraintes ne font jamais plaisir à ceux qui doivent les subir. Il faut sans doute parfois savoir raison garder. Et ce d’autant que la compétition mondiale fait rage et ne fait pas de cadeaux. Mais la nature non plus, lorsqu’elle reprend ses droits. Fallait-il attendre que des avions chutent pour fermer le trafic européen au moment du volcan islandais ? Fallait-il accepter la production de brut toujours plus loin dans les océans, sans les garanties préalables de savoir quoi faire en cas de fuite (prévisibles mais si peu probables…) ? Fallait-il renoncer à la production planétaire de vaccins contre la grippe H1N1pdm dès le mois de juin 2009, parce que les premières informations en provenance du Mexique étaient contradictoires ? Faut-il brocarder aujourd’hui, avec une unanimité navrante, les positions de l’Organisation Mondiale de la Santé parce que les industriels producteurs auront pu s’enrichir – et ainsi rendre suspectes toutes les décisions – en apportant sur le marché en un temps record jamais égalé dans l’histoire de l’humanité les vaccins commandés, avec toute la sécurité requise ?

Non, il est temps de défendre les principes que l’Organisation Mondiale de la Santé a mis en oeuvre, fort à propos, en temps et en heure, pour se préparer, comme elle devait le faire, au scénario du pire. En agissant de la sorte, cette Agence a montré sa maturité et sa compétence. En ne cédant pas aux sirènes de la complaisance et de la facilité, on devrait retenir que cette Agence a su indiquer la voie à suivre pour celles qui gèrent d’autres risques naturels ou d’origine humaine : inondations, cyclones, séismes, ruptures de plateformes offshore, autres risques industriels et nucléaires. Ce n’est pas le scénario le plus probable que le principe de précaution cherche à éviter, mais ce sont les scénarios du domaine du plausible, et ils sont souvent bien moins probables.

Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas faire de retour d’expérience, d’arrêt sur image, car il est utile de remettre en cause nos erreurs, de comprendre nos doutes, d’étudier les réactions de nos contemporains, de constater les rigidités des plans mis en place, tout cela pour mieux préparer encore l’avenir qui ne sera pas fait que de bouquets de violettes. C’est ce que font actuellement bon nombre de gouvernements des pays développés, l’Europe et l’OMS elle-même. On trouvera probablement ça et là des débordements, des dérapages, ou des abus, et il faudra y remédier. Mais, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, on pourrait y déceler bientôt des traces de pétrole !

Antoine Flahault

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Bilan : La pandémie des temps modernes

Un récent bilan anniversaire de la pandémie de grippe vient de paraître, sous la plume de Declan Butler, dans la célèbre revue scientifique britannique Nature, dans son numéro du 22 avril 2010 (article en anglais, disponible en ligne gratuitement). Il tente, comme nous le faisons sur ce blog depuis plusieurs mois, de tirer les premières leçons “à chaud” de cette crise sanitaire planétaire.

Il résume des informations publiées récemment par une équipe nord-américaine des National Institutes of Health (Cécile Viboud et coll. PLoS Currents Influenza, article disponible en ligne, 21 mars 2010, gratuit, en anglais). Les auteurs revisitent la comptabilité des décès attribuables à la grippe H1N1pdm aux USA. Leur résultats sont intéressants, car quelle que soit l’hypothèse qu’ils retiennent, le nombre d’années de vie perdues à cause du H1N1pdm aura été supérieur aux USA à celui enregistré en moyenne lors des épidémies de grippe saisonnière de ces dernières années.

Selon l’hypothèse la plus conservatrice – en langage scientifique et non politique (!) ce terme signifie que les auteurs sous-estiment très probablement et peut-être largement la réalité – c’est-à-dire en s’en tenant aux seuls certificats de décès mentionnant la grippe H1N1pdm comme cause du décès, alors il y aurait eu entre 7 500 et 12 000 décès dus à cette grippe aux Etats-Unis, soit au moins deux fois moins, en nombre absolu, qu’en période de grippe saisonnière. Avec une autre méthode de calcul, selon les mêmes auteurs, si l’on compare les chiffres de mortalité totale durant la période de circulation de la souche pandémique avec la mortalité moyenne observée les années précédentes, l’excès de mortalité attribué à H1N1pdm est de 44 100 décès, clairement supérieur à celui observé en moyenne durant les grippes saisonnières (36 000 décès par an, par grippe saisonnière, aux USA).

Puis ils se sont attachés à estimer le nombre d’années de vie perdues, un indicateur qui permet de chiffrer la différence entre le décès, par exemple, d’une personne de plus de 95 ans qui décède de la grippe alors que son espérance de vie n’est plus que de quelques mois, à une personne de 17 ans en bonne santé qui a une espérance de vie de l’ordre de 80 ans (moins 17). Eh bien, le nombre d’années de vie perdues a été, quelle que soit la méthode retenue pour l’estimation de la mortalité par grippe H1N1pdm aux USA, très supérieur à celui calculé pour les grippes saisonnière, et voisin du nombre d’années de vie perdues enregistré lors de la pandémie de 1968-69 (pandémie de grippe A(H3N2) de Hong Kong).

Par ailleurs, le virus extrêmement compétitif a supplanté totalement les autres sous-types saisonniers circulant qui ont quasiment disparu des écrans radars, dans tous les pays du monde. La souche H1N1pdm se serait donc comportée comme une vraie souche pandémique, avec tous les attributs d’une souche provoquant une pandémie… des temps modernes. On n’est plus en 1918, on dispose désormais d’antiviraux, d’antibiotiques, de lits d’hôpitaux et de soins intensifs, de vaccins (livrés à partir d’octobre 2009, donc pour le seul hémisphère nord en 2009), de masques, bref de tout l’arsenal pour éviter les désastres sanitaires des siècles passés. Au moins dans les pays développés. Pour les pays en développement, l’absence de retour d’expérience ne signifie pas nécessairement grippette, gardons-nous des messages trop rapides.

Lorsque l’on voit qu’un an après le début de la pandémie, on ne sait toujours pas estimer avec une précision meilleure que “entre 7 500 et 44 100” le nombre de décès aux Etats-Unis, alors que la “Mecque” de la veille sanitaire y officie (CDC d’Atlanta), on peut pensr qu’il faudra attendre encore plusieurs mois ou années avant d’avoir les premières estimations de l’impact de cette pandémie dans les pays en développement, et encore si l’on en dispose un jour. Car comment penser que ceux qui manquent – presque comme en 1918 – d’antiviraux, d’antibiotiques, de vaccins et d’infrastructures sanitaires pour les dispenser auront pu s’en tirer à meilleur compte que nos voisins nord-américains ?

Il semble donc, comme le faisaient remarquer certains de nos amis blogueurs sur le Journal de la Pandémie 2.0 récemment, que l’on se situera in fine, avec cette pandémie H1N1pdm, cru 2009-2010 dans l’un des scénarios que l’on avait envisagé assez précocement dans l’histoire de cette pandémie (Libération du 2 mai 2009, en ligne, gratuit), celui  d’une pandémie des temps modernes. Comme le résume mon collègue Marc Lipsitch, épidémiologiste de la Harvard School of Public Health dans le papier de Nature du 22 avril, “la plupart des gens ont été moins souvent infectés que durant les pandémies passées, ils ont été moins souvent malades lorsqu’ils ont contracté l’infection, et ils en sont moins souvent décédés lorsqu’ils en sont devenus malades”, une saine vision de ce que les temps modernes, et leur cortège de progrès, peuvent apporter à nos concitoyens… quand ils ont la chance de pouvoir en profiter.

Antoine Flahault

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H1N1pdm : Des certitudes gouvernementales en béton

Que nous dirons de plus les futures enquêtes parlementaires ?

Il y a quelques jours Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, était au micro de Radio J. Interrogé sur le coût de la politique gouvernementale de lutte contre la récente vague pandémique grippale il a eu cette formule : « On n’en fait jamais assez s’agissant de la sécurité, de la santé de nos concitoyens ». Et M. Hortefeux de poursuivre dans la même veine. L’OMS ayant « alerté sur un risque de pandémie majeure », les pouvoirs publics français « ont agi de façon légitime ». Ou encore : dans un tel domaine  il n’y a « pas de précaution a minima, la protection doit être absolue ». On imagine les quelques théoriciens médiatiques du principe de précaution affûter en chambre leurs  griffes et leur plumes… De même que les enseignants de Sciences Po, de l’EHESP ou de l’ENA. Dissertations de rêve ; voyons jeunes gens ne « jamais en faire assez » veut-il dire que l’on ne saurait « trop en faire » ? Et comment imaginer (comment qualifier ?)  des pouvoirs publics français qui n’agiraient pas de façon « légitime » ?

Il y a quelques jours le Pr Didier Houssin prenait la parole. Il le faisait  dans les colonnes d’un ancien quotidien d’extrême-gauche. Ancien chirurgien digestif  le Pr Houssin  est aujourd’hui directeur général de la santé. Il est aussi délégué interministériel en charge des luttes contre les pandémies. L’homme est talentueux autant que réservé ; plus que prudent. Des caractéristiques que réclament de telles fonctions ; du moins si l’on veut les exercer durablement. Le quotidien explique en préambule que son interlocuteur s’est fait violence pour parler au grand jour ; qu’il ne le fait qu’après avoir reçu l’aval de sa ministre de tutelle (Roselyne Bachelot, ministre de la santé) ; qu’en coulisse il se dit blessé par certaines polémiques mais qu’il se refusera « à parler des dissensions avec la ministre ou avec son cabinet ». De l’art, en somme, de dire beaucoup sans jamais véritablement parler.

L’homme se dit partagé. « D’un côté, quitte à vous surprendre, j’arrive à la conclusion que notre action a été couronnée de succès. Par rapport à ce que l’on pouvait craindre, il n’y a eu à ce stade qu’autour de 300 décès. Et nous avons passé le premier cap sans catastrophe, explique-t-il. Mais c’est vrai qu’en écoutant les commentaires et les analyses ici ou là, on peut avoir un sentiment mitigé. On nous rétorque aussi que l’on a eu de la chance. Cela étant, pourquoi n’est-ce pas un succès sur toute la ligne ? Nous allons y travailler. Il va y avoir les enquêtes parlementaires, et d’autres travaux pour identifier les raisons. Il n’empêche, mon sentiment reste que, face à un événement qui avait un potentiel dramatique, le résultat qui compte le plus, la santé des Français, est plutôt bon. »

Des enquêtes parlementaires à venir, certes, mais déjà la certitude d’avoir agi comme il le fallait. « Qu’avons nous tenté de faire ? Au début, notre objectif a été d’essayer de retarder au maximum l’avancée de l’épidémie. D’où les mesures dites barrières, mais aussi les traitements antiviraux, puis les fermetures de classe, rappelle-t-il. Ces mesures, prises dès le mois de mai, ont cherché à limiter l’impact sanitaire et à gagner du temps. Quelle a été leur efficacité ? Ce n’est pas facile d’y répondre, mais la première vague pandémique est survenue tard en France et il me parait donc hasardeux d’affirmer que ces mesures ont été inefficaces. Puis, il y eu une seconde phase avec la vaccination. »

Précisément la vaccination. Echec et mea culpa ? Que nenni ! « Au début, la crainte portait sur la sécurité des vaccins. On a vu qu’ils étaient sûrs. La question de la couverture vaccinale focalise maintenant l’attention. Echec ou succès? Avant d’y répondre, reprenons le fil de l’histoire. D’abord, n’oublions pas qu’avant 2009, l’hypothèse que l’on puisse disposer d’un vaccin avant la première vague pandémique était jugée quasi-nulle. C’est pour cela que l’on avait mis l’accent sur les masques et les antiviraux, se souvient le Pr Houssin. De fait, nous avons aussi eu de la chance : que le virus ait émergé en mars-avril, donc près de cinq mois avant l’automne ; qu’il ait surgi dans des pays qui ont sans délai alerté l’OMS, puis réalisé le séquençage du virus ; que les 35 fabricants de vaccin dans le monde aient reçu très vite de l’OMS les souches semences. »

Et ensuite ? « On savait qu’il fallait autour de 4 mois pour produire les vaccins, et c’est ce qui s’est passé. Des années de travail d’anticipation et la mobilisation durant l’été ont permis que l’on dispose de vaccins avec autorisation d’utilisation dès la fin du mois de septembre. Et on a donc pu proposer la vaccination un peu avant le pic. C’était une chance inattendue (…) Je constate que la couverture vaccinale n’est pas meilleure en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, en Italie, au Danemark. Elle est du même ordre, un peu moins de 10%. La France n’a pas le taux de couverture le plus bas. Les britanniques n’ont vacciné que 4,5 millions de personnes. Aux Etats-Unis, le taux de couverture n’est connu que par sondage. Il semble variable selon les Etats et serait autour de 15%. Bref, on a le sentiment que, dans la plupart des pays, la couverture a été plutôt basse. Mais avec des exceptions : le Canada, et la Suède, la Norvège, à un moindre degré la Hongrie. »

Fallait-il décider manu militari de tenter de vacciner la quasi-totalité de la population française ? « Dès début mai, il est apparu, du point de vue sanitaire et éthique, qu’il fallait être en position de pouvoir le faire et qu’il y aurait nécessairement un ordre de priorité. Qui vacciner en priorité ? Au passage, ce fut une surprise de noter qu’il n’y a pas eu de polémique sur l’ordre de priorité retenu pour les populations à vacciner. La polémique a porté après coup sur un autre aspect : pouvoir ou ne pas pouvoir proposer la vaccination à toute la population (…) Evidemment, il y a des leçons à tirer. La question des médecins généralistes, de l’organisation des soins primaires est importante. Et comment parler en 2010 de la vaccination ? Et comment faire avec Internet ? Pour autant, je ne suis pas sur que si c’était à refaire, nous referions les choses très différemment.

La suite ? « Il serait aussi dangereux de croire que la pandémie est vaincue, que de se dire que la prochaine ne sera pas plus grave. Il faut éviter l’euphorie comme la démobilisation. Dans le cas présent, face au virus de la grippe A/H1N1, le niveau d’immunisation de la population est sans doute assez haut et la probabilité d’une nouvelle vague est jugée faible. Mais, en même temps, ce virus ne va sûrement pas disparaître. Il peut aussi changer. Comment va-t-il réapparaître ? Seul ? Va-t-il devenir notre prochain virus grippal saisonnier? Ou s’associer à d’autres? Nous n’en savons encore rien. Il vaut mieux se méfier. »Méfions-nous, donc.

Dans quelques semaines -quelques mois tout au plus- sonnera l’heure des enquêtes parlementaires. Qu’en attendre ? Rien ou presque. Sauf peut-être à découvrir enfin qui –et sur quelles bases- a véritablement pris la décision politique d’acquérir de quoi vacciner la population française dans son ensemble alors que de nombreux experts assuraient qu’une couverture vaccinale d’environ 30% suffirait à bloquer la circulation virale au sein de cette même population…

Faute de quoi, à l’évidence Brice Hortefeux et Didier Houssin reproduiront des propos à l’identique. Roselyne Bachelot fera de même ainsi, le cas échéant, que le chef du gouvernement. Quant au président de la République il a d’ores et déjà pris la défense de la stratégie anti-pandémique de ses troupes. Une telle stratégie n’a certes rien d’ « illégitime ». Un citoyen qui ne serait nullement un militant du parti au pouvoir pourrait même soutenir qu’elle a sa cohérence. Mais encore : comment tirer au mieux les leçons démocratiques et sanitaires de ce que nous venons de vivre ; ce que nous/ d’autres vivront un jour prochain ?

Jean-Yves Nau

«  Danger » ou « bonne occasion » ?

Comme le dit l’économiste Joseph Stiglitz à la page 467 de son ouvrage « Le triomphe de la cupidité » (éditions Les Liens qui Libèrent, 22€) : « les caractères du mot chinois qui veut dire crise signifient « danger » et « bonne occasion » ». Le prix Nobel parlait certes d’une autre pandémie, la crise financière mondiale, que nous avions évoquée en d’autres moments (7 octobre 2008). Mais cette crise sanitaire est certainement une bonne occasion de revisiter les idées reçues que les uns et les autres avaient de l’épidémiologie de la grippe, de la gestion d’une crise mondiale, de la notion d’alerte, de la surveillance sanitaire, des choix et stratégies vaccinales. Les autorités de santé, les experts, les producteurs de vaccins et d’antiviraux aujourd’hui, grâce notamment aux commissions d’enquêtes qui se mettent en place, sont contraints à cet arrêt sur image, à ce retour d’expérience. On n’a pas fini de réfléchir à la première pandémie du vingt-et-unième siècle, et c’est tant mieux si l’on peut saisir cette occasion pour tenter d’accumuler les fruits d’une expérience qui serait profitable pour la prochaine crise qui ne manquera évidemment pas d’arriver. Nos esprits bloqués peuvent avoir du mal à ce retour sur nous-mêmes, à cet examen de conscience, parfois à cette autocritique un peu douloureuse. Lorsque nos esprits s’ouvrent, au contraire, ils revendiquent alors un droit à l’erreur, ils acceptent ce droit d’inventaire sans concession, et se nourrissent des leçons retenues pour la prochaine fois… qui ne sera évidemment pas identique à cette pandémie partie du Mexique en avril 2009.

Quand le Ministre de l’Intérieur déclare qu’ « on n’en fait jamais assez pour la santé des concitoyens », n’est-ce pas le contrat tacite que les Français ont passé avec lui ? Que lui répondre ? Que ce n’est pas exact, qu’on accepte bien de contempler les épidémies de grippe saisonnière depuis des décennies, plus tueuses que cette grippe pandémique sans faire tant de bruit ni prendre tant de mesures ? Que l’on se contente de contempler 12 000 suicides par an et 7 ou 10 fois plus de tentatives sans prendre le problème véritablement à bras le corps (« un incident voyageur retarde temporairement la rame, veuillez nous excuser pour le retard occasionné »). Que l’on continue à enregistrer les dégâts du tabac, de l’alcool et des drogues sans mettre en œuvre des politiques réellement efficaces de prévention ? Que l’épidémie d’obésité est annoncée aussi par de nombreux experts, sans que le tocsin qu’ils sonnent ne rameute les foules ni les forces militaires dans des centres municipaux dédiés ? Certes, la santé publique est encore un parent pauvre de nos systèmes de santé, tous confondus, surtout quand ses dégâts sont au fil de l’eau, à peine perceptibles, non médiatiques. Une excellente analyse portant sur la prévention (« Vaut-il toujours mieux prévenir que guérir », à paraître en ligne le 16 mars 2010, centre d’analyse stratégique, gratuit en ligne) revisite l’idée a priori d’une efficience médico-économique automatique de la prévention. Ne seraient efficaces et rentables sur le plan économique que certaines mesures de préventions, et encore, lorsqu’elles sont ciblées sur les populations à risque. Donc même en ce domaine, il est plus rapide de jeter l’anathème que de proposer des mesures dont l’efficacité attendue serait indiscutable.

Le problème avec la grippe H1N1pdm est que nous avions affaire à une terreur collective, celle d’une pandémie due à un agent viral nouveau, grippal certes, mais nouveau, et appelé « pandémique », c’est-à-dire doté d’une force de propagation mondiale. Le catalogue des pandémies de grippe était peu fourni (trois dans le siècle précédent) et la première, la grippe espagnole, au bilan catastrophique, était survenue avant même que le virus grippal ne fut identifié par les hommes, avant l’ère de la virologie, discipline du vingtième siècle. Pas de quoi rassurer la classe politique aux commandes à l’heure de la résurgence de la souche (de même nom) de la première pandémie du nouveau siècle. Non, on peut retourner les choses dans tous les sens, le Ministre de l’Intérieur a probablement agi comme on aurait pu l’attendre de tout ministre de l’Intérieur, mais ce n’est probablement pas à l’épidémiologiste ni au journaliste de juger ces choses, de donner des satisfecits ou des blâmes, il y a des commissions ad hoc pour faire ce job.

Dans le discours du Directeur Général de la Santé, il y a un point qui méritera d’être creusé dans les mois qui viennent, c’est de comprendre pourquoi le Canada, la Suède, la Norvège et la Hongrie ont obtenu des taux de couverture vaccinale supérieurs à ceux des autres pays développés, dont notamment la France. La souche n’y était pas plus virulente. Alors – et nous travaillons sur cette question – quels sont les éléments qui pourraient expliquer ces différences ? C’est important, parce que si il devenait nécessaire un jour de vacciner rapidement une grande proportion de la population, il faudrait peut-être tirer les leçons de nos échecs de 2009. Nous n’avons sans doute pas échoué bien davantage que la plupart de nos voisins, mais nous avons échoué clairement à vacciner nos populations. Ce ne fut pas un manque de moyens. Ce ne fut pas un manque de préparation. Ce ne fut pas un manque d’information. Mais alors, ce fut quoi ? Quel est le dénominateur commun à tous les  pays qui ont échoué ? Et quel est le dénominateur de ceux qui ont mieux réussi ? Posons ces questions sans a priori, sans dogme, sans idéologie. Voilà ce que nous enseigne l’idéogramme chinois : c’est une « bonne occasion », sachons la saisir !

Antoine Flahault

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L’apocalypse en laboratoire

La démonstration en est faite: un redoutable virus de la grippe peut apparaître.

Comme beaucoup d’entre nous, les virologues sont des hommes. Ils restent aussi, parfois, de grands enfants qui aiment jouer avec les objets qu’ils étudient; au risque de se brûler les ailes. Dans le passé une démonstration en a été apportée: avec les (derniers?) stocks de virus de la variole jalousement conservés dans deux laboratoires hautement sécurisés, en Union soviétique et aux Etats-Unis.

La variole a certes disparu de la planète depuis trente ans (grâce à la vaccination) mais l’affaire demeure d’actualité: précisément parce que la maladie a disparu (et la vaccination obsolète) le virus à l’origine de cette maladie mortelle hautement contagieuse est désormais une formidable arme potentielle au service du bioterrorisme. C’est dire les passions secrètes que les hommes de la science virologique peuvent nourrir à son endroit.

La pandémie grippale n’est pas non plus sans intérêt. Nous connaissons tous les données de l’actuelle, durable et planétaire équation virologique. Le virus H5N1 (dit «de la grippe aviaire») ne parvient qu’au prix d’extrêmes turpitudes à infecter l’homme, la femme, l’enfant. Il faut semble-t-il pour cela que ces derniers soient durablement exposés au contact de volailles massivement infectées. Mais quand il parvient à ses fins, le H5N1 tue sa cible humaine plus d’une fois sur deux. Ainsi, selon les données officielles, ce virus aviaire a été à l’origine, directement ou non, de la mort de centaines de millions d’oiseaux sauvages et d’élevage. Dans le même temps, il a infecté 442 personnes et en a tué 262.

Combinaison du H5N1 et du H1N1

C’est dans ce contexte que l’OMS (suivie par les autorités sanitaires de nombreux pays industriels) a, il y a moins d’un an (et avec l’émergence du nouveau H1N1) obtenu la mise en œuvre de programmes drastiques prévention. L’un des scénarios catastrophes parmi les plus redoutés était alors de voir ces deux agents échanger l’un l’autre des fragments de leur matériel génétique: la voie ouverte, alors, à la déferlante planétaire dans les populations humaines d’un nouveau virus à la fois hautement pathogène (comme le H5N1) et très contagieux (comme le H1N1).

Ce scénario, on le sait aujourd’hui, ne s’est fort heureusement pas produit. Ce qui n’empêche nullement les virologues de tenter de comprendre pourquoi; et, donc, de tenter de le réaliser au sein de leurs laboratoires. C’est précisément ce que vient de réussir le virologue Yoshihiro Kawaoka et son équipe de l’Université de Wisconsin-Madison. Financés par les National Institutes of Health américains ainsi que par le gouvernement japonais ces travaux viennent d’être publiés sur le site des Proceedings of the National Academy of Sciences.

Les chercheurs ont ici développé des trésors d’ingéniosité expérimentale. Objectif: obtenir des échanges de matériels génétiques entre des souches du H5N1 (qui circulent actuellement dans différentes régions du globe) et des souches de H3N2 (virus lui aussi en circulation et l’un des responsables de nos dernières grippes saisonnières). Ils ont ainsi obtenu 254 types de virus «réassortis». Puis en expérimentant sur des souris de laboratoires ils ont découvert que certains des nouveaux virus hybrides ont hautement gagné en virulence par rapport au H5N1 d’origine. Création d’un monstre potentiel, en somme, à partir d’une simple hypothèse virologique.

Echange de matériel potentiel

«C’est inquiétant», explique Yoshihiro Kawaoka. A dire vrai c’est d’autant plus inquiétant que les travaux (publiés) conduits sur ce thème dans différents laboratoires spécialisés avaient toujours conduit à des souches virales hybrides,  moins virulentes que celle d’origine. Et l’inquiétude est désormais d’autant plus grande que rien n’interdit d’imaginer que cette rencontre (que cet échange de matériel génétique aux redoutables conséquences potentielles) puisse se faire un jour prochain quelque part dans le monde.

L’équipe de Yoshihiro Kawaoka va plus loin: elle pense avoir identifié la clef moléculaire de la nouvelle virulence créée sur leurs paillasses et dans leurs modernes cornues. Le nouveau danger semble directement provenir de l’un des huit gènes viraux (le PB2) passant du génome du H3N2 vers celui du H5N1.

Pour ces chercheurs, un tel résultat témoigne d’une absolue nécessité: maintenir coûte que coûte la double surveillance épidémiologique planétaire de l’évolution de la structure génétique et de la virulence des populations virales grippales. Faute de quoi on tarderait à identifier l’émergence d’un nouveau virus à la fois hautement contagieux et hautement pathogène. «Avec le nouveau virus pandémique H1N1, l’opinion publique a oublié l’existence du virus H5N1 de la grippe aviaire. Mais la réalité est que le H5N1 est toujours là, alerte Yoshihiro Kawaoka. Nos résultats laissent penser qu’un réassortiment entre le H5N1 aviaire et le H1N1 pandémique est possible; un réassortiment qui pourrait créer un virus H5N1 hautement plus pathogène.»

Question pour le futur: si cette funeste émergence devait survenir qui nous assurera que ces chercheurs ne sont pas, directement ou non, responsables?

Jean-Yves Nau

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Grippe A: Internet, le meilleur vaccin contre les rumeurs

Dans le billet précédent, je m’interrogeais sur l’adhésion des populations à la future proposition protectrice dans le cadre d’une nouvelle vague pandémique — et vaccinale qui en découlerait. Là encore, il n’est peut être pas trop tôt pour soulever la question. Dans ce contexte, la lecture d’un tout récent document (bientôt disponible sur Internet) est riche d’enseignements. Il s’agit  du rapport d’étape publié par l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) qui analyse les responsabilités des différents acteurs dans le plan national anti-pandémique français grippale. Ce document est le fruit des rencontres entre députés et sénateurs qui ont interrogé, depuis le mois de septembre, professeurs de médecine, chercheurs, réseaux de médecins, syndicats et représentants des diverses autorités sanitaires concernées. Selon ce rapport le plan, conçu à l’origine contre un risque de pandémie aviaire à très forte mortalité, a souffert de sa «rigidité» et d’un «manque de concertation et d’information».

Pour Claude Le Pen, spécialiste d’économie de la santé «celui qui porte en fait, aujourd’hui, la légitimité pour arrêter la politique de santé en France, c’est Internet, le média qui nie et voit de la manipulation partout. Il véhicule la contestation de toutes les superstructures sociales. Et traite la parole publique comme véhicule du mensonge».

Lecture voisine de l’historien Patrick Zilberman: «Internet, durant la pandémie grippale, aura joué le rôle d’une caisse de résonance alors que la communication gouvernementale aura fait preuve d’une timidité incroyable. Le site pandemie-grippale.gouv.fr n’est abonné à aucun des réseaux sociaux (Facebook et Twitter), qui sont justement capables de toucher une population à risque particulièrement rétive aux gestes barrières et à la vaccination.»

Et encore le Dr Michel Combier, président de l’Union nationale des omnipraticiens français: «du fait de la circulation des informations sur Internet, les médecins sont parfois, voire de plus en plus, les derniers informés de ce qui arrive aux patients: les réseaux d’observation de la grippe remontent des informations vers l’Etat, ce qui explique cette situation paradoxale: il faut souvent une démarche volontaire de notre part pour pouvoir obtenir ces informations».

Conséquence logique: la communication sur la grippe et sur la vaccination devrait être organisée différemment, dans un contexte marqué par le développement des outils de publication sur Internet et l’intense croisement d’informations non hiérarchisées, qui vont de la culture scientifique partagée à la circulation des rumeurs. On peut aussi voir plus loin. «Dans ces conditions, s’interroge la sénatrice (Verts) Marie-Christine Blandin, co-rapporteure (avec le député –UMP- Jean-Pierre Door) du travail de l’OPECST, la démocratie sanitaire ne devrait-elle pas prendre un virage, sociétal et historique, en intégrant l’importance croissante d’Internet, pour passer les crises de santé publique avec des échanges d’informations, des coopérations, de la concertation?»

Où la grippe et les vaccins nous conduisent ainsi donc, via la Toile, à (re)parler de «démocratie sanitaire».

Jean-Yves Nau

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Vous ferez-vous vacciner contre le H1N1 l’an prochain?

La «saison» 2009/2010 s’achève, la suivante est en cours de montage. Vous avez apprécié la première? La deuxième pourrait ne pas vous décevoir. On se moque bien sûr; et l’on a sans doute grand tort. Mais comment ne pas, parfois, prendre quelques distances avec l’objet de son étude? Comment ne pas être marqué par l’omniprésence de cette contagieuse et multiforme mise en scène pandémique? L’émergence du H1N1pdm n’a pas un an et, déjà, tous les regards se tournent vers le catalogue automne-hiver 2010-2011. Quelques rapides illustrations sur ce thème.

Depuis les hauteurs du lac de Genève, décidemment insubmersible,  l’OMS vient de publier son dernier bulletin à consonances prophétiques: le A(H1N1)pdm  risque fort de circuler l’hiver prochain dans les populations humaines de l’hémisphère nord. Et l’OMS de préconiser l’incorporation de ce nouvel agent pathogène dans les futurs cocktails vaccinaux élaborés contre  la prochaine vague grippale saisonnière. Retour à la normale, si l’on ose dire. On abandonne, cette fois, un vaccin unique produit en urgence comme ce fut le cas l’été dernier dans l’indifférence générale avant qu’un nombre croissant de voix s’élèvent pour critiquer cette stratégie, pour revenir sur des schémas plus traditionnels en quatre temps:

1 surveillance épidémiologique et virologique planétaire ;

2 recommandations formulées via l’OMS aux multinationales productrices de vaccins ;

3 élaboration progressive des associations vaccinales les mieux adaptées au prochain paysage épidémique et virologique ;

4 proposition de l’immunisation avec, en France, prise en charge par la collectivité pour les personnes exposées à un risque supérieur à la moyenne.

Le H1N1pdm avait bouleversé cet ordonnancement auquel l’opinion s’était progressivement adaptée sans, le plus souvent, véritablement s’y intéresser. Mais, et c’est sans doute l’information la plus importante, le H1N1pdm reste dans le paysage et sera associé aux autres souches vaccinales comme le H3N2  et une souche B déjà présentes cet hiver et qui, selon toute vraisemblance, continueront de cohabiter en 2010-2011 dans  l’hémisphère nord. L’OMS a donc d’ores et déjà décidé de recommander cette nouvelle association. Cette décision vient d’être prise à l’issue de la réunion d’experts qui, deux fois par an, formulent des recommandations vaccinales pour les deux hémisphères.

Quelle sera, à travers le monde, l’adhésion des populations à la future proposition protectrice? Il n’est peut être pas trop tôt pour soulever la question. En dépit des recommandations officielles des autorités sanitaires nationales (fondées sur des craintes qui se sont révélées progressivement inadaptées), la vaccination contre l’infection par le virus pandémique n’a pas rencontré l’écho attendu et de nombreux pays industriels disposent aujourd’hui de stocks considérables dont ils ne savent que faire et qu’ils peinent à revendre.

L’OMS annonce que tous les vaccins déjà conditionnés ne pourront être réutilisés mais que les fabricants ont en revanche la possibilité «théorique» de se servir des produits actuellement «en vrac». Selon l’OMS (qui envisagea un moment l’objectif d’une vaccination planétaire), environ 200 millions de personnes se sont faites vaccinées contre le H1N1pdm.

Question: les anticorps «anti-vaccinaux» que l’on a vu émerger, fleurir et se développer à haute vitesse ces derniers mois vont-ils réapparaître avec la prochaine campagne vaccinale? Que va-t-il en être des réactions souvent irrationnelles et les rumeurs innombrables dont nous avons souvent parlé sur ce blog? Comment les théoriciens du complot vont-ils intégrer la présence «diluée» du virus pandémique dans les doses vaccinales millésimées 2010/2011?

Et comment va-t-on gérer la somme des situations inédites qui se poseront alors, à commencer par celle des personnes déjà vaccinées contre le H1N1pdm (ou qui sont d’ores et déjà protégées sans le savoir)?

Jean-Yves Nau

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H1N1pdm : Veillées d’armes à Paris et Genève

Veillées d’armes à Paris et Genève

Cette pandémie grippale n’a pas échappé à une règle non écrite : celle qui veut que les grands phénomènes renvoient à l’usage itératif de métaphores guerrières. Filant ces dernières on pourrait aujourd’hui évoquer le concept de veillées d’armes.

Acte I. Paris tout d’abord. En deux points hautement stratégiques de la capitale on se prépare à enquêter ; ce qui, en démocratie, peut parfois se traduire par en découdre. Au Sénat tout d’abord, à l’Assemblée nationale ensuite. Dans chacun de ces deux palais de la République française une commission d’enquête va bientôt être constituée qui vont passer à la question les responsables de la campagne nationale de vaccination contre le H1N1pdm.

Une fois n’est pas coutume, depuis les splendeurs aujourd’hui givrées du jardin du Luxembourg ce sont les sénateurs qui ont les premiers ouvert le feu. Ainsi, sur proposition du groupe communiste et parti de gauche, le Sénat a donc décidé, jeudi, la création d’une commission d’enquête « sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe A(H1N1) ». Les adversaires (pour ne pas parler des deux coupables) sont d’ores et déjà bien ciblés. Avant même l’ouverture des hostilités le Dr François Autain, rapporteur de cette commission dénonce « une surévaluation des risques et une dramatisation ». Il entend dès lors  concentrer ses feux sur « le fait que ceux qui conseillent les laboratoires sont souvent ceux qui conseillent les gouvernements ». Airs de fifre connus. « Nos travaux, menace-t-il, devraient donc porter essentiellement sur ces liens incestueux qui expliquent la situation dans laquelle nous sommes : la France a le plus grand gap entre le taux de vaccinés (7 % de la population) et le nombre des doses commandées (94 millions) ». La désignation des membres de cette commission sénatoriale devrait être votée en séance le mercredi 17 février.

Quelques hectomètres en aval de la rive gauche de la Seine, à l’Assemblée nationale, c’est un autre médecin élu (le Dr Jean-Luc Préel ; Nouveau Centre) qui est « rapporteur de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur « la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne contre la grippe A(H1N1) ». » Ici la focale est élargie. Le Dr Préel : « il convient de s’interroger sur les méthodes qui ont conduit à un échec, avec seulement 5 700 000 Français vaccinés ». Ce vice-président de la commission des Affaires sociales souhaite « mettre l’accent sur la mise à l’écart des généralistes, au profit de dispositifs collectifs, ainsi que sur les modalités des réquisitions dont ils ont fait l’objet ». Le vote en séance pour la mise en place de la commission est fixé au 24 février auditionnera pendant six mois les principaux responsables du plan de vaccination, ainsi que les experts et les dirigeants de l’OMS.

Ce Blog, autant que faire ce peut, se fera au plus vite et au plus juste le fidèle écho de ces enquêtes et des affrontements sans précédents auxquels elles devraient donner lieu.  

Acte II. Genève ensuite, où à l’inverse il semble que l’on prépare l’armistice. La direction générale de l’OMS vient de faire savoir urbi et orbi qu’elle allait sous peu réunir un conclave baptisé  « comité d’urgence ». Objectif : demander aux devins dénommés experts si la vague maligne est bien sur le recul. Ou, pour parler comme le Dr Keiji Fukuda, responsable des  pandémies de grippe sur les rives du Lac Léman, si « le pic de la pandémie grippale H1N1 est passé ».

« L’OMS va demander à son comité d’urgence de se réunir à la fin du mois pour fournir à l’OMS un avis sur le fait de savoir si nous entrons dans une période d’après pic, a tenu à déclarer le Dr Fukuda lors d’une téléconférence comme toujours planétaire. Nous espérons que nous entrons dans cette phase, qui signifie que le pire est passé et que l’on se dirige progressivement vers une situation plus comparable à celle de la grippe saisonnière.» Le faux calme habituel après une tempête mois grave qu’annoncée ?

La réunion du conclave annonçant la fin des hostilités (comme toujours composé d’experts-prélats chargés de fournir des recommandations à l’OMS)  pourrait se tenir « dans la dernière semaine du mois de février » ; à la veille des Ides de mars. Attention : le Dr Fukuda a prévenu le monde que cette phase de « transition » ne signifiait pas pour autant que la pandémie  était terminée. Car si l’activité du H1N1pdm  est depuis quelques semaines en déclin dans l’hémisphère Nord les sentinelles de l’OMS a constaté son apparition dans des régions où il n’était pas présent jusqu’alors, et notamment en Afrique de l’Ouest et tout particulièrement au Sénégal. Alors, armistice ou pas ?

Acte III. Depuis Washington l’agence de presse Reuters nous mande la dépêche suivante : « La grippe A (H1N1) a peut-être tué 17.000 personnes aux Etats-Unis, dont 1.800 enfants, viennent d’annoncer les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Les CDC et l’OMS ont cessé, il y a de cela plusieurs mois, d’essayer de compter tous les cas effectifs.  L’OMS et le CDC estiment qu’il n’y a pas assez de tests à administrer pour vérifier que toutes les personnes souffrant de symptômes liés à la grippe  A souffraient bien de la maladie. C’est pourquoi les CDC effectuent leurs propres estimations à
partir de modèles recoupant plusieurs sources d’information. La pandémie a conduit à l’hôpital autant de personnes que durant la période de grippe saisonnière, mais la plupart étaient plus jeunes. En outre, cela a eu lieu lors de mois où il n’y a en principe pas de grippe.
Les CDC estiment entre 41 et 84 millions le nombre de cas de grippe H1N1pdm survenus aux Etats-Unis entre avril 2009 et le 16 janvier 2010. Durant cette période, entre 8.330 et 17.160 personnes sont mortes des suites de cette infection virale ; la fourchette moyenne  étant à 12.000.  Entre 880 et 1.800 enfants sont décédés, jusqu’à 13.000 adultes de moins de 65 ans et entre 1.000 et 2.000 personnes
plus âgées. En temps normal, les CDC estiment que 36.000 Américains meurent chaque année des suites de la grippe dont 90% ont plus de 65 ans. »

Jean-Yves Nau

USA, crash de 30 jumbos remplis de grippés : aucun survivant.

Avec les enquêtes en gestation, les questions de conflits d’intérêts devraient bientôt être mises à plat. Et ce sera probablement utile. Un conflit d’intérêt pose un sérieux problème lorsqu’il n’est pas dévoilé par l’expert dès lors qu’une institution légitimée pour le faire le lui demande. Ensuite, d’autres types de questions se posent, qui  ne sont bien souvent plus véritablement  du ressort de l’expert. Quand doit-on demander à un expert ses conflits d’intérêt (en dehors des cénacles habituels) ? Lors d’une interview radiophonique ou télévisée ? Pour un « journal papier » ou   sur un blog? Qui est légitime pour demander les conflits d’intérêt de l’autre ? Nous sommes régulièrement harangués à ce sujet par des blogueurs souvent anonymes qui n’envisagent pas un instant – eux – de déclarer s’ils  ont – ou pas- de tels conflits !

Que fait-on des déclarations de conflits d’intérêts ? A partir de quel moment, juge-t-on qu’elles disqualifient les propos de l’expert ? Où va-t-on dans la déclaration de ses conflits d’intérêts : jusqu’aux liens familiaux ? Et qu’appelle-t-on « la famille », jusqu’où peut-on aller sans violer la vie privée des personnes ? Et puis, se posent des questions plus philosophiques (d’aucuns prétendront qu’elles sont posées pour détourner l’attention vis-à-vis de l’essentiel) : les conflits d’intérêts ne sont-ils que des conflits mettant en jeu des rapports d’argent qu’entretient l’expert ? Qu’en est-il des rapports concernant le sexe, le pouvoir, l’honneur ? Nous ne vivons pas dans un monde aussi simpliste qu’on voudrait parfois le croire.

Les décomptes des conséquences des infections par le H1N1pdm commencent à se consolider. On apprend que la « grippette » de certains a causé plus de morts que ceux initialement rapportés. Cela fera-t-il un deuxième scandale après celui de la « pandémie inventée » ? Irons-nous vers le procès de la veille sanitaire, après celui de l’expertise sanitaire ? Ce n’est pas sûr, car le taquet qui protège d’un tel scandale est fourni par les prévisions dites « alarmistes » des experts, c’est-à-dire le plus souvent par les chiffres de la mortalité saisonnière de grippe. Tant que la mortalité par grippe H1N1pdm ne dépassera pas quantitativement celle atteinte par la grippe saisonnière de moyenne virulence , le profane se dira qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Même 17 000 morts « pandémiques » en comparaison des 36 000 morts « saisonnières » (en moyenne)  aux USA ne feront pas pleurer dans les chaumières. Et ce, alors même que l’analyse est rapide, encore peu étayée.

Outre-Atlantique nous avons en effet d’une part cette moyenne saisonnière de 36 000 décès attribués à la grippe et survenus pour l’immense majorité d’entre eux chez des personnes très âgées, le plus souvent très malades de surcroît. Ces décès sont même rarement identifiés par les médecins comme étant dus à la grippe : ce sont des « morts en excès » statistiquement identifiés sur les courbes de mortalité, mais jamais identifiés individuellement. Ces personnes  sont décédées en pleine vague de grippe sans que l’on sache très bien d’ailleurs le lien de cause à effet entre la grippe et la mort ; sans que l’on sache même si ces personnes avaient seulement été infectées avant leur décès par le virus de la grippe saisonnière.

Et nous avons d’autre part  entre 8 000 et 17 000 morts prématurées attribuées au H1N1pdm, survenues dans l’immense majorité chez des moins de 60 ans, dans une proportion non négligeable chez des jeunes en bonne santé, parfois chez des personnes dont on sait qu’elles souffraient d’un diabète ou d’un asthme (des maladies rarement mortelle en cas de grippe). Il s’agissait aussi parfois de femmes enceintes. Nous savons en outre  qu’il y a eu par centaine de milliers (aux USA) des hospitalisations lors de cette épidémie, dans des tranches d’âge jamais observées auparavant avec une telle fréquence. Des hospitalisations souvent dans des services réanimation, parfois dans des conditions acrobatiques, avec un traitement complexe (autant que coûteux) par ECMO (machine permettant l’oxygénation de l’organisme par membrane extracorporelle).

Alors quelle est la vraie question aujourd’hui ?  Probablement pas celle de savoir si « le » pic est derrière nous : oui, clairement, « un » pic est derrière nous. Plutôt celle de savoir ce que nous réservera le H1N1pdm durant les prochains hivers. Seront-ils à l’image de celui que nous venons de connaître ?  Une fois les polémiques dépassées, ne finirons-nous pas par  trouver ces hivers  un peu longs… sans vaccin ? Une dernière question : combien d’équivalents de jumbo-jets ayant fait le plein de passagers faudra-t-il  voir s’écraser sous nos yeux (en fin d’hiver) pour enfin se décider à réagir, à faire en sorte que plus de 9% de la population demande à (et puisse) être vaccinée pour éviter des milliers de morts prématurées ?

Antoine Flahault

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Continuer, coûte que coûte, à vacciner ?

Entre 20 et 30% de Français seraient déjà, « naturellement » ou pas, protégés

Après la transe, la pause ? La grippe pandémique ne fait plus beaucoup parler ; du moins dans cet espace à géométrie variable généralement qualifié, faute de mieux, de « médiatique ». Pour autant la machinerie institutionnelle et sanitaire est lancée que rien ne saurait brutalement arrêter. Ainsi en est-il de la vaccination. On le sait : les désormais fameux « centres dédiés », ces gymnases transformés durant quelques mois en dispensaires, ont retrouvé leurs sportifs en herbe. Mais on sait aussi que leurs portes fermaient quand les médecins généralistes et les pédiatres exerçant dans le secteur libéral avaient retrouvé toute latitude pour immuniser. En ce début du mois de février doivent-ils le proposer ? A qui et sur quelles bases rationnelles ? Les médias devenus silencieux à quels saints les praticiens doivent-ils désormais se vouer ?

En France, depuis le début de l’épidémie, 1 266 cas graves et 275 décès liés à la grippe ont été signalés. Parmi eux, 257 cas graves (20 %) et

42 décès (15 %) sont survenus chez des personnes n’ayant pas de facteur de risque. Ajoutons à ce constat quelques éléments officiels de réponse avec la précieuse aide du « Haut Conseil de la santé publique » (HCSP) qui vient d’émettre un avis « relatif à la pertinence de la poursuite à la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) 2009 (daté du 29 janvier 2010) ; avis qui, pour peu que l’on s’intéresse à lui, « doit être diffusé dans sa totalité, sans ajout ni modification » ; ce que les progrès de la toile numérisée autorisent désormais sans difficulté   http://www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspa20100129_pertH1N1.pdf

Cette vénérable institution avait été saisie le 6 janvier par le Pr Didier Houssin, Directeur général de la santé afin qu’elle donne un avis « sur la continuation de la campagne de vaccination pandémique en cours, et ce dans l’état actuel de la situation épidémiologique liée au virus grippal pandémique et de l’avancement de la campagne ». On peut l’écrire autrement : poursuit-on l’ouvrage collectif ou arrêtons-nous les frais ? Et comment se préparer au mieux pour la prochaine campagne de vaccination contre la grippe saisonnière 2010/2011 avec le A(H1N1)pdm  dans notre nouveau paysage épidémiologique ?

C’est peut dire que le HCSP joue, ici,  la prudence. Extraits :

« L’évolution de l’épidémie présente un caractère incertain. Les données épidémiologiques actuelles sont en faveur de la fin de la vague épidémique de grippe à virus A(H1N1)v. Toutefois, le virus continue à circuler et il est très probable que cette circulation perdure dans les

semaines à venir. L’hypothèse de la survenue prochaine d’une ou de plusieurs autres vagues pandémiques semble peu probable. En revanche, la possibilité d’une saison grippale 2010-2011 durant laquelle cette souche prédominerait est plus que vraisemblable. »

« L’épidémiologie de la grippe A(H1N1)2009 varie selon les pays avec, dans certains pays, une seule vague l’hiver et dans d’autres, comme le Mexique ou certaines parties des Etats-Unis, deux ou trois vagues successives d’intensité différente. Il n’existe pas de variations génétiques ou antigéniques significatives identifiées à ce jour chez les souches de virus A(H1N1)v analysées. »

Et le HCSP de rappeler quelques faits qui peuvent faire politiquement mal :

« L’objectif principal de la vaccination pandémique débutée à l’automne 2009 était la réduction du risque de formes graves et de décès. La maîtrise de la dynamique épidémique était également souhaitée mais s’est avérée hypothétique du fait de la mise à disposition tardive des vaccins pandémiques. Le bilan de la campagne de vaccination pandémique montre l’insuffisance de la couverture vaccinale obtenue : 5,74 millions de sujets, soit 9 % de la population française, ont été vaccinés à la date du 18 janvier 20102 [données du Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises]. »

Il ajoute :

« Il est difficile de déterminer le nombre de personnes ayant une immunité protectrice  car il s’agit aussi bien des personnes protégées par le vaccin ou par l’infection, y compris celles ayant présenté une forme clinique asymptomatique, que les sujets ayant bénéficié d’une pré-immunité. Les estimations produites par l’InVS sont en faveur d’une proportion de la population immunisée contre le virus A(H1N1) par une infection ou une vaccination récente qui se situerait, début janvier 2010, entre 19 % et 30 %, soit 12 à 18 millions de sujets. Ces valeurs sont proches de la proportion de la population qui devrait être immune pour interrompre la circulation virale (…) Ces résultats ne sont pas en faveur, sous l’hypothèse de la stabilité génétique du virus, de la survenue d’une vague épidémique de grande ampleur. »

On peut le dire autrement : la campagne de vaccination associée à la somme des contaminations virales visibles ou invisibles fait que la population française de l’Hexagone ne doit pas redouter de nouvelles attaques massives pandémiques.

Et au final, cette recommandation du HCSP au gouvernement français :

« (…) poursuivre la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1)2009 pour : les personnes estimées à risque de complications lors d’infection par le virus A(H1N1)v, quel que soit leur âge ; les personnels de santé et médico-sociaux les plus exposés au risque d’infection grippale et amenés à avoir des contacts fréquents et étroits avec des personnes grippées ou estimées à risque de complications. »

En ce qui concerne les personnes sans facteur de risque, le HCSP rappelle enfin (mais comment pourrait-il faire autrement ?) « que toute personne qui le souhaite doit pouvoir être vaccinée ».

Au total, donc, un avis architecturé, prudent autant que mesuré, a priori débarrassé de toute forme de conflit d’intérêts : en substance on peut raisonnablement réduire la voilure vaccinale. Or voici que nanti de cette réponse le Pr Didier Houssin vient de déclarer « Quotidien du médecin » que le gouvernement français ne modifierait nullement sa communication et continuera à exhorter les médecins à poursuivre la vaccination de la population générale. Comment comprendre ? « C’est parce que nous enregistrons un taux élevé de cas graves et de décès chez des personnes dépourvues de facteurs de risque que la question de réviser notre stratégie vaccinale ne nous semble pas aujourd’hui posée, alors que les données de pharmacovigilance confirment la très bonne tolérance des vaccins et que nous disposons des vaccins en nombre suffisant » explique le Pr Didier Houssin.  Pour lui « la modification de la communication officielle sur la vaccination est d’autant moins opportune que nous sommes en présence d’un virus qui, sans avoir subi de mutations génétiques ou antigéniques à ce jour, suscite des évolutions épidémiques un peu erratiques. Le Haut Conseil n’en disconvient pas, qui constate que le virus continue à circuler et qu’il est très probable que cette circulation perdure dans les semaines à venir. »

Quelle meilleure conduite à tenir pour les médecins libéraux  en charge de la vaccination ?  Le Pr Houssin distingue deux cas : « Les patients qui demandent à être vaccinés et qui, naturellement, doivent l’être, et ceux qui demandent conseil à leur praticien, qui doivent recevoir une réponse favorable à la vaccination. » Perfide ou pas Le Quotidien du médecin précise qu’au cabinet de Roselyne Bachelot, ministre de la santé, la question d’une suite officielle à donner à l’avis du HCSP, dix jours après sa publication est toujours à l’étude. Un premier symptôme d’un début de vacance ministérielle ?

Jean-Yves Nau

Un vaccin anti grippal aussi légitime que celui contre la méningite

Il est sans doute quelque peu difficile de faire des recommandations vaccinales pour une maladie dont on cerne mal encore le potentiel épidémique à venir. Certains éléments apparaissent néanmoins clairement aujourd’hui : le H1N1pdm s’est conduit comme les virus H1N1 saisonniers concernant la distribution d’âge des taux d’attaque. En clair, le profil d’âge des personnes qui ont été infectées par le virus H1N1pdm a été le même que celui de la grippe saisonnière H1N1.

Ce virus s’est montré en revanche, très différent de celui du H3N2 saisonnier qui attaquait surtout les personnes âgées (et les faisait mourir, mais très indirectement, essentiellement par décompensation de maladies graves pré existantes). Le H1N1pdm s’est attaqué aux jeunes, notamment aux très jeunes (de moins de deux ans), et très peu aux plus de 60 ans. Son agressivité directe (mesurée par la mortalité au décours d’une hospitalisation, Louie JK et coll, Jama, nov. 2009, résumé en anglais en ligne) s’est avérée supérieure chez les adultes jeunes et les personnes âgées par rapport aux enfants (et de même ordre de grandeur chez les personnes âgées et chez les adultes plus jeunes, contrairement à une idée reçue).

L’agressivité directe du H1N1pdm a été d’une extraordinaire intensité cet hiver, on l’a rappelé à plusieurs reprises, de l’ordre de cent fois celle attendue avec les souches saisonnières. Le rapprochement de l’épidémiologie de H1N1pdm avec les souches de méningocoques est de ce fait pleinement licite, notamment pour éclairer les décisions en matière de politique vaccinale. Le portage du méningocoque est sinon ubiquitaire, du moins largement répandu dans la population, le plus souvent selon l’expression clinique d’un portage asymptomatique ou pauci-symptomatique. Dans de rares cas cependant, sans d’ailleurs que l’on sache très bien pourquoi, la bactérie devient hautement invasive, entraîne une pneumonie grave ou un purpura fulminans, forme fortement létale de méningite.

On a dénombré 36 décès dus au méningocoque en 2002 en France. Le virus de la grippe H1N1pdm a tué 275 personnes de façon directe, en dehors des décompensations de maladies pré-existantes dont on ne connaît pas encore le chiffre aujourd’hui, mais qui pourrait être très inférieur à celui provoqué lors d’épidémies saisonnières H3N2, ce que l’on ne savait pas anticiper en juin, ni même en septembre 2009 ; et ce quoi qu’en pensent certains blogueurs qui continuent à croire sur notre site qu’on a sciemment voulu occulter une réalité que l’on aurait pu appréhender. Faut-il ici redire que nul ne savait ce que la mortalité indirecte allait provoquer jusqu’à ce que les premières estimations de cette mortalité indirecte soit transmises par les USA ou l’hémisphère sud, c’est-à-dire très tardivement ? Si cette incompréhension ou suspicion demeure, il nous faudra refaire un point à ce propos.

Le portage H1N1pdm était massivement asymptomatique dans la population. Même si la proportion exacte de ce portage n’est pas encore connue, les recherches actuellement en cours que nous conduisons sur des échantillons représentatifs de la population permettront de mieux l’évaluer. Le HCSP évalue avec l’InVS entre 19 et 30% (entre 12 et 18 millions) le nombre des infections H1N1pdm qui seraient survenues depuis le démarrage de la pandémie en France.

Que se passera-t-il l’hiver prochain ? Nul ne le sait. Une nouvelle épidémie H1N1pdm ? Possible. L’émergence d’une souche saisonnière H1N1 issue de H1N1pdm de 2009 ? Possible aussi, et très probable à terme, c’est-à-dire dès 2010-2011 ou sinon après. Le retour aux vieilles souches saisonnières H3N2 et/ou H1N1 ? Possible, mais peu probable, en raison de l’expérience apprise des pandémies passées.

Quelle différence entre les trois scénarios ? Le premier (H1N1pdm sans mutation) devrait se traduire par une épidémiologie amortie par l’immunité grégaire, acquise par la population tant par la vaccination (9%) que par l’infection naturelle (19 à 30% ?). Amortie mais probablement pas totalement gommée. Le deuxième scénario pourrait se traduire par une vague saisonnière d’amplitude habituelle, mais aux caractéristiques H1N1, c’est-à-dire attaquant davantage les jeunes que les personnes âgées, avec donc une mortalité indirecte restant faible. Le troisième scénario serait celui d’un retour à l’épidémiologie de la grippe saisonnière telle qu’on la connaissait avant la pandémie d’origine nord-américaine de 2009.

Si l’on table sur les deux premiers scénarios, le bien fondé de la vaccination pandémique est donc plus que légitime. Au moins avec la même légitimité que la vaccination contre la méningite à méningocoque. Eviter autant que possible la mortalité directe sera alors l’objectif affiché de lutte contre cette souche H1N1 pandémique ou dérivée (par légère mutation). Le vaccin « adjuvanté » devrait être efficace dans les deux cas, et l’on sait aujourd’hui sa bonne tolérance dans les populations qui l’ont reçu. Les personnes déjà vaccinées (ou naturellement contaminées durant l’hiver, mais comment le sauront-elles, en l’absence de tests sérologiques disponibles en routine ?) n’auront pas besoin de l’être à nouveau :  selon toute vraisemblance l’immunité conférée par la primo-vaccination/ primo-infection sera durable pendant plusieurs années contre la même souche, voire contre une souche légèrement mutée.

Le coût économique sera des plus modestes puisque le vaccin existe déjà et que les stocks permettent la vaccination en France. La restriction aux groupes à risques ? Mais quels groupes à risques : les diabétiques, les asthmatiques et les femmes enceintes ? Oui, certainement. Et ensuite : que fait-on des 42 décès sans facteurs de risque connus ? On les néglige, les accidents de la circulation automobile, les suicides et les cancers du poumon étant prioritaires ? Mais pourquoi accepterait-on ces 42 décès évitables chez des jeunes adultes en bonne santé alors que l’on cherche à contrer les 36 de la méningite cérébrospinale ? Parce que la grippe s’appelle grippe ? Parce qu’elle n’est pas grave dans l’inconscient collectif alors que la méningite a un nom qui à lui seul fait trembler ?

Non, Didier Houssin a raison de mon point de vue : le vaccin doit rester proposé à tous ceux, jeunes ou moins jeunes qui le souhaitent aujourd’hui. Il n’y a aucun intérêt en jeu dans l’affaire, puisqu’ils existent et sont déjà stockés. 1266 cas graves hospitalisés en réanimation pour une infection grippale en 2009, c’était du jamais vu en France lors d’un hiver normal. Certains veulent polémiquer aujourd’hui, c’est leur problème, qu’ils le fassent. D’autres ont aussi le droit de vouloir tout faire avec les moyens dont le pays dispose (et qui sont à disposition aujourd’hui), et sans en nécessiter de moyens supplémentaires, pour tenter d’augmenter la couverture vaccinale contre le H1N1pdm. Tenter ce n’est pas obliger. Tenter c’est vouloir convaincre.

Antoine Flahault

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