Depuis quelques années, un manga fait exploser les ventes de vins français au Japon.
Comment faire pour augmenter fortement les ventes de vin au Japon? Une grande campagne de pub, centrée autour d’Alain Delon ou de Jean Réno? Des dégustations avec de fins oenologues organisées dans les alliances françaises, les instituts et autres centres culturels du ministère des Affaires Etrangères? Que nenni! Depuis quelques années, dans l’archipel nippon, le meilleur ambassadeur des vignobles français est… un manga. Et il n’est pas l’oeuvre d’auteurs français mais de mangakas japonais.
Les Gouttes de Dieu, (Kami no Shizuku en japonais) raconte les aventures de Shizuku Kanzaki, le fils d’un oenologue mondialement célèbre qiu vient de mourir. Dans son testament, son père décrit douze grands vins, les douze apôtres, et surtout un treizième vin idéal, les Gouttes de Dieu. Pour pouvoir toucher son héritage, Shizuku doit partir à la recherche de ces différents vins à travers le monde. Et histoire d’ajouter un peu de piquant, il est en concurrence avec Issei Tomine, un jeune oenologue que son père a adopté une semaine avant de mourir.
La trame de ce manga dessiné par Shu Okimoto et scénarisé par Tadashi Agi (un pseudo qui cache en fait un frère et une soeur co-scénaristes) est assez classique : une quête à tiroirs à accomplir (les 13 vins des Gouttes de Dieu jouent le même rôle que les 7 boules de cristal de Dragon Ball), une rivalité insoluble (comme dans Pokémon), une histoire de famille emberlificotée… Tout ceci tient presque du lieu commun du manga, d’autant que le genre du manga culinaire est également très développé et régulièrement traduit en français. Dernier en date, J’aime les sushis, paru chez Delcourt en septembre.
L’intérêt des Gouttes de Dieu, c’est de réussir le tour de force de transposer tous ces codes du manga à un univers aussi éloigné de la culture japonaise que peut l’être l’oenologie. Et de connaître un succès fou.
Depuis sa sortie en 2004 en Japon, plus de trois millions d’exemplaires des 23 premiers volumes de la série ont été vendus. Il s’en est arraché autant dans les autres pays d’Asie et en France, où les Gouttes de Dieu sont éditées chez Glénat, quelques 400.000 exemplaires des treize premiers épisodes ont été écoulés. Et, histoire d’augmenter son retentissement, le manga a été adapté en série télévisée.
Explosion des ventes de vin
Bien-entendu, les fans des Gouttes de Dieu veulent vérifier par leurs propres papilles si les vins mentionnés dans le manga sont si bons. Avec d’incroyables retombées pour les viticulteurs français qui ont eu la chance d’être cités dans la bande-dessinée. Le Château Mont-Pérat 2001, par exemple, évoqué dans le premier volume de la série, a connu une explosion de la demande qui a entraîné une rupture de stock en quelques jours.
Mieux encore pour le Château Le Puy 2003, consacré dans la série comme un “apôtre”, un des douze vins légendaires de la quête. Le jour de la sortie au Japon de l’épisode télévisé qui révèle cette consécration, “on a reçu autour de 200 commandes du Japon” raconte à l’AFP Jean-Pierre Amoreau, le viticulteur. Le vigneron de 72 ans assure qu’il “a dû stopper immédiatement les ventes dans le monde entier pour éviter la spéculation”. D’après Citizenside, “le prix de la bouteille est passé d’un coup de 18 euros la bouteille… à près de 1 000 dollars en Asie”. En Corée du Sud, le manga est connu et apprécié depuis de longues années. Selon le site Aujourd’hui la Corée, il aurait largement contribué à sa sortie en 2005 à une hausse en valeur des ventes de vin de 30% en un an.
Depuis, le viticulteur bordelais a accueilli de nombreux reportages télé dans son domaine et est devenu une véritable célébrité au Japon. Le manga aura été sa plus belle carte de visite. Il faut dire qu’il a été célébré comme le « Meilleur livre du monde sur le vin » lors du Gourmand World Cookbook Awards 2009, un prix mondialement connu de littérature culinaire et a été déclaré la même année “publication la plus influente en matière de vin de ces vingt dernières années” dans la revue pour amateurs de vins fins The Decanter.
Les Gouttes de Dieu n’est pas le seul manga à écraser des raisins, on trouve aussi Sommelier. Ce manga narre l’histoire d’un jeune sommelier japonais qui refuse le prix de meilleur sommelier de France car il n’a pas trouvé le vin qu’il cherchait. L’histoire se concentre elle plutôt autour des Pinots noirs. Comme pour les séries américaines où les fans traquent les moindres détails, certains sommeliers apprécient la série et s’amusent à chercher toutes les petites erreurs.
Une visite au château de Berusaiyu
Le manga comme meilleur allié de la culture française, ce n’est pas nouveau. Il y a près de 40 ans sortait au Japon le premier tome de Berusaiyu no bara, La Rose de Versailles en français, mieux connu sous le nom de son adaptation en dessin animée : Lady Oscar. Dans le Versailles pré-révolutionnaire, Oscar François de Jarjayes est nommé capitaine des gardes de la Reine Marie-Antoinette. Mais derrière ce nom masculin se cache une femme, que son père, désespéré d’avoir eu six filles et aucun garçon, a décidé d’élever comme un homme. Ce manga, extrêmement fin d’un point de vue psychologique, s’assied en revanche quelque peu sur l’histoire de France. Mais comme disait Alexandre Dumas, “qu’importe violer l’Histoire si c’est pour lui faire de beaux enfants”. En l’occurrence, la bande-dessinée au grand succès (elle a été adaptée en comédie musicale, en dessin animé donc, mais aussi en un film réalisé par… Jacques Demy) a permis de mieux faire connaître aux Japonais l’un des grands monuments de l’Histoire de France. Si on voit autant depuis d’appareils photos au château de Versailles, c’est peut-être un peu à cause d’Oscar.
Laureline Karaboudjan
Illustration : Extrait des Gouttes de Dieu, DR.
J’adore ce manga :-))) merci aux créateurs!
Question, les caves françaises se sont elles adresser aux auteurs pour faire de la pub comme certaines marques payent pour être présentes dans les blockbusteurs ?
A priori ce n’est pas le cas et les cavistes ont été justement tout étonnés de se voir cités dans ce manga.
[…] manie à la perfection les histoires pédagogiques. On peut tout apprendre avec les mangas, de l’oenologie à la cuisine des sushis en passant par l’histoire de l’Egypte antique. Notons que […]
j’adore les mangas 🙂
Sa déchire les mangas , je lis que ça et je regarde que ça lol. Merci !!!
Connaissez-vous un site avec des mangas ?