La «saison» 2009/2010 s’achève, la suivante est en cours de montage. Vous avez apprécié la première? La deuxième pourrait ne pas vous décevoir. On se moque bien sûr; et l’on a sans doute grand tort. Mais comment ne pas, parfois, prendre quelques distances avec l’objet de son étude? Comment ne pas être marqué par l’omniprésence de cette contagieuse et multiforme mise en scène pandémique? L’émergence du H1N1pdm n’a pas un an et, déjà, tous les regards se tournent vers le catalogue automne-hiver 2010-2011. Quelques rapides illustrations sur ce thème.
Depuis les hauteurs du lac de Genève, décidemment insubmersible, l’OMS vient de publier son dernier bulletin à consonances prophétiques: le A(H1N1)pdm risque fort de circuler l’hiver prochain dans les populations humaines de l’hémisphère nord. Et l’OMS de préconiser l’incorporation de ce nouvel agent pathogène dans les futurs cocktails vaccinaux élaborés contre la prochaine vague grippale saisonnière. Retour à la normale, si l’on ose dire. On abandonne, cette fois, un vaccin unique produit en urgence comme ce fut le cas l’été dernier dans l’indifférence générale avant qu’un nombre croissant de voix s’élèvent pour critiquer cette stratégie, pour revenir sur des schémas plus traditionnels en quatre temps:
1 surveillance épidémiologique et virologique planétaire ;
2 recommandations formulées via l’OMS aux multinationales productrices de vaccins ;
3 élaboration progressive des associations vaccinales les mieux adaptées au prochain paysage épidémique et virologique ;
4 proposition de l’immunisation avec, en France, prise en charge par la collectivité pour les personnes exposées à un risque supérieur à la moyenne.
Le H1N1pdm avait bouleversé cet ordonnancement auquel l’opinion s’était progressivement adaptée sans, le plus souvent, véritablement s’y intéresser. Mais, et c’est sans doute l’information la plus importante, le H1N1pdm reste dans le paysage et sera associé aux autres souches vaccinales comme le H3N2 et une souche B déjà présentes cet hiver et qui, selon toute vraisemblance, continueront de cohabiter en 2010-2011 dans l’hémisphère nord. L’OMS a donc d’ores et déjà décidé de recommander cette nouvelle association. Cette décision vient d’être prise à l’issue de la réunion d’experts qui, deux fois par an, formulent des recommandations vaccinales pour les deux hémisphères.
Quelle sera, à travers le monde, l’adhésion des populations à la future proposition protectrice? Il n’est peut être pas trop tôt pour soulever la question. En dépit des recommandations officielles des autorités sanitaires nationales (fondées sur des craintes qui se sont révélées progressivement inadaptées), la vaccination contre l’infection par le virus pandémique n’a pas rencontré l’écho attendu et de nombreux pays industriels disposent aujourd’hui de stocks considérables dont ils ne savent que faire et qu’ils peinent à revendre.
L’OMS annonce que tous les vaccins déjà conditionnés ne pourront être réutilisés mais que les fabricants ont en revanche la possibilité «théorique» de se servir des produits actuellement «en vrac». Selon l’OMS (qui envisagea un moment l’objectif d’une vaccination planétaire), environ 200 millions de personnes se sont faites vaccinées contre le H1N1pdm.
Question: les anticorps «anti-vaccinaux» que l’on a vu émerger, fleurir et se développer à haute vitesse ces derniers mois vont-ils réapparaître avec la prochaine campagne vaccinale? Que va-t-il en être des réactions souvent irrationnelles et les rumeurs innombrables dont nous avons souvent parlé sur ce blog? Comment les théoriciens du complot vont-ils intégrer la présence «diluée» du virus pandémique dans les doses vaccinales millésimées 2010/2011?
Et comment va-t-on gérer la somme des situations inédites qui se poseront alors, à commencer par celle des personnes déjà vaccinées contre le H1N1pdm (ou qui sont d’ores et déjà protégées sans le savoir)?
Jean-Yves Nau
lire le billetEtrange période sur les fronts de la pandémie. Quand Barak Obama décrète l’état d’urgence aux Etats-Unis, l’Hexagone se prend de passion pour un match de football (Olympique de Marseille –Paris Saint-Germain) annulé en catastrophe au motif que trois joueurs parisiens étaient infectés par le nouveau virus. Etrange réglementation sportive née avec le A(H1N1), qui impose le diagnostic virologique spécifique, et met les supporters en fureur. Que se serait-il passé si les trois joueurs avaient été victimes de la grippe saisonnière ? Interrogés avec véhémence les responsables du football professionnel français cachent bien mal leur embarras. Comme les responsables politiques ils se réfugient derrière les « experts », évoquent le principe de précaution, se drapent dans le nécessaire respect de la santé publique et y ajoute, c’est nouveau, celui de l’équité sportive. Quant aux responsables politiques il a fallu que ce soit Le Premier ministre lui-même qui monte en première ligne. Et François Fillon d’intervenir ainsi publiquement pour réclamer désormais « un préavis de 24 heures » avant une annulation de match pour cause de grippe pandémique. On imagine d’ores et déjà la suite des évènements.
Dans un tel contexte deux questions méritent d’être posées. La première est de savoir pourquoi personne n’a songé à pouvoir vacciner en priorité les joueurs de football professionnels. La seconde est de savoir s’ils auraient accepté.
Car parallèlement à celle du virus les étranges rumeurs anti-vaccinales ne cessent de circuler. La dernière en date vise le groupe pharmaceutique suisse qui vient de démentir que l’un de ses vaccins pourrait ne pas recevoir le feu vert des autorités sanitaires helvétiques en raison de mystérieuses contaminations bactériennes. Dénommé Celtura, ce vaccin est produit à partir de cultures cellulaires à la différence des autres vaccins anti-grippaux qui sont presque tous produits à partir d’œufs de poules embryonnés.
Citant une même source à la fois qualifiée d’ « anonyme » et de « proche du dossier » le quotidien Tages-Anzeiger affirmait samedi 24 octobre que des contaminations bactériennes avaient été relevées dans les lots vaccinaux testés par Swissmedic, l’autorité sanitaire suisse chargée d’accorder ou pas le feu vert au vaccin. Contactée par différents médias, dont l’Agence France Presse Swissmedic a indiqué qu’elle ne pouvait « ni confirmer, ni infirmer » les informations publiées par le Tages-Anzeiger.
La réponse de l’autorité de régulation sera connue dans quelques jours. « Il n’y a pas de contamination pour le Celtura, le procédé de production est bien plus propre que par des oeufs de poules » a déclaré depuis Bâle un porte-parole du géant pharmaceutique suisse oubliant que ce dernier commercialise déjà Focetria, vaccin adjuvanté produit …. sur œufs de poules.
Peu avant cette nouvelle controverse Roselyne Bachelot, ministre française de la Santé s’était une nouvelle fois mise en colère à propos des oppositions persistantes à la vaccination dans la population française et dans la sous-population des professionnels de santé. La ministre était, jeudi 22 octobre l’invitée du LEEM (Les Entreprises du Médicament) dans le cadre de la soirée de clôture de la « semaine de dialogue sur le médicament ». La ministre a profité de cette occasion pour rappeler fermement à l’ordre tous ceux, patients et professionnels de santé, qui ont « un réflexe d’enfant gâté » en refusant de se faire vacciner contre le virus H1N1, et qui risquent ainsi, selon elle, «de se contaminer eux-mêmes, de contaminer leurs proches, ou de contaminer leurs patients s’ils sont professionnels de santé».
Selon Le Quotidien du Médecin Roselyne Bachelot a trouvé des « accents lyriques » pour tenter de les convaincre de se rendre dans les centres de vaccination : « Je demande aux Français de ne pas avoir la mémoire courte. Je vois se développer des campagnes qui dénigrent globalement la vaccination. Est-il si loin le temps où notre pays était émaillé de sanatoriums, est-il si loin le temps où des dizaines de milliers de Français restaient handicapés, parfois lourdement, après une poliomyélite, est-il si loin le temps où l’on mourrait du tétanos en faisant son jardin (on en meurt encore un peu quand on n’a pas fait les rappels de vaccination), est-il si loin le temps où les enfants mourraient dans les bras de leur mère de la diphtérie, de la coqueluche ou de la rougeole ? Réfléchissez un peu à ce que demandent les mères africaines qui voient mourir leurs enfants dans leurs bras : elles veulent des vaccins ! Réfléchissez à ce que nous demandons, nous les militants de la lutte contre le sida: ce que nous attendons, c’est un vaccin ». Pour la ministre de la Santé, il convient d’aborder la question d’une manière « rationnelle et citoyenne », et de reconnaître « les bénéfices tirés de la politique vaccinale ». Nous sommes ici dans un registre argumentaire connu. Le propos n’est en effet pas sans rappeler les exhortations rituelles à participer aux élections au motif que des citoyens se sont battus pour que nous puissions avoir la chance de pouvoir voter dans un espace démocratique; où à finir son assiette au motif que des enfants meurent de faim.
Etrange période sur les fronts de la pandémie. Le lendemain, depuis Grenoble, on apprenait que neuf personnes habitant en Isère venaient de porter plainte en dénonçant cette campagne de vaccination contre la grippe H1N1 comme « une véritable tentative d’empoisonnement » de la population. Cette plainte avec constitution de partie civile a également déposée pour « tentative d’administration de substances (…) de nature à entraîner la mort », a été déposée auprès du tribunal de grande instance de Grenoble. Les plaignants sont neuf habitants de la vallée du Grésivaudan (dont une professionnelle de santé, une animatrice de radio et une enseignante) qui, précise l’AFP, se sont rencontrés dans des réunions publiques consacrées notamment aux risques supposés du vaccin contre la grippe.
«Le but est d’arrêter ce que nous considérons comme un empoisonnement, a expliqué leur avocat. L’intérêt de cette action est que des gens en France aient une attitude citoyenne et disent publiquement: ‘’nous avons compris que la campagne de vaccination est une arnaque’’. » Selon lui des plaintes similaires seront déposées prochainement en Isère, ainsi qu’à Paris, Pau et Nantes. Il précise encore que quelques centaines de personnes, opposées au vaccin, habitant différentes régions de France et se contactant via l’internet, ont l’intention de se regrouper en collectif.
Etrange période sur les fronts de la pandémie. Aux Etats-Unis, le Dr Thomas Frieden, directeur des Centres de contrôle et de prévention des maladies vient de s’alarmer publiquement de la trop lente livraison des vaccins : 16,1 millions de doses étaient prêtes il y a quelques jours à être livrées, mais à la fin du mois d’octobre 30 millions de doses seulement seront disponibles au lieu des 40 millions prévues initialement. Cette pénurie coïncide avec la décision de l’État de New York de ne plus imposer la vaccination à ses professionnels de santé. Les autorités sanitaires de l’État avaient fixé comme date limite le 30 novembre pour que ces derniers se fassent vacciner faute quoi ils pourraient perdre leur emploi. Confrontées à une contestation qu’ils n’avaient sans doute pas prévue ces mêmes autorités ont décidé de suspendre l’obligation. Raison invoquée : privilégier en priorité les catégories à risque : « Les vaccins, disponibles en quantités limités, seront réservés prioritairement aux femmes enceintes, aux enfants et aux jeunes », a ainsi indiqué un communiqué du département de la Santé de l’État.
En proclamant l’état d’urgence sanitaire face à la pandémie Barack Obama a expliqué, dans une note adressée au Congrès, que les Etats-Unis devaient « être prêts dans l’éventualité d’une rapide augmentation des cas qui pourrait submerger le pays ». La pandémie a aujourd’hui touché 46 États sur 50. L’état d’urgence renforce les capacités des centres médicaux face à l’afflux de malades en leur permettant notamment de prendre des initiatives sans se conformer à certaines exigences fédérales.
Jean-Yves Nau
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