Vaccins : les généralistes retournent leur veste !
Fin octobre on découvrait que près de la moitié des médecins généralistes français déclarent ne pas souhaiter se faire vacciner contre l’infection par le nouveau virus grippal H1N1 (Slate du 28 octobre). Mi novembre les Français apprennent que ces mêmes généralistes réclament de pouvoir vacciner leurs patients non pas dans les dispensaires publics prévus à cet effet mais bien dans le cadre de l’exercice libéral de leur cabinet. Une volte-face en deux semaines. Comment comprendre ?
On nous fera remarquer, non sans raisons, les failles d’un tel raccourci ; des failles de nature méthodologique et statistique. Les chiffres de la fin octobre émanaient d’un sondage conduit sous l’égide de trois organisations qui ne sont en rien (bien au contraire!) contre la nouvelle vaccination anti grippale (1). Quant aux velléités vaccinales aujourd’hui exprimées par le corps des généralistes elles émanent de divers responsables syndicaux dont la représentativité, comme souvent en France, pose certes question. Il n’en reste pas moins vrai que l’on est bien ici confronté à une série de questions sanitaires stratégiques et fondamentales ; des questions qui dépassent de loin l’actuelle menace pandémique. De ce point de vue l’équation est éclairante, pour ne pas dire passionnante.
Résumons. Le sondage dont Slate.fr avait donné en avant-première, les résultats semblaient sans équivoque. Cette étude nationale avait été menée à partir de 3.530 réponses de praticiens recueillies entre le 17 et le 27 octobre. Reprenons-en ici les principales conclusions :
Ces mêmes résultats indiquaient en outre que près d’un quart des médecins volontaires pour se faire vacciner n’étaient pas décidés à prêcher la bonne parole immunisante.
En quelques jours le paysage a radicalement changé Au fur et à mesure que l’on prenait la mesure de la faible réponse collective aux propositions gouvernementales de vaccination (on pourra peut-être bientôt parler de fiasco) les organisations syndicales médicales sont montées en ligne.
L’affaire est aujourd’hui bien résumée par notre consoeur Sandrine Cabut dans les colonnes « Sciences-Médecine » du Figaro.
Extraits : « Exclus jusqu’ici du dispositif, les médecins de ville montent au créneau pour être autorisés à réaliser les injections dans leurs cabinets. ‘’Prétendre vacciner à large échelle en court-circuitant ceux qui connaissent le mieux les Français, les généralistes et les pédiatres, c’est prendre tous les risques d’un échec’’, s’insurge le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le principal syndicat de médecine libérale. Associée à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), la CSMF demande instamment au gouvernement de rectifier le tir, en adaptant l’organisation de la vaccination. ‘’C’est une aberration que le protocole soit si compliqué. Plus il y a de réticences, plus il faudrait le simplifier, note pour sa part le Dr José Clavero, porte-parole de l’Union régionale des médecins libéraux d’Ile-de-France. Nos patients ont envie d’être vaccinés par quelqu’un qui les connaît, pas par un anonyme. Avec la proximité, il est plus facile de discuter et de convaincre’’. Le principal syndicat des médecins généralistes, MG France, est sur la même ligne. »
En substance : pourquoi ne pas nous nous avoir demandé de participer à l’effort vaccinal et national ? Solidarité véritable ? Corporatisme libéral intéressé ? Urgence sanitaire ou opportunisme ? Comment trancher ? Nous reviendrons bientôt (avec ou sans son aide) sur les propos que vient de tenir, ce 16 novembre sur RTL, le Pr Didier Houssin directeur général de la santé. L’organisation de la vaccination ? « Un enfer logistique !»
Jean-Yves Nau
(1) Il s’agissait de la Coordination médicale hospitalière (CMH) , du syndicat MG France, et du syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (SNAM HP) Parmi les responsables de cette initiative figurent les Dr François Aubart (Président de la CMH), Robert Cohen (professeur de pédiatrie), Olivier Goeau Brissonière (président de la FSM), Bruno Housset (professeur de pneumologie), Martial Olivier Koerhet (président de MG France), Bernard Régnier (professeur de réanimation médicale) et Roland Rymer (président du SNAM HP).
Réconcilier les Français avec la vaccination
Il y a quelques semaines, j’ai été invité par une dynamique Amicale de médecins libéraux d’une ville de banlieue parisienne pour échanger avec eux durant toute une soirée au sujet de cette pandémie. Il y avait aussi quelques pharmaciens. C’était précisément au moment où paraissaient les résultats de divers sondages concernant les réticences sur les professions de santé vis-à-vis de la vaccination en France. Les témoignages que j’ai pu recueillir m’ont conduit à des conclusions moins à l’emporte-pièce que ces résultats ne le suggéraient.
Ainsi, les médecins généralistes que j’ai rencontrés, dont on pourra toujours penser qu’ils n’étaient pas représentatifs de leur profession (ils étaient cependant presque tous présents, m’a assuré le président de l’Amicale), n’étaient pas particulièrement hostiles à la vaccination. En revanche, ils étaient unanimement mécontents de la façon dont elle avait été mise en place. Sans eux. Enfin, pas vraiment sans eux. Ils avaient été récemment convoqués par la mairie pour indiquer les heures de permanence qu’ils étaient prêts à assurer volontairement. Presque tous avaient répondu présent à l’appel civique. Mais en posant certaines conditions : ils souhaitaient notamment dans leur grande majorité que ces permanences s’effectuent après leur travail, entre 18h et 22h, entre midi et deux heures, ou le samedi après-midi. Ils pensaient d’ailleurs offrir des plages horaires de nature à satisfaire les personnes qui travaillaient elles-mêmes. Mais c’était sans compter sur les horaires des personnels de la mairie qui a unilatéralement décidé d’ouvrir aux strictes heures ouvrables les gymnases pour ces vaccinations : du lundi au vendredi de 9h à 12 et de 14h à 16h. Eh hop, réglé d’un coup. Ca ne s’invente pas.
Les médecins ont alors boudé, c’est vrai. Si ce sont eux que vous sondez, peu après, pour connaître leur sentiment sur le dispositif national mis en place, vous imaginez leur réaction. Ces médecins étaient plutôt civiques au départ, prêts à participer à l’effort collectif, à fermer un peu plus tôt leur cabinet pour aller vacciner puisque l’on refuse qu’ils fassent les mêmes gestes dans leurs cabinets. En revanche, ils étaient devenus très déterminés à attendre les réquisitions du préfet pour fermer leurs cabinets aux heures ouvrables compte-tenu du refus de toute écoute municipale.
Alors retournent-ils leurs vestes aujourd’hui ? Pas sûr. Peut-être disent-ils plus haut, ce qu’ils disaient entre eux dans leurs Amicales : « confiez-nous cette mission, et nous la ferons mieux que vous, vous verrez ! » Chiche ? Et si c’était vrai ? Si l’on confiait aux pharmaciens une partie de ces stocks si difficiles à écouler dans les gymnases municipaux et aux médecins généralistes la possibilité d’injecter ces vaccins, sereinement, dans leurs cabinets, peut-être inverserions-nous la tendance actuelle ? Peut-être pourrions-nous réconcilier les Français avec cette vaccination dont on a la chance qu’elle ait pu être disponible en un délai record ?
Antoine Flahault
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