Super-héros, nouveaux saints patrons des villes

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Spiderman se balance de gratte-ciel en gratte-ciel à New-York tandis que la Ligue des Gentlemens Extraordinaires s’enfonce en sous-marin dans la Tamise. Improbables guides urbains, les super-héros de bande-dessinée incarnent l’esprit des villes où ils évoluent. Zoom sur New-York, Tokyo, Paris et Londres.

(Aparté: Mes camarades de Megalopolis s’apprêtent à sortir leur troisième numéro, j’ai d’ailleurs réadapté pour eux ma chronique sur la banlieue en BD. Megalopolis, c’est un excellent magazine sur la région parisienne, avec de l’enquête et du grand reportage, qui envisage Paris et sa banlieue non pas comme des espaces cloisonnés mais comme une seule métropole. Si vous êtes francilien, vous pouvez l’acheter en kiosques et si vous êtes un provincial curieux, en pdf sur leur site internet.)

Quand on me parle de métropole, je pense tout de suite à Metropolis de Superman, évidemment. Si on réfléchit un instant, qu’est-ce qui symbolise le mieux une métropole que ses super-héros? Les villes du Moyen-Âge avaient leurs saints-patrons, censés protéger la cité contre les épidémies, les guerres, la fatalité. Dans notre imaginaire contemporain, l’office est rempli par les vengeurs masqués. Dotés de pouvoirs plus ou moins extraordinaires, ils veillent sur la cité. La plupart du temps, ils sont attachés à une ville en particulier, voire à un quartier. Qu’ils soient policiers, justiciers en slip, détectives ou scientifiques, ils sont souvent bien plus que des personnages lâchés dans la ville. Ils sont la ville. Du coup, qu’est-ce que ces personnages nous disent des cités modernes? Tentative de réponse à travers quatre cités protégées, à leur façon, par des héros de bande-dessinées.

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Et si le rideau de fer avait traversé Paris ?

Parissoviets

Et si Paris avait été séparé en deux pendant la Guerre froide? Dernier exemple en date d’uchronie, un genre qui fait florès en bande dessinée.

Paris, 1951. La capitale est coupée en deux. Rive gauche, la France “libre”, où l’on paye en billets verts imprimés aux Etats-Unis. Rive droite, le secteur soviétique, où les portraits de Staline et de Maurice Thorez flottent sur un Arc de Triomphe à moitié démoli.

Voici le cadre de “Paris secteur soviétique”, la deuxième bande dessinée de la série “Jour J”, lancée il y a deux mois par Delcourt, et qui se propose d’offrir des one shots dans des univers uchroniques. Uchro-quoi? Du grec “chronos” auquel on ajoute le privatif “u”, l’uchronie définit ce genre particulier qui consiste à imaginer ce qu’aurait pu être l’Histoire si… En l’occurrence, si le débarquement de 1944 en Normandie avait été un échec, si les Alliés n’avaient progressé que depuis le sud de la France, si ils n’avaient pas rejoint les Russes au milieu de l’Allemagne mais aux portes de Paris.

Avec des “si”, on coupe du bois ou on crée des univers particuliers, propices à de nouvelles aventures. Ici, donc, le Berlin de 1961 devient Paris en 1951, et sert de cadre à une histoire policière et d’espionnage. A la faveur d’un sommet pour la paix à venir, le ca­pi­taine Saint-​Elme, ancien agent de la brigade des moeurs dans le secteur allié, est autorisé à traverser la Seine pour une enquête sur un tueur en série qui assassine pros­ti­tuée sur prostituée, du côté rouge. L’affaire commence à faire grand bruit dans la République populaire de France, et il ne s’agirait pas qu’elle parasite les pourparlers entre les deux blocs. Évidemment, le capitaine Saint-Elme est en fait un agent secret français piloté par les services anglais et américains dans un Paris devenu nid d’espions.

En 56 pages, on peut trouver que c’est un peu court pour appréhender complètement un nouvel univers ou alors considérer que ce qu’on entrevoit suffit à nourrir l’imagination. En tous cas, c’est bien la dimension démiurge de cette série de bande dessinées qui est la plus importante, même si les histoires en elles-mêmes sont bien ficelées. Dans la première, que je trouve meilleure de ce point de vue, les soviétiques sont arrivés (encore une fois, à croire qu’il y a des nostalgiques de l’URSS chez Delcourt) les premiers, mais cette fois-ci sur la Lune. Les Américains suivent de peu, et chacun se construit sa base, qui vit de plus en plus en autarcie vis à vis des affaires terrestres. Et alors que la tension monte sur la planète bleue, on apprend à se connaître (au sens biblique) et on fraternise sur son satellite.

L’uchronie, ce n’est pas nouveau

Delcourt n’innove pas vraiment en lançant cette série, toute réussie qu’elle soit pour le moment. Car l’uchronie n’est pas un genre nouveau à tel point que des chercheurs très sérieux planchent parfois depuis plusieurs années sur des scénarios alternatifs, comme cette équipe française qui vient de publier “1940 – Et si la France avait continué la guerre…“, chez Tallandier.

Les lettres de noblesses de l’uchronie ont été écrites en BD mais aussi en littérature. L’un de ses représentants les plus célèbres est l’écrivain Ray Bradbury. Dans sa nouvelle “Un coup de tonnerre”, l’auteur de science-fiction s’interroge sur l’Histoire et sur la façon dont une petite altération dans le passé peut considérablement changer le cours d’événements futurs. En 2055, on a appris à voyager dans le temps. Du coup, un groupe de chasseurs décident d’aller se faire un Tyrannosaurus Rex plusieurs millions d’années en arrière. Bien-sûr, ils font très attention à ne tuer qu’une bête qui aurait de toutes façons dû mourir quelques minutes après, afin de ne pas modifier quoique ce soit dans le futur, et ils restent tout le long de leur partie de chasse sur une plate-forme antigravité pour ne pas même poser pied à terre. Mais ça ne se passe pas comme prévu et un des personnage est contraint de poser un pied au sol. Quand il repart dans le futur, tout semble avoir légèrement changé. Il se rend alors compte qu’il a un papillon écrasé sous ses semelles (le fameux effet papillon). Le candidat démocrate qui l’avait emporté aux élections avant son départ est à présent battu par son rival fascisant…

Autre immense écrivain de science-fiction, Philip K. Dick s’est aussi essayé au genre avec une de ses oeuvres maîtresses, “Le maître du Haut Château”. L’auteur imagine que l’Axe a gagné la Seconde Guerre Mondiale et que les Etats-Unis sont occupés à moitié par les Allemands et à moitié par les Japonais. Dans une belle mise en abyme, Dick met en scène un écrivain qui essaye d’imaginer le futur si les Alliés l’avaient emporté. Évoquons aussi le cycle de Johan Heliot “La Lune seule le sait”, “La Lune n’est pas pour nous” et “La Lune vous salue bien”, qui détaille presqu’un siècle d’histoire remixée, depuis Napoléon III jusqu’à l’après-Seconde guerre mondiale, avec pour héros Jules Verne, Léo Malet et Boris Vian. J’aime beaucoup cette série, bien écrite et particulièrement futée dans sa manière de revoir le passé.

On pourrait multiplier les exemples d’uchronies littéraires, pour beaucoup l’oeuvre d’écrivains qui sévissent habituellement dans les genre de la science fiction ou de l’heroïc fantasy. Du coup, l’uchronie est forcément un peu catégorisée “genre de geeks” puisque ce sont eux qui sont réputés pour aimer le plus refaire l’histoire et se réfugier dans un mode modifié à souhait. D’ailleurs, elle est évidemment représentée dans deux loisirs apparentés “geeks”, le jeu de rôle et le jeu vidéo. Pour le premier, citons par exemple “RétroFutur”, un jeu édité par la défunte maison d’édition Multisim, et qui plongeait les joueurs dans des années 1950 revisitées après que des extra-terrestres soient rentrés en contact avec l’humanité à la fin du XIXème siècle. Dans le monde du jeu vidéo, il y a le célèbre “Command and Conquer : Alerte Rouge”, où tout le scénario part du postulat qu’Albert Einstein a conçu une machine à remonter le temps et s’en va gaiement assassiner Adolf Hitler:

On aime refaire l’histoire en BD

Et l’uchronie a bien entendu essaimé en bande-dessinée, il suffit de voir la liste dressée par Uchronie.com pour s’en convaincre. Puisqu’on parlait URSS en début de chronique, comment ne pas mentionner “Superman Red Son”, un comic scénarisé par Mark Millar et sorti chez DC en 2003. S’il ne s’agit pas de détourner l’histoire réelle, le comic imagine ce qu’aurait pu devenir Superman s’il était tombé de la planète Krypton en Union soviétique plutôt qu’aux Etats-Unis. Où comment le superhéros aurait pris la succession de Staline, répandu l’URSS de façon pacifique dans la quasi totalité du monde. Des opposants s’organisent toutefois, menés par un anarchiste déguisé en chauve-souris

La deuxième guerre mondiale et la Guerre Froide ont les faveurs des auteurs. Ce n’est pas vraiment une surprise: il est plus facile de refaire le monde en partant d’une date plus ou moins récente, et cela fait plus travailler l’imagination des gens qu’en partant de l’hypothèse que le Bal des Ardents n’aurait pas eu lieu.

On retrouve ainsi Bob Morane, dans les albums “La Guerre du Pacifique n’aura pas lieu” T1 et T2 notamment, qui est expédié par la Patrouille du Temps à Nankin en 1937, pour empecher l’affrontement. Bon, ce n’est pas le meilleur album d’une série, qui, depuis plusieurs années déjà, a quitté les rivages traditionnels de l’aventure pour se plonger dans la science fiction, parfois de manière un peu maladroite.

La série qui met sans doute le plus à mal notre relation au temps et à l’histoire est sans aucun doute “Vortex“, de Stan et Vince. Lors d’une expérience dans un laboratoire américain en 1937, des plans permettant de voyager dans le temps sont dérobés et les agents américains Tess Wood et Campbell sont chargés de les récupérer, jusqu’en 3020. Et sur dix tomes, tout ce beau monde se baladera dans le futur, dans l’Allemagne nazie, dans la Préhistoire, l’Egypte, au XIXème siècle… Je dois avouer que parfois j’étais un peu perdue.

C’est aussi les charmes de l’uchronie. Ajouter un “si” à un autre “si” puis encore un “si” et un zeste de “et puis” pour se retrouver avec un fort mal de tête mais la sensation jouissive d’avoir créé un nouveau monde.

(Vortex)

Laureline Karaboudjan

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Mon Paris en BD

Paris

(Cet article a été publié initialement dans le numéro 0 (préparatoire) du magazine sur le Très Grand Paris, Megalopolis, dont le numéro 1 vient de sortir. Courez l’acheter, c’est des petits jeunes qui se lancent.)

Quand j’étais petite, je ne connaissais pas Paris. Mais, grâce aux bandes dessinées, j’ai imaginé la capitale. Avec des monstres dans la Seine et des ptérodactyles dans le ciel…

Souvent, dans les rues de Paris, je cherche des petits cailloux. Il me faut les plus beaux, un peu biscornus d’un côté, plats de l’autre, pour que chaque rebond soit imprévisible. Une fois trouvé l’objet de mes désirs, je me prépare lentement. Je rentre la tête entre les épaules, je mets mes mains dans mes poches et commence à shooter dedans avec application, tout en grommelant.

Je ne me lasse pas, surtout quand je suis un peu ivre, de répéter à tout bout de champ des «par Toutatis» ou «les sangliers sont mal nourris». Quand j’étais petite, je n’habitais pas la capitale. Je ne la connaissais pas. Je l’ai découverte en lisant des BD, encore et encore. Une des premières, évidemment, fut Astérix et Obélix. Plusieurs fois, les deux moustachus durent s’y rendre, ce qui ne manqua pas de faire râler le vendeur de menhirs. Certes, pour découvrir le Paris d’aujourd’hui, ce n’était pas vraiment idéal. Paris n’est pas Lutèce et s’est étendu bien au-delà de l’île de la Cité.

Mais en lisant Astérix, j’ai tout de même appris l’essentiel de la culture parisienne: il y a toujours des embouteillages, il ne faut pas hésiter à s’énerver – «je travaille moi» ou «je me suis levé tôt» – et, par principe, il faut mépriser les provinciaux. Ils sont nombreux les Lutéciens/Parisiens à être venus dans le petit village d’irréductibles Gaulois. Entre le frère de Bonemine, l’aubergiste et sa femme insupportable, ainsi que la barde féministe, je n’en avais pas une très bonne image. Tous râleurs, tous égocentriques. Quand, aujourd’hui, je croise dans le 7e ou 16e arrondissement une femme avec un triple menton et l’air renfrogné, je me dis, «tiens c’est un descendant de la femme d’Orthopédix dans le Cadeau de César».

Je joue avec mon caillou un peu n’importe où. Parfois, ô malheur, je tape un peu trop fort, et il tombe dans le Canal Saint-Martin. Je ressens alors un grand moment d’abandon et de tristesse, mais on ne me verra jamais m’approcher trop près du bord, ça non ! J’ai trop lu Tardi pour me faire avoir. Je sais que dans ces eaux sombres, voire saumâtres, rôdent des bestioles bien plus inquiétantes que les femmes découpées en morceaux de Maigret.

Les dangers du Canal Saint-Martin

D’une seconde à l’autre peut surgir une immonde pieuvre rouge, telle que dans les aventures d’Adèle Blanc Sec. Venue je ne sais d’où, elle aime saisir les policiers en goguette, en prendre un pour taper sur l’autre et les manger goulûment. Pas folle, je préfère me tenir à carreau, je ne veux pas lui servir de dessert. Quand, collée contre les murs des immeubles, je regarde les jeunes s’enivrer à la tombée de la nuit presque les pieds dans l’eau, je ne peux m’empêcher de sourire. Pauvres fous, ils ne savent pas.

Tardi m’a appris beaucoup d’autres choses très utiles. J’ai la chance d’habiter tout près du Muséum national d’Histoire naturelle, dans le cinquième arrondissement. Tous les gens du quartier le savent, il faut éviter de regarder en l’air quand, tard le soir, vous rentrez chez vous. Abritez-vous toujours dans les recoins, et lorsque le vent se met à siffler plus que de raison, précipitez-vous sous le premier auvent venu. Et priez. Dans l’épisode Adèle et la Bête, la jeune femme affronte un Ptérodactyle, éclos par miracle dans le Muséum. Malheureusement, Adèle n’a pas été très efficace et l’infâme bête rôde toujours, même si l’actuel maire de l’arrondissement, Jean Tibéri, fait tout pour étouffer l’affaire. Je soupçonne sa femme, Xavière, de venir personnellement la nourrir – entre incomprises, le courant passe. On me dit qu’il était 4 heures du matin, on me susurre que j’avais trop bu ou trop fumé, mais la bête, je l’ai déjà vue trois fois.
C’était un 1er décembre, je descendais la rue Geoffroy Saint Hilaire. Je longeais le mur du Jardin des Plantes quand les feuilles des arbres touffus ont commencé à s’agiter. J’ai entendu un battement d’ailes, j’ai vu une ombre et perçu un rire strident. Je me suis jetée à terre en signe de soumission. Devant moi, un couple de Japonais a été emporté, sans vraiment comprendre. Le Parisien n’en a pas parlé, je crois qu’on n’a jamais retrouvé les corps. La dernière fois, un 30 août, je traversais le fleuve vers Austerlitz quand j’ai vu la bête passer au-dessus de moi, couvrant la lune de ses ailes déployées. C’était beau.

Je n’ai pas appris les bons trucs de survie qu’avec Tardi. Avec sa bédé Jérôme K. Jérôme Bloche, Alain Dodier m’a bien rendu service. Il habite au 39 rue Francoeur dans le 18e arrondissement de Paris, derrière le Sacré Coeur. En théorie seulement, puisqu’en réalité la rue ne va pas jusqu’au 39 mais s’arrête au 33 ; je suppose que c’est de cet immeuble dont il parle. La concierge décrit le détective privé comme un garçon «gentil mais un peu timide, toujours à s’excuser avant de demander». Grâce à Jérôme K., mais aussi Monsieur Jean de Philippe Dupuy et Charles Berberian un peu plus tard, je sais que les concierges sont les créatures qui ont le plus de pouvoir à Paris. Elles contrôlent le courrier, les clefs, les rumeurs. Elles sont petites, grasses et ont de la moustache.

Depuis la lecture des aventures du détective, j’aime monter sur les toits de Paris. On peut presque traverser la ville d’un toit à l’autre. Je me pose contre une cheminée rouge un peu branlante et je regarde au loin le démon de la Tour Eiffel ; j’écoute des concerts clandestins ou j’espionne le détective rouquin qui tripote sa copine Babette. Mais je sais qu’il faut toujours se munir d’un parapluie en acier pour se protéger des fléchettes empoisonnées. Des admirateurs de l’ombre emplumée, qui a donné tant de fil à retordre à Bloche lors de son premier album, rôdent toujours. Je sais aussi que si quelqu’un vous menace de vous tuer dans un cimetière, celui de Montmartre par exemple, il faut dégainer le premier et viser à droite car, à cause d’une malformation, c’est là que se trouve le cœur des tueurs à gages.

Le Paris de Bloche ressemble à celui de Tardi. Souvent la nuit, souvent sous la pluie, souvent dans des coins un peu obscurs et glauques. Mais Jérôme est le plus mignon, surtout quand il dévale les rues du 18ème avec son solex. Je crois qu’il n’y a plus que lui et le journaliste Alain Duhamel à utiliser ce genre d’engin dans Paris. Ils pétaradent gaiement et aiment se moquer des vélibs qui n’arrivent pas à monter les côtes.

A Châtelet, des monstres en flammes

La BD m’a souvent donné de bons conseils avant d’arriver à Paris, mais parfois, j’ai l’impression qu’elle m’induit en erreur. Je pensais que tout le monde avait une moustache, portait des chapeaux melons dans des rues grises, sales et pluvieuses. J’ai aussi cherché les hôtels où descendent tous ces personnages : Hôtel chez Léo et du Cirque, mais ils n’existent pas. Je suis bien allée rue du Cirque dans le huitième, tout près de l’Elysée, pour en être certaine, mais il n’y avait que des vieilles dames avec des caniches et des attachés parlementaires. De bien tristes clowns.

Sur les traces de l’auteur Pétillon, j’ai cherché la rue Pfuit où se déroule l’histoire abracadabrantesque, Une sacrée salade. Les gens y courent très vite avec des imperméables un peu étranges et des femmes de mauvaise vie. Ça tire, ça meurt la bouche ouverte, ça explose, ça baise dans les coins, on est dans un rêve fantasmagorique et coloré, les flics sont impuissants et Jésus, représenté tel un clochard, se demande : «Reverrais-je jamais le Faubourg Saint-Denis ?» En arrivant à Paris, je voulais absolument habiter dans cette rue amusante, que je supposais proche des Grands Boulevards, mais elle n’existe pas ! J’en ai longtemps voulu à Pétillon. Pfuit, tout fout le camp.

Cela me rappelle ma première fois à Châtelet. Il y avait les lignes 1, 4, 7, 11 et 14 et les RER A, B et D. Jusque-là, rien d’anormal. Mais où était donc l’entrée vers l’hyperespace, vers Cassiopée ? L’auteur Mézières est pourtant formel dans le neuvième tome des aventures de Valérian et Laureline. A Châtelet, il y a des monstres tout en flammes et des départs réguliers vers Galaxity, la capitale terrienne du futur. J’ai eu beau chercher dans toutes les rames, je n’ai rien trouvé. J’ai cru un moment que Monsieur Albert, l’agent secret de Galaxity au 20e siècle, se cachait sous les traits du violoniste chinois qui est souvent sur la ligne 11 ou la 1. Mais, quand je lui ai demandé si les Foudres d’Hypsis allaient s’abattre sur nous, il m’a regardé sans comprendre. L’ignorant.

Et cet épisode récent de Spirou et Fantasio, Paris sous Seine, où tout le quartier de Beaubourg est englouti ! Je suis allée l’autre jour demander aux commerçants si les dégâts des eaux n’avaient pas été trop importants. Ils se sont moqués de moi. Je n’ose pas non plus traîner du coté de Botzaris. Un épisode d’Adèle Blanc Sec se termine sur cette question énigmatique : «Que se passe-t-il aux Buttes Chaumont ?» J’y suis donc allée et j’ai questionné les gens. Ils m’ont regardée bizarrement. «Que voudriez-vous qu’il se passe aux Buttes Chaumont, voyons !» Je ne sais pas, mais je sais que je ne suis pas folle.

Laureline Karaboudjan

Illustration : Montage de Laureline Karaboudjan

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