Le super-héros français est toujours nul

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Le monde est en crise. L’économie s’écroule, les valeurs s’étiolent, la famille s’efface et les patries sont menacées. Heureusement, dans le contexte actuel de multipolarisation des puissances, les humains ont encore des piliers auxquels se rattacher: les super-héros.

Ils sont partout: dans les librairies spécialisées bien sûr, mais aussi dans les jeux-vidéos et au cinéma, où ils font un retour en force depuis quelques années. Après Spider Man, Iron Man ou encore Hulk, c’est au tour du japonais Astroboy de débarquer sur les écrans d’ici la fin 2009. Multi-supports, les super-héros sont aussi internationaux: on en dessine même des hallal, au Koweït. Partout, vraiment partout? L’éternel petit village gaulois semble encore résister à leur protection: aujourd’hui, en France, quand on fait des super-héros, c’est généralement pour en rire.

BD2-superdupontDans le sillage de l’hilarant SuperDupont de Gotlib, le héros à béret le plus célèbre de la bédé hexagonale, les super-héros sérieux sont rares et les Super Ducons nombreux. Il y a bien quelques tentatives. Tout récemment, les naissantes éditions Merluche ont publié le premier opus de L.S.A., un comic book français à l’américaine. Il s’agit des aventures très classiques d’une ligue de super-héros (la Ligue des Super-Héroïque Anti-Criminelle) affrontant des super-vilains. Un des personnages s’appele même Capitaine France, est ressemble en tous points au célèbre Captain America. Hélas, dessin et (plus grave) scénario sont assez sommaires. Si l’initiative est saluée en tant que telle, elle ne suscite pas toujours l’enthousiasme des critiques. On peut aussi signaler Shaango, une série entamée il y a trois ans. Le héros est un éducateur de banlieue qui se découvre le super-pouvoir de balancer des décharges électriques (non, il n’est pas tombé dans un transformateur quand il était petit) et se fait, tel un Daredevil, le protecteur de son quartier. Deux essais louables, même si aucun d’entre-eux ne vient concurrencer sérieusement les productions américaines sur les étals.

leonlafrite_0Hormis ces exemples isolés, les super-héros de la bande dessinée européenne récente sont pratiquement tous parodiques. On pense par exemple à Supermurgeman, le héros créé par Mathieu Sapin, une sorte de Tarzan complètement demeuré, masqué et en slip, dont le super-pouvoir ultime consiste à se mettre une murge instantanée en buvant de la Supermurgebière et en vomissant partout. Il lutte contre l’horrible multinationale Sofroco-Gedec qui tente d’asservir l’île paradisiaque qui lui sert de repère, mais aussi contre des zombies communistes ou encore contre Etronman, une créature qui ne manque pas de selles. Le tout servi par un dessin on ne peut plus éloigné du style comics habituel. Même déconnade pour le Captain Perfect, de Diaz et Stamb. La caricature de super-héros, en provenance directe d’Elvis-Ville, combat un catcheur zombie mutant radiaoctif en quête de cerveaux ou défend l’humanité contre les extra-terrestres psycho-maniaques. Sur Internet, plusieurs de ssinateurs ont lancé la fausse maison d’édition (Trop) Mortel Comics (aussi appelée Marcel Comics), en référence à la célèbre Marvel Comics, où ils publient les aventures de super-héros de carnaval, tels que Spittler Man, Vagina Spice ou encore Léon la Frite. Mais la parodie n’est pas toujours grasse: Cycloman, de Berbérian et Mardon mèle habilement le second degré et une certaine poésie, intime et touchante.

Le super-héros parodique, c’est presque un passage obligé dans l’œuvre des grands auteurs francophones de bande dessinée. Zep, l’auteur de Titeuf, a ainsi créé Captain Biceps, une brute épaisse qui combat des ennemis appelés Heulk (pour Hulk), Battman (pour Batman) ou encore Wolvorine (pour Wolverine). Une fois de plus, il s’agit d’un personnage proprement stupide. Manu Larcenet, lui, n’hésite pas à faire intervenir Edukator dans les aventures de Nic Oumouk, un super-héros masqué qui intervient quand la langue française est trop maltraitée. Il est aussi l’auteur des Super-héros injustement méconnus, un album où Superscientifiqueman, Supertimideboy, Wondermécanicien, Combustionman, Superdrôle, Agrikultor et Hyperdéfoncéman sont à l’honneur. Autant de super-héros aux antipodes de leurs cousins d’Amérique, incarnations de la lose, à l’instar de Supertimideboy qui est incapable de sauver une jeune fille du terrible Godzilla car il perd tout ses moyens en présence de la gent féminine. Frank Margerin, l’auteur du célèbre Lucien, a également tâté du super-héros dans Alerte aux envahisseurs, qui voit s’affronter des quinquas en cape. Un peu comme dans le Watchmen d’Alan Moore, mais, une fois encore, sur un mode pas du tout sérieux.

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Un supposé anti-américanisme primaire, qui aurait transpiré jusque dans le monde de la bande-dessinée, suffit-il a expliquer le sort réservé aux super-héros sous les plumes françaises? Pas vraiment. Déjà parce que les américains livrent aussi de grosses parodies de super-héros (comme les aventures de Peter Porker alias Spider Ham). Mais surtout, parce qu’on a eu une floppée des super-héros français et sérieux par le passé. L’immédiat après-guerre a vu fleurir nombre de vengeurs masqués francophones. Tout comme le rock français s’est construit, à ses débuts, sur la reprise de succès anglo-saxons, les super-héros français de l’époque étaient alors directement inspirés des comics américains. Fantax, l’un des plus célèbres de ces temps, illustre parfaitement l’influence américaine. Dans le civil, le vengeur masqué est Lord Horace Neighbour, attaché à l’ambassade britannique de Washington. Non seulement les créateurs de Fantax le font évoluer dans un univers très américain, mais ils signent leur oeuvre avec des pseudonymes couleur locale. L’auteur Marcel Navarro devient ainsi J. K. Melwyn-Nash et le dessinateur Pierre Mouchot est Chott. Les exemples de super-héros de l’époque sont multiples, d’Atomas le super-héros atomique, à Satanax, alias Arsène Satard, pusillanime petit greffier, en passant par le terrible Radarius. Des super-héros au premier degré, musculeux et intrépides, qui vont régner pendant trois décennies avant de sombrer dans l’oubli. Une autre théorie, plus crédible, apparaît alors. Si les super-héros à la française sont aujourd’hui tous des branquignoles, c’est parce qu’ils s’élèvent en contre-modèles de leurs prédécesseurs sans peur et sans reproches. L’assassinat freudien du père, en quelque sorte.

Par Laureline Karaboudjan

llustration de Une, Supermurgeman

4 commentaires pour “Le super-héros français est toujours nul”

  1. Il existe aussi je pense une différence de définition du “héros” entre l’Europe (allez, la France) et les Etats-Unis où le héros pour être populaire enfreint souvent la loi (Arsène Lupin par ex), et où le héros “chevaleresque” pourfendant l’oppresseur est souvent vu comment étant un peu trop simpliste.
    Posons la question: qui est le héros français (dans la vraie vie)? Qu’est ce qu’un héros. Vivant dans une société où nous n’aimons pas encenser les gens, où l’on cherchera constamment à rabaisser, à trouver la faille, pour finalement brûler son idole, il est logique qu’un homme au buste dressé et regardant au loin soit honni. Tel Cyrano, nous préférons le panache au résultat.

    Il y a aussi le masque qui cache le bien (alors que dans la vraie vie, c’est pour cacher le “mal” que l’on porte un masque: un braquage, un délit..) et qui a du mal à passer chez nous, cosmétique oblige. Il y a aussi l’ancrage du super héros dans la vie moderne et réelle. La France n’est pas une terre de fantastique. Il n’y a que les américains qui peuvent mettre en scène Paris avec des héros costumés. Un français le faisant ne fera pas très crédible et d’ailleurs, rien qu’à l’idée d’imaginer un type en costume se baladant sur la scène, on tique un peu. D’où je pense ce parti d’en rire. Mais quand Neal Adams (icône de Batman dans les années 70) dessine avec Gotlib Super Dupont, on peut voir que le SH parodique a de vraies lettres de noblesse.
    Rappelons aussi que tout un certain milieu crachait allègrement sur ce genre dans les années 60 le taxant de droite et parfois antisémite pour Superman par exemple ( Mr Jean-Paul Sartre) faisant montre à la fois une inculture, un refus d’ouverture et un anti américanisme mal placé. (Non Superman n’est pas un Surhomme Nietzchien, lisez Nietzche..)

    C’est un bien vaste et long sujet qui est passionnant dès que l’on se plonge dans le genèse de ce genre qui en dit long sur la culture et la notion de l’héroisme..

  2. Beaucoup d’approximation, de manque d’information et de raccourcis dans cet article.

    Captain Biceps, c’est Tebo, pas Zep.

    Mikros et Photonik, super-héros à l’américaine mais made in France en leur temps ont eu des séries publiées pendant plusieurs années.

    Et une dizaine d’exemples de parodie dans le franco-belge ne font pas un “passage obligé”pour plusieurs centaines d’auteurs.

    Et l’anti-américanisme primaire supposé relève plus, à mon avis, de l’hommage humoristique d’auteur élevés au comics que de la dénonciation.

  3. ET que pensez-vous des héros mis en images en 140 secondes sur le http://www.festivalnikon.fr dont la thématique est “Je Suis un Héros” ?

  4. Peut-être devrait-on compter sur Le Patrouilleur désormais. ^^

    http://le-patrouilleur.blogspot.com

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