Verts de grippe

On ne les avait jusqu’ici guère entendu sur le front de la pandémie. Il suffisait d’attendre. Au moment où Roselyne Bachelot, optimisme radieux chevillé au corps se félicitait du fait que le cap des 200 000 vaccinés soit dépassé les Verts ont, mercredi 18 novembre, instruit le procès du plan de lutte gouvernemental.

Force est bien d’observer que jusqu’ici la pandémie n’a guère donné matière à de véritables joutes politiques, les seuls affrontements véritables concernant les spécialistes de la question ; spécialistes véritables ou autoproclamés. Seul peut-être Jean-Marie Le Guen, député (PS, Paris) et président du Conseil d’administration de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris avait tenté une lecture critique de la politique gouvernementale dans ce domaine (Slate.fr du ….).

Comme souvent avec les Verts on change de registre et de ton. Les militants de ce parti que l’on dit hétérogène dénoncent désormais le « fiasco de la vaccination générale » face à la grippe H1N1pdm qualifiant dans un même élan de tribune le plan du gouvernement de « disproportionné » et la communication gouvernementale « ratée ».

« L’excès de zèle des autorités françaises a produit un plan délirant de
vaccination générale contre la grippe H1N1 qui, au final, pourrait avoir des conséquences sanitaires négatives »  écrit dans un communiqué Jean-Louis Roumégas, porte-parole des Verts qui s’émeut  du « coût exorbitant » de ce plan : « 1,5  milliard d’euros, deux fois le plan cancer, au moment où le personnel dénonce le manque de moyens chronique dont souffre l’hôpital ».

« La France est le seul pays à avoir choisi la vaccination générale de toute
la population et a commandé pour cela 94 millions de doses, soit deux fois plus que les Etats Unis, et 10% du stock mondial. Bravo pour la solidarité avec le reste de la planète… » ajoute M. Roumégas.  Il selon lui est grand temps de revenir à des mesures de bon sens et de rétablir la
confiance, de renoncer à la vaccination générale pour se concentrer d’abord sur les populations à risque, réintroduire les généralistes dans le dispositif, suspendre les centres de vaccination et ne les rouvrir qu’en cas de nécessité.

Les Verts déplorent encore une « une dramatisation à outrance au départ » ainsi que des « risques liés à la vaccination niés bêtement alors qu’ils sont probables ». Sur ce point les Verts souhaitent la création d’un « comité d’experts indépendants pour surveiller les effets secondaires du vaccin de façon transparente ».

Ainsi donc à peine l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) commence-t-elle à œuvrer en temps réel (avec publication de communiqués détaillés) dans le champ de la vigilance vaccinale qu’elle est déjà –tout comme le gouvernement- accusée de ne pas faire la nécessaire « transparence ».

Attendra-ton le printemps avant d’apprendre que la création d’une  commission d’enquête parlementaire est demandée ?

Jean-Yves Nau


Démocrathermomètre

Ainsi donc cette pandémie nous offre-t-elle, aussi, l’occasion de prendre la mesure des niveaux de démocratie sanitaire dans différents pays. Et j’espère que (si ce n’est déjà fait) des spécialistes de sciences politiques s’empareront du sujet et nous livreront au plus vite des analyses comparatives, notamment entre les grandes nations démocratiques de niveau de développement similaire.

Items : Quel a été le niveau du débat ? Sur quelles questions a-t-il porté ? A quel moment de la pandémie ? Qui a-t-il impliqué : les parlementaires (députés, sénateurs), les maires, les conseillers généraux, régionaux, les syndicats, les associations ? Comment le débat s’est-il organisé ? Comment les autorités de santé, les gouvernements ont-ils – ou non- accueilli ces questionnements en forme de remise en cause ? Comment ont-ils pris en compte les demandes formulées ?

A mes yeux il est sain que le débat prenne aussi, désormais, une tournure politique. Et au risque de me répéter : les experts n’ont pas à dicter des choix qui concernent la population ; ils peuvent apporter des éléments de compréhension au débat, tout au plus ; ces décisions sont principalement d’ordre politique.

A un degré plus fin (plus subtil, et donc plus difficile aussi) l’analyse pourrait chercher à évaluer l’impact de la préemption démocratique du débat sur l’évolution de la pandémie elle-même. Des retards ont-ils été engendrés ? Ou au contraire, les mesures ont-elles été mieux acceptées après débat et discussion ? Le cas d’école que représente cette pandémie est, de ce point de vue, tout particulièrement intéressant, éclairant, enseignant.

Aujourd’hui (comme nous l’avions observé et rapporté dans notre « Journal de la pandémie » couvrant les quatre premiers mois de ce phénomène)  le débat n’est pas fermé. Les contradicteurs ne sont pas pris au piège de la pensée unique. Et c’est heureux ! On peut être pour ou contre la vaccination. On peut trouver qu’on en fait « trop » ou « pas assez ». On peut vouloir « revendre » les stocks vaccinaux en surplus ou vouloir les « donner » aux pays les plus pauvres, voire … les garder encore un peu, au cas où.

Aucun tabou ! Pas d’anathèmes ! Un peu de cacophonie, certes. Mais les dissonances ont aussi leurs vertus. Verts et Oranges ;  Roses, Bleus, Blancs et Rouges partageons nos avis, nos incertitudes, nos croyances,nos inquiétudes, nos points de vue.

Antoine Flahault

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