Les digues tiendront-elles en Ukraine?

Des informations épidémiologiques assez alarmantes sont émises depuis quelques jours depuis l’Ukraine. Dimanche 1er novembre le président  Viktor Iouchtchenko a officiellement demandé une aide d’urgence aux Etats-Unis, à l’Union européenne, à l’Otan et aux pays voisins de l’Ukraine afin d’enrayer une vague épidémie grippale croissante. « La menace qui pèse actuellement sur le sécurité nationale de l’Ukraine et que nous ne pouvons neutraliser par nos seules forces m’oblige à demander une aide d’urgence à nos amis proches et partenaires stratégiques » reconnaît le président Ioutchtenko. L’Ukraine réclame des médicaments et des équipements de première nécessité «  pour lutter efficacement contre la propagation de l’épidémie ». Les écoles ont été fermées dans tous le pays pour trois semaines.

Le ministère ukrainien de la Santé a annoncé le même jour que soixante personnes sont mortes de la grippe à la suite de difficultés respiratoires aiguës sans pour autant dire si tous les cas étaient dus au nouveau virus pandémique (ce nombre est passé à 64 le 2 novembre 2009).  Au total on aurait recensé près de 200 000 cas de grippe, pour l’essentiel dans l’ouest du pays (régions de Ternopil, de Lviv et d’Ivano-Frankivsk). Dans plusieurs villes comme dans la capitale de premiers mouvements de panique ont été observés. L’épidémie aurait conduit à  7 500 hospitalisations et une centaine de personnes seraient actuellement dans des unités de soins intensifs. Plusieurs pays voisins ont d’ores et déjà répondu à l’appel à l’aide de Kiev parmi lesquels la Slovaquie et la Pologne. La Slovaquie a ainsi adressé 200.000 masques individuels de protection. L’Ukraine est actuellement en pleine campagne électorale pour l’élection présidentielle du 17 janvier. Les mesures préventives devraient contraindre les candidats à annuler leurs meetings.

Cette situation n’est pas sans rappeler une gestion de crise un peu analogue au Mexique aux tout premiers jours de l’émergence pandémique, puis cet été à l’Ile Maurice ou encore – à un moindre degré – en Argentine (où des considérations électorales ont probablement aussi interféré dans la gestion de la crise), au Chili, et en Nouvelle Calédonie. A chaque fois les digues ont tenu. Les premières réactions de panique de la population ont fini par céder, les hôpitaux se sont désengorgés et tout est progressivement revenu à la normale.  Mais les taux d’attaque clinique n’ont pas été, semble-t-il, très élevés ne dépassant jamais 15% de la population.

Qu’en est-il cette fois pour l’Ukraine ? Il semble qu’en moins d’une semaine, les hôpitaux aient été débordés, les soins intensifs saturés. L’Ukraine avait un PIB de 1516 $ par habitant en 2005 le situant à la 148ème place mondiale sur 224 pays, soit à deux places derrière le Maroc. Le Mexique est à la 80ème place avec 7154 $ par habitant, la France à la 16ème place avec 35 854 $. La question cruciale va être de savoir si les autorités ukrainiennes parviendront  à maintenir à flot leur système de santé à flot et les structures stratégiques du pays en état de fonctionnement.

L’urgence ?  Pour l’heure  c’est d’isoler la souche circulante, de s’assurer qu’il s’agit bien du même virus et de la même souche. Il faudrait aussi identifier au mieux les causes de décès, disposer du résultat des autopsies des personnes décédés à l’hôpital, faire la part des morts attribuables directement à l’infection virale, envisager la part attribuable aux surinfections bactériennes. Si le virus grippal est principalement en cause et qu’il est resté sensible aux antiviraux, l’utilisation massive de Tamiflu, et les masques de protection, en plus de la fermeture des écoles pourrait aider le pays à passer le cap difficile.

Antoine Flahault et Jean-Yves Nau


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