Acceptez-vous un instant de participer avec moi à une sorte de Grand Jeu de l’automne : « Quelle est votre attitude vis-à-vis de vos autorités de santé concernant la grippe H1N1pdm » ? Vous avez bien lu l’épilogue du billet de Jean-Yves Nau de ce samedi 31 octobre 2009 (accès en ligne) ? La chute montre que ce billet d’aujourd’hui est un non-événement (même si Slate.fr l’a placé à la Une du jour…). Vous accepterez donc qu’on puisse en jouer je l’espère. C’est Halloween après tout ! On aurait pu tout aussi bien en rire, évoquer les fameux contrats de Gaston Lagaffe, mais c’eut été quelque peu inapproprié : Franquin ne faisait jamais signer les contrats de Gaston par De Mesmaeker, or on n’a pas soupçonné (ou pas encore) que ceux des vaccins n’étaient pas signés !
Alors je vous propose de répondre à cette auto-évaluation avec la plus grande franchise possible :
1. Quelle a été votre impression initiale à la lecture du billet de Jean-Yves Nau, avant même de connaître l’épilogue, concernant l’accès à l’information réservé au député ?
a. Vous pensiez que le député ne retrouverait pas ces contrats ?
b. Vous étiez persuadé dès le début que le député aurait un accès libre et entier à l’ensemble des contrats signés ?
c. Vous restez suspicieux sur la nature des informations qui ont été transmises au député, et vous restez convaincu qu’elle n’ont pas été complètes ?
2. Quelle est votre opinion depuis que vous avez pris connaissance de l’épilogue ?
a. Vous demeurez très sceptique sur cet épilogue, pour vous c’est encore un arrangement entre personnalités politiques dans le dos des citoyens de base et vous êtes sûr que l’on vous cache quelque chose ?
b. Vous vous dites que c’est du bruit créé par des journalistes et qu’on vous fait perdre votre temps ?
c. Vous êtes rassurés sur la santé de notre démocratie et fiers de nos institutions ?
L’épidémiologiste clinicien mesure votre attitude vis-à-vis de vos autorités de santé :
Si vous avez répondu :
1.c et 2.a ou 1.a et 2.a : vous avez clairement une personnalité soupçonneuse vis-à-vis de la classe politique que certains de mes confrères psy qualifieraient probablement de paranoïde, mais on a besoin de votre vigilance, car vous exercez -parfois avec excès- la garde rapprochée de nos institutions
1.a et 2.b ou 1.c et 2.b : vous n’avez pas grande confiance dans vos institutions, mais vous ne semblez pas très affecté par le buzz fait autour des informations de ce type
1.b et 2.b : vous êtes d’un naturel confiant dans vos institutions, et la lecture des faits qui vous sont rapportés sait vous conforter dans vos convictions solides.
1.a et 2.c : c’est une variante du précédent, vous n’êtes pas d’emblée confiant, mais vous savez vous laisser convaincre par les faits
1.b et 2.c : vous êtes possiblement un électeur de la majorité présidentielle et cela ne vous complexe pas, ou bien (mais ce n’est pas exclusif) une personnalité peu ébranlée par les agitations du jour et spontanément confiante dans le fonctionnement de nos institutions .
Toutes les autres réponses me plongent dans une certaine perplexité quant aux mécanismes de votre raisonnement dans ce domaine spécifique, je vous invite à relire une fois encore le billet de Jean-Yves Nau puis de refaire le test, et si cela recommence, à nous laisser un commentaire, voire, ce que nous comprendrions aussi bien, à passer à un autre billet de Slate.fr !
Antoine Flahault
lire le billetL’alliance des extrémismes politiques américains contre le vaccin
Il y a quelques jours Slate.fr nous apprenait, sous la signature de Christopher Beam (de Slate.com) que l’on observait la formation aux Etats-Unis d’une « étrange alliance de l’extrême gauche et de l’extrême droite américaines » qui ne veulent ni l’une ni l’autre de la vaccination contre la grippe pandémique.
Superbe sujet pour journalistes avant que politiciens et sociologues ne leur volent ; superbe sujet qui, nous semble-t-il n’a pas pris corps en France. Ni la fille de Jean-Marie Le Pen ni Olivier Besancenot (pour ne parler que de ce couple) n’ont, à notre connaissance, pris publiquement la parole sur le thème pandémique. Pas plus que Nicolas Sarkozy ; à la différence – notable – de Barak Obama.
Comment comprendre ? Avant de lire Antoine Flahault un conseil : lire (ou relire) Christopher Beam.
Jean-Yves Nau
« J’ai vacciné, personnellement, et sans déplaisir »
Un de nos fidèles lecteurs écrivait récemment sur ce blog un commentaire où il expliquait nous trouver, Jean-Yves et moi, sinon déprimés du moins lassés par ces débats. Ce n’est pas exact, me semble-t-il. Nous sommes l’un et l’autre trop passionnés par cet événement extraordinaire, au sens propre du terme, qu’est la pandémie pour qu’il induise aujourd’hui chez nous on ne sait quelle forme de lassitude mélancolique. Il est vrai que notre intérêt se manifeste parfois sous la forme « épidémiologique », voire parfois « entomologique », et qu’à ce titre il peut paraître froid à certains.
Nous vous demandons de bien vouloir accepter nos excuses si nous pouvons vous donner l’impression de trop regarder nos congénères comme des arthropodes dans l’insectarium. Même si Jean-Yves est davantage mû par la collection des faits de l’actualité et leur analyse, et moi par leur rapprochement avec les données acquises de la science, notre démarche commune part du même principe et de la même motivation.
Lorsque notre ministre a parlé « d’enfants gâtés » à propos de ceux qui refusaient la vaccination, j’ai posté un commentaire sur le volet « gâtés » de l’expression. Le billet de Jean-Yves de ce jour me conduit à traiter aujourd’hui le volet « enfants » qui n’est pas neutre non plus puisque le terme de « pédagogie » que l’on entend souvent à propos de la promotion de la santé est de la même origine étymologique (pedes, enfant). Le concitoyen a peut-être été trop infantilisé par les experts, puis par les pouvoirs publics pendant plus d’un siècle d’éducation à la santé dans la société moderne.
Aujourd’hui les temps changent. Une fraction, extrémiste, de la population peut s’exprimer bruyamment. Mais il existe aussi bel et bien une majorité silencieuse qui refuse le discours des experts fondé sur les preuves scientifiques et repris par les autorités de santé. Avec 83% d’opposants en France à la vaccination, et 60% aux USA, ce n’est pas nous qui inventons le désamour de nos contemporains vis-à-vis des experts. Force est bien de constater que nous sommes loin, très loin, du plébiscite !
On nous a dit un jour : « Il est obligatoire maintenant d’attacher votre ceinture de sécurité ». Nous n’avons pas bronché. A bien y regarder pourtant, sur le fond, c’était déjà une atteinte à notre liberté individuelle. J’ai le droit de me jeter d’un pont, mais pas celui de conduire sans ceinture. Je ne menace pourtant personne sans ceinture. Enfin, personne d’autre que moi. Mais le gouvernement veille sur moi, malgré moi, et m’attache, comme j’attachais mes enfants sur leur siège « réhausseur », sans qu’ils n’y trouvent à redire ; même si je dois bien reconnaître que parfois ils se débattaient.
Puis on nous a dit, il n’y a pas si longtemps : « Fumer tue » ; on avait ordonné aux fabriquant d’imprimer cette formule sur les paquets de cigarettes, en grosses lettres noires. Pourquoi ? Pour mieux nous montrer que si nous n’avions pas compris d’emblée au fil du temps, cela finirait bien par entrer dans nos têtes ; un peu comme le mot de la maîtresse sur le cahier de textes, quand nous étions/quand j’étais en primaire et que nous n’avions pas rendu nos devoirs en temps et en heure.
Tabac prohibé ? Nous n’avons pas non plus –osons le mot- « bronché ». Sur cette pente (montante ?) on est bien sûr allé plus loin. On nous a bientôt interdit de consommer du tabac dans nos bureaux, quand bien même y étions-nous parfois désespérément solitaires. Conséquence immédiate et quotidienne : nous avons vu descendre aux rez-de-chaussée des tours et des entreprises les nouveaux parias ; ceux de l’addiction tabagique. Comment ne pas voir là la résurgence d’une trop vieille symbolique, celle qui veut qu’une fraction du peuple reste sur le seuil, n’ayant plus –pour l’heure- le droit de faire partie de la communauté. Comme jadis : puni, au coin de la salle de classe, au vu et au su de tous. La punition a-t-elle encore des vertus thérapeutiques quand elle devient pluri quotidienne à l’âge adulte ?
Je me souviens avoir vu deux policiers en tenue arriver en extrême urgence pour verbaliser un pauvre homme qui fumait tranquillement une cigarette. Nous étions alors dans l’immense hall aéroportuaire de Dulles, Washington DC. Sans doute peut-on assister aujourd’hui (ou assisterons-nous demain) à la même scène à Roissy-Charles de Gaulle ou sur le quai de la gare Montparnasse ou de Rennes, de Vierzon ou de Saint-Pierre-des-Corps. Car nous savons bien que a loi n’est ce qu’elle est que si elle est la loi pour tous.
L’usage de l’automobile, donc ; puis la consommation de tabac ; puis celle des boissons que l’on qualifiait d’ « alcoolisées » avant de passer à « alcooliques ». Ici le dispositif se met en place aussi progressif qu’implacable.
Et les succès sont au rendez-vous : la sécurité routière a grandement progressé, la consommation de tabac a stoppé sa courbe ascendante, la consommation d’alcool décroit depuis un demi-siècle. Poursuivons : l’espérance de vie croît parallèlement, les paramètres jugeant de notre santé publique s’améliorent. Jamais, sans doute, dans l’histoire de l’humanité n’avons-nous été à ce point triomphants sur les fronts sanitaires.
Pourquoi ne pas applaudir ? Le premier vœu que se font la plupart des habitants de la planète à l’aube de la nouvelle année est bien celui d’une « bonne santé ». En écho nos dirigeants (que nous avons directement ou pas élus) ont, face au risque pandémique, voulu répondre de façon adéquate. Et ils réussissent plutôt bien jusqu’à présent. Les faits sont là. Les doses vaccinales aussi. Disponibles. Probablement efficaces. Sans doute bien tolérées.
Mais vous avez peur d’une piqûre ? Et cela devrait enrayer la machine bien huilée mise en place ? C’est une blague n’est-ce pas ? Je me souviens avoir voulu prendre à bras le corps la question de la couverture vaccinale contre la grippe saisonnière pour les personnels de santé de l’Hôpital Tenon de Paris lorsque j’y dirigeais le département de santé publique. J’avais alors osé mettre tout le personnel du département sur le pont : internes, stagiaires, infirmières, médecins. Plusieurs collègues m’avaient alors prêté main forte. Nous sillonnions de jour comme de nuit tous les services de l’hôpital avec un charriot mobile et nous avons fait grimper très sensiblement le taux de couverture qui est rapidement devenu le plus élevé de tous les établissements de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (juste devant celui d’Ambroise-Paré à Boulogne qui s’était associé à la même opération).
A cette époque j’ai donc vacciné, personnellement et sans déplaisir, des centaines de personnes : infirmières, aides soignantes, médecins et chefs de service. Je me souviens que la principale raison que me donnaient ceux qui (bien peu nombreux) refusaient la vaccination (car cette dernière était bien évidemment effectuée sur une base volontaire) était la « peur de la piqûre ». Ces professionnels qui passaient une bonne partie de leur activité soignante à injecter, inciser, ponctionner et cautériser refusaient ce soir l’indolore injection du vaccin grippal saisonnier qu’on leur proposait (car c’est probablement la plus indolore des injections, même si le bras est assez souvent un peu « courbaturé » le lendemain). Ainsi va la vie.
Eduquer ? Informer ? Promouvoir ? La « communication » est sans aucun doute une question à « travailler ». Mais plus profondément c’est bien la conception des rapports humains que nous avons à prendre à bras le corps. Celle de l’infinie complexité des rapports entre ceux qui « savent déjà » et ceux qui « ignorent encore ». De la complexité plus grande encore entre ceux qui ont pour mission officielle de (tenter de) modifier les comportements de leurs congénères ; congénères qui ne l’entendent pas toujours de cette oreille.
Ceintures automobiles, tabac, alcool, nouvelle grippe et démocratie sanitaire ? Mais parlons-en ! Si l’on faisait aujourd’hui voter les Français que répondraient-ils ? Pourquoi les décisions de santé publique ne s’appuient-elles pas davantage sur des règles démocratiques communes ? Pourquoi le médecin, le professionnel de santé publique, le préfet ou la ministre auraient-ils à devoir « convaincre » qu’il faut se faire vacciner ? Ces experts et politiques redouteraient-ils de ne pas avoir la majorité de l’opinion acquise à leurs arguments ? Le « bon peuple » ne serait-il pas définitivement « mûr » pour saisir tous les enjeux de ces questions qui « nous » concernent au premier chef ? La problématique du pour et du contre la vaccination contre la grippe pandémique (qui n’est pas « obligatoire ») résume tout ceci. A nous tous d’en profiter, de rebondir pour nous parler et partager. A nous tous, à notre façon, d’enquêter, de mieux comprendre, d’enseigner.
Antoine Flahault
lire le billetObserver autant que faire se peut, depuis la fin du mois d’avril, les différentes facettes de cette pandémie conduit régulièrement à un étrange constat : le décalage constant entre d’une part la « macrolecture » prévisionnelle qui en est faite par la communauté des experts et des institutions sanitaires internationales et, de l’autre, la perception de l’opinion. Tout se passe, en France, du moins comme si persistait un durable déni. Pourquoi « y croire » puisque l’on n’a rien vu ; ou presque. Pire les mesures préventives prises semblent exorbitantes par rapport au regard que l’on porte sur la réalité du risque. On se refuse à vouloir comprendre que la quasi-bénignité de la très grande majorité des cas individuels peut, en situation pandémique conduire à une véritable (transitoire mais véritable) désorganisation sociale. Après l’émotion nationale causée par l’annulation en catastrophe du match de football qui devait opposer l’Olympique de Marseille au Paris- Saint Germain la seule question qui compte est celle de savoir quand ce match pourra être joué. Les centaines de milliers d’amateurs de football français imaginent-ils ce que serait l’annulation durant plusieurs semaines de la quasi-totalité des rencontres du championnat professionnel, sans même parler de celle des compétions européennes ?
L’Europe justement ; ou plus précisément l’Union européenne. On ne l’a guère entendue ces derniers mois sur le front de la lutte contre la pandémie. Principe de subsidiarité oblige le charbonnier étatique est maître chez lui tandis que Bruxelles regarde ailleurs se passionnant, par exemple cet été, pour la modification des règles permettant d’élaborer des vins rosés (mais j’y songe, pourquoi ne pas mélanger vins blancs et vin rouges ?) ou montant aujourd’hui en première ligne pour tenter de rééquilibrer le marché du lait en plein marasme.
Qui, en France et dans les vingt-six autres Etats de l’UE, connaît le nom de la Commissaire européenne à la Santé ? La Commission devrait d’urgence faire un sondage sur ce thème ne serait-ce que pour faire saisir à quel point, pandémie ou pas, l’Europe sanitaire est un mirage. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir centralisé (et ainsi fait baisser) l’acquisition des vaccins ? Androulla Vassiliou (c’est d’elle dont il s’agit) vient de tenter de se faire entendre. Elle l’a fait dans la presse allemande (pourquoi allemande ?) datée du 27 octobre. « D’après tout ce que nous savons, jusqu’à 30% de la population peut attraper la grippe porcine (sic). Dans ce cas, nous devons nous attendre malheureusement à un nombre de morts important, a déclaré cette ressortissante chypriote au quotidien die Welt. Il est à craindre que le virus évolue et devienne nettement plus agressif dans les prochains mois. »
Mme Vassiliou appelle donc les Européens à « rester vigilants » et à « ne pas négliger » les conséquences socio-économiques de la pandémie.
« La reprise économique dans l’UE pourrait être affaiblie. Certains secteurs économiques comme le tourisme ou l’industrie des loisirs pourraient subir des préjudices, ajoute-t-elle. On peut imaginer qu’une augmentation des arrêts maladies et qu’une baisse de la consommation en raison du sentiment d’insécurité provoquent une baisse de productivité et des perturbations dans le système de production. »
Et Mme Vassiliou de prôné la fermeture « immédiate » des établissements scolaires où des cas de grippe A(H1N1)pdm seraient confirmés et l’ « annulation » des compétitions sportives et des manifestations artistiques également affectées. Elle exhorte encore les Européens à se faire vacciner en grand nombre au motif que « plus il y a de personnes vaccinées, moins la pandémie peut se développer ».
Les vaccins précisément. Le même jour où Mme Vassiliou s’exprimait en Allemagne l’OMS lançait un cri d’alarme depuis La Havane où sa directrice générale –le Dr Margaret Chan- effectuait un voyage. Selon elle le constat est simple : il va manquer « des milliards de doses » pour protéger la population des pays pauvres contre la pandémie. « La capacité globale d’acquisition des vaccins est limitée et inadéquate et il manquera toujours des milliards de doses pour protéger toute la population » a déclaré le Dr Chan tout en rappelant que l’OMS allait commencer à distribuer en novembre des vaccins à plus de 100 pays en développement, dont Cuba. Il s’agira de vaccins fournis par les groupes pharmaceutiques producteurs et par certains pays industriels qui se sont engagés à promis de distribuer jusqu’à 10% de leurs stocks aux pays pauvres. Tout ceci devrait pouvoir protéger près de 2% de la population de ces pays pauvres d’ici quatre ou cinq mois.
Jean-Yves Nau
Expliquons-nous sur les morts dues au H1N1pdm
Tout ce que l’on peut entendre, voir ou lire ici et là nous conforte dans l’idée qu’il nous fallait impérativement tenir ce journal de bord de la pandémie. A la différence des romans d’aventure les livres de bord des navires ne narrent pas des péripéties quotidiennes. La monotonie de la mer d’huile peut se reproduire plusieurs fois au cours d’une traversée hauturière. La constance de l’alizée peut sembler bien longue au portant en longeant les tropiques….
Pour notre part nous retrouvons ici un temps qu’il nous semble avoir déjà vécu il y a plusieurs mois déjà, puis une nouvelle fois il y a quelques semaines. Les modèles prédictifs avaient prévu dès le mois de juin que le tiers de la population mondiale pourrait être contaminée par le A(H1N1)pdm. L’OMS l’a répété également, de même que les autorités sanitaires nord-américaines et britanniques. On a aussi entendu, et ce à de nombreuses reprises qu’il n’était pas déraisonnable de s’attendre à un accroissement de la sévérité du phénomène avec l’approche de l’hiver.
Etait-ce là un discours mobilisateur ? Peut-être. Etait-ce au contraire un discours quelque peu lénifiant ? Pas si sûr. Les enseignants disent souvent (eux aussi) que la répétition est la base de l’apprentissage. Ce qui nous importe avant tout ici, c’est « l’état de la mer ». J’entends souvent « ça me fait penser au bug de l’an 2000 cette histoire de pandémie ! ». Il est vrai que l’expérience de l’hémisphère Sud semble contredire des prévisions considérées aujourd’hui comme par trop « alarmistes ». Le fameux « taux d’attaque » de 30% n’y était pas au rendez-vous. La Nouvelle Calédonie dont 15% de la population a été atteinte aurait été l’un des territoires du Pacifique Sud les plus frappés. Mais on ne connaît pas vraiment la proportion des cas asymptomatiques et des cas paucisymptomatiques, ceux que l’on ne repère pas dans la veille sanitaire classique. Ces cas correspondaient-ils en valeur absolue à ceux des infections cliniques comme on l’a vu dans les précédentes pandémies grippales ? Si oui alors, en Nouvelle Calédonie, on retomberait sur la proportion prédite de 30% de taux d’attaque.
Mais tout ceci n’ébranle pas -à raison peut-être – les tenants de la théorie du bug de l’an 2000: ce qui nous attend n’est pas terrifiant. Sauf si la Commissaire européenne à la Santé parlait de 30% de taux d’attaque « clinique » sous-entendant que 60% de la population européenne risquait d’être infectée… Comment savoir ? Cette confusion des termes ne renforce pas la crédibilité du discours général. Disons que nous n’avons pas beaucoup d’éléments nouveaux, et que l’on pourrait bien connaître des taux d’attaque supérieur à ceux observés dans l’hémisphère Sud.
D’ailleurs, l’observation attentive des courbes épidémiques de grippe dans les zones tempérées de l’hémisphère Sud montre que la pandémie a causé des épidémies beaucoup plus fortes que durant les années précédentes (entre deux et cinq fois plus fortes). Si 10 à 15% de taux d’attaque clinique durant l’hiver austral avec la nouvelle souche pandémique ne semble pas un niveau très important, il faut rappeler que dans ces territoires (les moins peuplés du globe) les épidémies de grippe ne se comportent pas tout à fait pareil que dans l’hémisphère Nord. On peut aisément le comprendre : pour aller d’île en île, de ville australe à ville australe, la dynamique épidémique peut perdre un peu en intensité ; c’est le phénomène de l’amortissage bien connu dans la théorie du signal. On a déjà observé cela. De là à avoir expliqué et compris ces phénomènes, il y a un pas que je franchis peut-être ici, j’en conviens.
Et puis, il y a la mortalité de la grippe. On lit, notamment sur notre blog, des commentaires à la fois riches, documentés, et nombreux, y compris rédigés par des enseignants-chercheurs, des mathématiciens sceptiques qui nous aident à réfléchir. A mon sens cependant (et ce n’est pas faute de l’avoir martelé partout) les vraies mécanismes de la mortalité restent peu connus du public, y compris du public averti. Mais pas des chercheurs et des spécialistes du domaine. Alors expliquons-nous.
Nous nous en sommes entretenus récemment, notamment avec des experts de l’OMS, des CDC et de l’ECDC à Berlin au World Health Summit où plusieurs sessions ont été consacrées à la pandémie. Contrairement à ce qui est souvent dit la mortalité par grippe saisonnière dans les pays développés, n’est pas de un cas pour 10 000, ni de un cas pour 100 000 : elle est de un cas pour 1 000 infections par le virus de la grippe. Oui, c’est considérable. La mortalité par grippe pandémique serait-elle, du coup, inférieure ? On ne peut pas le dire. Pas aujourd’hui. Pas encore. Elle est même probablement un peu supérieure, mais ce n’est pas non plus certain.
Attention : il ne faut pas changer la méthode de mesure de la profondeur du phénomène au milieu du gué. Ou bien l’on noie ses auditeurs. C’est cependant ce que font beaucoup de personnes, y compris de nombreux experts. La mortalité par grippe ne se mesure pas (ou pas seulement) par le décompte des victimes de la grippe rapportées par les médecins. C’est une notion fondamentale à garder à l’esprit. Revenons sur les bases de calcul de cet excès de mortalité et sur le hiatus avec l’identification clinique (des médecins).
Le dénominateur d’abord : sachant qu’une infection sur deux est asymptomatique, on estime à 6 millions le nombre moyen d’infections par grippe saisonnière. Donc avec un numérateur à 6000 décès, la surmortalité par grippe chaque année est (en moyenne) de 1 pour 1000. Or en France seuls 600 décès en moyenne sont rapportés par les médecins comme des morts attribuées à la grippe (cause principale ou secondaire) dans les registres de mortalité de l’Inserm. Ainsi, seuls 10% des décès dus à la grippe sont identifiés par les médecins. Les 90% restants viennent des statistiques de mortalité générale, une fois qu’on a pu les récupérer.
On s’aperçoit en effet, de manière reproductible et quasi constante, qu’à chaque fois qu’une épidémie de grippe saisonnière passe dans le pays, un excès de mortalité est observé par rapport aux mois des années précédentes où elle n’était pas passée. Nous le savons parce que la grippe saisonnière dure environ un ou deux mois, se produit chaque année, mais ne débute pas à une date régulière. Elles peuvent survenir selon les années entre novembre et mars. On retrouve le même phénomène, avec la même ampleur, aux USA, au Royaume-Uni, en Australie, et dans tous les pays où l’on a étudié ces phénomènes.
Autre précision, cet excès de mortalité concerne les personnes de grand âge (pour plus de 80% des plus de 75 ans). De quoi sont-elles décédées si les médecins n’ont pas identifié la grippe comme une cause possible de leur décès ? On ne sait pas aujourd’hui répondre à cette énigme. Il faut reconnaître que la mortalité des personnes de grand-âge l’hiver ne passionnait pas les chercheurs jusqu’ici. Une infection asymptomatique qui viendrait déstabiliser un équilibre de santé précaire chez une personne très fragile ? On en saura peut-être davantage si des études sont conduites à l’occasion de cette pandémie. Toujours est-il que pour 90% des décès par grippe, la grippe est passée par pertes et profits dans l’éventail des causes de décès que l’on demande au médecin d’identifier lorsqu’il est appelé à compléter le certificat médical de décès.
Et alors, pour cette pandémie, qu’en est-il ? C’est simple : il est beaucoup trop tôt pour le dire car on ne dispose pas des données de mortalité de toutes causes en temps réel. Sauf aux USA qui ont construit un échantillon de 122 villes où ces données sont rapportées en temps réel. Ils n’ont rien observé durant l’été, mais l’épidémie estivale y a pris la forme de petits foyers, certes multiples et médiatisés, mais sans véritable ampleur ; rien à voir avec les épidémies hivernales saisonnières. D’ailleurs, depuis quelques semaines, les spécialistes américains observent un excès de mortalité qui n’est pas encore analysé en détail, mais qui est significatif (notamment sur les classes d’âge concernées). Il s’agit sans doute du premier signal tangible d’un excès de mortalité observé avec cette grippe H1N1pdm (voir bulletin des CDC sur la grippe H1N1pdm de la semaine en cours, en anglais).
L’InVS en France a mis en place récemment (après la canicule de 2003) un système un peu analogue d’analyse en temps réel de la mortalité de toutes causes ; on pourra donc suivre cet aspect aussi tout au long de l’hiver (voir bulletin InVS de la grippe H1N1pdm du 27 octobre par exemple, fichier pdf). Dans les autres pays européens, je n’en ai pas connaissance. Dans l’hémisphère Sud, aucune donnée de ce type n’a été rapportée durant l’hiver austral. Il faut souvent de longs mois avant que ces données soient disponibles. Elles le seront un jour bien sûr. Mais, tenons l’hypothèse aujourd’hui, somme toute raisonnable, que l’excès de mortalité chez les personnes âgées par cette grippe pandémique ne sera pas inférieur à celui observé habituellement durant les grippes saisonnières. Un pour mille.
Ce qui change, en revanche, et notablement, durant cette pandémie, c’est le profil de la partie émergée de l’iceberg : cette mortalité identifiée par les médecins et qui nous est aujourd’hui rapportée. Cette mortalité directement attribuable à la grippe. La mortalité directe par grippe saisonnière – tout comme l’ensemble de l’excès de mortalité – concerne habituellement les personnes très âgées (les plus de 65 ans pour la plupart). En effet, les adultes jeunes et les enfants ne meurent pas de grippe saisonnière. Or ce sont principalement eux qui meurent de la grippe pandémique. Les adultes jeunes ne sont qu’exceptionnellement hospitalisés en soins intensifs pour la grippe saisonnière. Or ce sont essentiellement eux qui sont aujourd’hui (qui étaient cet été dans le Sud) pour certains entre la vie et la mort en soins de réanimation, sous ventilation, ou pire encore sous oxygénation par circulation extra-corporelle (ECMO). Ils ne représentent sans doute « que » 10% de la mortalité attendue (ce qui fait dire à certains, hâtivement peut-être, que la grippe pandémique semble tuer moins que la grippe saisonnière), mais ces 10% n’ont en rien le visage attendu. De plus, dans près de deux-tiers des cas, ces malades qui font des formes malignes de grippe pandémique sont des personnes qui souffraient de maladies pré-existantes : diabète, asthme, bronchite chronique, obésité majeure. Trop fréquemment aussi, ce sont des femmes enceintes. Mais habituellement un diabétique, un asthmatique, un obèse, ou une femme enceinte peut redouter qu’une grippe saisonnière le fatigue davantage qu’un autre, mais pas d’en mourir.
En conclusion (et l’on me pardonnera – peut-être – d’avoir été un peu long aujourd’hui alors même que j’annonçais qu’il n’y avait rien de très nouveau sous le soleil) on peut s’attendre à deux choses. D’une part à un effet amplificateur de l’excès de mortalité en raison du taux d’attaque qui pourrait être entre deux et cinq fois supérieur à celui d’une grippe saisonnière. Et d’autre part on peut craindre une mortalité directe très rare (1 pour 10 000 ? On ne sait pas encore très bien, mais c’est la seule estimation que j’ai pu faire vers la fin du mois d’août et qui résiste aux chiffres apportés depuis, gratuit en ligne, en anglais). Une mortalité directe très rare, mais au visage très inhabituel aussi touchant des jeunes (des enfants et notamment des nourrissons) et des adultes, avec ou sans maladies sous-jacentes.
Antoine Flahault
On avait déjà entendu à propos des événements de 1968 (pour une fois je ne me réfère pas aujourd’hui à la pandémie éponyme) qu’ils révélaient le malaise d’une génération d’enfants de l’opulence de l’après-guerre, « d’enfants gâtés » en quelque sorte. Mais cette analyse n’escamotait-elle pas la prise de conscience que les évènements de 68 un peu partout dans le monde – surtout le monde riche en effet – ont correspondu à un tournant profond de la société moderne. On le sait : il y a un « avant » et un « après » 68, dans la vie universitaire, culturelle, intellectuelle de notre pays, mais aussi de toute l’Europe, et des Etats-Unis. Il y a aussi un avant et après 68, dans la vie de nos institutions, mais aussi dans les relations humaines, dans notre code vestimentaire ou capillaire. Un progrès ? Pas nécessairement, ou pas toujours, là n’est pas la question.
Je ne cherche pas à faire davantage l’apologie ou la critique d’une génération utopiste à laquelle je n’appartiens pas (j’avais huit ans). En revanche je voudrais proposer cette clé de lecture pour tenter de comprendre les raisons du phénomène que nous observons, sans chercher à (trop) porter de jugement à ce stade. Pourquoi 83% des Français déclarent aujourd’hui ne pas vouloir se faire vacciner contre cette grippe pandémique ? Aurait-on 83% d’« enfants gâtés » ? Pourquoi en est-on arrivé là ?
Virologues et épidémiologistes ont été capables d’identifier de manière très précoce la nouvelle souche grippale et de prévoir qu’elle serait responsable de la première pandémie du XXIème siècle. Les Etats ont été capables de constituer des stocks massifs d’antiviraux, de masques de protection, de solutés hydro-alcooliques. Les industriels du médicament ont été capables de fabriquer des vaccins en un délai record permettant ainsi d’espérer qu’ils seraient à temps disponibles pour le plus grand nombre. Et puis patatras !
Tout l’édifice patiemment construit pour le bien commun semble s’écrouler sous nos pieds : la population tourne massivement le dos et s’en va en maugréant. L’expert se dit, comme le presque-noyé qui se raccroche à une branche providentielle, qu’un décès, un cas plus médiatisé que les autres va bien finir par convertir les habitants de la Cité. Mais non, le peuple boude durablement, écoeuré même qu’un décès supplémentaire semble réjouir le macabre expert. Le peuple ne se retourne même plus. Les faits peuvent parler, il semble avoir décidé résolument de ne plus y croire.
Peut-être, les barricades cèderont-elles ? Peut-être, la raison reviendra-t-elle ? De la même manière l’utopie des pavés de mai n’était pas plus raisonnable. Mais il restera sans doute des traces de ce fossé qui s’est constitué entre, d’une part, une si grande partie de l’opinion et, de l’autre, les expert, les industriels et les dirigeants de la santé. De part le monde, une blogosphère insensée s’agite et semble mieux à même de convaincre l’opinion ; comment comprendre ? Cette blogosphère apparaît souvent réfractaire aux données scientifiques. Elle a des accents parfois paranoïaques, agite volontiers la théorie du complot, dénonce sans la moindre preuve les manipulations d’Etat, dépose plainte pour empoisonnement. La raison, les chiffres, les prévisions des modèles semblent dérisoires. Pire : ils participent à la grande manipulation.
Nos enfants des beaux quartiers rentreront-ils dès l’aube, les mains noircies par les pavés calcinés, pour se mettre à table et manger à nouveau dans l’argenterie de leurs parents ? Ou bien ne porteront-ils bientôt plus que des cols Mao et appelleront-ils, cheveux longs au vent, leurs aînés par leurs prénoms en les tutoyant ? Il y aura peut-être dans le rapport de notre société à la santé publique un avant et un après 2009. Peut-être notre société opère-t-elle sous nos yeux une mue irréversible vis-à-vis du discours des experts et des médecins, des politiques et des producteurs de vaccins et de médicaments. Un progrès ? Ce n’est pas sûr. Une prophétie un peu hâtive ? Pourquoi pas ?
Antoine Flahault
lire le billetEtrange période sur les fronts de la pandémie. Quand Barak Obama décrète l’état d’urgence aux Etats-Unis, l’Hexagone se prend de passion pour un match de football (Olympique de Marseille –Paris Saint-Germain) annulé en catastrophe au motif que trois joueurs parisiens étaient infectés par le nouveau virus. Etrange réglementation sportive née avec le A(H1N1), qui impose le diagnostic virologique spécifique, et met les supporters en fureur. Que se serait-il passé si les trois joueurs avaient été victimes de la grippe saisonnière ? Interrogés avec véhémence les responsables du football professionnel français cachent bien mal leur embarras. Comme les responsables politiques ils se réfugient derrière les « experts », évoquent le principe de précaution, se drapent dans le nécessaire respect de la santé publique et y ajoute, c’est nouveau, celui de l’équité sportive. Quant aux responsables politiques il a fallu que ce soit Le Premier ministre lui-même qui monte en première ligne. Et François Fillon d’intervenir ainsi publiquement pour réclamer désormais « un préavis de 24 heures » avant une annulation de match pour cause de grippe pandémique. On imagine d’ores et déjà la suite des évènements.
Dans un tel contexte deux questions méritent d’être posées. La première est de savoir pourquoi personne n’a songé à pouvoir vacciner en priorité les joueurs de football professionnels. La seconde est de savoir s’ils auraient accepté.
Car parallèlement à celle du virus les étranges rumeurs anti-vaccinales ne cessent de circuler. La dernière en date vise le groupe pharmaceutique suisse qui vient de démentir que l’un de ses vaccins pourrait ne pas recevoir le feu vert des autorités sanitaires helvétiques en raison de mystérieuses contaminations bactériennes. Dénommé Celtura, ce vaccin est produit à partir de cultures cellulaires à la différence des autres vaccins anti-grippaux qui sont presque tous produits à partir d’œufs de poules embryonnés.
Citant une même source à la fois qualifiée d’ « anonyme » et de « proche du dossier » le quotidien Tages-Anzeiger affirmait samedi 24 octobre que des contaminations bactériennes avaient été relevées dans les lots vaccinaux testés par Swissmedic, l’autorité sanitaire suisse chargée d’accorder ou pas le feu vert au vaccin. Contactée par différents médias, dont l’Agence France Presse Swissmedic a indiqué qu’elle ne pouvait « ni confirmer, ni infirmer » les informations publiées par le Tages-Anzeiger.
La réponse de l’autorité de régulation sera connue dans quelques jours. « Il n’y a pas de contamination pour le Celtura, le procédé de production est bien plus propre que par des oeufs de poules » a déclaré depuis Bâle un porte-parole du géant pharmaceutique suisse oubliant que ce dernier commercialise déjà Focetria, vaccin adjuvanté produit …. sur œufs de poules.
Peu avant cette nouvelle controverse Roselyne Bachelot, ministre française de la Santé s’était une nouvelle fois mise en colère à propos des oppositions persistantes à la vaccination dans la population française et dans la sous-population des professionnels de santé. La ministre était, jeudi 22 octobre l’invitée du LEEM (Les Entreprises du Médicament) dans le cadre de la soirée de clôture de la « semaine de dialogue sur le médicament ». La ministre a profité de cette occasion pour rappeler fermement à l’ordre tous ceux, patients et professionnels de santé, qui ont « un réflexe d’enfant gâté » en refusant de se faire vacciner contre le virus H1N1, et qui risquent ainsi, selon elle, «de se contaminer eux-mêmes, de contaminer leurs proches, ou de contaminer leurs patients s’ils sont professionnels de santé».
Selon Le Quotidien du Médecin Roselyne Bachelot a trouvé des « accents lyriques » pour tenter de les convaincre de se rendre dans les centres de vaccination : « Je demande aux Français de ne pas avoir la mémoire courte. Je vois se développer des campagnes qui dénigrent globalement la vaccination. Est-il si loin le temps où notre pays était émaillé de sanatoriums, est-il si loin le temps où des dizaines de milliers de Français restaient handicapés, parfois lourdement, après une poliomyélite, est-il si loin le temps où l’on mourrait du tétanos en faisant son jardin (on en meurt encore un peu quand on n’a pas fait les rappels de vaccination), est-il si loin le temps où les enfants mourraient dans les bras de leur mère de la diphtérie, de la coqueluche ou de la rougeole ? Réfléchissez un peu à ce que demandent les mères africaines qui voient mourir leurs enfants dans leurs bras : elles veulent des vaccins ! Réfléchissez à ce que nous demandons, nous les militants de la lutte contre le sida: ce que nous attendons, c’est un vaccin ». Pour la ministre de la Santé, il convient d’aborder la question d’une manière « rationnelle et citoyenne », et de reconnaître « les bénéfices tirés de la politique vaccinale ». Nous sommes ici dans un registre argumentaire connu. Le propos n’est en effet pas sans rappeler les exhortations rituelles à participer aux élections au motif que des citoyens se sont battus pour que nous puissions avoir la chance de pouvoir voter dans un espace démocratique; où à finir son assiette au motif que des enfants meurent de faim.
Etrange période sur les fronts de la pandémie. Le lendemain, depuis Grenoble, on apprenait que neuf personnes habitant en Isère venaient de porter plainte en dénonçant cette campagne de vaccination contre la grippe H1N1 comme « une véritable tentative d’empoisonnement » de la population. Cette plainte avec constitution de partie civile a également déposée pour « tentative d’administration de substances (…) de nature à entraîner la mort », a été déposée auprès du tribunal de grande instance de Grenoble. Les plaignants sont neuf habitants de la vallée du Grésivaudan (dont une professionnelle de santé, une animatrice de radio et une enseignante) qui, précise l’AFP, se sont rencontrés dans des réunions publiques consacrées notamment aux risques supposés du vaccin contre la grippe.
«Le but est d’arrêter ce que nous considérons comme un empoisonnement, a expliqué leur avocat. L’intérêt de cette action est que des gens en France aient une attitude citoyenne et disent publiquement: ‘’nous avons compris que la campagne de vaccination est une arnaque’’. » Selon lui des plaintes similaires seront déposées prochainement en Isère, ainsi qu’à Paris, Pau et Nantes. Il précise encore que quelques centaines de personnes, opposées au vaccin, habitant différentes régions de France et se contactant via l’internet, ont l’intention de se regrouper en collectif.
Etrange période sur les fronts de la pandémie. Aux Etats-Unis, le Dr Thomas Frieden, directeur des Centres de contrôle et de prévention des maladies vient de s’alarmer publiquement de la trop lente livraison des vaccins : 16,1 millions de doses étaient prêtes il y a quelques jours à être livrées, mais à la fin du mois d’octobre 30 millions de doses seulement seront disponibles au lieu des 40 millions prévues initialement. Cette pénurie coïncide avec la décision de l’État de New York de ne plus imposer la vaccination à ses professionnels de santé. Les autorités sanitaires de l’État avaient fixé comme date limite le 30 novembre pour que ces derniers se fassent vacciner faute quoi ils pourraient perdre leur emploi. Confrontées à une contestation qu’ils n’avaient sans doute pas prévue ces mêmes autorités ont décidé de suspendre l’obligation. Raison invoquée : privilégier en priorité les catégories à risque : « Les vaccins, disponibles en quantités limités, seront réservés prioritairement aux femmes enceintes, aux enfants et aux jeunes », a ainsi indiqué un communiqué du département de la Santé de l’État.
En proclamant l’état d’urgence sanitaire face à la pandémie Barack Obama a expliqué, dans une note adressée au Congrès, que les Etats-Unis devaient « être prêts dans l’éventualité d’une rapide augmentation des cas qui pourrait submerger le pays ». La pandémie a aujourd’hui touché 46 États sur 50. L’état d’urgence renforce les capacités des centres médicaux face à l’afflux de malades en leur permettant notamment de prendre des initiatives sans se conformer à certaines exigences fédérales.
Jean-Yves Nau
lire le billetL’information nous parvient de Washington. Et comme nombre des informations essentielles concernant les dernières évolutions de la pandémie aux Etats-Unis elle nous est fournie par la voix du Dr Anne Schuchat, directrice de l’immunisation et des maladies infectieuses des plus que prestigieux « Centre fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ». En résumé, c’est une confirmation : les personnes jeunes, âgées de moins de 25 ans, sont bel et bien la catégorie de la population américaine la plus durement touchée par la nouvelle infection grippale. Telle est la principale conclusion qui peut être tirée des dernières statistiques partielles d’hospitalisations et de mortalité publiées le 20 octobre par les autorités sanitaires fédérales.
Du 1er septembre au 10 octobre, 27 Etats américains ont recensé 4.958
hospitalisations dues à l’aggravation d’une infection par le A(H1N1)pdm et 53% d’entre elles concernaient des personnes de moins de 25 ans. D’autre part 39% des hospitalisations ont concerné des personnes de 25 à
64 ans et seulement 7% des personnes de 65 ans Selon le Dr Schuchat quand bien même elles sont incomplètes ces statistiques permettent d’établir les caractéristiques l’actuelle pandémie sont radicalement différentes des grippes saisonnières.
Poursuivons la lecture de ces statistiques américaines. Sur les 292 décès confirmés comme étant associé au A(H1N1)pdm recensés dans 28 Etats entre le 1er septembre et le 10 octobre, près d’un sur quatre (23,6%) ont concerné des personnes de moins de 25 ans ; 65% des personnes âgées de 25 à 64 ans et 11,6% chez les 65 ans et plus. Chaque année aux Etats-Unis les grippes saisonnières sont à l’origine de 36.000 morts qui, dans 90% des cas concernent les plus de 65 ans.
Une majorité des jeunes morts après la nouvelle infection virale souffraient certes de problèmes chroniques de santé, aux premiers rangs desquels une maladie asthmatique ou une insuffisance cardiaque. La minorité qui était préalablement a priori en bonne santé a le plus souvent succombé à une infection pulmonaire aiguë dont les conséquences ont dépassé les possibilités des services spécialisés de réanimation. Il y a quelques jours le Dr Schuchat avait fait part de 43 décès « pédiatriques » associés au A(H1N1)pdm survenus entre le 1er septembre et le 10 octobre aux Etats-Unis, les adolescents de 12 à 17 ans ayant été les plus touchés avec près de la moitié des décès. Le nombre des morts pédiatriques liées au virus H1N1 atteint au total 86 depuis le début de l’infection en avril aux Etats-Unis. Comment comprendre et quand comprendrons-nous?
Dans le pays la maladie sévit désormais dans 41 Etats. Le 20 octobre près de 13 millions de doses vaccinales avaient été livrées (contre 9,8 millions la semaine précédentes). Initialement 50 millions de doses étaient attendues pour la fin du mois mais il faudra très vraisemblablement compter avec des retards de livraisons du fait de l’intensification des procédures de sécurité sanitaire. La priorité demeure les personnels de santé, les enfants, les femmes enceintes et les personnes souffrant de pathologies chroniques. Les adultes et les personnes âgées attendront que les 114 millions de doses commandées soient livrées.
Jean-Yves Nau
Dans le vif de notre sujet
Avec ce premier retour d’une expérience vécue de manière à la fois post-estivale et précoce dans « notre » hémisphère Nord (les données ne remontent qu’au premier septembre dernier, elles sont donc très récentes), nous entrons bel et bien là dans le vif de notre sujet. Il s’agit bien de la vague pandémique qui commence à affecter notre hémisphère et ce durement, c’est-à-dire selon la même dynamique que celle observée dans l’hémisphère Sud ; et ce me semble-t-il avec la même intensité et les mêmes caractéristiques.
Durant ce premier mois de démarrage épidémique précoce, plus précoce (d’un mois peut-être que celui que nous connaissons en Europe) les Etats-Unis ( pays cinq fois plus peuplé que la France) notent-ils donc près de cinq mille hospitalisations pour grippe, la moitié chez des jeunes de moins de 25 ans, et 292 décès, le quart chez des moins de 25 ans.
Comme Jean-Yves Nau prend soin de le souligner ce n’est pas du tout le profil des grippes saisonnières qui pour l’essentiel donnent lieu à des complications chez des personnes âgées ou très malades par ailleurs. La vérité aujourd’hui observable est que cette grippe « H1N1pdm » semble susceptible, haut delà de la normale connue, d’entraîner des complications (y compris mortelles) chez des jeunes adultes (même en bonne santé). De ce fait le débat commence à évoluer aux Etats-Unis. On y évoque moins les risques hypothétiques du vaccin ; le discours cède la place aux controverses sur la disponibilité du vaccin : en aura-t-on en quantité suffisante et en temps et en heure pour se protéger ?
Pour l’heure nous restons en Europe centrés sur d’autres questions : mais où est-donc passé le virus ? l’épidémie a-t-elle véritablement démarré ? Pourquoi nos concitoyens (nos confrères) resteraient-ils à ce point réticents et méfiants vis-à-vis des protections vaccinales bientôt disponibles ?
L’épidémie a certainement commencé en France aussi, mais probablement pas avec la même intensité qu’aux Etats-Unis. Mais comment savoir ? Faute d’une veille sanitaire précise, faute d’une analyse virologique systématique d’un échantillon de la population suspectée d’être malade, on ne sait pas exactement où l’on en est encore. Le propos vaut pour toute l’Europe. Le nombre des cas mortels égrainés sur nos chaînes d’information sont un bien triste indicateur. Comment pourrions-nous échapper encore très longtemps à cette vague épidémique et à ses conséquences désormais de moins en moins imprévisibles ?
Antoine Flahault
lire le billetQui, il y a quelques mois, savait ce qu’était un «adjuvant»? Qui avait entendu parler du «squalène»? L’émergence et la diffusion du A(H1N1) sur la planète aura eu pour effet de réactiver les angoisses de tous ceux qui voient dans la vaccination une pratique dangereuse, sinon maléfique. L’affaire n’est certes pas nouvelle. Elle a même un nom: la «trypanophobie» ou «peur panique des vaccins». Trypanophobie; mot forgé à partir du grec dont le Wiktionnaire nous dit qu’il est présent dans l’«Abrégé du dictionnaire grec-français». Lire la suite…
«Googlesque»? Osons ce néologisme tant le nom du géant américain de l’Internet ne cesse, chaque jour, chaque minute, d’entrer un peu plus profond dans nos vies et nos consciences. Nous avions bien évidemment entendu parler, sans véritablement comprendre, de l’appétence des responsables de Google pour la grippe. Mais l’affaire nous semblait lointaine et brumeuse, hasardeuse et sans doute aux frontières du commercial.
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Le Pr Marc Gentilini accuse publiquement ceux qui ont conseillé le gouvernement dans la lutte contre la pandémie
A quand l’orage ? Nous sommes bientôt à la mi-octobre 2009 et force est bien de constater que la vague pandémique annoncée n’a toujours pas véritablement touché l’Hexagone comme viennent de le confirmer les experts de l’Institut de veille sanitaire (InVS). Selon les médecins du réseau Sentinelles de l’Inserm, on estime à 217 pour 100000 habitants, le nombre des consultations pour grippe dans la semaine du 28 septembre au 4 octobre. L’excès hebdomadaire des consultations pour grippe est estimé à 126 000. C’est dire que l’on est certes toujours au-dessus du seuil épidémique (102 cas pour 100 000) mais très loin d’une situation pandémique.
Il est toujours un peu inquiétant de jeter sur les ondes, l’anathème sur une catégorie de la population. Aujourd’hui ce sont les experts épidémiologistes. Deviendront-ils les boucs émissaires de cette pandémie? Marc Gentilini les qualifie «d’épidémiologistes en chambre », nos gouvernants seraient-ils sous l’influence d’épidémiologistes déconnectés des réalités de terrain ? La controverse est saine. La science elle-même n’est faite que de controverses. Mais elle gagne généralement à s’organiser sur les arguments que les uns et les autres développent, plutôt que sur le discrédit global d’une catégorie de porteurs de ces arguments parce qu’ils seraient épidémiologistes aujourd’hui, ou surtout parce qu’ils défendraient des thèses qui déplaisent. Lire la suite…
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