H1N1pdm : Veillées d’armes à Paris et Genève

Veillées d’armes à Paris et Genève

Cette pandémie grippale n’a pas échappé à une règle non écrite : celle qui veut que les grands phénomènes renvoient à l’usage itératif de métaphores guerrières. Filant ces dernières on pourrait aujourd’hui évoquer le concept de veillées d’armes.

Acte I. Paris tout d’abord. En deux points hautement stratégiques de la capitale on se prépare à enquêter ; ce qui, en démocratie, peut parfois se traduire par en découdre. Au Sénat tout d’abord, à l’Assemblée nationale ensuite. Dans chacun de ces deux palais de la République française une commission d’enquête va bientôt être constituée qui vont passer à la question les responsables de la campagne nationale de vaccination contre le H1N1pdm.

Une fois n’est pas coutume, depuis les splendeurs aujourd’hui givrées du jardin du Luxembourg ce sont les sénateurs qui ont les premiers ouvert le feu. Ainsi, sur proposition du groupe communiste et parti de gauche, le Sénat a donc décidé, jeudi, la création d’une commission d’enquête « sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe A(H1N1) ». Les adversaires (pour ne pas parler des deux coupables) sont d’ores et déjà bien ciblés. Avant même l’ouverture des hostilités le Dr François Autain, rapporteur de cette commission dénonce « une surévaluation des risques et une dramatisation ». Il entend dès lors  concentrer ses feux sur « le fait que ceux qui conseillent les laboratoires sont souvent ceux qui conseillent les gouvernements ». Airs de fifre connus. « Nos travaux, menace-t-il, devraient donc porter essentiellement sur ces liens incestueux qui expliquent la situation dans laquelle nous sommes : la France a le plus grand gap entre le taux de vaccinés (7 % de la population) et le nombre des doses commandées (94 millions) ». La désignation des membres de cette commission sénatoriale devrait être votée en séance le mercredi 17 février.

Quelques hectomètres en aval de la rive gauche de la Seine, à l’Assemblée nationale, c’est un autre médecin élu (le Dr Jean-Luc Préel ; Nouveau Centre) qui est « rapporteur de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur « la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne contre la grippe A(H1N1) ». » Ici la focale est élargie. Le Dr Préel : « il convient de s’interroger sur les méthodes qui ont conduit à un échec, avec seulement 5 700 000 Français vaccinés ». Ce vice-président de la commission des Affaires sociales souhaite « mettre l’accent sur la mise à l’écart des généralistes, au profit de dispositifs collectifs, ainsi que sur les modalités des réquisitions dont ils ont fait l’objet ». Le vote en séance pour la mise en place de la commission est fixé au 24 février auditionnera pendant six mois les principaux responsables du plan de vaccination, ainsi que les experts et les dirigeants de l’OMS.

Ce Blog, autant que faire ce peut, se fera au plus vite et au plus juste le fidèle écho de ces enquêtes et des affrontements sans précédents auxquels elles devraient donner lieu.  

Acte II. Genève ensuite, où à l’inverse il semble que l’on prépare l’armistice. La direction générale de l’OMS vient de faire savoir urbi et orbi qu’elle allait sous peu réunir un conclave baptisé  « comité d’urgence ». Objectif : demander aux devins dénommés experts si la vague maligne est bien sur le recul. Ou, pour parler comme le Dr Keiji Fukuda, responsable des  pandémies de grippe sur les rives du Lac Léman, si « le pic de la pandémie grippale H1N1 est passé ».

« L’OMS va demander à son comité d’urgence de se réunir à la fin du mois pour fournir à l’OMS un avis sur le fait de savoir si nous entrons dans une période d’après pic, a tenu à déclarer le Dr Fukuda lors d’une téléconférence comme toujours planétaire. Nous espérons que nous entrons dans cette phase, qui signifie que le pire est passé et que l’on se dirige progressivement vers une situation plus comparable à celle de la grippe saisonnière.» Le faux calme habituel après une tempête mois grave qu’annoncée ?

La réunion du conclave annonçant la fin des hostilités (comme toujours composé d’experts-prélats chargés de fournir des recommandations à l’OMS)  pourrait se tenir « dans la dernière semaine du mois de février » ; à la veille des Ides de mars. Attention : le Dr Fukuda a prévenu le monde que cette phase de « transition » ne signifiait pas pour autant que la pandémie  était terminée. Car si l’activité du H1N1pdm  est depuis quelques semaines en déclin dans l’hémisphère Nord les sentinelles de l’OMS a constaté son apparition dans des régions où il n’était pas présent jusqu’alors, et notamment en Afrique de l’Ouest et tout particulièrement au Sénégal. Alors, armistice ou pas ?

Acte III. Depuis Washington l’agence de presse Reuters nous mande la dépêche suivante : « La grippe A (H1N1) a peut-être tué 17.000 personnes aux Etats-Unis, dont 1.800 enfants, viennent d’annoncer les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Les CDC et l’OMS ont cessé, il y a de cela plusieurs mois, d’essayer de compter tous les cas effectifs.  L’OMS et le CDC estiment qu’il n’y a pas assez de tests à administrer pour vérifier que toutes les personnes souffrant de symptômes liés à la grippe  A souffraient bien de la maladie. C’est pourquoi les CDC effectuent leurs propres estimations à
partir de modèles recoupant plusieurs sources d’information. La pandémie a conduit à l’hôpital autant de personnes que durant la période de grippe saisonnière, mais la plupart étaient plus jeunes. En outre, cela a eu lieu lors de mois où il n’y a en principe pas de grippe.
Les CDC estiment entre 41 et 84 millions le nombre de cas de grippe H1N1pdm survenus aux Etats-Unis entre avril 2009 et le 16 janvier 2010. Durant cette période, entre 8.330 et 17.160 personnes sont mortes des suites de cette infection virale ; la fourchette moyenne  étant à 12.000.  Entre 880 et 1.800 enfants sont décédés, jusqu’à 13.000 adultes de moins de 65 ans et entre 1.000 et 2.000 personnes
plus âgées. En temps normal, les CDC estiment que 36.000 Américains meurent chaque année des suites de la grippe dont 90% ont plus de 65 ans. »

Jean-Yves Nau

USA, crash de 30 jumbos remplis de grippés : aucun survivant.

Avec les enquêtes en gestation, les questions de conflits d’intérêts devraient bientôt être mises à plat. Et ce sera probablement utile. Un conflit d’intérêt pose un sérieux problème lorsqu’il n’est pas dévoilé par l’expert dès lors qu’une institution légitimée pour le faire le lui demande. Ensuite, d’autres types de questions se posent, qui  ne sont bien souvent plus véritablement  du ressort de l’expert. Quand doit-on demander à un expert ses conflits d’intérêt (en dehors des cénacles habituels) ? Lors d’une interview radiophonique ou télévisée ? Pour un « journal papier » ou   sur un blog? Qui est légitime pour demander les conflits d’intérêt de l’autre ? Nous sommes régulièrement harangués à ce sujet par des blogueurs souvent anonymes qui n’envisagent pas un instant – eux – de déclarer s’ils  ont – ou pas- de tels conflits !

Que fait-on des déclarations de conflits d’intérêts ? A partir de quel moment, juge-t-on qu’elles disqualifient les propos de l’expert ? Où va-t-on dans la déclaration de ses conflits d’intérêts : jusqu’aux liens familiaux ? Et qu’appelle-t-on « la famille », jusqu’où peut-on aller sans violer la vie privée des personnes ? Et puis, se posent des questions plus philosophiques (d’aucuns prétendront qu’elles sont posées pour détourner l’attention vis-à-vis de l’essentiel) : les conflits d’intérêts ne sont-ils que des conflits mettant en jeu des rapports d’argent qu’entretient l’expert ? Qu’en est-il des rapports concernant le sexe, le pouvoir, l’honneur ? Nous ne vivons pas dans un monde aussi simpliste qu’on voudrait parfois le croire.

Les décomptes des conséquences des infections par le H1N1pdm commencent à se consolider. On apprend que la « grippette » de certains a causé plus de morts que ceux initialement rapportés. Cela fera-t-il un deuxième scandale après celui de la « pandémie inventée » ? Irons-nous vers le procès de la veille sanitaire, après celui de l’expertise sanitaire ? Ce n’est pas sûr, car le taquet qui protège d’un tel scandale est fourni par les prévisions dites « alarmistes » des experts, c’est-à-dire le plus souvent par les chiffres de la mortalité saisonnière de grippe. Tant que la mortalité par grippe H1N1pdm ne dépassera pas quantitativement celle atteinte par la grippe saisonnière de moyenne virulence , le profane se dira qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Même 17 000 morts « pandémiques » en comparaison des 36 000 morts « saisonnières » (en moyenne)  aux USA ne feront pas pleurer dans les chaumières. Et ce, alors même que l’analyse est rapide, encore peu étayée.

Outre-Atlantique nous avons en effet d’une part cette moyenne saisonnière de 36 000 décès attribués à la grippe et survenus pour l’immense majorité d’entre eux chez des personnes très âgées, le plus souvent très malades de surcroît. Ces décès sont même rarement identifiés par les médecins comme étant dus à la grippe : ce sont des « morts en excès » statistiquement identifiés sur les courbes de mortalité, mais jamais identifiés individuellement. Ces personnes  sont décédées en pleine vague de grippe sans que l’on sache très bien d’ailleurs le lien de cause à effet entre la grippe et la mort ; sans que l’on sache même si ces personnes avaient seulement été infectées avant leur décès par le virus de la grippe saisonnière.

Et nous avons d’autre part  entre 8 000 et 17 000 morts prématurées attribuées au H1N1pdm, survenues dans l’immense majorité chez des moins de 60 ans, dans une proportion non négligeable chez des jeunes en bonne santé, parfois chez des personnes dont on sait qu’elles souffraient d’un diabète ou d’un asthme (des maladies rarement mortelle en cas de grippe). Il s’agissait aussi parfois de femmes enceintes. Nous savons en outre  qu’il y a eu par centaine de milliers (aux USA) des hospitalisations lors de cette épidémie, dans des tranches d’âge jamais observées auparavant avec une telle fréquence. Des hospitalisations souvent dans des services réanimation, parfois dans des conditions acrobatiques, avec un traitement complexe (autant que coûteux) par ECMO (machine permettant l’oxygénation de l’organisme par membrane extracorporelle).

Alors quelle est la vraie question aujourd’hui ?  Probablement pas celle de savoir si « le » pic est derrière nous : oui, clairement, « un » pic est derrière nous. Plutôt celle de savoir ce que nous réservera le H1N1pdm durant les prochains hivers. Seront-ils à l’image de celui que nous venons de connaître ?  Une fois les polémiques dépassées, ne finirons-nous pas par  trouver ces hivers  un peu longs… sans vaccin ? Une dernière question : combien d’équivalents de jumbo-jets ayant fait le plein de passagers faudra-t-il  voir s’écraser sous nos yeux (en fin d’hiver) pour enfin se décider à réagir, à faire en sorte que plus de 9% de la population demande à (et puisse) être vaccinée pour éviter des milliers de morts prématurées ?

Antoine Flahault

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Plus blanc que blanc ?

Conflits d’intérêts : les « experts » sur le grill

Connue de longue date la délicate problématique des « conflits d’intérêts » de certains experts ne sortait guère des cénacles médicaux et scientifiques. Tel n’est plus tout à fait le cas avec la pandémie grippale due au virus H1N1, puissant révélateur psycho-socio-économique. Car il ne faut pas s’y tromper : ce sont bien les experts que l’on retrouve visés, directement ou non, par les accusations aujourd’hui formulées contre le gouvernement français, l’OMS ou les multinationales pharmaceutiques productrices de vaccins http://www.slate.fr/story/16329/grippe-h1n1-accuse-oms-levez-vous. Et la principale question aujourd’hui soulevée est de celle de savoir si, comme certains symptômes le laissent penser, le gouvernement français et l’OMS se désolidariseront des experts à qui ils avaient, ces derniers mois, demandé de les conseiller dans l’élaboration de d’une politique anti-pandémique désormais condamnée parce que disproportionnée.

Pourquoi les experts ? Deux raisons principales. La première, conjoncturelle, tient au H1N1 ; la seconde est structurelle. On sait que la plupart des spécialistes (travaillant dans des institutions publiques) ont, de manière récurrente, alerté ces derniers mois les responsables sanitaires et l’opinion publique sur la menace sanitaire. Ils postulaient, schématiquement, que le potentiel pandémique du H1N1 était de nature à avoir de redoutables conséquences sanitaires sociales et économiques. A la puissance publique d’en tirer les conclusions qu’elle jugerait utile et nécessaire.

Quelques mois plus tard ces mêmes experts reconnaissent bien volontiers aujourd’hui publiquement que ce nouveau virus est doté d’un pouvoir pathogène moins élevé que les expériences passées pouvaient leur laisser supposer. Le nouveau H1N1 représentait certes (représente toujours) une menace pour l’espèce humaine. Ce virus effectivement très contagieux a provoqué des grippes compliquées d’infections sévères et il a tué ; mais il a tué dans des proportions nettement inférieures à ce que prévoyaient (en intégrant de très nombreuses inconnues) la plupart des scénarios élaborés par les meilleurs spécialistes de virologie et d’épidémiologie.  Y a-t-il là matière à accusation ou, pire, à sanction ? Et si oui à quel titre ? Si l’épidémiologie et la virologie ne sont pas des arts divinatoires ce ne sont pas, non plus, des sciences exactes.

Or voici que l’on découvre –ou que l’on feint, parfois, de découvrir – que nombre de ces mêmes spécialistes ne sont pas des savants enfermés dans une tour d’ivoire. Ce ne sont pas non plus des saints laïcs oeuvrant dans le dénuement, jour et nuit, au service de la collectivité humaine. Les fausses images colportées depuis l’époque pastorienne ont pourtant la vie dure et on estime, du moins en France, que la recherche médicale et scientifique n’a de vertus que si elle ne touche pas à l’argent.

Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal et il est désormais du domaine public que nombre des experts en charge de conseillers les autorités sanitaires nationales ou les institutions internationales étaient par ailleurs  (ou avaient été) rémunérés pour des activités de conseils ou de recherche clinique par des firmes pharmaceutiques ; des firmes qui plus est  impliquées dans la lutte contre les grippes saisonnières et donc contre la dernière pandémie grippale.

Ces scientifiques n’ont certes jamais fait mystère de cette situation qui s’explique pour la plupart d’entre eux précisément par le fait qu’ils excellent dans leurs domaines de compétence. Mais  l’ambiguïté de leur situation fait que l’on peut aujourd’hui facilement les accuser d’un coupable mélange des genres. On peut aussi postuler qu’en lançant, comme ils l’on fait, des alertes à la pandémie et en recommandant régulièrement la vaccination ils servaient plus la cause des multinationales pharmaceutiques (aujourd’hui souvent diabolisées) que celle de la santé publique. Rien n’interdit non plus d’imaginer la situation inverse : un nouveau virus pandémique hautement pathogène et ces mêmes experts honorés, portés aux nues, pour avoir incité publiquement à la vaccination de masse.

Comment, dans un tel domaine, faire la part des choses et pourra-t-on jamais établir la vérité ? En France les sénateurs communistes et du parti de gauche le pensent qui entendent que soit créée une commission d’enquête sur « le rôle des laboratoires pharmaceutiques dans la gestion de la pandémie de grippe H1N1 ». Ils évoquent notamment « une surévaluation des risques », une « dramatisation », et jugent indispensables d’enquêter sur « le rôle des experts » tout en déplorant que ceux « qui conseillent les laboratoires sont souvent ceux qui conseillent les gouvernements ». « Notre commission portera essentiellement sur ces liens incestueux qui expliquent la situation dans laquelle nous sommes » prévient le sénateur François Autain (Parti de gauche, Loire-Atlantique).

Et après d’autres ces sénateurs désignent tout particulièrement le Pr Bruno Lina, « un des experts du gouvernement », par ailleurs président du « Groupe d’expertise et d’information sur la grippe (GIEG) ». Il affirme que le CIEG est « financé à 100% par des laboratoires qui produisent des vaccins contre la grippe » et que son directeur, Bertrand Vermee « est même le directeur du service marketing du département vaccin de Sanofi Pasteur ». Bien peu de travail d’investigation ici : tout sur ce sujet est disponible sur le site du GIEG http://www.grippe-geig.com/fr/geigc/ Cette association loi 1901 a pour objet « l’information du public en France sur la grippe et sa prévention » et elle œuvre dans le domaine de la lutte contre la grippe « aux côtés des autorités sanitaires, de la communauté scientifique, et des laboratoires pharmaceutiques ». Raison d’être : amener à une prise de conscience plus forte des conséquences de la grippe (qui entraîne 2 500 à 3000 décès chaque année en France) et  contribuer à l’atteinte de l’objectif de santé publique en matière de couverture vaccinale contre la grippe, fixé par la loi française de santé publique. Ainsi donc, sauf à démontrer le contraire, une opération de lobbying pharmaceutique transparente et quelque peu atypique réunissant depuis une vingtaine d’années des entreprises concurrentes (dont les parts de marché sont stables) interdites de publicités destinées au grand public et souhaitant faire la promotion de leur vaccin au travers celle de la vaccination antigrippale. 

« Dès l’origine, le GEIG s’est entouré d’un conseil scientifique composé de spécialistes de tout premier plan, issus des différentes disciplines représentatives des aspects scientifiques, médicaux et socio-économiques de la grippe, précise-t-on encore. Le GEIG est financé par les 5 laboratoires qui distribuent des vaccins contre la grippe sur le territoire français (Sanofi Pasteur MSD, GSK, Pierre Fabre, Solvay et Novartis Vaccines). » On ajoute que le budget de fonctionnement (montant non précisé) est consacré à l’organisation annuelle d’un colloque scientifique et d’une conférence de presse annuelle (pour informer les français de la disponibilité des vaccins en pharmacie et ainsi lancer la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière dans les meilleures conditions).
« En aucun cas, ce budget ne rétribue des experts, membres ou non du conseil scientifique » prend-on soin de souligner.

Aujourd’hui président de ce conseil scientifique dont les membres « assurent un rôle d’interface entre la communauté scientifique nationale et internationale d’une part et le grand public d’autre part » le Pr Bruno Lina est avant tout chef du laboratoire de virologie du CHU de Lyon, directeur d’une unité CNRS, directeur de l’un des deux centres nationaux français  de référence des virus grippaux ; et, de ce fait expert auprès du ministère français de la santé pour le risque pandémique. La commission d’enquête parlementaire établira-t-il qu’il y a ici un « conflit d’intérêt » constitué ? En toute hypothèse les enquêteurs devront se pencher sur une large fraction de la communauté française des spécialistes de virologie grippale dont les membres les plus connus ont d’ores et déjà fait savoir qu’il leur était arrivé de nouer des relations de travail (rémunérées) avec des firmes pharmaceutiques. Il suffit d’ailleurs d’aller sur le site du ministère de la santé  http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr/comite-de-lutte-contre-la-grippe,3956.html pour avoir le détail des « déclarations publiques d’intérêts » faites par les membres du « comité de lutte contre la grippe » (créé par décret en juillet 2008, bien avant la pandémie H1N1) et qui avaient été nommés par la ministre de la santé. Des situations ambiguës similaires sont observées à l’étranger concernant de nombreux experts de l’OMS au premier rang desquels le très célèbre Pr Albert Osterhaus, citoyen néerlandais, virologue cultivant savamment son aura médiatique et, à ce titre, irritant  ses pairs.

Quand on interroge en privé ces experts sur les dangers inhérents à ce type de situation, tous ou presque déclarent ne pas comprendre. Ils parviennent sans mal, assurent-ils généralement, à faire la part des choses ; et ce d’autant mieux que depuis quelques années les « déclarations publiques d’intérêts » sont devenues obligatoires, qu’il s’agisse d’articles de recherches médicales et scientifiques soumis à des revues pour publications ou de travaux d’expertises menés pour des tiers. Et dès lors qu’il y a un « conflit d’intérêt » manifeste la publication est refusée ou l’expert ne participe pas à la prise de décision. Est-ce suffisant ? Tous, ou presque, le pensent.

Reste à connaître les raisons qui peuvent pousser à nouer de telles collaborations potentiellement à risque. Sans doute bien sûr y a-t-il l’argent, conservé à titre personnel ou reversé à une unité de recherche. Mais il faut aussi compter avec une forme de reconnaissance extérieure de ses compétences. Quant aux firmes pharmaceutiques concernées elles peuvent ici nouer, pour des montants relativement modestes, des collaborations avec des noms prestigieux de la communauté scientifique et médicale. Il faut aussi ajouter que la quasi-totalité des essais cliniques concernant les  médicaments avant commercialisation fonctionnent sur ce modèle de collaborations nouées avec des responsables hospitalo-universitaires et financées par les firmes concernées. Cette situation tient au fait que seules ces firmes ont les moyens de financer ces travaux, que ces travaux ne peuvent pas ne pas être rémunérés ; avec comme postulat que l’argent versé aux experts n’altèrera en rien la nature et la valeur de leurs résultats.

Plus généralement les experts occupent une position délicate mais irremplaçable. La direction générale de l’OMS vient d’en témoigner. Elle aussi vivement critiquée pour sa gestion de la pandémie (et les possibles liens incestueux qu’elle, ou ses experts, entretiendraient avec « Big Pharma ») elle vient de faire savoir qu’elle allait faire procéder, lorsque la pandémie sera éteinte, à une évaluation de son action ; une évaluation qu’elle demandera, dit-elle, non seulement à des experts mais, mieux encore, à des « experts indépendants ». Seront-ils rémunérés ?

Jean-Yves Nau

Plus blanc que blanc ?

Cette polémique est saine. Elle est aussi révélatrice d’une perte de confiance du public qui après avoir atteint les autorités politiques et dans une certaine mesure les journalistes, gagne désormais les scientifiques et les experts. Nous formions jusqu’à présent une caste privilégiée sur ce plan : intouchables ou presque dans les médias, souvent faire-valoir des politiques, toujours courtisés des industriels des produits de santé. L’expert, souvent drapé dans sa dignité d’universitaire, bénéficiait d’une impunité qui ne pouvait évidemment pas durer. Aujourd’hui il tombe de son piédestal et c’est heureux : on lui demande des comptes, financiers certes, mais aussi sur la qualité de son expertise. Sur les deux pans, il n’y pas à s’en plaindre. Il faut seulement répondre.

Sur le plan financier, ou disons des « conflits d’intérêts », comment procéder ? Doit-on s’offusquer des liens entre les producteurs de vaccins et de médicaments et les experts ? La réponse est prévue par le code de la sécurité sociale (article L.161-44) : les conflits d’intérêts se préviennent et se gèrent. Les agences de sécurité sanitaire, la Haute autorité de santé savent comment procéder et demandent à tous les experts qu’ils sollicitent de déclarer et de mettre à jour leurs éventuels conflits d’intérêts. Certains sont jugés rédhibitoires pour poursuivre la collaboration entre l’agence et l’expert. D’autres liens sont estimés suffisamment étroits pour motiver l’exclusion de l’expert lorsqu’il est confronté à un dossier concernant des produits concernés par le conflit (produits du laboratoire qui rémunère l’expert ou produit de ses concurrents). Enfin certains liens ne sont pas considérés comme obérant le jugement de l’expert. Tout cela est discutable sans doute, mais est au moins contrebalancé par la collégialité et la transparence habituelles de l’expertise qui diluent – espère-t-on – les éventuels biais dans l’analyse. Au moins tout cela est déclaré, même si l’exhaustivité et la sincérité des déclarations sont parfois difficiles à vérifier.

Le manque que souligne la polémique actuelle sur la grippe pandémique, c’est l’absence de déclaration des conflits d’intérêt en dehors des cadres que je viens de citer, hors-agences. Lorsque l’on s’exprime dans un média, il ne vous est jamais demandé de déclarer vos conflits d’intérêts. Il n’y a aucune transparence sur ce point. Aucune non plus, réciproquement, de la part des médias eux-mêmes, ni de leurs journalistes. Rien non plus du côté d’Internet ni des blogueurs. Or il est clair aujourd’hui que ces supports sont des prescripteurs d’opinions et peuvent compter dans les décisions publiques. Ceux qui alimentent aujourd’hui la polémique ont bien vu la faille du système : dans le fond, un expert peu scrupuleux pourrait instrumentaliser les médias au profit d’intérêts cachés à son avantage. On est au bord de la théorie du complot, mais comme la définition même de la qualité d’expert n’est pas claire, on peut comprendre les doutes de certains : on a vu notamment des experts s’exprimer longuement cet automne sur la pandémie grippale sans jamais avoir publié un seul article scientifique sur le sujet. Aujourd’hui l’expert qui intervient « au-dessus » des agences, directement sollicité par le cabinet d’un ministre n’est pas soumis à l’exigence de déclaration de conflits d’intérêts comme il l’aurait été s’il avait été sollicité par une agence de sécurité sanitaire ou par  la Haute autorité de santé.

Il faut certainement tirer profit (si j’ose dire) de la polémique suscitée autour de ces questions actuellement pour remettre à plat la transparence des conflits d’intérêts dans les domaines où elle n’existe pas ou qu’imparfaitement. Il conviendrait aussi que ces déclarations soient rendues publiques. Tout le monde y gagnera. Mais les experts seront en droit d’exiger en retour que les journalistes, les médias eux-mêmes, et les personnels des agences et des autorités sanitaires, procèdent aux mêmes déclarations publiques d’intérêts. Sur la qualité de l’expertise, le public aussi est en droit d’avoir des réponses. Il y a tout d’abord la qualité « a priori » ou intrinsèque de l’expert. Je ne sais pas s’il faut formaliser cela. La liberté d’expression dans le domaine scientifique est cruciale et il ne s’agit pas de vouloir la limiter ou la réserver aux seuls chercheurs ayant publié sur le sujet. Mais le lecteur ou l’auditeur devrait pouvoir savoir si « l’expert » qui s’adresse à lui est expert dans le domaine (A-t-il publié des articles scientifiques sur la grippe ? A quelle date ?), ou d’un domaine plus large (celui des maladies infectieuses, de la virologie ?), ou encore d’un domaine non médical (politologue, sociologue, économiste). S’il n’est pas issu du domaine scientifique -homme politique ou citoyen lambda-  il a droit comme les autres à l’expression, il a son mot à dire dans des débats sociétaux, mais alors, ne l’appelons pas nécessairement « expert ».

Il y a ensuite la qualité a posteriori de l’expertise. « Il nous a prédit 30 000 morts et il y en a eu que 300 ». Cela mérite de s’y attarder. On veut des comptes. Et c’est normal. On demande aujourd’hui les mêmes comptes à ceux qui ne prédisent pas correctement les tempêtes météorologiques, ou la rupture des digues en cas de cyclones. En fait, on n’écoute pas toujours ce que disent ou écrivent les experts. Ou bien on le déforme. Ou encore, ils n’ont pas été clairs. Pas toujours « à dessein ». Pas toujours « pour être en vedette ». Pas toujours « pour servir des intérêts cachés ». Même si tout cela peut arriver aussi. Lorsque le professeur Roy Anderson, éminent spécialiste mondial des maladies transmissibles, directeur de l’Imperial College avait annoncé, à partir d’un modèle mathématique, qu’il y aurait au Royaume-Uni entre 36 et 136 000 décès par maladie de Creutzfeldt-Jakob dans son nouveau variant (maladie de la « vache folle »), les médias ont retenu la borne supérieure de sa prévision. Il n’y a eu « que » 200 décès in fine, et il peut se targuer de l’avoir prévu (puisque c’était dans sa fourchette).

Pour cette pandémie H1N1pdm l’InVS avait annoncé entre 3000 et 96 000 décès. Comme moi, cet institut s’est trompé. Car personne n’a imaginé qu’il y aurait moins de décès avec cette souche pandémique que durant une épidémie de grippe saisonnière. Nous ne sommes pas des devins, certes, mais nous nous sommes quand même trompés et cela mérite un certain retour sur nous-mêmes. Même si le reproche s’estompe car tout le monde est d’accord que c’est une sacrément bonne nouvelle. En revanche, cette sale grippe a tué directement (=SDRA) malheureusement plus de 100 fois plus que la grippe saisonnière, comme nous l’avions annoncé. Beaucoup escamotent aujourd’hui ce fait. Personne ne dirait que la méningite cérébrospinale (à méningocoques) n’est une « méningitette », avec ses 40 décès par an en France. Avec 300 morts, la grippe H1N1pdm (dont une très forte proportion de SDRA), a tué beaucoup plus lourdement que la méningite (contre laquelle personne ne trouve à redire que l’on ait décidé récemment de vacciner systématiquement tous les enfants).

Rendre des comptes ? Oui, mais à condition qu’ils soient complets. Sinon, on ne tirera jamais bien les leçons de ce qui s’est passé (et de ce qui ne s’est pas passé).

Antoine Flahault

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Vaccinations : sauvera-t-on le soldat Ryan ?

Grippe: Vaccination et panique à bord

Un groupe de spécialistes lance un appel planétaire pour que l’on fasse au mieux la lumière sur la réalité des effets secondaires des vaccins anti-pandémiques

Avec cette première pandémie grippale du XXIème siècle nous voguons décidément collectivement vers des horizons bien incertains. Avec, au centre d’une boussole perdant le nord, les questions en cascades soulevées par la vaccination. Cela vaut pour la France comme nous venons, une nouvelle fois, de l’observer ces derniers jours au travers des embarras croissants de Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé perdant progressivement pied pour justifier sa politique du « tout vaccinal » ; ou plus précisément –et c’est bien là que blesse le bât – du « tout vaccinal proposé ».

Mais changeons un instant de jumelles et l’on découvre bien vite que des problématiques voisines émergent ici ou là tant dans la communauté internationale des « experts » (en virologie, immunologie, épidémiologie, veille sanitaire, santé publique, économie, calculs bénéfices-risques, éthique etc.) que dans celle, souvent plus ou moins consanguine,  des responsables sanitaires politiques. C’est, d’une certaine manière, l’objet d’un vibrant et assez étonnant appel que vient de diffuser sur son site la célèbre revue médicale britannique The Lancet (pdf gratuit en ligne, en anglais).

Résumons ici au plus serré le propos. Une pandémie émerge et, par définition, se propage (et s’installe dans le temps) à des rythmes variables dans les deux hémisphères. Des vaccins sont élaborés dans l’urgence ; ils sont acquis, dans des conditions plus ou moins transparentes, par les pays les plus riches de la planète. Ces derniers expliquent, air connu, qu’ils aideront les plus pauvres à ne pas être totalement démunis lorsque la bise pandémique sera venue. Dans tous les cas de figure on proposera cette vaccination à de très larges fractions de la population le plus souvent des hommes et des femmes jeunes, très jeunes ou, plus tard, plus âgés. Le scénario n’est pas sans reproduire celui que la France a connu avec la vaccination contre l’hépatite virale de type B sur laquelle il faudra bien, un jour, revenir pour, entre panique et déni, dire la réalité.

The Lancet, donc, sur le site duquel un groupe de chercheurs et d’institutions sanitaires tente de prévenir les possibles (et redoutables) erreurs d’interprétations qui pourraient, demain, résulter des campagnes vaccinales massives anti-pandémiques. Ils tentent en quelque sorte de déminer un terrain qu’ils savent –que nous savons – miné. Mais laissons-donc ici pleinement la parole à l’expert, au pédagogue, au citoyen.

Jean-Yves Nau

Sauvera-t-on le soldat Ryan ?

Comme Jean-Yves Nau le suggère cette vaccination de masse entreprise au niveau mondial pourrait-elle se solder par une suspicion généralisée vis-à-vis du vaccin ? Et ce en raison d’effets secondaires vaccinaux plus ou moins hypothétiques, en tout cas difficiles à interpréter, comme nous en avons eu l’expérience douloureuse en France avec la campagne d’incitation à la vaccination généralisée contre l’hépatite B ? Cet appel des chercheurs dans le Lancet est à la fois louable et bien sûr utopique.

On peut bien évidemment le qualifier de« scientiste », au sens propre du terme (et surtout pas sectaire). Il voudrait répondre par la science (la raison et les faits) à ce que nous voyons depuis quelques semaines déferler sur la blogosphère. Des vagues irrationnelles (je présente d’emblée mes excuses à ceux que je sais irriter en écrivant cela ; mais n’est-ce pas aux scientifiques de le dénoncer ?) concernant le risque vaccinal, les adjuvants, les squalènes et autres mythes présentés comme terrifiants. J’use du terme  « irrationnel », sans mépris ni manque de respect,  mais parce que les seuls faits scientifiques et les seules données épidémiologiques avancés ne parviennent pas à contrer un argumentaire construit pour l’essentiel sur des convictions inébranlables.

Après la description d’une épidémie de syndrome de Guillain et Barré (j’écris bien « consécutive » et non pas « due à ») consécutive à l’administration d’un vaccin contre la grippe en 1976 aux USA, il y a eu autant d’articles dans la presse scientifique, pour évoquer un lien probable avec la vaccination que d’articles de même qualité pour réfuter un tel lien. Après la suspicion de la survenue de cas de sclérose en plaque après la vaccination contre l’hépatite B en France, la situation est également demeurée inextricable, le lien causal indémêlable.

J’ai personnellement revu en détail l’ensemble de cette littérature. Ce sont deux études de cas que j’ai enseignées largement à la Faculté ces dernières années. On est à chaque fois successivement troublés, convaincus, par les arguments des uns, puis… par les arguments des autres. Ainsi, la survenue d’un syndrome de Guillain et Barré 13 jours après une injection vaccinale, en étant en pleine santé préalablement pose question à toute personne concernée, à tout médecin aussi. Le fait qu’il n’y ait aucune augmentation de ces cas de Guillain et Barré durant la période où l’on vaccine massivement contre la grippe saisonnière (entre septembre et novembre) trouble profondément l’épidémiologiste (voir un billet récent à ce sujet). Le débat est ensuite éventuellement pollué par les conflits d’intérêts de ceux qui mènent ces recherches ou s’expriment à leur sujet.

De tels  conflits surviennent dans tous les domaines scientifiques. Ils ne sont nullement réservés aux liens avec le secteur industriel pharmaceutique. Pour autant restons un instant sur ces liens. Les experts ne relèvent pas « du domaine public » exclusif. Ils peuvent aussi être appelés à donner leurs conseils aux industriels, dans le cadre de conventions réglementées. Il faut bien des experts pour mener les essais cliniques et pour développer de nouveaux médicaments. Dès lors qu’il a collaboré avec le privé, l’expert serait-il ipso facto « démonétisé » ? Ce qu’il dit devient-il nul et non avenu ? Nécessairement tendancieux ?  En toute bonne foi, le raisonnement y compris scientifique est toujours influencé par l’expérience. Et même si cette expérience peut être utile à l’expertise, il est important de savoir quels sont ces conflits d’intérêts potentiels et quelle est leur nature.

On a étendu la notion de conflits d’intérêt à la vie privée des experts, à leurs liens familiaux et matrimoniaux officiels. Rien à redire. On ne demande pas (encore) ce qu’il en est des liens informels, mais qui sait un jour et pourquoi pas ? Jusqu’où pousser la suspicion de conflits d’intérêts ? Ce sont des questions débattues dans le monde de la recherche et il est normal de les poser sans tabou. Les agences publiques, en France, l’Afssaps, l’Afssa, l’Afsset, l’InVS et la Haute Autorité de Santé (il en va de même dans toute l’Europe ou aux USA) demandent ces déclarations de conflits d’intérêts potentiels avant de solliciter on non l’expertise des enseignants-chercheurs qui publient dans le domaine. Les revues médicales et scientifiques font de même avant d’autoriser toute publication, et les liens déclarés figurent alors sur les publications. Ces déclarations ne gomment pas l’influence qu’ont ces liens sur l’expertise, mais permettent – on l’espère – de mieux la tempérer, l’interpréter, la moduler éventuellement.

Revenons à notre sujet. Malgré tous ces efforts vers la clarté, il semble illusoire de penser que seuls les arguments scientifiques viendront contrecarrer les attaques qui surgiront contre le vaccin du fait de la suspicion d’effets indésirables. Les épidémiologistes feront ce qu’ils pourront. Des débats contradictoires au sein même de leur communauté les agiteront, et ajouteront peut-être à la confusion, voire à la suspicion comme l’ont montré les récents débats évoqués ci-dessus. Et une fois de plus il pourrait en résulter que … l’on ne pourra pas conclure définitivement sur le lien de causalité entre tel effet rare et la vaccination.

Il s’agira bien entendu d’effets dont on ne saura ni la cause, ni le mécanisme de survenue, ni la physiopathologie ni l’évolution, comme le syndrome de Guillain et Barré, la sclérose en plaques, ou l’autisme. De ce débat inextricable, qu’en sortira-t-il ? Une suspicion accrue vis-à-vis des vaccins pour ceux – nombreux aujourd’hui – qui n’avaient pas confiance au départ ?  Un doute émergeant chez ceux qui n’avaient pas d’idées préconçues sur le sujet. Et peut-être même une « contamination » de l’ensemble de la société sur les autres stratégies vaccinales ? De cela, une large majorité de la communauté médicale est consciente. Il en va de même des producteurs de vaccins aussi.

Avait-t-on raisonnablement d’autre choix ?  Ce n’est pas la fleur au fusil que l’on aborde ces questions, qui sont et seront difficiles à traiter. Derrière l’appel de nos collègues dans le Lancet, il faut me semble-t-il percevoir l’expression de la conscience aiguisée qu’il faut « sauver le soldat Ryan », sauver le soldat vaccinal qui à l’aube de ce vingt-et-unième siècle pourrait rapidement rendre l’âme face aux résurgences récurrentes des craintes ancestrales nées des avancées du progrès de la science et de la raison. Cela posé, nous avons la chance, infinie, d’en découdre sur les prés démocratiques et citoyens.

Antoine Flahault

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